Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1C_487/2023
Arrêt du 7 octobre 2024
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président,
Chaix et Haag.
Greffière : Mme Rouiller.
Participants à la procédure
Commune de Lancy,
Conseil administratif, route du Grand-Lancy 41, 1212 Grand-Lancy 1,
représentée par Me Steve Alder, avocat,
recourante,
contre
Conseil d'État de la République et canton de Genève, représenté par Me Tobias Zellweger, avocat,
Objet
entretien et réfection d'un passage routier,
recours contre le jugement de la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 18 juillet 2023
(A/1596/2022-DOMPU ATA/780/2023).
Faits :
A.
Suite à un réaménagement routier et à l'arrivée de l'autoroute de contournement de Plan-les-Ouates (GE), trois passages routiers ont été construits afin de franchir les voies de chemin de fer: l'ouvrage d'art (ci-après: OA) n
o 4020 (passage supérieur voie latérale Est), l'OA n
o 4021 (raccordement au viaduc de la voie centrale) et l'OA n
o 4022 (passage supérieur voie latérale Ouest). L'OA n
o 4020 et l'OA n
o 4022 relient la route des Jeunes à la route de Saint-Julien.
Ces trois OA sont construits au-dessus des parcelles n
os 4385, 4396, 4404 et 4834 de la commune de Lancy, lesquelles font partie de son domaine public communal.
Ces OA franchissent également la parcelle n
o 5203 appartenant aux Chemins de fer fédéraux (ci-après: CFF). Dans ce cadre, trois conventions avaient été conclues entre l'État de Genève et les CFF. Elles prévoyaient notamment que le canton était le maître d'ouvrage (art. 3) et qu'il prenait intégralement en charge le coût des travaux (art. 7). Chacune de ces conventions désignait aussi le canton comme propriétaire du nouveau passage supérieur comprenant la structure porteuse, le tablier, les appuis, les piles, les culées, les murs, ses équipements et ses accès routiers (art. 8) et comme responsable de l'entretien et du renouvellement de l'ouvrage, ainsi que des accès routiers dont il deviendra propriétaire (art. 9).
B.
En juin 2020, un incendie s'est déclaré sous l'OA n
o 4020. Une inspection a révélé un défaut de résistance de la structure primaire de l'ouvrage et un projet de remise en état a été établi, qui devait faire l'objet d'une autorisation de construire.
Dans ce cadre, l'office cantonal du génie civil (ci-après: OCGC) a demandé à la commune de Lancy (ci-après: commune) d'apposer sa signature sur le formulaire de demande d'autorisation de construire en tant que requérante et propriétaire de la chaussée.
La commune a répondu qu'elle pouvait signer en tant que propriétaire des parcelles adjacentes n
os 4404 et 4385, mais pas en tant que requérante dès lors qu'elle n'était pas propriétaire de l'OA.
Plusieurs échanges s'en sont suivis, desquels il ressort que la commune considérait que l'État de Genève était propriétaire de l'OA n
o 4020 et, par conséquent, responsable des frais d'entretien et de réfection y relatifs. L'État de Genève était, inversement, d'avis que le passage supérieur voie latérale Est était une voie publique communale principale et que les travaux y relatifs incombaient par conséquent à la commune.
C.
Le 30 mars 2022, le Conseil d'État a ordonné à la commune de procéder à l'exécution des travaux de remise en état de l'OA n
o 4020 dans un délai de 30 jours.
Le Tribunal administratif de première instance (ci-après: TAPI) a, par jugement du 28 novembre 2022, rejeté le recours de la commune contre cette décision.
Par arrêt du 18 juillet 2023, la Chambre administrative de la Cour de justice (ci-après: Cour de justice) a rejeté le recours formé par la commune contre le jugement du TAPI. Elle a notamment considéré que le litige devait être résolu par le biais du droit cantonal, sans que cela ne remette en cause les obligations de l'État de Genève envers les CFF issues des conventions ou de la loi fédérale sur les chemins de fer (LCdF; RS 742.101). L'OA n
o 4020 devait être qualifié de voie publique communale et la commune était, selon les dispositions légales applicables, appelée à l'entretenir.
D.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, la commune de Lancy demande principalement au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt attaqué en ce sens que la décision du 30 mars 2022 est annulée. Subsidiairement, elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi du dossier à l'instance précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
La Cour de justice s'en rapporte à justice quant à la recevabilité du recours et persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Le Conseil d'État conclut à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. La recourante, puis l'intimé, ont ensuite persisté dans leurs conclusions.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis. La recourante étant une collectivité publique, il convient en premier lieu de s'interroger sur sa qualité pour recourir.
1.1. La qualité pour former un recours en matière de droit public est régie par l'art. 89 LTF. Aux termes de l'alinéa premier de cette disposition, a qualité pour recourir quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a), est particulièrement atteint par la décision attaquée (let. b) et a un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de celle-ci (let. c).
Le droit des collectivités publiques de former un recours en matière de droit public est visé en premier lieu par l'art. 89 al. 2 LTF, dont seule la let. c est susceptible d'entrer en ligne de compte en l'occurrence. Cette disposition confère la qualité pour recourir aux communes qui invoquent la violation de garanties qui leur sont reconnues par la constitution cantonale ou la Constitution fédérale. Est en particulier visée par l'art. 89 al. 2 let. c LTF l'autonomie communale, ancrée au niveau fédéral à l'art. 50 al. 1 Cst. Pour que le recours soit ouvert sur cette base, il faut toutefois que l'autonomie communale fasse l'objet d'un grief recevable, ce qui suppose que la commune recourante l'invoque d'une manière suffisamment motivée (cf. art. 106 al. 2 LTF; ATF 149 I 81 consid. 4.3; 140 I 90 consid. 1.1).
1.1.1. Sur le fond, la commune recourante soutient que l'ordre reçu de l'État de Genève s'agissant de l'exécution des travaux de remise en état de l'OA n
o 4020 viole l'autonomie dont elle jouit dans ce domaine.
Selon l'art. 50 al. 1 Cst., l'autonomie communale est garantie dans les limites fixées par le droit cantonal. Une commune bénéficie de la protection de son autonomie dans les domaines que le droit cantonal ne règle pas de façon exhaustive, mais qu'il laisse en tout ou partie dans la sphère communale, conférant par là aux autorités municipales une liberté de décision relativement importante. L'existence et l'étendue de l'autonomie communale dans une matière concrète sont déterminées essentiellement par la constitution et la législation cantonales (ATF 147 I 136 consid. 2.1; 146 I 83 consid. 2.1; 144 I 193 consid. 7.4.1). L'art. 132 al. 2 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE; RS 131.234) garantit l'autonomie des communes dans les limites de la constitution et de la loi. L'art. 2 al. 1 de la loi genevoise sur l'administration des communes du 13 avril 1984 (LAC; RS GE B 6 05) précise également que l'autonomie communale s'exerce dans les limites de l'ordre juridique et plus particulièrement des compétences cantonales et fédérales, ainsi que du pouvoir de surveillance auquel la commune est soumise.
Dans le canton de Genève, la loi sur les routes du 28 avril 1967 (LRoutes/GE; RS GE L 1 10) classe les voies publiques en voies publiques cantonales et voies publiques communales (art. 4 al. 1 LRoutes/GE). Les premières comprennent les routes cantonales, selon la carte annexée à ladite loi, ainsi que les quais, ponts, places et tunnels (art. 4 al. 2 LRoutes/GE). Les voies publiques communales comprennent les voies qui ne sont pas classées comme voies publiques cantonales ou qui n'appartiennent pas à des propriétaires privés (art. 4 al. 3 1
ère phrase LRoutes/GE;). Le Conseil d'État a, conformément à l'art. 4 al. 4 LRoutes/GE, établi une liste des voies publiques selon la classification précitée (Règlement concernant la classification des voies publiques du 27 octobre 1999 [RCVP/GE]; RS GE L 1 10.03). L'art. 3, Lancy, ch. 4 RCVP/GE classe comme routes communales principales les parties de la route des Jeunes de la limite communale de Carouge à la route de Saint-Julien, soit le tronçon sur lequel se trouve l'OA n
o 4020.
L'entretien des voies publiques cantonales incombe à l'État (art. 19 al. 1 LRoutes/GE), alors que celui des voies publiques communales est à la charge des communes (art. 25 al. 1 LRoutes/GE). Dans les deux cas, l'entretien comprend la mise en état des chaussées et de leurs dépendances, l'entretien des ouvrages d'art et le nettoiement de la chaussée (art. 19 al. 2 et art. 25 al. 2 LRoutes/GE).
1.1.2. Dans ce contexte, on ne perçoit pas en quoi la commune recourante disposerait d'une quelconque liberté de décision - ce qui est le propre de l'autonomie - en lien avec la classification de la route comme voie publique cantonale ou communale, ou concernant la détermination de l'autorité responsable de l'entretien des voies publiques cantonales, respectivement communales. Ces questions sont en effet réglées de manière exhaustive par la loi.
Partant, la recourante ne peut fonder sa qualité pour recourir sur l'art. 89 al. 2 let. c LTF.
1.2. La recourante ne prétend pas non plus que la qualité pour agir devrait lui être reconnue en application de la clause générale de l'art. 89 al. 1 LTF au motif qu'elle serait atteinte dans ses prérogatives de puissance publique ou de manière analogue à un particulier (cf. ATF 141 II 161 consid. 2; 141 I 253 consid. 3.2). Or, cela n'apparaît pas d'emblée évident, de sorte qu'il n'y a pas non plus lieu d'entrer en matière pour ce motif.
1.3. En définitive, les conditions permettant à une collectivité publique de recourir au Tribunal fédéral ne sont pas réalisées. Le recours en matière de droit public est partant irrecevable.
2.
Sur le vu de ce qui précède, le recours en matière de droit public doit être déclaré irrecevable. L'arrêt est rendu sans frais (art. 66 al. 4 LTF) et il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est irrecevable.
2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3.
Il n'est pas alloué de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué à la recourante, ainsi qu'au Conseil d'État et à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève.
Lausanne, le 7 octobre 2024
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Kneubühler
La Greffière : Rouiller