Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
7B_430/2025
Arrêt du 7 octobre 2025
IIe Cour de droit pénal
Composition
MM. les Juges fédéraux Abrecht, Président,
Kölz et Hofmann.
Greffier: M. Hösli.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par Me Raphaël Guisan, avocat,
recourante,
contre
Ministère public de l'arrondissement du Nord vaudois,
p.a. Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD.
Objet
Refus de la qualité de partie plaignante,
recours contre l'arrêt de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 13 mars 2025 (n° 191-PE25.001945-CLR).
Faits :
A.
A.________ (ci-après: la plaignante) est la mère de B.________, née en 2020 (cf. art. 105 al. 2 LTF), dont le père est C.________ (ci-après: le prévenu). Les parents se sont séparés au cours de l'année 2023.
Le 24 janvier 2025, la plaignante a déposé une plainte pénale avec constitution de partie plaignante demanderesse au pénal et au civil. Dans cet acte, elle évoquait soupçonner que le prévenu eût commis des actes sexuels au préjudice de leur fille. L'enfant avait notamment mentionné que son père lui "mangeait le kiki", qu'il lui mettait un doigt dans les fesses et qu'il lui frottait les parties intimes lorsqu'il l'essuyait après le bain. Par courrier du 4 février 2025, la plaignante a indiqué au Ministère public de l'arrondissement du Nord vaudois (ci-après: le Ministère public) que, selon ses estimations, ses prétentions civiles comprendraient un tort moral de 10'000 fr., la couverture de ses frais de suivi par un psychiatre - prise en charge nécessaire pour appréhender sa souffrance en lien avec les faits dénoncés - ainsi qu'un montant correspondant à sa perte de gain liée à la nécessité qu'elle fût en permanence présente pour soutenir sa fille.
Lors de son audition par la police le 6 février 2025, la plaignante a déclaré énormément souffrir du fait qu'en Suisse, des affaires comme la sienne étaient traitées avec peu d'égards par les autorités. La lenteur de la procédure et la répétition des actes dénoncés par sa fille étaient destructeurs pour l'enfance et la vie future de cette dernière. Interrogée par son avocat quant à savoir si cette souffrance était comparable à celle qui résulterait de la perte de sa fille, la plaignante a répondu par l'affirmative. Elle a ajouté qu'elle ne pourrait plus jamais faire confiance à un homme. Selon un rapport du 20 février 2025 rédigé par le Dr D.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, et E.________, psychologue psychothérapeute, thérapeutes de la plaignante depuis respectivement les 13 juillet et 15 novembre 2023, cette dernière souffrait d'une thymie abaissée, d'un manque de confiance en soi, d'un fort sentiment de culpabilité, d'un sentiment de solitude, d'une anxiété caractérisée par des comportements compulsifs, d'une logorrhée et de ruminations en lien avec les procédures judiciaires en cours contre le prévenu. La plaignante manifestait une souffrance importante concernant les suspicions d'abus sexuels sur sa fille, avec un impact notable sur sa santé psychique nécessitant l'intervention des prénommés.
En l'état, B.________ ne connaît pas de trouble somatique ou psychique et ne nécessite pas de soins ou de suivi médical particulier et important en lien avec les faits dont son père est accusé.
B.
Par ordonnance du 14 février 2025, le Ministère public a dénié la qualité de partie plaignante à A.________.
Par arrêt du 13 mars 2025, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: la Chambre des recours pénale) a rejeté le recours formé par la plaignante contre ce prononcé.
C.
Par acte du 12 mai 2025, A.________ interjette un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre cet arrêt, en concluant à sa réforme en ce sens que la qualité de partie plaignante dans la cause PE.25.001945 lui soit reconnue.
Considérant en droit :
1.
La décision déniant à une personne la qualité de partie plaignante dans une procédure pénale constitue à son égard une décision finale au sens de l'art. 90 LTF (arrêts 7B_931/2023 du 24 mai 2024 consid. 1.1; 7B_170/2023 du 15 novembre 2023 consid. 1.2).
Indépendamment des conditions posées par l'art. 81 al. 1 let. b LTF, une personne est habilitée à se plaindre d'une violation de ses droits de partie équivalant à un déni de justice formel, sans toutefois pouvoir faire valoir par ce biais, même indirectement, des moyens qui ne peuvent pas être séparés du fond (ATF 141 IV 1 consid. 1.1; 138 IV 248 consid. 2; 138 IV 78 consid. 1.3). Tel est le cas lorsqu'elle s'est vue refuser le statut de partie plaignante (ATF 141 IV 1 consid. 1.2; arrêt 7B_931/2023 précité consid. 1.1). La recourante a en outre participé à la procédure devant l'autorité précédente et dispose d'un intérêt au recours (cf. art. 81 al. 1 LTF).
Dans la mesure où le recours a été formé contre une décision rendue par une autorité cantonale de dernière instance (cf. art. 80 LTF), en temps utile (cf. art. 100 al. 1 LTF) et dans le respect des formes prévues par la loi (cf. art. 42 LTF), il y a lieu d'entrer en matière.
2.
2.1. La recourante se plaint en premier lieu d'une constatation manifestement inexacte des faits au sens de l'art. 97 al. 1 LTF. La Chambre des recours pénale aurait arbitrairement omis des allégations de la recourante ressortant de son courrier du 4 février 2025 et susceptibles de rendre vraisemblable une souffrance exceptionnelle.
2.2. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 150 IV 360 consid. 3.2.1; 150 I 50 consid. 3.2.7), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais également dans son résultat (ATF 150 IV 360 consid. 3.2.1; 148 IV 409 consid. 2.2; 148 I 127 consid. 4.3). À l'instar des moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, le Tribunal fédéral n'examine un grief d'arbitraire que s'ils ont été expressément soulevés et exposés de manière claire et détaillée (cf. art. 106 al. 2 LTF), les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 150 IV 389 consid. 4.7.1; 150 IV 360 consid. 3.2.1; 150 I 50 consid. 3.3.1).
2.3. Dans son mémoire, la recourante cite extensivement des passages du courrier au Ministère public du 4 février 2025 rédigé par son conseil. Or, l'autorité de recours a bien tenu compte du contenu de cette missive, le transposant dans son essence dans l'état de fait (cf. let. A.d) de son arrêt. La recourante n'explique pas en quoi cette synthèse d'un fait procédural serait erronée, ni ne détaille comment ce prétendu vice pourrait amener à une modification du résultat de l'arrêt querellé. Il s'ensuit que son grief d'établissement arbitraire des faits est irrecevable, faute de motivation suffisante.
3.
3.1. Dans un second grief, la recourante invoque une violation de l'art. 122 al. 2 CPP dans la mesure où la Chambre des recours pénale aurait considéré qu'une souffrance suffisante pour lui conférer la qualité de partie plaignante n'était pas rendue suffisamment vraisemblable. Une souffrance exceptionnelle ressortirait clairement du rapport médical du 20 février 2025 établi par ses thérapeutes.
3.2.
3.2.1. Celui qui entend se constituer partie plaignante doit rendre vraisemblable son préjudice et le lien de causalité entre celui-ci et l'infraction dénoncée (ATF 141 IV 1 consid. 3.1; arrêts 7B_654/2023 du 17 avril 2025 consid. 2.2.2; 7B_59/2022 du 11 février 2025 consid. 2.1.2; 1B_62/2018 du 21 juin 2018 consid. 2.1).
3.2.2. Conformément à l'art. 122 al. 2 CPP, les proches de la victime peuvent faire valoir en procédure pénale des conclusions civiles propres déduites de l'infraction faisant l'objet de ladite procédure. Aux termes de l'art. 117 al. 3 CPP, lorsque les proches de la victime, soit notamment ses père et mère (cf. art. 116 al. 2 CPP), se portent parties civiles contre un prévenu, ils jouissent des mêmes droits que la victime.
Si on ne peut pas exclure a pri ori un d roit des parents de victimes d'abus sexuels à une indemnité pour tort moral, seules des atteintes d'une gravité exceptionnelle peuvent en justifier l'allocation (arrêts 6B_358/2024 du 12 août 2024 consid. 3.1; 7B_931/2023 du 24 mai 2024 consid. 3.2; 7B_170/2023 du 15 novembre 2023 consid. 3.2). Le parent d'un enfant abusé sexuellement doit être touché avec la même intensité qu'en cas de décès de l'enfant (ATF 139 IV 89 consid. 2.4.1; arrêts 6B_358/2024 précité consid. 3.1; 7B_931/2023 précité consid. 3.2; 7B_170/2023 précité consid. 3.2).
3.3. Examinant la potentielle qualité de partie plaignante de la recourante, la Chambre des recours pénale a tout d'abord considéré que le dommage matériel invoqué par cette dernière, soit ses frais médicaux et son manque à gagner allégué, ne pouvait pas faire l'objet d'une prétention civile propre envers le prévenu. S'agissant d'un éventuel tort moral, les juges cantonaux ont retenu que, dans son mémoire de recours, la recourante ne faisait plus état d'une quelconque prétention en réparation du tort moral et
a fortiori ne chiffrait plus celui-ci comme elle l'avait fait précédemment. Ils ont néanmoins procédé à un examen détaillé de la vraisemblance d'une atteinte morale d'une gravité exceptionnelle subie par la recourante, et, tout en reconnaissant sa souffrance, ont nié une telle gravité.
3.4.
3.4.1. La recourante ne critique pas la motivation de la Chambre des recours pénale portant sur so n dommage matériel, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'examiner cette question (cf. art. 42 al. 2 LTF). Seule la question d'un éventuel tort moral, qui fonderait une prétention civile propre de la recourante au sens de l'art. 122 al. 2 CPP, sera donc examinée ci-après.
3.4.2. Sur question de son avocat lors de sa première audition par la police, la recourante a déclaré énormément souffrir d'un manque d'égards par les autorités pour les affaires du type de celle qu'elle avait dénoncée. Ce n'est qu'ensuite d'une question fermée de son avocat lui demandant si cette souffrance était comparable à celle d'avoir perdu sa fille qu'elle a répondu par l'affirmative. La force probante d'une telle déclaration n'apparaît pas suffisante pour retenir sans autre que la recourante serait touchée par les actes dénoncés avec la même intensité qu'en cas de décès de son enfant. Quant au rapport médical du 20 février 2025, il a été rédigé par les thérapeutes de la recourante, de sorte qu'il s'apparente à une expertise privée, qui dispose également d'une force probante réduite (cf. arrêts 7B_222/2025 du 11 juillet 2025 consid. 2.2.3; 7B_121/2022 du 18 juillet 2023 consid. 5.3). En outre, les symptômes dont il fait état - à savoir une thymie abaissée, un manque de confiance en soi, un fort sentiment de culpabilité, un sentiment de solitude, une anxiété caractérisée par des comportements compulsifs, une logorrhée et des ruminations - n'apparaissent pas d'une gravité comparable à ceux ordinairement susceptibles de survenir en raison de la perte par un parent de son enfant.
Il ressort par ailleurs des faits arrêtés par la Chambre de recours que la fille de la recourante ne souffre, en l'état, d'aucun trouble somatique ou psychique et qu'elle ne nécessite pas de soins ou de suivi médical particulier et important en lien avec les accusations portées contre son père. La santé de l'enfant n'apparaît partant pas non plus comme une circonstance de nature à rendre vraisemblable chez sa mère une atteinte d'une gravité exceptionnelle, comparable à celle qui résulterait d'un décès.
3.4.3. Au vu de ce qui précède, l'arrêt attaqué échappe à la critique en tant qu'il nie l'existence chez la recourante d'une atteinte d'une intensité similaire à celle engendrée par la perte d'un enfant et donc une prétention propre en réparation du tort moral qu'elle pourrait faire valoir conformément à l'art. 122 al. 2 CPP.
4.
En conclusion, le recours doit être rejeté.
La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens (cf. art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Ministère public de l'arrondissement du Nord vaudois, à la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud, à B.________, soit pour elle sa curatrice Me F.________, et à C.________, soit pour lui sont défenseur Me G.________.
Lausanne, le 7 octobre 2025
Au nom de la II
e Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Abrecht
Le Greffier : Hösli