Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
4C.111/2006 /ech
Arrêt du 7 novembre 2006
Ire Cour civile
Composition
MM. et Mmes les Juges Corboz, Président, Klett, Rottenberg Liatowitsch, Favre et Kiss.
Greffière: Mme Godat Zimmermann.
Parties
A.________,
B.________,
C.________,
défenderesses et requérantes, représentées par
Me Alain Thévenaz,
contre
la Commune X.________,
demanderesse et opposante, représentée par
Me Jean-Michel Henny.
Objet
révision; preuves concluantes nouvelles (art. 137
let. b OJ),
demande de révision de l'arrêt du Tribunal fédéral
du 21 février 2002 dans la cause 4C.308/2001.
Faits:
A.
A.a Selon le plan général d'affectation de la Commune X.________, le secteur de Z.________ regroupe les parcelles nos 1 à 3, ouvertes à la construction. Dans le but de développer l'urbanisation du village, la commune souhaitait acquérir les biens-fonds nos 1, 2 et 3. A cette fin, elle a passé, les 30 et 31 mars 1994, avec leurs propriétaires respectifs, des promesses de vente et d'achat portant sur la totalité de la parcelle n° 2 et sur une partie de la parcelle n° 1; le 30 mars 1994 également, elle a conclu avec Y.________, né le 7 juillet 1915, une promesse d'échange immobilier, en ce sens que ce dernier céderait à la commune la parcelle n° 3, intégrée en zone à bâtir, et recevrait une partie de la parcelle n° 4, propriété de la commune et située en zone agricole. Les trois promesses d'échange et d'achat/vente comportaient diverses conditions suspensives, dont l'une subordonnait l'exécution de chacune des conventions à celle des deux autres. Ainsi, en particulier, la promesse d'échange souscrite par Y.________ était subordonnée à l'exécution des promesses de vente conclues entre la commune et respectivement les propriétaires des parcelles nos 1 et 2.
Y.________ est décédé le 8 août 1994. Ses héritières sont A.________, B.________ et C.________ ainsi que D.________. Le 29 mars 1995, elles ont, à l'exception de C.________, dénoncé pour lésion et vices du consentement la promesse d'échange immobilier, dont la commune a indiqué, le 2 mai 1995, qu'elle demanderait l'exécution.
Le 10 octobre 1995, la notaire a convoqué les propriétaires pour le 24 octobre 1995, en vue de l'exécution des promesses d'échange et d'achat/vente. Les héritières de Y.________ ne se sont pas présentées, de même que la propriétaire de la parcelle n° 2, qui a relevé qu'en raison du défaut d'avènement d'une des conditions suspensives, il était prématuré de signer l'acte de vente définitif. Ce jour-là, seul l'acte de vente d'une partie de la parcelle n° 1 a été passé entre son propriétaire et la commune.
A.b Par demande du 21 décembre 1995, la commune a conclu notamment à ce qu'il soit ordonné aux hoirs de feu Y.________ de signer les actes nécessaires au transfert de la parcelle n° 3 en échange de 11'914 m2 de la parcelle n° 4, sans soulte. Elle a également conclu à ce que la propriétaire de la parcelle n° 2 soit contrainte de signer les actes nécessaires au transfert de ce bien-fonds, contre le paiement du prix de 200'000 fr.
Par jugement du 21 mars 2001, la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a statué dans le sens des conclusions précitées de la commune.
Les héritières de Y.________, soit ses filles et son épouse, avant que celle-ci ne renonce à son usufruit le 24 juillet 2002, ont alors introduit un recours en réforme au Tribunal fédéral, fondé exclusivement sur le non-avènement de la condition suspensive selon laquelle l'exécution de leur promesse d'échange était subordonnée à celles des deux promesses de vente parallèles.
Par arrêt du 21 février 2002 (cause 4C.308/2001), la cour de céans a rejeté le recours et confirmé le jugement entrepris. Elle a estimé que le système des trois conditions suspensives réciproques, selon lequel chaque promesse, respectivement d'échange et de vente, dépendait de l'exécution des deux autres, ne pouvait être interprété comme le droit, pour l'un des propriétaires, de refuser de s'exécuter si un autre le faisait également, quel que soit le motif de son refus. Ces conditions suspensives croisées devaient être comprises de bonne foi comme permettant à la commune d'acquérir les trois parcelles ensemble pour son projet d'urbanisation, qui perdrait son sens si la collectivité publique ne maîtrisait pas la totalité du terrain nécessaire. Le caractère ferme et irrévocable de ces promesses impliquait que chacune d'elles était exécutable, si les deux autres étaient valables et susceptibles d'exécution. Ainsi, la propriétaire de la parcelle n° 2 ne pouvait invoquer la résiliation de leur promesse d'échange par les propriétaires de la parcelle n° 3 pour ne pas s'exécuter. De même, à leur tour, ces dernières ne pouvaient faire valoir le refus de la propriétaire de la parcelle n° 2 pour se soustraire à leurs propres obligations.
En outre, par arrêt du 25 mai 2005 (cause 5P.19/2005), le Tribunal fédéral a rejeté un recours de droit public formé par les requérantes dans le cadre de la procédure d'exécution forcée, de sorte que les mutations sont intervenues au registre foncier dans le courant du second semestre 2005.
B.
A.________, B.________ et C.________ (les requérantes ou les défenderesses) forment une demande de révision. Elles concluent à l'annulation de l'arrêt du Tribunal fédéral du 21 février 2002, à l'admission du recours en réforme contre le jugement de la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 21 mars 2001 et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour complément d'instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants.
La commune propose le rejet de la demande de révision.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
1.1 Les requérantes fondent leur demande de révision sur l'art. 137 let. b OJ. D'après cette disposition, la révision est recevable lorsque le requérant a eu connaissance subséquemment de faits nouveaux importants ou trouve des preuves concluantes qu'il n'avait pas pu invoquer dans la procédure précédente. Contrairement à ce que le texte français des art. 136 et 137 OJ laisse entendre, les motifs de révision ne sont pas des conditions de recevabilité de la demande; en effet, il est évident que si un motif de révision est réalisé, la demande n'est pas simplement recevable, mais doit être admise. Pour que le Tribunal fédéral puisse connaître d'une demande de révision, il suffit donc que le requérant prétende que les conditions posées aux art. 136 ou 137 OJ sont réunies et que son mémoire réponde aux exigences formelles de la loi (ATF 96 I 279 consid. 1; 81 II 475 consid. 1; arrêt 4C.270/2004 du 10 novembre 2004, consid. 1.1).
1.2 Pour les cas prévus à l'art. 137 OJ, la demande de révision doit être présentée au Tribunal fédéral, sous peine de déchéance, dans les nonante jours dès la découverte du motif de révision (art. 141 al. 1 let. b OJ). Il s'agit là d'une question qui relève de la recevabilité, et non du fond (ATF 81 II 475 consid. 1 p. 477/478; 76 I 130 consid. 2 p. 135/136), au contraire de celle de savoir si le requérant a tardé à découvrir le motif de révision invoqué, qui doit s'apprécier notamment à l'aune du principe de la bonne foi.
La découverte du motif de révision implique que le requérant a une connaissance suffisamment sûre du fait nouveau pour pouvoir l'invoquer, même s'il n'est pas en mesure d'en apporter une preuve certaine; une simple supposition ne suffit pas (ATF 95 II 283 consid. 2b p. 286; arrêt 4P.102/2006 du 29 août 2006, consid. 4.1). S'agissant plus particulièrement d'une preuve nouvelle, le requérant doit pouvoir disposer d'un titre l'établissant ou en avoir une connaissance suffisante pour en requérir l'administration (Poudret, COJ V, n.1.2, p. 60).
Selon l'opposante, les requérantes ont laissé périmer leur droit d'introduire une demande de révision, car elles ont agi plus de nonante jours après une communication du médecin traitant de feu leur père, leur indiquant qu'il était désormais prêt à ne plus leur opposer le secret médical, à la suite d'une détermination du médecin cantonal à son égard.
Cette opinion ne saurait être partagée. La seule disparition d'un obstacle - la volonté d'invoquer le secret médical - ne permettait pas aux requérantes de connaître le sens de la déposition éventuelle du médecin traitant, par conséquent de juger de l'opportunité de le faire entendre ou non pour établir l'absence de discernement de leur père au moment de la conclusion de la promesse d'échange du 30 mars 1994. Les requérantes n'ont été suffisamment informées que lorsqu'elles ont reçu un rapport médical complet traitant de cette question, qui leur est parvenu le 6 février 2006. Dans ces conditions, le dies a quo déterminant n'est pas la date du 17 ou 18 novembre 2005, mais bien celle du 7 février 2006, de sorte que la demande de révision, introduite le 3 avril 2006, est intervenue en temps utile.
1.3 Parties à la procédure ayant abouti à l'arrêt mis en cause, les requérantes bénéficient de la qualité pour agir. Au surplus, la révision est subordonnée à l'existence d'un intérêt. Le requérant doit avoir un intérêt actuel et réel à la modification de l'arrêt, laquelle doit être propre à lui procurer le succès escompté (ATF 114 II 189 consid. 2 p. 190). Par exemple, la condition de l'intérêt actuel n'est pas réalisée dans le cas d'une demande de révision contre un arrêt d'extradition lorsque celui-ci a été exécuté et que le requérant a été condamné à l'étranger (Poudret, op. cit., n. 4, p. 11).
En l'espèce, l'arrêt dont la révision est requise a fait l'objet de décisions d'exécution de la part des autorités cantonales compétentes; la procédure s'est achevée par l'arrêt du Tribunal fédéral du 25 mai 2005, dont l'expédition complète a été reçue par les parties au début septembre 2005. Dès lors que l'exécution a été opérée il y a plus d'un an, par l'inscription des mutations nécessaires au registre foncier, il convient d'examiner si cette circonstance prive de son intérêt actuel la demande en révision.
A cet égard, seules sont intervenues des mutations au registre foncier; l'opposante n'allègue pas avoir accompli un quelconque acte matériel en sa qualité de nouvelle propriétaire de la parcelle reçue en échange. Ainsi, si la demande de révision était admise et que les défenderesses obtenaient finalement gain de cause dans la procédure au fond, il suffirait de procéder à des radiations et à de nouvelles inscriptions au registre foncier. Dans ces conditions, il n'apparaît pas que la nature de l'affaire s'oppose à la demande de révision, de sorte que l'existence d'un intérêt actuel et réel des requérantes à la modification de l'arrêt attaqué doit être constatée. Sous cet angle également, la demande est recevable.
1.4 Enfin, la demande de révision satisfait aux exigences de motivation posées à l'art. 140 OJ.
2.
A l'appui de leur demande de révision, les requérantes invoquent un moyen de preuve nouveau, soit le certificat établi le 3 février 2006 par le médecin traitant de feu leur père, lequel serait propre à démontrer un fait nouveau, soit l'absence de discernement de Y.________ lors de la signature de l'acte du 30 mars 1994.
2.1 Sont «nouveaux» au sens de l'art. 137 let. b OJ, les faits qui se sont produits jusqu'au moment où, dans la procédure principale, des allégations de faits étaient encore recevables, mais qui n'étaient pas connus du requérant malgré toute sa diligence. En outre, les faits nouveaux doivent être importants, c'est-à-dire qu'ils doivent être de nature à modifier l'état de fait qui est à la base de l'arrêt entrepris et à conduire à un jugement différent en fonction d'une appréciation juridique correcte. Les preuves, quant à elles, doivent servir à prouver soit les faits nouveaux importants qui motivent la révision, soit des faits qui étaient certes connus lors de la procédure précédente, mais qui n'avaient pas pu être prouvés, au détriment du requérant. Si les nouveaux moyens sont destinés à prouver des faits allégués antérieurement, le requérant doit aussi démontrer qu'il ne pouvait pas les invoquer dans la procédure précédente. Une preuve est considérée comme concluante lorsqu'il faut admettre qu'elle aurait conduit le juge à statuer autrement s'il en avait eu connaissance dans la procédure principale. Ce qui est décisif, c'est que le moyen de preuve ne serve pas à l'appréciation des faits seulement, mais à l'établissement de ces derniers. Ainsi, il ne suffit pas qu'un nouveau rapport médical donne une appréciation différente des faits; il faut des éléments de fait nouveaux, dont il résulte que les bases de la décision entreprise comportaient des défauts objectifs. Pour justifier la révision d'une décision, il ne suffit pas que le médecin ou expert tire ultérieurement, des faits connus au moment du jugement principal, d'autres conclusions que le tribunal. Il n'y a pas non plus motif à révision du seul fait que le tribunal paraît avoir mal interprété des faits connus déjà lors de la procédure principale. L'appréciation inexacte doit être la conséquence de l'ignorance ou de l'absence de preuve de faits essentiels pour le jugement (ATF 127 V 353 consid. 5b p. 358 et les arrêts cités).
2.2 Les requérantes produisent le rapport établi par le médecin traitant de feu leur père, soit un document de trois pages dressé le 3 février 2006 et reçu trois jours plus tard par leur mandataire, qui l'avait demandé le 4 janvier 2006.
Il ressort notamment de ce certificat que, dans le cadre d'un traitement contre le cancer, Y.________ avait subi, vingt jours avant la signature de l'acte litigieux, une opération extrêmement lourde, entraînant une atteinte majeure à l'intégrité physique susceptible de causer une grave altération psychique. Cette intervention ne s'était pas imposée uniquement pour des raisons médicales, mais faisait également suite aux réticences de l'assureur maladie de poursuivre une thérapie médicamenteuse; d'après le médecin, ce dernier élément pouvait avoir «causé quelque peine» au patient. Par ailleurs, trois jours après la signature de la promesse d'échange, le promettant avait été victime d'un accident cérébro-vasculaire grave, qui se développait insidieusement depuis plusieurs jours. En conclusion, le médecin estimait que Y.________ n'avait pas, le 30 mars 1994, la capacité de signer un acte important en matière immobilière.
2.3 La première question à résoudre est celle de savoir si les requérantes, qui étaient au courant de la grave opération subie par leur père le 10 mars 1994 et de l'accident cérébro-vasculaire massif intervenu dans la nuit du 2 au 3 avril 1994, avaient pu faire valoir les éléments contenus dans le rapport médical du 3 février 2006 dans la procédure antérieure, en particulier en obtenant la citation du médecin traitant comme témoin, dont le secret professionnel aurait été levé.
Dans la procédure cantonale, le magistrat instructeur avait ordonné au praticien, le 6 juin 1996, la production d'un certificat médical à laquelle le médecin a opposé le secret professionnel. Or, les requérantes, assistées d'un avocat, ont d'entrée de cause capitulé devant le refus du médecin traitant, alors que la démarche requise par le magistrat instructeur était susceptible d'établir l'absence de discernement de leur père, impliquant la nullité de la promesse d'échange, soit une circonstance qui aurait amené le juge cantonal à statuer dans un sens diamétralement opposé à celui adopté dans le jugement du 21 mars 2001. Il faut donc examiner si l'on peut imputer aux requérantes le fait de n'avoir pas insisté, notamment par le biais de leur mandataire d'alors, pour obtenir la levée du secret médical lors de l'instruction de la cause en 1996.
2.3.1 De manière générale, le respect du caractère confidentiel des informations sur la santé constitue un principe essentiel du système juridique de toutes les parties contractantes à la CEDH, au nombre desquelles figure la Suisse. Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, il est capital non seulement pour protéger la vie privée des malades, mais également pour préserver leur confiance dans le corps médical et les services de santé en général. La législation interne doit ménager des garanties appropriées pour empêcher toute communication ou divulgation des données à caractère personnel relatives à la santé qui ne serait pas conforme à l'art. 8 CEDH, garantissant le droit au respect de la vie privée et familiale. Ainsi, le devoir de discrétion est unanimement reconnu et farouchement défendu (Dominique Manaï, Les droits du patient face à la biomédecine, Berne 2006, p. 127 à 129 et les arrêts cités de la Cour européenne des droits de l'homme).
En droit suisse, l'art. 321 ch. 1 CP réprime la violation du secret professionnel, en particulier par le médecin. La révélation ne sera toutefois pas punissable si elle a été faite avec le consentement de l'intéressé ou si, sur la proposition du détenteur du secret, l'autorité supérieure ou l'autorité de surveillance l'a autorisée par écrit (art. 321 ch. 2 CP). L'art. 321 ch. 3 CP réserve les dispositions de la législation fédérale et cantonale statuant une obligation de renseigner une autorité ou de témoigner en justice.
En droit vaudois, l'art. 80 de la loi cantonale sur la santé publique du 29 mai 1985 (LSP) prescrit que les personnes qui exercent une profession de la santé sont astreintes au secret professionnel. Avant la modification législative du 19 mars 2002, cette disposition prévoyait qu'en raison de ce devoir de discrétion, elles ne pouvaient être obligées de révéler les secrets qui leur avaient été confiés ou dont elles avaient eu connaissance dans l'exercice de leur profession, même si elles en étaient déliées par l'intéressé ou par l'autorité compétente. Ainsi, en autorisant les professionnels de la santé à opposer leur secret à des tiers ayant un intérêt digne de protection à en connaître le contenu, l'ancien droit vaudois accordait un large privilège aux professionnels concernés, qui ne pouvaient toutefois s'abriter derrière leur secret que s'ils avaient des raisons fortes et catégoriques pour le faire (Jean Martin/Olivier Guillod, Quelle attitude du praticien quand des instances ou personnes extérieures demandent des renseignements à propos d'un patient? in Colloques et Journées d'étude de l'Institut de recherches sur le droit de la responsabilité civile et des assurances, Lausanne 2002, p. 426).
La situation est plus délicate lorsque, comme en l'espèce, le client du médecin ne peut donner son consentement parce qu'il est décédé. Dans ce cas, le médecin doit s'adresser à l'autorité de surveillance désignée dans chaque canton, soit, dans le canton de Vaud, le Conseil de santé, que seul le professionnel en cause peut saisir (Manaï, op. cit., p. 154; Martin/Guillod, op. cit., p. 430; Jacques Stroun/Dominique Bertrand, Médecin, secret médical et justice, in Médecin et droit médical, 2e éd., p. 168/169). En définitive, la décision de requérir d'être ou non délié du secret professionnel dépend du médecin concerné, qui doit examiner les intérêts contradictoires en présence, étant rappelé que l'autorisation doit être accordée lorsque l'intérêt à la divulgation l'emporte sur celui au maintien du secret, ce qui peut être le cas pour la famille du patient décédé.
Dans ces conditions, la volonté du professionnel en cause, qui peut aussi s'avérer arbitraire, est décisive; seul un revirement de ce dernier permet de résoudre la situation de blocage se présentant lorsque le médecin se trompe sur la pesée des intérêts contradictoires qu'il doit effectuer.
2.3.2 En l'espèce, le médecin traitant a refusé la production d'un certificat médical en juin 1996, ne déférant pas à l'ordonnance du juge instructeur. En ne remettant pas au magistrat les renseignements nécessaires, le médecin traitant a fait comprendre aux requérantes - et à leur avocat précédent- qu'il était inutile, à l'époque, de le citer comme témoin, parce qu'il ne divulguerait pas les faits qu'il leur a finalement révélés dans son rapport du 3 février 2006.
Comme on l'a vu, l'art. 80 LSP, dans sa version en vigueur lors du procès opposant les parties, n'instituait pas une obligation de renseigner du médecin si le patient ou l'autorité de surveillance avait donné son accord. Les requérantes n'avaient dès lors pas les moyens d'écarter l'opposition du médecin traitant de leur père et ne pouvaient ainsi prouver l'absence de discernement du promettant lors de la passation de l'acte du 30 mars 1994. Dans ces conditions, aucun reproche ne peut leur être adressé pour n'avoir pas insisté après le refus de renseigner du médecin traitant au cours de la procédure ayant conduit à l'arrêt de la cour de céans du 21 février 2002.
2.4 Cela étant, le refus opposé par le médecin traitant au magistrat instructeur, respectivement aux défenderesses, a empêché l'administration d'une preuve décisive sur la capacité de discernement de Y.________, qu'il s'agisse de la remise d'un rapport exigée par le juge ou de l'assignation à témoigner à la requête des défenderesses. Comme ces mesures probatoires n'ont pu être exécutées dans la procédure cantonale, la demande de révision ne tend pas à la répétition de l'administration des preuves, ce qui ne constituerait pas un motif de révision.
En attestant que Y.________ se trouvait dans un tel état physique et mental qu'il était incapable de souscrire la promesse d'échange, le rapport médical du 3 février 2006 ne donne pas une appréciation différente des faits, mais apporte des éléments de fait nouveaux, qui laissent apparaître que les bases de la décision de la Cour civile du 21 mars 2001 comportaient un défaut objectif, à savoir l'ignorance d'un fait essentiel pour le jugement. Il s'ensuit que la preuve nouvelle est concluante en ce sens qu'elle était de nature à conduire le juge à statuer autrement s'il en avait eu connaissance dans la procédure antérieure. Le motif de révision de l'art. 137 let. b OJ est dès lors réalisé en l'espèce.
2.5 Il convient encore d'examiner si, sous l'angle de l'art. 2 CC, les requérantes n'ont pas trop tardé dans leur quête d'un nouveau moyen de preuve. En effet, le devoir d'agir conformément aux règles de la bonne foi et l'interdiction de l'abus de droit s'imposent également en droit de procédure civile (ATF 123 III 1 consid. 4d p. 228/229 et les arrêts cités). Dans le cas envisagé par l'art. 137 let. b 2e phrase OJ (découverte de preuves nouvelles), ces principes commandent à l'intéressé de déployer une certaine activité pour trouver les moyens de preuve qui lui avaient fait défaut, sans attendre d'être proche de l'échéance du délai absolu de dix ans fixé par l'art. 141 al. 2 OJ.
Dans son nouveau libellé du 19 mars 2002, l'art. 80 LSP a supprimé la faculté du médecin de refuser de renseigner et/ou de témoigner quand bien même la levée du secret aurait été approuvée par le patient ou l'autorité de surveillance. Seul subsiste actuellement le risque que le médecin, par opiniâtreté, incompétence ou manque d'éthique, refuse de requérir la levée de son secret auprès du Conseil de santé.
En l'espèce, c'est en mai 2003 que les requérantes ont sollicité pour la première fois la levée du secret médical des professionnels de la santé concernés, à commencer par la pharmacienne dont leur père était le client. Le 10 juin 2003, le médecin cantonal a répondu à celle-là que seul le médecin prescripteur pouvait requérir du Conseil de santé la levée de son secret professionnel. Informées de cette exigence, deux des défenderesses ont écrit en décembre 2003 au médecin traitant et au médecin cantonal pour amener le premier à requérir la levée de son secret médical.
Le 10 août 2005, par l'intermédiaire de leur nouveau mandataire, les requérantes ont demandé au Conseil de santé la levée du secret professionnel du médecin traitant. En réponse à cette demande, le médecin cantonal a confirmé, le 3 octobre 2005, que conformément à la pratique rappelée ci-dessus au consid. 2.3.1, seul le médecin traitant pouvait requérir la levée de son secret professionnel; le médecin cantonal ajoutait qu'il avait mis en demeure son confrère de s'expliquer sur «les raisons de son refus persistant». Curieusement, le médecin cantonal, dans sa lettre du 6 octobre 2005 au médecin traitant, a déclaré à ce dernier: «Je souhaite obtenir de vous une détermination écrite, sans justification, spécifiant votre refus, détermination que je transmettrai [aux requérantes].» Le 16 novembre 2005, le médecin traitant a finalement informé les défenderesses qu'il demandait la levée du secret professionnel afin de les renseigner, mais non pour témoigner en justice; sur ce point, il précisait toutefois que, le jour venu, «le Conseil de santé [le] délivrerait du secret médical expressément à cette fin».
Il résulte de cette chronologie qu'aucune inaction ne peut être reprochée aux requérantes après l'entrée en vigueur de l'art. 80 LSP dans sa nouvelle version, qui a amélioré la situation des patients - et en cas de litige, du pouvoir judiciaire - face au corps médical et, de manière plus générale, aux professionnels de la santé. Les requérantes ont attendu environ une année pour procéder à des démarches infructueuses, nécessitant une intervention du médecin cantonal, qui les a renvoyées à agir auprès du médecin traitant, afin que ce dernier sollicite la levée de son secret professionnel, conformément à la pratique cantonale, ce qu'elles ont fait en décembre 2003. Le dossier ne contient pas la réponse du médecin traitant, mais il faut en déduire qu'elle était négative, puisque les requérantes ont été contraintes de constituer un nouvel avocat en été 2005. Ce dernier a entrepris avec diligence diverses démarches, tant auprès du médecin cantonal que du médecin traitant, sans désemparer d'août 2005 jusqu'au 6 février 2006, date de la remise du rapport médical attestant de l'incapacité de discernement de Y.________ lors de la signature de l'acte notarié du 30 mars 1994. De plus, à l'occasion de cette correspondance, le médecin traitant a pris l'engagement, le 16 novembre 2005, de requérir du Conseil de santé, le cas échéant, la levée de son secret professionnel aux fins d'un témoignage devant la juridiction compétente.
Ainsi, entre la notification de l'expédition complète de l'arrêt du 21 février 2002, intervenue le 25 mars 2002, et l'introduction de la demande de révision du 3 avril 2006, il s'est écoulé quatre ans, ce qui représente une durée inférieure à la moitié du délai absolu fixé à l'art. 141 al. 2 OJ.
Eu égard à la complexité de la cause, notamment de l'interprétation de l'art. 80 LSP dans son ancienne et sa nouvelle teneur, de l'opiniâtreté du médecin traitant et du désarroi des défenderesses face à une situation qui a pu leur paraître parfois sans issue, l'écoulement du temps pendant certaines périodes, notamment en 2004 et au premier semestre 2005, n'apparaît pas comme une circonstance exceptionnelle permettant d'admettre un abus de droit de la part des requérantes.
2.6 Sur le vu de ce qui précède, la demande de révision doit être admise, ce qui commande l'annulation de l'arrêt du 21 février 2002.
3.
Lorsqu'il admet une demande de révision, le Tribunal fédéral statue non seulement sur le rescindant, soit la décision d'annulation, mais également sur le rescisoire, qui doit consister en une nouvelle décision sur l'action ou le recours dont il avait été précédemment saisi (art. 144 al. 1 OJ; Poudret, op. cit., n. 1, p. 71). Cependant, cette seconde décision n'est pas possible lorsque l'état de fait demeure insuffisant; dans cette hypothèse, le Tribunal fédéral doit renvoyer la cause à la juridiction inférieure pour instruire et statuer à nouveau (Poudret, op. cit., p. 72).
Dans le cas particulier, il y a lieu d'annuler le jugement cantonal du 21 mars 2001 et de renvoyer la cause à la Cour civile afin qu'elle reprenne la procédure au stade où elle se trouvait avant le prononcé de sa décision. En respectant les formes du droit de procédure civile cantonal, les juges précédents verseront au dossier le rapport du médecin traitant du 3 février 2006 et amèneront les parties à faire entendre comme témoins toute personne capable de déposer sur la capacité de discernement de Y.________ en date du 30 mars 1994, soit par exemple le médecin traitant, la pharmacienne, la notaire et, plus généralement, toute personne qui s'est trouvée en rapport avec le signataire de la promesse d'échange dans les jours qui ont précédé ou suivi l'acte litigieux.
4.
Enfin, d'entente entre les parties où à la requête des défenderesses, il conviendra de demander la révision de l'arrêt 5P.19/2005 dans les délais légaux de l'art. 141 al. 1 OJ, courant dès la réception de l'expédition complète de l'arrêt de ce jour, étant précisé qu'une demande prématurée n'est pas irrecevable (Poudret, op. cit., p. 59 et 60).
5.
Comme le sort de la demande au fond n'est pas scellé, les frais judiciaires seront partagés par moitié entre les requérantes, d'une part et l'opposante, d'autre part. De même, les dépens seront compensés.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
La demande de révision est admise et l'arrêt du 21 février 2002 est annulé.
2.
Le jugement du 21 mars 2001 de la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud est annulé. La cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants.
3.
Un émolument judiciaire de 3'250 fr. est mis solidairement à la charge des requérantes.
Un émolument judiciaire de 3'250 fr. est mis à la charge de l'opposante.
4.
Les dépens sont compensés.
5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 7 novembre 2006
Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière: