Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1C_696/2023
Arrêt du 8 janvier 2024
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Haag, Juge présidant,
Chaix et Müller.
Greffier : M. Parmelin.
Participants à la procédure
A.________, représenté par Me Daniel Trajilovic, avocat,
recourant,
contre
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy.
Objet
Entraide judiciaire internationale en matière pénale au Monténégro,
recours contre l'arrêt de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral du 12 décembre 2023 (RR.2023.34).
Faits :
A.
Le 29 juin 2022, le Ministère public du Monténégro a sollicité l'entraide des autorités helvétiques dans le cadre de la procédure pénale ouverte à l'encontre de A.________ et B.________ du chef de trafic de stupéfiants et des investigations financières menées à leur endroit dans cette procédure sur la base de la loi sur la confiscation des produits des activités criminelles.
Le 11 octobre 2022, le Ministère public de la République et canton de Genève est entré en matière sur la demande d'entraide. Par ordonnance du même jour, il a ordonné le dépôt de la documentation relative aux relations bancaires correspondant aux numéros IBAN mentionnés dans la demande, ouvertes au nom de A.________ auprès de la banque C.________ SA, à Genève, et la saisie conservatoire des avoirs en compte.
Par décision de clôture du 23 février 2023, le Ministère public de la République et canton de Genève a ordonné la transmission, à son homologue monténégrin, de la documentation relative au compte bancaire n° 895262 ouvert au nom de A.________ auprès de la banque C.________ SA, à Genève.
B.
La Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral a rejeté le recours formé par A.________ contre cette décision au terme d'un arrêt rendu le 19 octobre 2022. Les faits décrits dans la demande pouvaient être qualifiés, selon le droit suisse, d'infraction à l'art. 19 al. 1 let. b, c et d et al. 2 let. a LStup; celle de blanchiment d'argent ne saurait être d'emblée exclue vu les reproches de trafic de stupéfiants et les investigations financières menées à l'endroit des prévenus. Il existait en outre un lien de connexité suffisant entre les informations à transmettre et l'état de fait de la procédure dans l'Etat requérant pour admettre la transmission de la documentation bancaire, le devoir d'exhaustivité incombant à l'autorité d'exécution lui imposant de remettre tous les renseignements concernant de près ou de loin les infractions poursuivies. La Cour des plaintes a rejeté la requête de suspension de la procédure d'entraide jusqu'à droit jugé sur la procédure pénale au Monténégro formée par A.________. Le Ministère public avait fait appel du jugement de première instance prononçant l'acquittement du recourant. Les informations fournies par celui-ci sur la date de l'audience d'appel permettaient d'établir que la Cour d'appel de Podgorica avait renvoyé la cause aux premiers juges par prononcé du 19 juin 2023. Les autorités monténégrines n'avaient pas retiré la demande d'entraide, de sorte qu'il y avait lieu d'en achever l'exécution.
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et de renvoyer l'affaire à la Cour des plaintes pour qu'elle suspende la procédure d'entraide judiciaire jusqu'à droit connu sur l'issue de la procédure pénale ouverte au Monténégro. A titre subsidiaire, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué ainsi que de la décision d'entrée en matière, de l'ordonnance d'exécution et de la décision de clôture rendues par le Ministère public de la République et canton de Genève en date des 11 octobre 2022 et 23 février 2023.
Il n'a pas été demandé de réponse.
Considérant en droit :
1.
Selon l'art. 84 LTF, le recours en matière de droit public est recevable à l'encontre d'un arrêt du Tribunal pénal fédéral en matière d'entraide judiciaire internationale si celui-ci a pour objet notamment la transmission de renseignements concernant le domaine secret et s'il concerne un cas particulièrement important (al. 1). Un cas est particulièrement important notamment lorsqu'il y a des raisons de supposer que la procédure à l'étranger viole des principes fondamentaux ou comporte d'autres vices graves (al. 2). Ces motifs d'entrée en matière ne sont toutefois pas exhaustifs et le Tribunal fédéral peut être appelé à intervenir lorsqu'il s'agit de trancher une question juridique de principe ou lorsque l'instance précédente s'est écartée de la jurisprudence suivie jusque-là (ATF 142 IV 250 consid. 1.3). Une violation du droit d'être entendu dans la procédure d'entraide peut également fonder un cas particulièrement important, pour autant que la violation alléguée soit suffisamment vraisemblable et l'irrégularité d'une certaine gravité (ATF 145 IV 99 consid. 1.5).
En vertu de l'art. 42 al. 2 LTF, il incombe à la partie recourante de démontrer que les conditions d'entrée en matière posées à l'art. 84 LTF sont réunies (ATF 139 IV 294 consid. 1.1). En particulier, il ne suffit pas d'invoquer des violations des droits fondamentaux de procédure pour justifier l'entrée en matière; seule une violation importante, suffisamment détaillée et crédible peut conduire, le cas échéant, à considérer que la condition de recevabilité posée à l'art. 84 al. 2 LTF est réalisée (ATF 145 IV 99 consid. 1.5).
La présente espèce porte certes sur la transmission de renseignements touchant le domaine secret. Toutefois, compte tenu des faits à l'origine de la demande, en lien avec un trafic de stupéfiants, et de la nature de la transmission envisagée, limitée à la documentation relative à une relation bancaire, le cas ne revêt en soi aucune importance particulière.
2.
Le recourant soulève une série de griefs d'ordre formel et matériel, en exposant pour chacun d'eux en quoi la présente cause serait particulièrement importante. Il fait en premier lieu valoir qu'il a été acquitté en première instance et que la procédure d'entraide aurait dû être suspendue dans l'attente du jugement d'appel. La Cour des plaintes a rejeté la requête de suspension parce que, d'une part, les autorités monténégrines n'avaient pas retiré la demande d'entraide, en sorte qu'il convenait d'en achever l'exécution, et que, d'autre part, l'appel formé contre le jugement d'acquittement des prévenus rendu en première instance aurait été admis et la cause renvoyée aux premiers juges selon les indications obtenues sur Internet. L'arrêt attaqué s'en tient, sur ce point, à la jurisprudence constante qui veut que seul un retrait formel de la demande d'entraide peut permettre à l'autorité suisse de renoncer à son exécution, en dehors des cas prévus aux art. 5 EIMP (cf. arrêt 1C_584/2018 du 28 décembre 2018 consid. 1.2). Par ailleurs, la Cour des plaintes pouvait tenir compte d'office et sans interpeller le recourant du fait que la Cour d'appel de Podgorica avait tranché l'appel formé contre le jugement d'acquittement des prévenus et renvoyé la cause aux premiers juges, d'autant que le recourant ne conteste pas ce fait, en sorte que l'hypothèse visée à l'art. 5 al. 1 let. a ch. 1 EIMP n'entre pas en considération. Une telle suspension serait contraire au principe de célérité consacré à l'art. 17a EIMP et à l'intérêt public, reconnu par la jurisprudence (ATF 124 II 124 consid. 2d/dd; arrêt 1C_234/2019 du 13 mai 2019 consid. 2.4), lié à une exécution rapide des décisions relatives à l'entraide internationale.
Le recourant voit un motif d'entrée en matière dans le fait que la Cour des plaintes aurait retenu l'infraction de blanchiment d'argent pour admettre que la condition de la double incrimination est satisfaite alors qu'elle ne serait pas visée par la demande d'entraide. Il ne conteste toutefois pas que la condition de la double incrimination est réalisée pour l'infraction à la loi sur les stupéfiants pour laquelle il a été poursuivi et jugé au Monténégro et que cette seule infraction suffit pour accorder l'entraide. Il n'y a en principe pas lieu d'examiner la recevabilité du recours sous l'angle de l'infraction de blanchiment (cf. arrêt 1C_571/2019 du 17 décembre 2019 consid. 4.3). La Cour des plaintes a évoqué cette infraction en lien avec les investigations financières menées à l'encontre des prévenus sur la base de la loi sur la confiscation des produits des activités criminelles dans le cadre de la procédure pénale et la saisie des avoirs bancaires en sorte qu'il n'était pas décisif si elle n'était pas visée dans l'acte d'accusation. Au demeurant, le Ministère public a expressément réservé le principe de spécialité dans sa décision de clôture et ce principe sera rappelé aux autorités monténégrines par l'Office fédéral de la justice lors de la transmission des renseignements requis. Une remise à l'Etat requérant des avoirs déposés sur la relation bancaire litigieuse fondée sur les investigations financières en cours nécessitera le dépôt d'une nouvelle demande des autorités monténégrines pour respecter le principe de la spécialité. Le grief du recourant ne soulève pas non plus sur ce point de question de principe.
Le recourant conteste enfin tout lien de connexité entre le trafic de stupéfiants qui lui est reproché et les avoirs contenus sur son compte bancaire en Suisse. Il se plaint d'un défaut de motivation de l'arrêt attaqué sur ce point. Il ne conteste toutefois pas que la relation bancaire litigieuse est apparue lors des investigations financières menées dans la procédure pénale au Monténégro. Au regard du critère de l'utilité potentielle des moyens de preuve qui prévaut en matière d'entraide judiciaire, la décision attaquée ne consacre pas une violation crasse du principe de la proportionnalité. Il ne s'agit pas d'une question de principe qui justifierait d'entrer en matière.
3.
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être déclaré irrecevable. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge du recourant.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est irrecevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public de la République et canton de Genève, à la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral, et à l'Office fédéral de la justice, Unité Entraide judiciaire.
Lausanne, le 8 janvier 2024
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Juge présidant : Haag
Le Greffier : Parmelin