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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_347/2023  
 
 
Arrêt du 8 janvier 2024  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mme et MM. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz et Hartmann. 
Greffière : Mme Jolidon. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Romain Jordan et Me Alexis Constantacopoulos, avocats, 
recourant, 
 
contre  
 
Commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du canton de Genève, rue Adrien-Lachenal 8, 1207 Genève, 
intimée. 
 
Objet 
Procédure disciplinaire, avertissement, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de 
la République et canton de Genève, Chambre administrative, du 9 mai 2023 (ATA/480/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________ est médecin spécialisé en gynécologie obstétrique FMH. En 2016, il exerçait auprès de l'Institut B.________ (ci-après: l'Institut). 
Le 7 décembre 2016, en raison de fortes douleurs apparues dans le bas-ventre, C.________ s'est rendue en urgence à l'Institut. Elle avait effectué le matin même un test de grossesse, qui s'était révélé positif. D.________, médecin spécialisée en gynécologie obstétrique FMH, l'a reçue et a procédé à une échographie; ses notes de suite relèvent: "utérus vide, un endom[ètre] épais, ovaire RAS, Douglas sans épanchement" et "revoir dans les 48h". L'examen sanguin du 7 décembre 2016 a révélé un taux de bêta-hCG de 423 mUl/ml et celui du 9 décembre 2016 de 963.95 mUI/mI (le taux de bêta-hCG dans le sang double toutes les 48 heures en cas d'une grossesse évoluant normalement). 
La consultation de suivi du 10 décembre 2016 à l'Institut a été assurée par A.________. Celui-ci n'avait pas encore reçu les résultats de l'analyse de la prise de sang effectuée la veille. Ses notes de suite indiquent: "douleurs pelviennes résiduelles en début de grossesse. [P]as de résultat BHCG". Il a exécuté une échographie endovaginale et relaté: "image arrondie hypoechogene de 4 mm: sac gesta[tionnel] ?; pas d'anomalie annexielle visible; pas d'épanchement dans le Douglas", "A revoir dans 4 jours ou gynéco habituel". La mention "doublement" figurait sur les taux de bêta-hCG des 7 et 9 décembre 2016. 
Le 10 décembre 2016 vers minuit, D.________ (recte: C.________) s'est rendue aux urgences de l'hôpital de Nyon en raison de la persistance des douleurs. Après une laparoscopie exploratrice, il a été décidé de procéder à l'ablation d'une trompe. Le rapport du laboratoire du 13 décembre 2016 spécifie: "Le prélèvement comporte une trompe utérine dont la paroi est dissociée par de l'hémorragie en particulier à sa périphérie et vers l'ampoule. [...] La grossesse ne peut donc être ni confirmée ni infirmée en raison de l'importance de l'hémorragie". 
 
B.  
 
B.a. C.________ a saisi la Commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients de la République et canton de Genève (ci-après: la Commission de surveillance) pour se plaindre de sa prise en charge à l'Institut. Elle reprochait à A.________ de, notamment, ne pas avoir diagnostiqué une grossesse extra-utérine et d'avoir même confirmé l'existence d'une grossesse intra-utérine.  
Dans le cadre de l'instruction de la cause, ladite commission a demandé à A.________ la raison pour laquelle il n'avait pas procédé à un Doppler, alors qu'il avait constaté le doublement du taux de bêta-hCG. L'intéressé a répondu avoir effectué un Doppler couleur par échographie vaginale dont il n'avait pas gardé l'image car celle-ci ne montrait rien de particulier "à hCG 900 UI/l". Il a produit un article mettant en cause l'utilité du Doppler dans le diagnostic de grossesse extra-utérine. Par décision du 5 septembre 2022, la Commission de surveillance a prononcé un avertissement à l'encontre de A.________. Elle a retenu que le médecin n'avait rempli qu'imparfaitement son devoir de bonne tenue du dossier médical: celui-ci ne contenait aucune indication de la réalisation du Doppler et des conclusions que A.________ en avait tiré; en revanche, il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir conservé l'image du Doppler, celle-ci étant peu utile "en l'absence de flux". Pour le reste, aucun manquement aux devoirs professionnels ne pouvait lui être reproché, en particulier au regard de la nature d'une grossesse (extra ou intra-utérine) qui est très difficile à déterminer les premiers jours. 
 
B.b. Par arrêt du 9 mai 2023, la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) a rejeté le recours de A.________. Elle a retenu que, par principe, la réalisation d'un examen et le résultat de celui-ci devait figurer au dossier du patient, ce qui n'était pas le cas du Doppler.  
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt du 9 mai 2023 de la Cour de justice et de le réformer en ce sens que la décision du 5 septembre 2022 de la Commission de surveillance est annulée; subsidiairement, de renvoyer la cause à l'autorité précédente pour une nouvelle décision dans le sens des considérants. 
La Commission de surveillance a expressément fait savoir qu'elle n'avait pas d'observations à formuler. La Cour de justice persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Le recours en matière de droit public, déposé en temps utile (art. 100 al. 1 cum 46 al. 1 let. c LTF) et en la forme prévue (art. 42 LTF), par l'intéressé qui a la qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF), à l'encontre d'un arrêt final (art. 90 LTF) rendu, dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF), par une autorité cantonale supérieure de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF), est recevable.  
 
1.2. Toutefois, la conclusion tendant à l'annulation de la décision du 5 septembre 2022 de la Commission de surveillance est irrecevable: en raison de l'effet dévolutif complet du recours auprès de la Cour de justice (art. 67 et 69 de la loi genevoise du 12 septembre 1985 sur la procédure administrative [LPA/GE; RS/GE E 5 10]), l'arrêt de cette autorité se substitue aux prononcés antérieurs (ATF 136 II 539 consid. 1.2).  
 
2.  
Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF), sous réserve des exigences de motivation figurant aux art. 42 et 106 al. 2 LTF relatives aux griefs portant sur la violation des droits fondamentaux (cf. ATF 145 I 121 consid. 2.1). Il y procède en se fondant sur les faits constatés par l'autorité précédente (cf. art. 105 al. 1 LTF), à moins que ces faits n'aient été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (cf. art. 105 al. 2 LTF), ce que la partie recourante doit exposer, de manière circonstanciée. 
 
3.  
L'objet du litige a trait à la violation de l'obligation relative à la tenue du dossier médical du patient et à la mesure disciplinaire infligée au recourant, à savoir un avertissement. 
 
4.  
Le recourant invoque une violation de l'art. 40 de la loi fédérale du 23 juin 2006 sur les professions médicales universitaires (loi sur les professions médicales, LPMéd; RS 811.11). Il estime avoir respecté son devoir relatif à la tenue du dossier médical et met en exergue l'ATF 141 III 363; il souligne que seules les données importantes doivent être inscrites dans le dossier médical et qu'à l'inverse les examens de contrôle n'ont pas à être signalés. Selon lui, le Doppler n'était pas un examen utile pour déterminer si la grossesse était intra ou extra-utérine. En outre, cet examen, effectué au cours de l'échographie endovaginale, représentait un contrôle réalisé par mesure de précaution. ll s'agissait donc d'un acte habituel et il n'y avait pas d'intérêt médical à consigner son résultat négatif dans le dossier médical, dès lors qu'il ne permettait pas d'exclure une grossesse extra-utérine. 
 
4.1. L'obligation de tenir un dossier médical représente un des aspects de la protection des droits des patients au sens de l'art. 40 let. c LPMéd (arrêt 2C_95/2021 du 27 août 2021 consid. 6.3.2).  
L'art. 52 al. 1 de la loi genevoise du 7 avril 2006 sur la santé (LS/GE; RS/GE K 1 03) prévoit que tout professionnel de la santé pratiquant à titre dépendant ou indépendant doit tenir un dossier pour chaque patient. Selon l'art. 53 LS/GE, le dossier comprend toutes les pièces concernant le patient, notamment l'anamnèse, le résultat de l'examen clinique et des analyses effectuées, l'évaluation de la situation du patient, les soins proposés et ceux effectivement prodigués, avec l'indication de l'auteur et de la date de chaque inscription. Ces dispositions, qui précisent les obligations professionnelles découlant de l'art. 40 let. c LPMéd, en énumérant ce que doit contenir un dossier médical, sont compatibles avec le principe de la primauté du droit fédéral qu'il sert ici à interpréter (ATF 149 II 109 consid. 7.3.1 et 12.1 et les arrêts et auteurs cités). 
Le présent cas relève ainsi du droit fédéral et les dispositions de droit cantonal citées ci-dessus sont prises en considération dans l'interprétation du droit fédéral. Le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral reste libre (ATF 149 II 109 consid. 7.3.2). 
Au surplus, l'obligation de tenir un dossier figure à l'art. 12 al. 1 du code de déontologie du 12 décembre 1996 de la Fédération des médecins suisse. 
 
4.2. Le devoir de tenir un dossier médical vise plusieurs objectifs. Le dossier consiste, tout d'abord, en un aide-mémoire essentiel pour le médecin qui veut offrir des soins de qualité à son patient et lui assurer un suivi efficace au fil du temps. Il a, en outre, pour but la communication des informations entre professionnels de la santé habilités à y accéder. Sa lecture permet aussi de se forger une image des compétences du médecin et donc d'évaluer la qualité de l'exercice professionnel de celui-ci. Enfin, le dossier médical joue souvent un rôle essentiel dans le cadre de procédures mettant en cause l'activité du médecin déployée envers un patient (ATF 149 II 109 consid. 12.2).  
 
4.3. La Cour de justice a considéré que tout examen réalisé et le résultat de celui-ci devaient être consignés dans le dossier médical; même s'il s'agissait d'un examen qui en confirmait un premier, cela devait être noté dans le dossier.  
 
4.4. Toute l'argumentation du recourant est fondée sur l'ATF 141 III 363. Cet arrêt ne concerne pas une procédure disciplinaire à l'encontre d'un médecin, mais a trait à la responsabilité contractuelle du médecin; dans ce cadre, il détermine, en se fondant essentiellement sur la doctrine, l'étendue de l'obligation de documentation du médecin. Outre qu'il ne fait pas mention de l'art. 40 LPMéd, cet arrêt ne prend pas en considération le droit cantonal genevois qui doit l'être dans le présent cas. Or, l'art. 53 LS/GE définit de façon très large ce que doit contenir le dossier médical, puisqu'il précise que toutes les pièces concernant le patient doivent s'y trouver; à titre d'exemples, il cite les analyses effectuées et l'évaluation de la situation du patient. A n'en pas douter, un Doppler effectué en complément à une échographie, afin de poser un diagnostic (présence ou absence de grossesse, intra ou extra-utérine), en fait partie. D'ailleurs, le dossier de la patiente fait état de l'échographie et des observations que l'intéressé en a tirées. L'exigence exposée ci-dessus, qui impose de relater "toutes les pièces" au dossier, dictait de procéder de la même façon pour le Doppler. Le fait qu'il ait été négatif ne change rien à ce constat. En effet, il renseignait sur le fait qu'il n'y avait pas de "flux". Au demeurant, le recourant a bien noté au dossier les renseignements "négatifs" qui découlaient de l'échographie, à savoir "pas d'anomalie annexielle visible; pas d'épanchement dans le Douglas". Il devait en aller de même pour le Doppler avec une note "Doppler non significatif" ou "Doppler non relevant", comme l'indique l'arrêt attaqué. Quant à l'utilité de cet examen, que le recourant remet lui-même en cause alors qu'il l'a effectué, elle importe peu à partir du moment où l'examen a été réalisé. De toute façon, déterminer si un examen est utile ou pas relève des faits et le recourant ne soulève pas de grief relatif à la constatation des faits par les juges précédents (cf. supra consid. 2).  
 
4.5. En conclusion, c'est à bon droit que la Cour de justice a estimé que le recourant n'avait pas respecté son obligation en matière de tenue du dossier médical de sa patiente et qu'elle a conclu à une violation de l'art. 40 let. c LPMéd.  
 
5.  
Le recourant a donc manqué à un de ses devoirs professionnels ce qui peut constituer le fondement pour une sanction prononcée sur la base de l'art. 43 LPMéd, dans la mesure où le comportement de la personne concernée est fautif. La faute peut être commise sans intention, par négligence, par inconscience et donc également par simple méconnaissance d'une règle (ATF 149 II 109 consid. 9.2; 148 I 1 consid. 12.2). En omettant d'inscrire l'examen effectué et le résultat obtenu dans le dossier de la patiente, le recourant a commis une faute, ne serait-ce que par négligence. Preuve en est que la Commission de surveillance a déduit de l'absence de référence à cet examen dans le dossier médical que l'intéressé n'avait pas procédé à un Doppler. Le médecin devait d'autant plus être attentif à y relater un maximum d'informations que la patiente s'était initialement rendue en urgence à l'Institut et qu'elle y a été reçue, lors de ses différentes consultations, par des gynécologues différents. De plus, la patiente pouvait demander son dossier médical en tout temps, afin de le transmettre à un gynécologue qui ne pratiquait pas à l'Institut. 
 
5.1. Selon l'art. 43 al. 1 LPMéd, en cas de violation des devoirs professionnels, des dispositions de la loi sur les professions médicales ou de ses dispositions d'exécution, l'autorité de surveillance peut prononcer les mesures disciplinaires suivantes: a. un avertissement, b. un blâme, c. une amende de 20'000 fr. au plus, d. une interdiction de pratiquer sous propre responsabilité professionnelle pendant six ans au plus (interdiction temporaire), e. une interdiction définitive de pratiquer sous propre responsabilité professionnelle pour tout ou partie du champ d'activité.  
 
5.2. Les autorités compétentes disposent d'un large pouvoir d'appréciation dans la fixation d'une sanction disciplinaire. D'une manière générale, le Tribunal fédéral, qui examine l'ensemble de la question d'office (art. 106 al. 1 LTF), s'impose une certaine retenue en la matière, dès lors qu'il s'agit d'apprécier l'adéquation de la sanction prononcée et n'intervient que lorsque l'autorité cantonale a fait un usage insoutenable de la marge de manoeuvre que lui accorde le droit fédéral (ATF 148 I 1 consid. 12.2).  
 
5.3. En l'espèce, la faute est légère, puisque le recourant a uniquement omis de faire état du Doppler réalisé dans le dossier de la patiente. Il ne ressort, en outre, pas du dossier que le recourant aurait des antécédents. En confirmant l'avertissement, qui est la sanction la plus faible énoncée à l'art. 43 LPMéd, on ne saurait considérer que les juges précédents ont fait un usage insoutenable de leur marge d'appréciation.  
 
6.  
Il découle de ce qui précède que le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
Succombant, le recourant doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires du recourant, à la Commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, ainsi qu'à C.________. 
 
 
Lausanne, le 8 janvier 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
La Greffière : E. Jolidon