Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
9C_165/2023
Arrêt du 8 janvier 2024
IIIe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président,
Moser-Szeless et Beusch.
Greffier : M. Feller.
Participants à la procédure
A.________,
recourant,
contre
Service de la taxe d'exemption de l'obligation de servir, rue du Stand 26, 1204 Genève,
intimé.
Objet
Taxe d'exemption de l'obligation de servir, période fiscale 2020 (droit d'être entendu; égalité des armes),
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 10 janvier 2023 (A/1044/2022-TAXE ATA/12/2023).
Faits :
A.
Le 15 octobre 2015, A.________ a été déclaré inapte au service militaire, au service civil et au service de la protection civile, pour des raisons de santé.
Par décision du 28 janvier 2022, confirmée sur réclamation le 23 mars suivant, le Service de la taxe d'exemption de l'obligation de servir de l'Administration fiscale cantonale de la République et canton de Genève a arrêté le solde de la taxe d'exemption de A.________ pour l'année 2020 à 1'058 fr. 25.
B. Le 4 avril 2022, A.________ a recouru contre la décision sur réclamation du 23 mars 2022 auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice). Celle-ci a convoqué les parties et l'Administration fédérale des contributions (ci-après: l'AFC) à une audience de comparution personnelle, qui s'est tenue le 17 novembre 2022 en l'absence de A.________. Par courriers des 21 et 30 novembre 2022, celui-ci a indiqué à la Cour de justice qu'il n'avait pas reçu de convocation à l'audience du 17 novembre précédent et qu'il requérait la fixation d'une nouvelle audience. Par arrêt du 10 janvier 2023, la Cour de justice a rejeté le recours.
C.
A.________ forme un recours en matière de droit public contre cet arrêt, dont il demande l'annulation. Il conclut principalement à ce qu'il ne soit pas assujetti à la taxe d'exemption de l'obligation de servir pour l'année 2020. Subsidiairement, il requiert le renvoi de la cause à la Cour de justice pour nouvelle décision.
L'Administration fiscale genevoise conclut au rejet du recours. L'AFC a renoncé à se déterminer. A.________ s'est encore exprimé sur la réponse de l'Administration cantonale fiscale.
Considérant en droit :
1.
1.1. L'arrêt attaqué est une décision finale (art. 90 LTF), rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF; cf. art. 22 al. 3 et 31 al. 3 de la loi fédérale du 12 juin 1959 sur la taxe d'exemption de l'obligation de servir [LTEO; RS 661]; voir aussi art. 2 de la loi genevoise d'application des dispositions fédérales sur la taxe d'exemption de l'obligation de servir du 14 janvier 1961 [LaTE/GE; rs/GE G 1 05]), dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF). Il ne tombe pas sous le coup de l'une des exceptions prévues à l'art. 83 LTF, étant précisé que l'art. 83 let. i LTF ne s'applique pas aux décisions en matière de taxe d'exemption de l'obligation de servir (arrêt 9C_677/2022 du 17 juillet 2023 consid. 1.1 et la référence). La voie du recours en matière de droit public est ainsi ouverte. Pour le surplus, le recours a été interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 LTF) par le destinataire de l'arrêt attaqué, qui a qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Il est donc recevable.
2.
Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF ), alors qu'il n'examine la violation de droits fondamentaux que si ce grief a été invoqué et motivé par le recourant, conformément au principe d'allégation (art. 106 al. 2 LTF). Dans ce cas, l'acte de recours doit contenir un exposé succinct des droits fondamentaux violés et préciser en quoi consiste la violation (cf. ATF 145 I 121 consid. 2.1). Par ailleurs, le Tribunal fédéral n'est limité ni par l'argumentation de la partie recourante ni par la motivation de l'autorité précédente. Il statue sur la base des faits établis par cette dernière (art. 105 al. 1 LTF).
3.
3.1. Invoquant une atteinte aux art. 8 et 29 al. 1 et 2 Cst. , le recourant se plaint tout d'abord d'une violation de son droit d'être entendu sous l'angle de l'égalité de traitement, parce que la juridiction cantonale a tenu une audience en son absence, le 17 novembre 2022, lors de laquelle les autorités fiscales ont pu s'exprimer oralement, alors que lui n'a pu le faire que par écrit, sur la base du procès-verbal établi à la suite de cette audience. Il fait valoir qu'il n'avait pas reçu la convocation envoyée par courrier B et que le procès-verbal d'audience serait incomplet - celui-ci ne contenant notamment pas les questions posées par la Cour de justice -, de sorte qu'il n'aurait pas été en mesure de prendre position correctement. Selon lui, si la juridiction cantonale avait décidé d'organiser une audience, c'est qu'elle estimait que des déterminations écrites n'étaient pas suffisantes si bien qu'une nouvelle audience aurait dû être tenue.
3.2. La juridiction cantonale a considéré que le droit d'être entendu du recourant et l'égalité de traitement avaient été respectés, dès lors qu'elle s'était fondée sur toutes les pièces contenues dans le dossier auxquelles le recourant avait eu accès et sur lesquelles il avait pu s'exprimer. Elle a en outre retenu que l'audience du 17 novembre 2022 avait été fixée pour ses propres besoins, afin de clarifier des questions techniques et d'ordre général. A cet égard, elle a considéré que le recourant avait été régulièrement convoqué à l'audience précitée par courrier B, tout en constatant qu'aucun élément ne permettait de remettre en cause la déclaration de celui-ci, selon laquelle il n'aurait pas reçu la convocation. Les premiers juges ont également constaté que toutes les réponses données par les autorités (fiscales) avaient été consignées dans le procès-verbal d'audience, lequel avait été adressé au recourant qui s'était exprimé à deux reprises sur son contenu par écrit. Ils ont encore considéré qu'une nouvelle audience impliquerait de faire revenir notamment l'inspecteur de l'AFC depuis Berne pour répondre aux mêmes questions déjà posées, alors que le contenu que le recourant souhaitait détailler en audience (les raisons fondant son objection de conscience) n'était pas pertinent. Ecarter le procès-verbal de l'audience du 17 novembre 2022 relèverait dès lors d'un formalisme excessif.
4.
4.1. Il convient d'abord, à l'instar de la juridiction cantonale, de rappeler que le droit d'être entendu prévu par l'art. 29 al. 2 Cst. ne donne pas le droit à la partie qui l'invoque d'être entendue oralement dans une procédure administrative de nature fiscale (cf. ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 et les références). Toutefois, il y a lieu de distinguer la situation où l'une des parties requiert la tenue d'une audience pour être entendue de celle où c'est le tribunal qui fixe une telle audience, comme en l'espèce. Selon ses constatations, la juridiction cantonale a décidé d'inviter les parties et l'AFC à une audience parce qu'elle entendait clarifier "des questions d'articulation entre les services militaire et civil, et la protection civile". A cet égard, le procès-verbal de comparution personnelle du 17 novembre 2022 comprend les explications de l'AFC notamment sur la procédure d'examen de l'aptitude au service, le service militaire avec restrictions médicales particulières, l'admission au service civil et la démarche qu'aurait dû entreprendre le recourant pour avoir accès au service civil.
Or, comme l'a reconnu la juridiction cantonale, rien ne permet de mettre en doute l'allégation du recourant selon laquelle il n'a pas reçu la convocation à l'audience du 17 novembre 2022 (sur le fardeau de la preuve de la notification d'un acte judiciaire arrêt 2C_761/2021 du 14 juillet 2022 consid. 2.2 et les références), de sorte que son absence à l'audience ne saurait lui être imputée. Sous cet angle, il apparaît contradictoire que la juridiction cantonale admette la nécessité d'une comparution des parties et le défaut du recourant sans sa faute, tout en niant le besoin de reconvoquer les parties, au motif que l'une d'entre elles devrait se déplacer à nouveau depuis Berne pour développer strictement les mêmes questions que celles déjà abordées. A ce sujet, il ressort du procès-verbal d'audience que la situation concrète du recourant a été abordée, en plus de la procédure d'inaptitude au service en tant que telle, si bien qu'on ne saurait exclure que le recourant aurait réagi spontanément aux propos du représentant de l'AFC en demandant à la Cour de justice de poser des questions complémentaires à celui-ci.
4.2. Dans ces circonstances, on constate que le recourant a été placé dans une situation nettement désavantageuse par rapport à la partie adverse, puisqu'il n'a pas pu se déterminer oralement et spontanément sur les déclarations des représentants de l'AFC et de l'Administration fiscale genevoise au sujet de sa situation ni faire poser des questions complémentaires en réaction immédiate à celles-ci. Il n'a pas non plus été en mesure de se prononcer directement sur le compte-rendu de l'audience, en lisant et signant le procès-verbal y relatif comme ont pu le faire les représentants de sa partie adverse et de l'AFC. Une telle manière de procéder porte atteinte au principe de l'égalité des armes, tel qu'il découle du droit à un procès équitable au sens de l'art. 29 al. 1 Cst. et qui requiert que chaque partie se voie offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire (ATF 139 I 121 consid. 4.2.1; 137 IV 172 consid. 2.6; 137 V 210 consid. 2.1.2.1; Gerold Steinmann/Benjamin Schindler/Damian Wyss in Die schweizerische Bundesverfassung, St. Galler Kommentar, 4e éd. 2023, n° 57 ad art. 29 Cst.; Martine Dang/Minh Son Nguyen in Commentaire romand, Constitution fédérale [Cst.], 2021, n° 86 ad art. 29 Cst.).
S'ajoute à cela que si la juridiction cantonale relève que le contenu de son arrêt ne peut se fonder que sur le contenu du procès-verbal, "lequel résume le contenu des réponses fournies", elle n'a cependant pas indiqué les questions qu'elle avait posées. Le recourant ignorait en conséquence le contexte dans lequel les réponses ont été données, de sorte qu'on peut douter qu'il ait pu se déterminer postérieurement par écrit de la même manière que s'il avait été en mesure d'assister à l'audience. La juridiction cantonale aurait donc dû admettre, également sous l'angle du droit d'être entendu, qu'une nouvelle comparution des parties s'imposait.
4.3. En conséquence de ce qui précède, le recours est bien fondé. L'arrêt attaqué doit être annulé et la cause renvoyée à la juridiction cantonale pour qu'elle convoque à nouveau les parties dans le respect du principe de l'égalité des armes et du droit d'être entendu, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs soulevés par le recourant sur le fond de sa cause (cf. ATF 144 V 302 consid. 3.1).
5.
Vu l'issue du litige, les frais judiciaires sont mis à la charge de l'intimé qui succombe (art. 66 al. 1 et 4 a contrario LTF). Le recourant n'étant pas représenté, il ne lui est pas alloué de dépens (art. 68 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis. L'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 1ère section, du 10 janvier 2023 est annulé. La cause est renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la République et canton de Genève.
3.
Il n'est pas alloué de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 1ère section, et à l'Administration fédérale des contributions.
Lucerne, le 8 janvier 2024
Au nom de la IIIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Parrino
Le Greffier : Feller