Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1B_690/2021, 1B_15/2022
Arrêt du 8 février 2022
Ire Cour de droit public
Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux Jametti, Juge présidant, Chaix et Haag.
Greffier : M. Parmelin.
Participants à la procédure
A.________ AG,
recourante,
contre
Tribunal pénal fédéral, Cour des affaires pénales, viale Stefano Franscini 7, 6500 Bellinzone.
Objet
Procédure pénale; requêtes de levée partielle de séquestre; déni de justice,
recours contre les décisions de la Cour des plaintes
du Tribunal pénal fédéral du 20 décembre 2021 (BB.2021.236, BB.2021.238, BB.2021.246, BB.2021.247) et du 13 janvier 2022 (BB.2021.264).
Considérant en fait et en droit :
1.
Dans le cadre d'une instruction pénale ouverte en 2009 entre autres pour des infractions de blanchiment d'argent, le Ministère public de la Confédération a procédé en 2015 au blocage d'un compte bancaire détenu par la société A.________ AG auprès de la banque B.________, à Küsnacht, et ordonné en septembre 2016 le séquestre d'un immeuble de bureaux sis dans cette même localité et appartenant à la même société.
Le Ministère public de la Confédération a engagé l'accusation auprès de la Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral le 20 février 2019. La cause a été enregistrée sous la référence SK.2019.12.
Par jugement du 23 avril 2021, frappé d'appel, dont le dispositif a été communiqué aux parties le même jour, la Cour des affaires pénales a notamment ordonné la confiscation de l'intégralité des valeurs patrimoniales déposées auprès de la banque B.________ à Küsnacht au nom de A.________ AG et la confiscation de l'immeuble de bureaux appartenant à cette société sis à Küsnacht ainsi que des loyers perçus et à percevoir.
Les 15 et 25 juillet et 6 août 2021, A.________ AG a requis de la Cour des affaires pénales la levée partielle du séquestre sur son compte auprès de la banque B.________ pour lui permettre de s'acquitter de factures d'un montant total de 977,40 fr. concernant des frais d'insertion en ligne d'articles en vue de rechercher des locataires pour son immeuble de bureaux sis à Küsnacht.
Le 23 août 2021, A.________ AG a saisi la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral d'un recours pour déni de justice.
Le 24 août 2021, le Président de cette juridiction lui a retourné son écrit au motif que, vu le prononcé du jugement de la Cour des affaires pénales du 23 avril 2021, la Cour des plaintes n'était plus compétente pour traiter de recours relatifs aux requêtes de levées de séquestres dans le cadre de la procédure SK.2019.12.
Par arrêt du 5 octobre 2021, le Tribunal fédéral a admis le recours formé par A.________ AG contre cette décision et a transmis la cause à la Présidente de la Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral pour qu'elle rende une décision motivée et sujette à recours sur la demande de la société des 15 et 25 juillet et 6 août 2021 (cause 1B_463/2021).
Par courrier du 18 octobre 2021 valant décision au besoin, la Juge présidente de la Cour des affaires pénales a invité A.________ AG à lui remettre les informations concernant les baux en cours dans l'immeuble sis à Küsnacht, laissant au surplus entendre qu'elle pourrait envisager la levée du séquestre sur le compte bancaire de la société auprès de la banque B.________ à Küsnacht pour rembourser les frais d'annonce en ligne en vue de la recherche d'un locataire pour l'étage vide de ses occupants et, de manière plus générale, les frais de gestion et de manutention de l'immeuble, qui ne seraient pas couverts par les loyers encaissés pour autant qu'une telle levée ne compromette pas l'exécution de la confiscation dudit compte.
Le 20 octobre 2021, A.________ AG a répondu qu'il n'existait aucun contrat de bail avec C.________ AG ou avec D.________ AG, que la Cour des affaires pénales pouvait se rendre compte des rentrées d'argent provenant des locations en consultant les extraits de son compte bancaire auprès de la banque B.________ à Küsnacht qui lui étaient régulièrement fournis et qu'il n'y avait aucune demande pour les locaux vides en raison du non-paiement des frais d'exploitation et du manque d'entretien de l'immeuble.
Le 6 novembre 2021, A.________ AG a saisi la Cour des plaintes d'un recours pour déni de justice à l'encontre de la Juge présidente de la Cour des affaires pénales qui refusait de statuer sur ses demandes tendant à la levée du séquestre de son compte bancaire auprès de la B.________ à Küsnacht pour régler des factures correspondant à des frais d'entretien et de conciergerie de l'immeuble et à des primes d'assurance à hauteur de 6'633.45 fr. et 2'663.40 fr. Le recours a été enregistré sous la référence BB.2021.236.
La Cour des plaintes a enregistré trois autres recours pour déni de justice émanant de A.________ AG en lien avec des requêtes de levée partielle de séquestre sous les références BB.2021.238, BB.2021.246 et BB.2021.247.
La Juge présidente de la Cour des affaires pénales s'est déterminée dans chacun des dossiers; renvoyant à sa demande d'information du 18 octobre 2021au sujet des baux en cours, elle indiquait n'avoir reçu à ce jour aucun document de sorte qu'il ne saurait y avoir déni de justice ou violation du droit d'être entendu.
Le 4 décembre 2021, A.________ AG a contesté le défaut de collaboration et a renvoyé à diverses écritures adressées en réponse à cette lettre.
Par décision du 20 décembre 2021, la Cour des plaintes a rejeté les recours pour déni de justice dans la mesure de leur recevabilité, après avoir joint les procédures.
Le 27 décembre 2021, A.________ AG recourt auprès du Tribunal fédéral en lui demandant de constater que la décision de la Cour des plaintes n'a aucun effet juridique en raison de l'absence de chose jugée attachée au dispositif du jugement du 23 avril 2021. Elle conclut à l'annulation de cette décision et au renvoi de la cause à la Cour des affaires pénales pour qu'elle rende dans les sept jours une décision sujette à recours concernant ses requêtes de levée partielle de séquestre. Elle requiert l'assistance judiciaire (cause 1B_690/2021).
La Juge présidente de la Cour des affaires pénales et la Cour des plaintes ont renoncé à déposer des observations.
Par décision du 13 janvier 2022, la Cour des plaintes a rejeté sans échange d'écritures le recours pour déni de justice formé à l'encontre de la Cour des affaires pénales le 24 décembre 2021 par A.________ AG et enregistré sous la référence BB.2021.264.
Le 16 janvier 2022, A.________ AG a recouru auprès du Tribunal fédéral contre cette décision en concluant à son annulation et à ce que la Cour des affaires pénales soit enjointe de répondre dans les dix jours par une décision sujette à recours à ses requêtes de levée partielle de séquestre pour lui permettre de s'acquitter des factures d'assurance et d'entretien de son immeuble à Küsnacht. Elle requiert le bénéfice de l'assistance judiciaire ainsi que l'allocation d'une indemnité de procédure de 3'000 francs à la charge de la Confédération. La cause a été enregistrée sous la référence 1B_15/2022.
La Cour des plaintes a produit le dossier de la cause BB.2021.264.
2.
Les recours en matière pénale sont recevables en tant qu'ils portent au fond sur de prétendus dénis de justice de la Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral en lien avec des demandes de levée partielle d'un séquestre (ATF 143 IV 357 consid. 1.1; 136 IV 92 consid. 2.2). Dans la mesure où les griefs évoqués dans chacun des recours se rejoignent, il se justifie de joindre les causes et de statuer dans un seul arrêt (art. 24 PCF, applicable par analogie vu le renvoi de l'art. 71 LTF).
Dans sa décision du 20 décembre 2021, la Cour des plaintes a retenu que la Juge présidente de la Cour des affaires pénales avait donné suite aux requêtes de levée partielle du séquestre formulée par A.________ AG au plus tard dans son courrier du 18 octobre 2021, valant décision au besoin, qui reprend son invitation faite en mai 2021 à l'intéressée de lui transmettre les informations concernant les baux en cours dans l'immeuble en cause. Il n'y avait pas lieu de douter que la Cour des affaires pénales statuerait sans délai sur les requêtes de levée partielle du séquestre à réception des documents demandés. A défaut de déni de justice ou de retard à statuer, les recours devaient être rejetés.
Dans son mémoire de recours, la recourante soutient avoir répondu à douze reprises par voie recommandée à la demande d'information de la Présidente de la Cour des affaires pénales du 18 octobre 2021. Ainsi, aucun contrat de bail n'aurait été conclu avec la société D.________ AG, qui louerait des locaux dans l'immeuble à Küsnacht. Les loyers encaissés auraient été versés sur son compte auprès de la banque B.________ à Küsnacht, comme l'attesteraient les relevés bancaires que cet établissement transmet régulièrement à la Cour des affaires pénales.
La recourante a fait part de ces éléments dans ses observations du 4 décembre 2021, mais la Cour des plaintes a refusé d'en tenir compte, considérant à tort qu'il s'agissait de griefs dirigés contre la décision du 18 octobre 2021 qui auraient dû être allégués à l'appui d'un recours formé contre cette décision et qui étaient tardifs, alors qu'ils ne faisaient que répondre aux observations de la Juge présidente de la Cour des affaires pénales du 30 novembre 2021 qui affirmait n'avoir reçu aucun document en réponse à sa demande du 18 octobre 2021. Ces éléments ressortaient également de l'écriture de la recourante du 20 octobre 2021 adressée à la Juge présidente de la Cour des affaires pénales et présente en copie aux dossiers des causes BB.2021.238 (Act. 7) et BB.2021.247 (Act. 2). La Cour des plaintes devait donc en tenir compte.
La recourante n'a pas contesté la décision du 18 octobre 2021; elle n'avait pas à le faire dès lors qu'elle considérait avoir satisfait aux demandes d'information de la Juge présidente de la Cour des affaires pénales concernant les baux en cours. Si cette dernière ne partageait pas ce point de vue, elle devait rendre une décision au fond sur les requêtes de levée partielle de séquestre formées par la recourante sur la base des éléments qui lui avaient été communiqués. Elle ne pouvait simplement renvoyer à sa décision du 18 octobre 2021 et retenir que la recourante n'avait produit aucun document et refuser d'entrer en matière sur les requêtes. La recourante dénonce ainsi à juste titre un déni de justice formel de la part de la Juge présidente de la Cour des affaires pénales dans son recours du 27 décembre 2021, étant précisé que la question de savoir si elle a satisfait aux demandes d'information requises n'a pas à être tranchée à ce stade. En omettant de le constater, la Cour des plaintes a rendu une décision erronée. Ce constat conduit à l'admission des recours enregistrés dans les causes 1B_690/2021 et 1B_15/2022 dans la mesure où la recourante reprend les mêmes arguments pour conclure à l'existence d'un déni de justice de la part de la Cour des affaires pénales à l'appui de son recours du 17 janvier 2022.
3.
En conséquence de l'admission des recours, les décisions attaquées doivent être annulées et la cause renvoyée à la Juge présidente de la Cour des affaires pénales pour qu'elle statue sur les requêtes de levée partielle de séquestre présentées par la recourante sur la base des éléments fournis par celle-ci en réponse à sa lettre du 18 octobre 2021.
Vu l'issue des recours, la demande d'assistance judiciaire gratuite est sans objet. L'arrêt sera rendu sans frais (art. 66 al. 4 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à la recourante qui a agi seule et qui ne démontre pas avoir passé un temps exceptionnel à la rédaction de ses recours (cf. ATF 129 II 297 consid. 5; arrêt 6B_1125/2016 du 20 mars 2017 consid. 4.2).
Par ces motifs, la Juge présidant prononce :
1.
Les causes 1B_690/2021 et 1B_15/2022 sont jointes.
2.
Les recours sont admis et les décisions attaquées annulées. La cause est renvoyée à la Juge présidente de la Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral pour qu'elle statue sur les requêtes de levée partielle de séquestre présentées par la recourante sur la base des éléments fournis par celle-ci en réponse à sa lettre du 18 octobre 2021.
3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires ni alloué de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué à la recourante, ainsi qu'à la Cour des affaires pénales et à la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral.
Lausanne, le 8 février 2022
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Juge présidant : Jametti
Le Greffier : Parmelin