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«AZA 3» 
4C.371/1999 
 
 
Ie C O U R C I V I L E 
**************************** 
 
 
8 mars 2000 
 
 
Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz, juge, et Pagan, juge suppléant. Greffier: M. Carruzzo. 
 
___________ 
 
 
Dans la cause civile pendante 
entre 
 
 
Christa Günter, à Nyon, défenderesse et recourante, représentée par Me Jacques Micheli, avocat à Lausanne, 
 
et 
 
 
Mission Impossible S.à r.l., à Lausanne, demanderesse et intimée, représentée par Me Elisabeth Santschi, avocate à Pully; 
 
 
 
 
(remise de commerce; demeure de l'acheteur) 
 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent 
les f a i t s suivants: 
 
 
A.- a) Le 13 juillet 1995, Christa Günter et Mission Impossible S.à r.l. (ci-après: Mission Impossible) ont signé une convention aux termes de laquelle la seconde reprenait le fonds de commerce que la première exploitait à Genève, sous la forme d'une boutique de mode de prêt-à-porter, dans des locaux qu'elle sous-louait. 
Christa Günter était décrite, dans ladite convention, comme étant propriétaire du magasin. Elle remettait son commerce vide et sans stock. La vente portait sur le fonds de commerce proprement dit et son prix était fixé à 160 000 fr. Les parties ont soumis leur accord à une condition consistant dans l'établissement d'un nouveau bail en faveur de la société reprenante; à ce défaut, l'acompte de 15 000 fr. payé par celle-ci à la signature du contrat lui serait remboursé. 
La convention était valable jusqu'au 1er septembre 1995 avec prorogation jusqu'au 1er octobre 1995 si le nouveau bail n'était pas conclu dans l'intervalle. 
b) Un différend a surgi entre les parties peu de temps après la signature de la convention. En effet, Mission Impossible estimait avoir été trompée par sa cocontractante, à qui elle reprochait de lui avoir caché le fait qu'elle n'était au bénéfice que d'un bail de sous-location. Finalement, après l'avoir sommée en vain d'exécuter la convention, Christa Günter a signifié à Mission Impossible, par lettre du 6 octobre 1995, qu'elle s'estimait libre de proposer son commerce à des tiers et qu'elle demanderait réparation du dommage subi du fait de l'inexécution de la convention. 
 
 
En réalité, Christa Günter, à la suite du désistement de Mission Impossible, a dû poursuivre l'exploitation de sa boutique, mais dans des conditions différentes. Elle a refusé de restituer les 15 000 fr. d'acompte. 
B.- Le 8 février 1996, Mission Impossible a assigné Christa Günter en vue d'obtenir le remboursement de cette somme avec ses intérêts. Elle a soutenu que la convention du 13 juillet 1995 était entachée de dol ou d'erreur. La défenderesse a conclu, principalement, au rejet de la demande et, reconventionnellement, au paiement de 100 000 fr. plus intérêts, excipant au besoin de la compensation. Ce montant était censé représenter le préjudice qu'elle avait subi en raison du désistement de la demanderesse. 
L'expert judiciaire a indiqué que le prix de vente de 160 000 fr. n'était pas exagéré en 1995 et il a fixé à 60 000 fr. au plus la valeur du "pas-de-porte" en 1997. Selon lui, le dommage éprouvé par la défenderesse se montait ainsi à 100 000 fr. 
Par jugement du 28 septembre 1998, la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté tant la demande principale que la demande reconventionnelle. 
C.- La défenderesse interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral. Elle conclut à l'annulation du jugement cantonal, dans la mesure où il a rejeté sa demande reconventionnelle, et à l'allocation de 100 000 fr. à titre de dommages-intérêts. La demanderesse et intimée a renoncé à se déterminer sur le recours. 
 
 
 
 
C o n s i d é r a n t e n d r o i t : 
 
 
1.- La cour cantonale a qualifié la convention du 13 juillet 1995 de contrat de remise de commerce et elle lui a appliqué les règles de la vente mobilière (art. 184 ss CO). A son avis, l'accord litigieux ne tombait pas sous le coup de l'art. 254 CO et il n'était entaché ni d'erreur ni de dol. Les parties étaient ainsi tenues de le respecter. Or, nonobstant une mise en demeure valable pour le 3 octobre 1995, l'intimée a refusé d'exécuter ladite convention. Aussi la recourante était-elle en droit de renoncer à l'exécution et de réclamer des dommages-intérêts pour cause d'inexécution (dommages-intérêts positifs), conformément à l'art. 107 al. 2, 2e hypothèse, CO, ce qu'elle a fait par lettre du 6 octobre 1995. Tous ces points sont acquis. En effet, l'intimée ne les critique pas, puisqu'elle a renoncé à déposer une réponse, et la recourante s'en prend uniquement aux modalités du calcul des dommages-intérêts positifs. Partant, le Tribunal fédéral restreindra son examen à cette question (cf. art. 55 al. 1 let. c OJ). 
2.- a) aa) En cas d'inexécution, le créancier peut réclamer des dommages-intérêts positifs; il doit être replacé dans la situation patrimoniale qui aurait été la sienne si le contrat avait été exécuté (ATF 123 III 16 consid. 4b p. 22 et les références). 
Le dommage réside dans la diminution involontaire de la fortune nette. Il peut consister dans une réduction de l'actif, une augmentation du passif ou un gain manqué; il correspond à la différence entre le montant actuel du patrimoine et le montant que celui-ci aurait atteint si l'événe- 
 
 
ment dommageable ne s'était pas produit (ATF 120 II 296 consid. 3b p. 298). 
Pour déterminer l'intérêt positif, il convient d'avoir recours à la théorie de la différence, en vertu de laquelle le créancier est dispensé d'effectuer sa propre prestation et peut en imputer la valeur sur les dommages-intérêts dus; cette méthode s'applique aussi, en principe, à la vente ordinaire (ATF 120 II 296 consid. 3b p. 299, 65 II 171 consid. 2 p. 174 s.; Giger, Commentaire bernois, n. 19 à 21 ad art. 191 CO et n. 26 à 32 ad art. 215 CO; Cavin, La vente, l'échange, la donation, in Traité de droit privé suisse, tome VII, 1, p. 58 à 60; Guy Stanislas, Le droit de résolution dans le contrat de vente, Genève 1979, p. 93 à 96). 
Peu importe, au demeurant, de savoir si le vendeur aurait remis son commerce à un autre acheteur ou s'il en aurait poursuivi l'exploitation (voir ATF 120 II 296 consid. 3b p. 300). En cas de demeure du débiteur, le créancier, qu'il soit l'acheteur ou le vendeur, n'a pas l'obligation d'acquérir une nouvelle chose ou de revendre celle qui a été vendue; il s'agit d'un droit dont il est libre d'user ou non et dont le non-exercice ne le prive aucunement de la faculté de faire état de son dommage selon les principes posés par les art. 107 ss CO (ATF 65 II 171 consid. 2 p. 173). 
En outre, le moment déterminant en vue d'établir le dommage résultant de l'inexécution est, en principe, celui où le vendeur a renoncé à l'exécution ou encore, dans le cas d'une vente commerciale, le terme fixé pour l'exécution (cf. ATF 120 II 296 consid. 3b p. 300). 
bb) Pour le vendeur, le dommage peut consister en la différence existant entre le prix contractuel et celui auquel il a revendu la chose de bonne foi, voire, lorsqu'il s'agit d'une marchandise cotée en bourse ou ayant un prix 
 
 
courant, en la différence entre le prix du contrat et le cours de la marchandise en bourse ou le prix courant. Ces éléments sont réputés correspondre à la valeur de la prestation du créancier (ATF 65 II 171 consid. 2 p. 174 s.). 
Le principe est que le vendeur impute sur le prix convenu l'avantage que lui procure le fait qu'il conserve la disposition de la chose, l'indemnité devant correspondre au préjudice réellement subi (Cavin, op. cit., p. 60). 
Si le vendeur ne peut ou ne veut pas revendre la chose, mais que celle-ci conserve une valeur d'usage ou une valeur marchande, cette valeur doit alors être imputée sur l'indemnité. 
cc) Il incombe au vendeur d'établir les éléments concrets de son dommage conformément à l'art. 42 al. 1 CO auquel renvoie l'art. 99 al. 3 CO (cf. ATF 123 III 16 consid. 4d p. 24, 120 II 296 consid. 3b p. 299). 
Il en va de même dans l'hypothèse de l'art. 42 al. 2 CO. Cette disposition, à laquelle l'autorité cantonale pouvait se référer (cf. ATF 120 II 296 consid. 3b p. 299 s.), a pour but d'alléger le fardeau de la preuve, mais elle ne dispense pas le lésé d'alléguer et d'établir, dans la mesure où cela est possible et que l'on peut l'attendre de lui, toutes les circonstances qui militent pour la survenance d'un dommage et qui permettent de l'évaluer. Ainsi, les circonstances alléguées par le lésé devront être de nature à établir suffisamment l'existence du dommage et à rendre perceptible son ordre de grandeur, l'allocation de dommages-intérêts supposant que la survenance du dommage ne constitue pas une simple possibilité mais une quasi-certitude (ATF 122 III 219 consid. 3a et les références). 
 
 
La fixation du préjudice est une question de fait qui relève exclusivement de la compétence du juge cantonal. Statuant comme juridiction de réforme, le Tribunal fédéral examine uniquement si la notion juridique de préjudice a été méconnue ou si des notions de droit quant au calcul du dommage ont été violées (ATF 123 III 241 consid. 3a, 120 II 296 consid. 3b p. 298, 119 II 249 consid. 3a). Il en va de même en cas de recours à l'art. 42 al. 2 CO. Le pouvoir d'estimation élargi que confère cette disposition au juge du fond ne procède pas d'un pouvoir d'appréciation juridique au sens de l'art. 4 CC, susceptible d'être sanctionné dans le cadre d'un recours en réforme (ATF 122 III 219 consid. 3b p. 222). 
b) Selon la cour cantonale, le fardeau de la preuve incombait à la recourante. Or, celle-ci n'avait pas présenté les éléments pertinents permettant de déterminer son préjudice. Par conséquent, elle devait être déboutée des fins de sa demande reconventionnelle. Considérée à la lumière des principes juridiques rappelés ci-dessus, une telle argumentation ne viole ni l'art. 8 CC ni l'art. 42 CO
Le parallèle que la recourante voudrait tirer avec l'art. 337c al. 2 CO n'est pas de mise, car il aboutirait à un renversement du fardeau de la preuve, incompatible avec les principes sus-indiqués. 
Les juges précédents ont admis, à juste titre, que le moment déterminant pour apprécier le dommage était celui où la recourante avait déclaré renoncer à l'exécution du contrat (octobre 1995), de sorte qu'il ne pouvait pas être tenu compte de la situation existant en 1997 du point de vue de la valeur du commerce. Or, relativement à son préjudice, la recourante s'est limitée à se référer à l'avis de l'expert dont les constatations sur la valeur du commerce en 1997 ne pouvaient pas être prises en considération en vue de la détermination du dommage. S'il est vrai qu'il fallait prendre en 
 
 
compte le prix de vente de 160 000 fr., encore était-il nécessaire de connaître, en application de la théorie de la différence, la valeur de la prestation dont la recourante était dispensée. Comme cette dernière avait dû continuer d'exploiter sa boutique, mais dans d'autres conditions, il convenait de déterminer quelle en était la valeur d'usage ou la valeur marchande, afin de pouvoir l'imputer sur l'indemnité due par l'intimée. Toutefois, la recourante n'a présenté aucun élément de fait qui aurait pu permettre d'estimer cette valeur résiduelle et, partant, de cerner son dommage. Elle ne soutient du reste pas, dans son recours en réforme, que les premiers juges n'auraient pas pris en considération ses allégations ni qu'ils auraient omis de faire porter l'administration des preuves sur ces points. D'ailleurs, les constatations de la cour cantonale ne renferment aucune donnée chiffrée au sujet de la poursuite de l'exploitation du commerce après la déclaration d'option faite le 6 octobre 1995 par la recourante. 
Cela étant, les premiers juges, en l'absence d'éléments probants, devaient trancher les points de fait restés douteux ou non établis dans un sens défavorable à la recourante, qui avait la charge de la preuve (cf. Corboz, Le recours en réforme au Tribunal fédéral, in SJ 2000 II p. 1 ss, 39), et admettre que l'intéressée n'avait pas établi un dommage supérieur à l'acompte de 15 000 fr. versé par l'acheteur, l'application de l'art. 42 al. 2 CO étant exclue pour le surplus, faute d'indications précises. En conséquence, la Cour civile n'a enfreint aucun principe de droit fédéral et n'a pas méconnu la notion juridique du dommage en considérant que le préjudice allégué par la recourante n'avait pas été établi. 3.- Le recours ne peut dès lors qu'être rejeté avec suite de frais (art. 156 al. 1 OJ), ce qui entraîne la confirmation du jugement attaqué. 
 
 
L'intimée ne s'étant pas déterminée sur le recours, il n'y a pas lieu de lui allouer des dépens. 
 
 
Par ces motifs, 
 
l e T r i b u n a l f é d é r a l : 
 
 
1. Rejette le recours et confirme le jugement attaqué; 
2. Met un émolument judiciaire de 4000 fr. à la charge de la recourante; 
3. Dit qu'il n'est pas alloué de dépens; 
4. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
______________ 
 
 
Lausanne, le 8 mars 2000 
ECH 
 
Au nom de la Ie Cour civile 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE: 
Le Président, 
 
 
 
 
Le Greffier,