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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
9C_38/2007 
 
Arrêt du 8 avril 2008 
IIe Cour de droit social 
 
Composition 
MM. les Juges U. Meyer, Président, 
Borella et Kernen. 
Greffier: M. Piguet. 
 
Parties 
Office cantonal AI Genève, rue de Lyon 97, 1203 Genève, 
recourant, 
 
contre 
 
S.________, 
intimée, représentée par Me Henri Nanchen, avocat, Boulevard des Philosophes 14, 1205 Genève. 
 
Objet 
Assurance-invalidité, 
 
recours contre le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et Canton de Genève du 10 janvier 2006. 
 
Faits: 
 
A. 
S.________, née en 1958, travaillait à temps partiel en qualité d'aide-ménagère pour le compte de X.________. Souffrant de fibromyalgie, elle a été contrainte de cesser définitivement son activité le 20 janvier 2003. Elle a déposé le 29 janvier 2004 une demande de prestations de l'assurance-invalidité tendant à l'octroi d'une rente. 
Procédant à l'instruction du cas, l'Office cantonal genevois de l'assurance-invalidité (ci-après: l'office AI) a recueilli les avis des médecins traitants et soumis l'assurée à une expertise interdisciplinaire (rhumatologique et psychiatrique) qu'il a confiée au Centre Y.________. Dans leur rapport du 21 mars 2005, les experts ont retenu les diagnostics de fibromyalgie et de dysthymie et estimé, malgré des ressources psychiques réduites, qu'une réadaptation dans un environnement professionnel peu contraignant sur le plan physique avec une présence réduite (4 heures par jour) demeurait exigible. Après avoir soumis ce rapport pour appréciation à son Service médical régional (SMR), l'office AI a, par décision du 8 août 2005, confirmée sur opposition le 23 février 2006, rejeté la demande de prestations, motif pris que l'assuré ne présentait pas d'atteinte à la santé à caractère invalidant. 
 
B. 
S.________ a déféré la décision sur opposition du 23 février 2006 devant le Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève, en concluant à l'octroi d'une rente entière d'invalidité. Au cours de la procédure, le tribunal a interpellé les médecins traitants de l'assurée et sollicité un complément d'expertise psychiatrique auprès du Centre Y.________. Dans un rapport du 9 octobre 2006, ce dernier a retenu les diagnostics de trouble dépressif récurrent, épisode actuellement sévère, et de probable trouble de la personnalité, affections qui n'autorisaient plus l'exercice d'une activité lucrative. Par jugement du 10 janvier 2007, le Tribunal cantonal des assurances sociales a partiellement admis le recours et annulé la décision sur opposition du 23 février 2006. Il a constaté que l'assurée présentait une capacité de travail résiduelle de 50 % dans une activité légère depuis le 20 janvier 2003 en raison de ses douleurs chroniques et de son état psychique et que l'aggravation constatée en octobre 2006 par les experts du Centre Y.________ devait ouvrir une procédure de révision pour la période postérieure à la décision sur opposition. Compte tenu de l'applicabilité de la méthode mixte d'évaluation de l'invalidité et de l'absence d'enquête ménagère, il convenait cependant de renvoyer la cause à l'office AI pour qu'il procède à des mesures complémentaires d'instruction et fixe le degré d'invalidité de l'assurée. 
 
C. 
L'office AI interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement dont il demande l'annulation. 
S.________ conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales en propose l'admission. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
En tant que son dispositif renvoie le dossier à l'administration pour nouvelle décision au sens des considérants, le jugement entrepris doit être qualifié de décision incidente qui ne peut être attaquée qu'aux conditions de l'art. 93 LTF (ATF 133 V 477 consid. 4.2 p. 482). Dans le cas particulier, la juridiction cantonale a constaté que l'intimée présentait depuis le 20 janvier 2003 une capacité résiduelle de travail de 50 % dans une activité légère et déclaré applicable la méthode mixte d'évaluation de l'invalidité, en fixant incidemment les parts respectives de l'activité lucrative et de l'accomplissement des travaux habituels. Sur ces points, le jugement attaqué contient des instructions impératives destinées à l'autorité inférieure qui ne lui laisse plus aucune latitude de jugement pour la suite de la procédure. En cela, l'office AI subit un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière sur son recours (cf. ATF 133 V 477 consid. 5.2 p. 483). 
 
2. 
2.1 Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) peut être formé pour violation du droit selon les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (cf. ATF 130 III 136 consid. 1.4 p. 140). 
 
2.2 Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il peut cependant rectifier ou compléter d'office les constatations de l'autorité précédente si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). 
 
2.3 En ce qui concerne plus particulièrement l'évaluation de l'invalidité, les principes relatifs au pouvoir d'examen développés dans l'ATF 132 V 393 (en relation avec l'art. 132 OJ dans sa version en vigueur du 1er juillet au 31 décembre 2006) continuent à s'appliquer pour distinguer les constatations de fait de l'autorité précédente (qui lient en principe le Tribunal fédéral) de l'application qu'elle fait du droit (question qui peut être examinée librement en instance fédérale). Conformément à ces principes, les constatations de l'autorité cantonale de recours sur l'atteinte à la santé, la capacité de travail de l'assuré et l'exigibilité relèvent d'une question de fait et ne peuvent être contrôlées que sous un angle restreint. Dans la mesure cependant où il en va de l'évaluation de l'exigibilité d'une activité professionnelle au regard de l'expérience générale de la vie, il s'agit d'une question de droit qui peut être examinée librement en instance fédérale; il en va ainsi des conclusions tirées de l'expérience médicale, comme par exemple, la présomption que les troubles somatoformes douloureux ou un autre syndrome semblable dont l'étiologie est incertaine et leurs effets peuvent être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 132 V 65 consid. 4.2.1 et les arrêts cités p. 70, 393 consid. 3.2 et les arrêts cités p. 398). 
 
3. 
3.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 102 V 165; VSI 2001 p. 223 consid. 2b et les références, I 138/98; cf. aussi ATF 127 V 294 consid. 4c in fine p. 298). 
 
3.2 Dans les cas de troubles somatoformes douloureux, il existe une présomption selon laquelle cette atteinte à la santé ou ses effets peuvent être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible. La jurisprudence a étendu cette présomption au diagnostic de fibromyalgie (ATF 132 V 65 consid. 4.2.1 p. 70). Le caractère non exigible de la réintégration dans le processus de travail peut résulter de facteurs déterminés qui, par leur intensité et leur constance, rendent la personne incapable de fournir cet effort de volonté. Dans un tel cas, en effet, l'assuré ne dispose pas des ressources nécessaires pour vaincre ses douleurs. La question de savoir si ces circonstances exceptionnelles sont réunies doit être tranchée de cas en cas à la lumière de différents critères. On retiendra, au premier plan, la présence d'une comorbidité psychiatrique importante par sa gravité, son acuité et sa durée. Peut constituer une telle comorbidité un état dépressif majeur (voir en matière de troubles somatoformes douloureux ATF 130 V 352 consid. 3.3.1 et la référence p. 358). Parmi les autres critères déterminants, doivent être considérés comme pertinents un processus maladif s'étendant sur plusieurs années sans rémission durable (symptomatologie inchangée ou progressive), des affections corporelles chroniques, une perte d'intégration sociale dans toutes les manifestations de la vie et l'échec de traitements ambulatoires ou stationnaires conformes aux règles de l'art (même avec différents types de traitement), cela en dépit de l'attitude coopérative de la personne assurée. En présence d'une comorbidité psychiatrique, il sera également tenu compte de l'existence d'un état psychique cristallisé résultant d'un processus défectueux de résolution du conflit, mais apportant un soulagement du point de vue psychique (profit primaire tiré de la maladie, fuite dans la maladie). Enfin, on conclura à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable (par exemple une discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact) (ATF 132 V 65 consid. 4.2.2 p. 71). 
 
4. 
4.1 Se fondant sur les observations et les conclusions ressortant de l'expertise établie par le Centre Y.________ (rapport du 21 mars 2005), le Tribunal cantonal des assurances sociales a considéré que la fibromyalgie présentée par l'intimée revêtait un caractère invalidant et diminuait à raison de 50 % sa capacité de travail. Bien que l'assurée ne présentait pas de comorbidité psychiatrique relevante, un nombre suffisant de critères jurisprudentiels était en l'espèce rempli. Si l'assurée ne subissait certes pas de perte d'intégration sociale dans toutes les manifestations de la vie, il y avait lieu en revanche d'admettre l'existence d'affections corporelles chroniques (allergies multiples, troubles du sommeil, sensations d'écoeurement avec nausée, constipation importante, aphtose buccale et génitale) et d'un processus maladif s'étendant sur plusieurs années, sans rémission durable. Des éléments biographiques difficiles pouvaient par ailleurs expliquer la détresse émotionnelle exprimée au travers de la symptomatologie douloureuse et conclure dans ce sens à un état psychique cristallisé. D'autres éléments permettaient par ailleurs d'admettre que l'assurée présentait un tel état. Ainsi, le fait que l'expert était persuadé que l'assurée ne tirait aucun profit de sa maladie et que, bien au contraire, elle avait indiqué vouloir reprendre son travail le plus vite possible, permettait d'exclure tout profit secondaire tiré de la maladie. De même, l'assurée n'avait jamais été considérée comme revendicatrice ni cherchant une compensation de ses souffrances. Enfin, si l'adaptation du traitement avait permis une amélioration passagère de l'état psychique, celui-ci s'était nettement péjoré par la suite. 
 
4.2 Le litige porte exclusivement sur le point de savoir si, à la lumière des critères dégagés par la jurisprudence et des faits retenus par la juridiction cantonale, l'assurée était en mesure de fournir, au moment de la décision litigieuse, l'effort de volonté raisonnablement exigible en vue de surmonter les effets de ses douleurs. Bien que présentes depuis de nombreuses années, les affections corporelles chroniques mises en évidence par la juridiction cantonale ne pouvaient raisonnablement être considérées, à défaut d'indice plaidant en faveur d'une interprétation contraire, comme étant de nature à entraîner une limitation de la capacité fonctionnelle de travail ou comme pouvant être à l'origine d'un stress psychologique intense susceptible d'influencer négativement tout effort de volonté raisonnablement exigible. De plus, comme l'a reconnu la juridiction cantonale, l'assurée ne subissait pas de perte d'intégration sociale dans toutes les manifestations de sa vie, puisqu'elle bénéficiait, malgré un retrait social marqué, d'une vie familiale plutôt harmonieuse. Enfin, l'existence d'éléments biographiques difficiles pouvant expliquer la détresse émotionnelle exprimée au travers de la symptomatologie douloureuse ne permettait pas encore de conclure en l'espèce à l'existence d'un état psychique cristallisé. Ainsi que le relève l'office recourant dans son recours - il convient de compléter l'état de fait sur ce point -, le Centre Y.________ a souligné dans son rapport l'inadéquation du traitement médicamenteux administré (sous-dosage) et les perspectives d'évolution favorables sur le plan de la capacité de travail que pouvaient entraîner une prise en charge thérapeutique adéquate et le maintien par l'assurée de contacts sociaux. 
 
4.3 D'un point de vue juridique, il n'y avait pas de raisons suffisantes de considérer que le syndrome fibromyalgique se manifestait, au moment de la décision sur opposition litigieuse, avec une sévérité telle que, d'un point de vue objectif, la mise en valeur complète de la capacité de travail de l'assurée ne pouvait plus être raisonnablement exigée de sa part. Quand bien même le Centre Y.________ a estimé que l'assurée ne possédait pas de ressources propres suffisantes pour pouvoir se sortir de sa situation, la maladie n'avait pas atteint, malgré l'importance alléguée des douleurs, un stade d'évolution suffisant pour que soit reconnu juridiquement une diminution de la capacité de travail de 50 %. Bien fondé, le recours de l'office AI doit être admis. 
 
4.4 Le fait que les adaptations thérapeutiques mises en oeuvre à l'issue de l'expertise n'aient pas apporté le succès escompté (lettre de la doctoresse B.________ du 26 juin 2006) et que les troubles de l'humeur présentés par l'assurée aient connu par la suite une péjoration significative (rapport complémentaire du Centre Y.________ du 9 octobre 2006) ne sont pas des éléments dont il y avait lieu de tenir compte dans le cadre de la présente appréciation, dès lors qu'il s'agissait de circonstances postérieures à la décision litigieuse du 23 février 2006. C'est à cet égard à juste titre que les premiers juges ont invité l'office recourant à ouvrir une procédure de révision pour la période subséquente à la décision sur opposition. 
 
5. 
L'office AI obtient gain de cause. La procédure étant onéreuse, les frais judiciaires sont à la charge de l'intimée qui succombe (art. 66 al. 1, première phrase, LTF en corrélation avec l'art. 65 al. 4 let. a LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est admis et la décision du Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et Canton de Genève du 10 janvier 2006 est annulée. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimée. 
 
3. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et Canton de Genève et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
Lucerne, le 8 avril 2008 
Au nom de la IIe Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président: Le Greffier: 
 
Meyer Piguet