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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
4A_98/2008 
 
Arrêt du 8 mai 2008 
Ire Cour de droit civil 
 
Composition 
M. et Mmes les Juges Corboz, Président, 
Klett et Kiss. 
Greffier: M. Abrecht. 
 
Parties 
X.________ Assurances, 
recourante, représentée par Mes Baptiste Rusconi et François Roux, 
 
contre 
 
Y.________, 
intimée, représentée par Me Jacques Micheli. 
 
Objet 
responsabilité civile du détenteur de véhicule automobile; préjudice ménager, 
 
recours contre le jugement de la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 27 juin 2007. 
 
Faits: 
 
A. 
A.a Y.________, née le 1er janvier 1947, a été victime d'un accident de la circulation le 1er juin 1992. Alors qu'elle se trouvait dans une file, sa voiture a été percutée par celle conduite par A.________, qui la suivait. 
 
Immédiatement après cet accident, elle s'est rendue dans une permanence médicale, où elle a été examinée par le Dr B.________, qui a également procédé à un bilan radiologique. Ce praticien a posé le diagnostic de syndrome cervical sévère post-traumatique, communément appelé « coup du lapin ». 
A.b Après avoir repris son travail le 15 juin 1992, Y.________ a souffert de cervicalgies importantes et a présenté une incapacité de travail totale du 29 avril 1993 jusqu'au 31 mars 1994. 
 
Selon le Dr C.________, qui a effectué un examen radiologique le 1er décembre 1993, le tableau présenté paraissait correspondre essentiellement à des troubles subjectifs avec whiplash cervical associé à une tendomyogélose étagée du membre supérieur gauche, sans signe évident d'atteinte significative du système nerveux central et périphérique. 
A.c V.________ Assurances, assureur LAA de Y.________, lui a octroyé une indemnité pour atteinte à l'intégrité de 9'720 fr. par décision du 4 novembre 1994, ainsi qu'une rente d'invalidité de 20% par décision du 20 août 1997. 
 
Dans un rapport du 8 juin 1998, confirmé dans un courrier au Juge instructeur du Tribunal des assurances du canton de Vaud du 12 octobre 1998, la Dresse D.________ a estimé que la diminution de la capacité de travail de Y.________ en raison des cervico-brachialgies consécutives à l'accident du 1er juin 1992 était de 50% dans son activité de laborantine médicale; elle a émis la même appréciation pour l'activité ménagère. 
 
Sur la base de ce rapport d'expertise, V.________ Assurances et Y.________ ont conclu le 26 mai 1999 une transaction modifiant la décision du 20 août 1997 en ce sens que le degré d'invalidité était porté de 20% à 50%. 
A.d À deux reprises, Y.________ a demandé l'octroi d'une rente de l'assurance-invalidité. Cette prestation lui ayant été refusée, elle a par deux fois recouru en vain jusqu'au Tribunal fédéral des assurances, en tentant sans succès de remettre en cause le degré d'invalidité de 20% qui avait été retenu. 
 
B. 
B.a Par demande du 4 décembre 2001, Y.________ a exercé l'action directe de l'art. 65 LCR contre X.________ Assurances, assureur responsabilité civile de A.________. Devant la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud, elle a conclu au paiement par la défenderesse de la somme de 1'340'117 fr. 30, avec intérêt à 5% l'an dès le 1er juin 1992. Elle réclamait l'indemnisation de la perte de gain, du préjudice ménager et du tort moral qu'elle prétendait avoir subis ensuite de l'accident du 1er juin 1992. La défenderesse a conclu à libération des fins de la demande. 
B.b En cours d'instance, une expertise médicale a été confiée aux Drs E.________et F.________. Dans leur rapport du 20 octobre 2003, les experts ont considéré que la distorsion cervicale et les cervicalgies présentées par la demanderesse étaient en lien de causalité directe avec l'accident du 1er juin 1992. Ils ont constaté que l'état de santé de la demanderesse était compliqué par une aggravation secondaire, apparue dès 1997 en relation avec le syndrome cervical post-traumatique. 
 
Les experts ont estimé la capacité de travail de la demanderesse à 60% dans un travail adapté à la situation médicale. Concernant la capacité ménagère, tenant compte du fait que la demanderesse disposait au moment de l'expertise de la majorité de son temps pour effectuer les tâches ménagères, ils ont retenu une incapacité de 50%, toutes causes confondues; ils ont précisé que cela correspondait au fait que l'expertisée ne pouvait plus effectuer les tâches exigeant un port de charge, une élévation des bras ou une mobilisation de la nuque prolongée. Relevant que l'incapacité ménagère découlant directement de l'accident du 1er juin 1992 était difficile à estimer, en raison de l'aggravation secondaire apparue dès 1997, ils ont conclu à une incapacité ménagère « post accident » de 30%, tenant compte du fait que l'activité ménagère pouvait être fractionnée, avec des temps de repos. 
B.c Statuant par jugement du 27 juin 2007, la Cour civile du Tribunal cantonal a condamné la défenderesse à payer à la demanderesse les sommes suivantes : 
 
- 205'920 fr., avec intérêt à 5% l'an dès le 1er octobre 1999 (à titre de réparation du préjudice ménager effectif); 
 
- 244'404 fr., avec intérêt à 5% l'an dès le 1er juillet 2007 (à titre de réparation du préjudice ménager futur); 
 
- 5'000 fr., avec intérêt à 5% l'an dès le 8 décembre 2001 (à titre de remboursement de frais d'avocat engagés avant le procès); 
 
- 25'000 fr., avec intérêt à 5% l'an dès le 1er juillet 2007 (à titre de réparation du tort moral, après imputation de l'indemnité pour atteinte à l'intégrité de 9'720 fr. versée par l'assureur LAA et d'un montant de 10'000 fr. déjà versé par la défenderesse). 
 
Les juges cantonaux ont rejeté les conclusions de la demanderesse pour le surplus. Ils ont considéré que celle-ci, compte tenu des rentes d'invalidité LAA qu'elle avait perçues et continuerait de percevoir et des revenus qu'elle aurait pu réaliser et pourrait encore réaliser à l'avenir en mettant en oeuvre sa capacité résiduelle de travail, n'avait subi aucune perte de gain effective jusqu'au jour du jugement et ne subissait pas davantage de perte de gain future; par ailleurs, elle n'avait pas introduit et prouvé les éléments qui auraient permis de retenir une perte de rentes AVS et LPP à partir de l'âge de la retraite. 
 
C. 
Agissant par la voie du recours en matière civile au Tribunal fédéral, la défenderesse conclut avec suite de frais et dépens à la réforme de ce jugement en ce sens qu'elle ne doit pas payer à la demanderesse les sommes de 205'920 fr. et 244'404 fr. correspondant à la réparation d'un préjudice ménager effectif et futur, la cause étant renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale. Elle a en outre requis l'octroi de l'effet suspensif au recours, qui a été accordé à titre superprovisionnel par ordonnance du 28 février 2008. L'intimée conclut avec suite de frais et dépens au rejet du recours, dans la mesure où il est recevable. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
1.1 Interjeté par la partie défenderesse qui a partiellement succombé dans ses conclusions libératoires prises devant l'autorité précédente et qui a donc qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF; ATF 133 III 421 consid. 1.1), le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF). Le fait que la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois ait statué en instance cantonale unique et non sur recours (art. 75 al. 2 LTF) ne nuit pas à la recevabilité du recours, dès lors que le délai dont disposent les cantons pour instituer comme autorité cantonale de dernière instance un tribunal supérieur statuant sur recours n'est pas écoulé (art. 130 al. 2 LTF). Portant sur une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours est donc en principe recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes prévues par la loi (art. 42 LTF). 
 
1.2 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (Message du Conseil fédéral concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale, FF 2001 4135, ch. 4.1.4.2; cf. ATF 133 II 249 consid. 1.4.3, 384 consid. 4.2.2) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). La partie recourante qui entend s'écarter des constatations de l'autorité précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées, faute de quoi il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui contenu dans la décision attaquée (ATF 133 III 462 consid. 2.4; 133 II 249 consid. 1.4.3; 133 IV 150 consid. 1.3, 286 consid. 1.4). 
 
En l'espèce, la recourante ne soutient pas que les faits sur lesquels l'autorité précédente a fondé son raisonnement juridique auraient été établis de façon manifestement inexacte. Elle se borne, dans la partie de son recours intitulée « Quelques faits essentiels », à mettre en évidence un certain nombre de constatations figurant dans l'état de fait du jugement attaqué, en relevant que cet état de fait « retient des éléments contradictoires et qui ne sont pas univoques au sujet de la prétendue incapacité ménagère dont souffrirait l'intimée ». La recourante souligne en outre elle-même que son recours est limité à la question de la violation de l'art. 46 CO et des principes développés en application de cette disposition par la jurisprudence du Tribunal fédéral quant à la détermination du préjudice ménager. Elle soutient que le jugement attaqué méconnaîtrait à plusieurs égards la notion de préjudice ménager ainsi que les principes jurisprudentiels applicables à la détermination et au calcul de ce préjudice. 
Dans ces conditions, le Tribunal fédéral conduira son raisonnement juridique sur la base des faits établis par la cour cantonale (art. 105 al. 1 LTF), en examinant librement, s'agissant d'une question de droit (cf. art. 106 al. 1 LTF), si l'autorité cantonale a méconnu la notion de préjudice ménager ou les principes qui en régissent le calcul (ATF 131 III 360 consid. 8.1; cf. consid. 2.6 infra). 
 
2. 
Avant d'examiner la présente cause à la lumière des critiques émises par la recourante contre le jugement de la Cour civile du Tribunal cantonal, il convient de rappeler les principes juridiques applicables en matière de préjudice ménager. 
 
2.1 Si, par suite de l'emploi d'un véhicule automobile, une personne est tuée ou blessée ou qu'un dommage matériel est causé, le détenteur est civilement responsable (art. 58 al. 1 LCR). La loi impose la conclusion d'une assurance de responsabilité civile obligatoire couvrant la responsabilité civile du détenteur et celle des personnes dont il est responsable (art. 63 al. 1 et 2 LCR). Dans la limite des montants prévus par le contrat d'assurance, le lésé peut intenter une action directe contre l'assureur (art. 65 al. 1 LCR). Le mode et l'étendue de la réparation ainsi que l'octroi d'une indemnité à titre de réparation morale sont régis par les principes du code des obligations concernant les actes illicites (art. 62 al. 1 LCR). 
 
En cas de lésions corporelles, la partie qui en est victime a droit au remboursement des frais et aux dommages-intérêts qui résultent de son incapacité de travail totale ou partielle, ainsi que de l'atteinte portée à son avenir économique (art. 46 al. 1 CO). Une lésion corporelle peut porter atteinte non seulement à la capacité de gain, mais également à la capacité de travail, particulièrement à celle concernant les activités non rémunérées, telles que la tenue du ménage ainsi que les soins et l'assistance fournis aux enfants; il est alors question de dommage domestique ou de préjudice ménager (ATF 131 III 360 consid. 8.1; 129 III 135 consid. 4.2.1). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, ce type de préjudice donne droit à des dommages-intérêts en application de l'art. 46 al. 1 CO, peu importe qu'il ait été compensé par une aide extérieure, qu'il occasionne des dépenses accrues de la personne partiellement invalide, qu'il entraîne une mise à contribution supplémentaire des proches ou que l'on admette une perte de qualité des services (ATF 132 III 321 consid. 3.1; 131 III 360 consid. 8.1; 127 III 403 consid. 4b). Ce dommage est dit normatif (ou abstrait), parce qu'il est admis sans preuve d'une diminution concrète du patrimoine du lésé (ATF 132 III 321 consid. 3.1; 127 III 403 consid. 4b). 
 
2.2 Lors du calcul du préjudice ménager, il convient de procéder en trois étapes : il s'agit d'abord d'évaluer le temps que, sans l'accident, le lésé aurait consacré à accomplir des tâches ménagères (cf. consid. 2.3 infra), puis, en partant du taux d'invalidité médicale résultant de l'accident, de rechercher l'incidence de cette invalidité médico-théorique sur la capacité du lésé à accomplir ses tâches ménagères (cf. consid. 2.4 infra), et enfin de fixer la valeur de l'activité ménagère que le lésé n'est plus en mesure d'accomplir (cf. consid. 2.5 infra). 
2.3 
2.3.1 Pour évaluer le temps nécessaire aux activités ménagères, les juges du fait peuvent soit se prononcer de façon abstraite, en se fondant exclusivement sur des données statistiques, soit prendre en compte les activités effectivement réalisées par le lésé dans le ménage; dans le premier cas, ils appliquent des critères d'expérience, de sorte que leur appréciation peut être revue comme une question de droit, bien que, s'agissant d'appréciation, le Tribunal fédéral n'intervienne qu'avec retenue; dans la seconde hypothèse, ils examinent la situation concrète, même s'ils s'aident d'études statistiques pour déterminer dans les faits à quelle durée correspond une activité précise réalisée dans le ménage en cause (ATF 132 III 321 consid. 3.1; 131 III 360 consid. 8.2.1; 129 III 135 consid. 4.2.1; cf. aussi ATF 131 II 656 consid. 6.1; 127 III 403 consid. 4a in fine). 
2.3.2 La jurisprudence considère que l'enquête suisse sur la population active (ESPA; en allemand SAKE), effectuée périodiquement par l'Office fédéral de la statistique, offre une base idoine pour la détermination du temps effectif moyen consacré par la population suisse aux activités ménagères et pour la fixation du temps consacré dans chaque cas individuel (ATF 132 III 321 consid. 3.2 et 3.6; 131 III 360 consid. 8.2.1; 129 III 135 consid. 4.2.2.1 p. 155 s.). Des tables ont été dressées sur cette base (cf. Pribnow/Widmer/Sousa-Poza/Geiser, Die Bestimmung des Haushaltsschadens auf der Basis der SAKE, Von der einsamen Palme zum Palmenhain, in REAS 1/2002 p. 24 ss, 37 ss), dont le juge peut tenir compte dans le cadre de l'application du droit, puisqu'il ne s'agit pas de constater des faits mais d'appliquer des règles d'expérience (ATF 132 III 321 consid. 3.1 131 III 360 consid. 8.2.1; 129 III 135 consid. 4.2.2.1 p. 156). Les dernières tables publiées par l'Office fédéral de la statistique sont celles de 2004 (ci-après: tables ESPA 2004) et ont été publiées en juin 2006 (cf. Jacqueline Schön-Bühlmann, Haushaltschaden : Erste Erfahrungen mit den neuen SAKE-Tabellen 2004, in Personen-Schaden-Forum 2007, p. 77 ss, 77). Elles sont reproduites dans plusieurs publications (cf. Hardy Landolt, Zürcher Kommentar, Band V/1c, 2007, n. 1063 ss ad art. 46 CO; REAS 2/2006 p. 177 ss). 
2.3.3 Le choix de la méthode abstraite, fondée exclusivement sur des données statistiques (cf. consid. 2.3.1 supra), suppose à tout le moins que le juge du fait explique en quoi telle donnée statistique correspond peu ou prou à la situation de fait du cas particulier (ATF 129 III 135 consid. 4.2.2.1 p. 155; arrêt 4C.166/2006 du 25 août 2006, consid. 5.2). Le cas échéant, il convient d'opérer des ajustements en fonction des circonstances concrètes (ATF 129 II 145 consid. 3.1 et les références citées; arrêt 4C.166/2006 du 25 août 2006, consid. 5.2). Par ailleurs, il est clair que seul celui qui, sans l'accident, aurait effectivement accompli des tâches ménagères peut réclamer la réparation de son préjudice ménager (arrêt 4C.166/2006 du 25 août 2006, consid. 5.1). 
 
2.4 Le préjudice s'entend au sens économique; est déterminante la diminution de la capacité de gain s'il s'agit d'indemniser une perte de gain (ATF 129 III 135 consid. 2.2), respectivement, s'agissant du dommage domestique, la diminution de la capacité du lésé à accomplir les tâches ménagères (ATF 129 III 135 consid. 4.2.1 p. 153). Selon la jurisprudence, le dommage consécutif à l'invalidité doit, autant que possible, être établi de manière concrète; le juge partira du taux d'invalidité médicale (ou théorique) et recherchera ses effets sur la capacité de gain ou l'avenir économique du lésé (ATF 131 III 360 consid. 5.1; 129 III 135 consid. 2.2 et les arrêts cités), respectivement, pour le dommage domestique, l'incidence de l'invalidité médicale sur la capacité du lésé à accomplir des tâches ménagères (ATF 129 III 135 consid. 4.2.1 p. 153). Il est tout à fait possible que le handicap dont souffre le lésé n'exclue pas la poursuite d'une activité ménagère ou ne commande qu'une faible diminution de celle-ci; inversement, il se peut qu'une certaine affection génère, sur le plan du dommage domestique, des effets sans commune mesure avec le taux d'invalidité médicale qui s'y rapporte (ATF 129 III 135 consid. 4.2.1 p. 153). 
 
2.5 S'agissant de fixer la valeur du travail ménager, la jurisprudence considère qu'il faut prendre comme référence le salaire d'une femme de ménage ou d'une gouvernante (ATF 132 III 312 consid. 3.1; 131 III 360 consid. 8.3; 129 II 145 consid. 3.2.1). Le juge dispose à cet égard d'un pouvoir d'appréciation très étendu (ATF 131 III 360 consid. 8.3; 129 II 145 consid. 3.2.1). Le Tribunal fédéral a eu l'occasion de confirmer que dans l'arc lémanique, retenir un salaire horaire de 30 fr. ne constitue manifestement pas un abus de ce pouvoir d'appréciation (ATF 131 III 360 consid. 8.3; cf. déjà arrêt 4C.495/1997 du 9 septembre 1998, consid. 5a/bb). Il a précisé que le juge est en droit de prendre en compte une rémunération horaire du travail ménager quelque peu supérieure à sa valeur actuelle, pour tenir compte d'un accroissement de revenu dans le futur (ATF 131 III 360 consid. 8.3 et la jurisprudence citée). 
 
2.6 L'établissement du préjudice ménager est essentiellement une question de fait, que le Tribunal fédéral ne peut dans cette mesure revoir qu'aux conditions de l'art. 105 al. 2 LTF (cf. consid. 1.2 supra); en revanche, savoir si l'autorité cantonale a méconnu la notion de préjudice ménager ou les principes qui en régissent le calcul est une question de droit, que le Tribunal fédéral examine librement (ATF 131 III 360 consid. 8.1; 129 III 135 consid. 4.2.1 p. 152; 127 III 403 consid. 4a in fine). 
 
3. 
Les principes applicables ayant été rappelés, il convient d'examiner, dans l'ordre commandé par la logique du raisonnement juridique (cf. consid. 2.2 supra), les points contestés par la recourante. 
3.1 
3.1.1 Pour évaluer le temps que, sans l'accident, l'intimée aurait consacré à accomplir des tâches ménagères, les juges cantonaux se sont référés aux tables établies sur la base de l'enquête suisse sur la population active de 1997 (ci-après: : tables ESPA 1997; cf. REAS 1/2002 p. 37 ss). Ils ont exposé que l'intimée avait allégué qu'en 1992, à côté de son activité professionnelle, elle consacrait « le reste de son temps à sa famille et son ménage », ce qui représentait selon elle 4 heures de travaux ménagers par jour; ces circonstances n'avaient toutefois pas été prouvées, aucun témoin n'ayant été entendu à ce propos. Les juges cantonaux ont considéré que comme l'intimée, qui habitait seule dans une maison mitoyenne au centre du village de ..., n'avait rien allégué sur la formation de son fils - âgé de 18 ans lors de l'accident - et sur le moment où celui-ci avait quitté le domicile parental, il fallait se fonder sur les données statistiques concernant les ménages composés d'une personne adulte, à savoir sur la table 1 des tables ESPA 1997. Dès lors que cette table faisait une distinction entre les personnes avec et sans activité lucrative et que l'intimée avait une capacité résiduelle de travail comprise entre 50% et 60% suivant l'époque, la cour cantonale a fixé le temps que l'intimée aurait, sans l'accident, consacré aux activités domestiques en faisant la moyenne du nombre d'heures consacrées au ménage par les personnes avec et sans activité lucrative. Elle a ainsi retenu le chiffre de 93 heures par mois ([83 + 104] : 2] ou 1'116 heures par année (93 x 12). 
3.1.2 La recourante reproche à l'autorité précédente d'avoir évalué le temps que l'intimée aurait consacré à la tenue de son ménage sans l'accident de manière « purement abstraite ». Se référant à la doctrine (Guy Chappuis, Le préjudice ménager : encore et toujours ou les errances du dommage normatif, in REAS 4/2004 p. 282 ss, 284 s.; Benoît Chappuis, Le moment du dommage, thèse Fribourg 2006, n. 315 s.), elle soutient que le juge ne peut choisir librement entre la méthode concrète et la méthode abstraite, le recours à cette dernière ne se justifiant que lorsqu'on ne peut raisonnablement exiger du lésé qu'il apporte la preuve de la durée concrète de son activité ménagère (cf. art. 42 al. 2 CO). Or l'intimée n'aurait apporté aucun des éléments de preuve que l'on pouvait attendre d'elle à ce sujet, comme le type d'immeuble dans lequel elle vivait, le nombre de pièces de son logement, la structure de son ménage, la présence d'un jardin ou d'animaux, d'appareils ménagers, d'un ascenseur, les commodités existant à proximité de son domicile, « etc., etc. ». Dans ces conditions, la cour cantonale ne pouvait pas « annuler l'effet de ces lacunes » en recourant directement à des données statistiques sans pouvoir vérifier en quoi elles correspondaient à la situation de l'intimée. 
3.1.3 Selon la jurisprudence constante, dont il n'y a pas lieu de s'écarter, le juge, lorsqu'il s'agit d'évaluer le temps nécessaire aux activités ménagères, a le libre choix entre la méthode abstraite, consistant à se fonder sur des données statistiques, et la méthode concrète, consistant à prendre en compte les activités effectivement réalisées par le lésé dans le ménage (cf. les arrêts cités au consid. 2.3.1 supra, ainsi que, tout dernièrement encore, l'arrêt non publié 4A_19/2008 du 1er avril 2008, consid. 3.2.2). L'application de la méthode dite abstraite n'est pas pour autant totalement détachée des circonstances concrètes du cas d'espèce : ainsi, seul celui qui, sans l'accident, aurait effectivement accompli des tâches ménagères peut réclamer la réparation de son préjudice ménager; en outre, le juge qui choisit la méthode abstraite doit vérifier et expliquer en quoi les données statistiques sur lesquelles il se fonde correspondent peu ou prou à la situation de fait du cas particulier et, le cas échéant, opérer des ajustements en fonction des circonstances concrètes (cf. les arrêts cités au consid. 2.3.3 supra, ainsi que l'arrêt non publié 4A_19/2008 précité, consid. 3.2.2). 
 
La liberté de choix laissée par le Tribunal fédéral est donc tempérée par le fait que le juge, lorsqu'il applique la méthode abstraite, doit suffisamment établir la situation concrète du cas d'espèce pour apprécier la pertinence des données statistiques sur lesquelles il entend se fonder (Benoît Chappuis, op. cit., n. 316). Cela étant, lorsque le juge, sur la base des données concrètes dont il dispose, peut établir une correspondance entre la situation de fait du cas particulier et une situation représentée dans les tables statistiques à travers un type de ménage (par exemple femme vivant seule) et les paramètres qui, dans ce type de ménage, déterminent l'ampleur de l'activité ménagère (tels que le taux d'exercice d'une activité lucrative ou l'âge de la personne considérée), il peut se fonder sur le temps que, selon les données statistiques qui constituent à cet égard l'expression de l'expérience générale de la vie, une personne dans cette situation consacre aux tâches ménagères dans une période de temps donnée (Volker Pribnow, SAKE 2004: Kollektives Haushaltsverständnis als statistisch erfasste allgemeine Lebenserfahrung, in REAS 2/2006 p. 167 ss, 168; Pribnow/ Widmer/Sousa-Poza/Geiser, op. cit., in REAS 1/2002 p. 24 ss, 32 s.). Ce faisant, il doit en principe se fonder sur le nombre d'heures total que, selon les statistiques pertinentes, une personne dans la même situation que le lésé consacre aux tâches ménagères dans une période de temps donnée (cf. les motifs pertinents avancés par Pribnow/Widmer/ Sousa-Poza/Geiser, op. cit., in REAS 1/2002 p. 24 ss, 32 s.). 
3.1.4 En l'espèce, la cour cantonale a exposé opter pour la méthode abstraite et a dûment exposé en quoi la situation concrète de l'intimée correspondait à une situation représentée dans les tables ESPA 1997. Contrairement à ce que soutient la recourante, les faits constatés par les juges cantonaux permettent de vérifier la correspondance entre les données statistiques sur lesquelles ceux-ci se sont fondés en application de la méthode abstraite et la situation de l'intimée. En effet, il est établi que l'intimée, née le 1er janvier 1947, habite seule dans une maison mitoyenne au centre du village de ..., situation dont on ne voit pas qu'elle impliquerait une activité ménagère de moindre ampleur que la moyenne des ménages composés d'une femme seule. La cour cantonale s'est ainsi fondée à juste titre sur les données statistiques concernant les ménages composés d'une femme seule, puisque l'intimée n'a pas démontré que son ménage aurait après l'accident compris encore son fils, ce qui aurait conduit à retenir un nombre d'heures plus élevé pour l'activité ménagère d'une femme au sein d'un ménage de deux personnes. Enfin, comme l'intimée avait une capacité résiduelle de travail comprise entre 50% et 60% suivant l'époque et que les tables ESPA 1997 distinguaient uniquement entre les personnes avec et sans activité lucrative - alors que les tables ESPA 2004 distinguent désormais quatre catégories en fonction du taux d'exercice d'une activité lucrative (0%, 1-49%, 50-89% et 90-100%; cf. REAS 2/2006 p. 177 ss) -, les juges cantonaux pouvaient sans s'exposer à la critique retenir un chiffre moyen entre ces deux catégories et évaluer ainsi à 93 heures par mois, soit 1'116 heures par année, le temps que l'intimée aurait, sans l'accident, consacré aux activités ménagères. 
3.2 
3.2.1 Examinant dans quelle mesure l'accident avait diminué la capacité de l'intimée à accomplir ses tâches ménagères, les juges cantonaux se sont fondés sur les conclusions de l'expertise médicale. Retenant ainsi que l'intimée ne pouvait plus effectuer les tâches exigeant un port de charge, une élévation des bras ou une mobilisation de la nuque prolongée et qu'elle présentait de ce fait une incapacité ménagère dont l'ampleur avait varié avec le temps, compte tenu de l'aggravation secondaire intervenue dès 1997, ils ont fixé le taux de l'incapacité ménagère à 30% entre le 1er janvier 1994 et le 31 décembre 1996 et à 50% dès le 1er janvier 1997, conformément à l'appréciation des experts (cf. lettre B.b supra). 
3.2.2 La recourante reproche à l'autorité précédente d'avoir repris tel quel un taux d'invalidité médicale de 30% puis de 50% dès le 1er janvier 1997 pour en déduire un taux d'incapacité ménagère de manière purement abstraite et en dehors de toute considération sur les facultés concrètes de l'intimée quant à sa capacité à effectuer des travaux domestiques. Elle soutient qu'il incombait à l'intimée d'alléguer quelles étaient les tâches ménagères qu'elle ne pouvait plus accomplir du fait de son invalidité, par exemple quelles étaient les difficultés qu'elle rencontrait dans la préparation de ses repas, pour effectuer sa lessive, ses nettoyages, ses courses, ses rangements, etc. Selon la recourante, les constatations d'ordre général résultant de l'expertise judiciaire sur les tâches que l'intimée ne peut plus accomplir en raison de son invalidité (tâches exigeant un port de charge, une élévation des bras ou une mobilisation de la nuque, sans précision sur les gestes ménagers visés ou leur fréquence), ne permettraient pas d'évaluer l'incidence concrète du handicap de l'intimée sur sa capacité à effectuer ses tâches ménagères. Dès lors, faute pour l'intimée d'avoir apporté la preuve des répercussions de ses limitations fonctionnelles sur son activité ménagère après l'accident, la cour cantonale aurait dû lui refuser l'allocation des montants réclamés au titre du préjudice ménager. À titre subsidiaire, la recourante soutient que même en admettant, par hypothèse, que l'intimée subit une incapacité ménagère ensuite des limitations fonctionnelles décrites par l'expertise judiciaire, il serait totalement irréaliste de retenir à ce titre, pour le préjudice effectif depuis le 1er janvier 1997 et pour le préjudice futur, une durée de 558 heures par an, soit environ 1h.30 par jour; tout au plus pourrait-on, en voulant être salvateur pour l'intimée, retenir une durée de l'ordre de 10 heures par mois, ce qui aboutirait à des indemnités cinq fois moins élevées que les indemnités déraisonnables allouées par la cour cantonale. 
3.2.3 Pour apprécier la diminution de la capacité du lésé d'effectuer les tâches ménagères qu'il aurait accomplies sans l'accident, le juge doit partir du taux d'invalidité médicale (ou théorique) et rechercher l'incidence de l'invalidité médicale sur la capacité du lésé à accomplir ses tâches ménagères, le dommage consécutif à l'invalidité devant, autant que possible, être établi de manière concrète (cf. consid. 2.4 supra). Cela ne signifie cependant pas qu'il faille systématiquement dresser la liste de toutes les tâches ménagères effectuées par le lésé et établir, pour chacune de ces tâches, la mesure exacte dans laquelle son exercice est concrètement entravé. Une telle manière de procéder, outre le fait qu'elle n'apparaît guère praticable, serait d'ailleurs difficilement conciliable avec l'établissement du nombre d'heures consacrées aux tâches ménagères selon la méthode abstraite, où le juge doit se fonder sur le nombre d'heures total que, selon les statistiques pertinentes, une personne dans la situation du lésé consacre aux tâches ménagères dans une période de temps donnée (cf. consid. 3.1.3 supra). 
3.2.4 En l'espèce, les experts médicaux, aux conclusions desquelles l'autorité précédente s'est ralliée, ne se sont pas contentés d'énoncer un taux d'invalidité médico-théorique. Exposant que l'intimée ne pouvait concrètement plus effectuer les tâches exigeant un port de charge, une élévation des bras ou une mobilisation de la nuque prolongée, ils ont estimé que sa capacité ménagère était de ce fait diminuée, depuis le 1er janvier 1997, à raison de 50%. Cette appréciation correspond à celle qui avait été émise en 1998 par la Dresse D.________ (cf. lettre A.c supra); elle est au surplus corroborée par les témoins entendus en instance cantonale, qui ont confirmé que l'intimée avait beaucoup de peine à faire le ménage, en particulier des activités telles que nettoyer les sols ou laver les vitres, et qu'elle ne pouvait accomplir aucun travail domestique pénible, comme décrocher des rideaux, faire un trou dans un mur pour fixer un cadre ou encore jardiner. Dans ces conditions, il ne peut être fait grief aux juges cantonaux d'avoir établi le dommage consécutif à l'invalidité de manière entièrement abstraite, à savoir indépendamment de toute incidence concrète de l'invalidité médicale sur la capacité de l'intimée à accomplir ses tâches ménagères, en retenant que l'intimée ne peut plus accomplir, depuis l'aggravation secondaire intervenue dès 1997, que la moitié des heures de travail domestique qu'elle aurait accomplies sans l'accident. Cela étant, l'affirmation péremptoire de la recourante, selon laquelle la capacité ménagère de l'intimée ne serait réduite, à compter du 1er janvier 1997, qu'à concurrence d'une dizaine d'heures par mois, se heurte aux constatations souveraines de l'autorité précédente, si bien que le recours ne peut qu'être rejeté sur ce point également. 
 
3.3 Comme on l'a vu, la cour cantonale a retenu, d'une manière qui échappe à la critique, que sans l'accident, l'intimée aurait consacré 1'116 heures par année à la tenue de son ménage (cf. consid. 3.1 supra) et que le taux d'incapacité ménagère entraîné par l'accident a été de 30% entre le 1er janvier 1994 et le 31 décembre 1996 et de 50% dès le 1er janvier 1997 (cf. consid. 3.2 supra). Prenant en compte un tarif horaire de 30 fr. admis par la jurisprudence (cf. consid. 2.5 supra), elle a ainsi retenu un préjudice ménager de 30'150 fr. pour la période du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1996 (1'116 heures x 30% de taux d'incapacité x 3 années x 30 fr.) et de 175'770 fr. pour la période du 1er janvier 1997 au 30 juin 2007 (1'116 heures x 50% de taux d'incapacité x 10,5 années x 30 fr.), soit un préjudice ménager effectif (cf. ATF 131 III 360 consid. 8.4.1) de 205'920 fr. (30'150 fr. + 175'770 fr.). 
 
Pour la période du 1er juillet 2007 jusqu'à la fin de l'activité, correspondant au préjudice ménager futur (cf. ATF 131 III 360 consid. 8.4.2), l'autorité cantonale a considéré qu'il convenait de capitaliser ce préjudice futur à l'aide de la table d'activité n° 10 (rente immédiate d'activité) de Stauffer/Schaetzle (Tables de capitalisation, 5e éd. 2001, p. 127). Se fondant sur un âge de 60 ans à la date de son arrêt (facteur de capitalisation 14,60), la cour cantonale a ainsi arrêté le préjudice ménager futur à 244'404 fr. (1'116 heures x 50% de taux d'incapacité x 30 fr. x 14,60). 
Ces calculs procèdent d'une correcte application du droit fédéral et ne sont à juste titre pas contestés en tant que tels par la recourante, dont le recours ne peut par conséquent qu'être rejeté. 
 
4. 
Il résulte de ce qui précède que le recours, mal fondé, doit être rejeté. Le Tribunal fédéral s'étant prononcé sur le recours, la requête d'effet suspensif présentée par la recourante et admise à titre superprovisionnel devient sans objet. Enfin, la recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) et versera à l'intimée une indemnité à titre de dépens (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté. 
 
2. 
La requête d'effet suspensif est sans objet. 
 
3. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 7'500 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
4. 
Une indemnité de 8'500 fr., à payer à l'intimée à titre de dépens, est mise à la charge de la recourante. 
 
5. 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
Lausanne, le 8 mai 2008 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président: Le Greffier: 
 
Corboz Abrecht