Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
5A_531/2022
Arrêt du 8 septembre 2022
IIe Cour de droit civil
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Herrmann, Président,
Escher et Bovey.
Greffière : Mme Hildbrand.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Patrik Gruber, avocat,
recourant,
contre
Office des poursuites du canton de Neuchâtel, avenue Léopold-Robert 63, 2300 La Chaux-de-Fonds.
Objet
for de la poursuite,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal, Cour civile, Autorité supérieure de surveillance en matière de poursuites et faillites, du 24 juin 2022 (ASSLP.2022.3).
Faits :
A.
A.a. A.________ fait l'objet de poursuites. En date du 30 juin 2021, l'Office des poursuites du canton de Neuchâtel (ci-après: office des poursuites) lui a expédié deux avis de saisie à son adresse de la rue de S.________ à T.________.
A.b. Par courriel du 10 juillet 2021, l'intéressé a communiqué à l'office des poursuites, en relation avec les avis de saisie susmentionnés, que le for des poursuites était toujours et exclusivement à V.________, que son domicile légal était à la route U.________ à V.________, respectivement à son bureau à la rue de W.________ à V.________, et il a contesté la compétence de l'office des poursuites pour procéder à une saisie.
A.c. Par courrier recommandé du 3 août 2021, l'office des poursuites a confirmé au débiteur qu'il s'estimait compétent pour traiter les procédures de poursuites intentées contre lui.
A.d. Par courrier du 23 août 2021, le débiteur a porté plainte auprès de l'Autorité cantonale inférieure de surveillance des offices des poursuites et des faillites du canton de Neuchâtel (ci-après: AISLP), se plaignant de la fixation du for à T.________ pour les poursuites dirigées contre lui. Cette plainte a été enregistrée sous la référence (...).
A.e. Plusieurs commandements de payer ont par la suite été notifiés au débiteur à son adresse de T.________. Le débiteur y ayant à chaque fois apposé la remarque selon laquelle le for était à V.________, l'office des poursuites les a transmis à I'AISLP pour valoir plaintes LP, lesquelles ont été enregistrées sous les références (...)et (...).
A.f. Par décision unique du 26 janvier 2022, l'AISLP a rejeté les plaintes enregistrées sous les références (...), (...)et (...) et a dit que le for de la poursuite du débiteur est à T.________ pour ce qui touche les poursuites contestées.
A.g. Le 14 février 2022, A.________ a recouru à l'Autorité supérieure de surveillance en matière de poursuites et faillites du canton de Neuchâtel (ci-après: ASSLP) contre la décision de l'AISLP, en concluant à son annulation. Par arrêt du 24 juin 2022, l'ASSLP a rejeté le recours.
B.
Par acte posté le 8 juillet 2022, A.________exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 24 juin 2022. Il conclut, sous suite de frais et dépens, à son annulation et à sa réforme en ce sens qu'il est constaté qu'il n'y a pas de for de la poursuite à T.________. Pour le surplus, il sollicite d'être mis au bénéfice de l'assistance judiciaire pour la procédure fédérale.
Des déterminations n'ont pas été requises.
Considérant en droit :
1.
1.1. Le recours a été déposé dans le délai légal (art. 100 al. 2 let. a LTF) à l'encontre d'une décision finale (art. 90 LTF) prise en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 72 al. 2 let. a LTF) par une autorité cantonale supérieure de surveillance statuant sur recours ( art. 75 al. 1 et 2 LTF ). Il est ouvert sans égard à la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. c LTF). Le débiteur, qui a succombé en instance cantonale, a qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF).
1.2. Le recourant procède en allemand. Ce choix n'impose pas de déroger à la règle selon laquelle la langue de la procédure est généralement celle de la décision attaquée (art. 54 al. 1 LTF), à savoir ici le français.
2.
2.1. Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit au sens des art. 95 s. LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Cela étant, eu égard à l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 2 LTF, il n'examine en principe que les griefs soulevés (ATF 142 III 364 consid. 2.4 et les références). Le recourant doit par conséquent discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 146 IV 297 consid. 1.2; 142 I 99 consid. 1.7.1; 142 III 364 consid. 2.4 et la référence). Il doit exister un lien entre la motivation du recours et la décision attaquée; le recourant ne peut se contenter de reprendre presque mot pour mot l'argumentation formée devant l'autorité cantonale (ATF 145 V 161 consid. 5.2; 134 II 244 consid. 2.1 et 2.3; arrêt 4A_467/2019 du 23 mars 2022 consid. 2.3). Le Tribunal fédéral ne connaît par ailleurs de la violation de droits fondamentaux que si un tel grief a été expressément invoqué et motivé de façon claire et détaillée (" principe d'allégation ", art. 106 al. 2 LTF; ATF 146 III 303 consid. 2; 144 II 313 consid. 5.1).
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été constatés de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1). Le recourant qui soutient que les faits ont été établis d'une manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 147 I 73 consid. 2.2; 144 II 246 consid. 6.7; 143 I 310 consid. 2.2 et la référence), doit, sous peine d'irrecevabilité, satisfaire au principe d'allégation susmentionné (art. 106 al. 2 LTF; cf.
supra consid. 2.1). Une critique des faits qui ne satisfait pas à cette exigence est irrecevable (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 145 IV 154 consid. 1.1).
En l'occurrence, en tant que les éléments exposés aux chiffres 2 à 6 du recours divergent de ceux constatés dans l'arrêt querellé et qu'ils ne sont pas discutés sous l'angle de l'établissement arbitraire des faits ou de l'appréciation arbitraire des preuves, il n'en sera pas tenu compte.
3.
3.1. Selon l'art. 46 al. 1 LP, le for de la poursuite est au domicile du débiteur. Ce domicile est déterminé selon les critères prévus par l'art. 23 al. 1 CC: une personne physique a son domicile au lieu où elle réside avec l'intention de s'y établir, ce qui suppose qu'elle fasse du lieu en question le centre de ses intérêts personnels et professionnels. La notion de domicile comporte deux éléments: l'un objectif, la présence physique en un lieu donné; l'autre subjectif, l'intention d'y demeurer durablement (ATF 141 V 530 consid. 5.2; 137 II 122 consid. 3.6; 136 II 405 consid. 4.3; arrêts 5A_284/2020 du 23 décembre 2020 consid. 2.4.2; 5A_680/2020 du 8 décembre 2020 consid. 5.1.1 et l'autre arrêt cité). Ce dernier élément ne repose pas sur la seule volonté (interne) de l'intéressé, mais sur les circonstances objectives, reconnaissables pour les tiers, permettant d'en déduire une telle intention (ATF 141 V 530 consid. 5.2; 137 II 122 consid. 3.6; 120 III 7 consid. 2b). A cet égard, les documents administratifs tels que permis de circulation, permis de conduire, papiers d'identité, attestations de la police des étrangers, des autorités fiscales ou des assurances sociales, ou encore les indications figurant dans des décisions judiciaires ou des publications officielles ne sont pas déterminants à eux seuls. Ils constituent certes des indices sérieux de l'existence du domicile mais ne sauraient toutefois l'emporter sur le lieu où se focalise un maximum d'éléments concernant la vie personnelle, sociale et professionnelle de l'intéressé (ATF 141 V 530 consid. 5.2; 136 II 405 consid. 4.3; 125 III 100 consid. 3; arrêts 5A_419/2020 du 16 avril 2021 consid. 2.2; 5A_680/2020 précité loc. cit.).
La définition du domicile peut parfois s'avérer délicate dans l'hypothèse d'individus partageant leur existence entre plusieurs endroits. Conformément au principe de l'unité du domicile, s'il y a divergence entre le centre des relations personnelles et le centre des relations économiques ou professionnelles, c'est celui avec lequel l'intéressé a les relations les plus étroites qui l'emportera. Il s'agira le plus souvent du centre de ses relations personnelles (EIGENMANN, in Commentaire romand, Code civil I, 2010, n° 25 ad art. 23 CC).
3.2. Saisi d'une réquisition de poursuite, l'office n'est pas tenu de rechercher le domicile du débiteur. Il doit toutefois vérifier sa compétence sur la base des indications données par le créancier dans la réquisition de poursuite. Si le débiteur prétend avoir un domicile différent de celui indiqué par le créancier, il lui appartient d'en apporter la preuve (arrêts 5A_937/2020 du 24 juin 2021 consid. 2.1; 5A_284/2020 du 23 décembre 2020 consid. 2.3; 5A_403/2010 du 8 septembre 2010 consid. 2.2).
3.3. Le lieu où la personne réside (élément objectif) et son intention de s'établir (élément subjectif) relèvent de l'établissement des faits, que le Tribunal fédéral ne corrige qu'en cas d'arbitraire (art. 97 al. 1 LTF, en relation avec l'art. 9 Cst.). En revanche, les conclusions à en déduire sous l'angle de l'art. 23 al. 1 CC quant à l'intention de s'établir ressortissent au droit, dont le Tribunal fédéral revoit librement l'application (ATF 136 II 405 consid. 4.3; 120 III 7 consid. 2a et la référence citée; arrêts 5A_419/2020 précité consid. 2.3; 5A_680/2020 précité consid. 5.1.3; 5A_917/2018 du 20 juin 2019 consid. 2.1).
4.
4.1. Selon le recourant, il n'est pas contesté qu'il a son domicile depuis des années en ville de V.________, ville où il a déjà été poursuivi à plusieurs reprises, où il a exercé son activité professionnelle, où se trouve la majeure partie de son cercle de connaissances et où se trouve le centre de son réseau social. Certes, malgré ce domicile incontesté à V.________, il louait un appartement à T.________ depuis 2003. Il n'y avait toutefois jamais pris domicile. Le fait qu'il ait dû renoncer à son activité professionnelle d'avocat et qu'il n'ait ensuite pu exercer qu'en tant que conseiller juridique ne changeait rien au domicile qu'il avait acquis à V.________ des années auparavant. En cessant son activité d'avocat, il n'avait pas pour autant créé un nouveau domicile à T.________. De même, le fait qu'il ait limité puis perdu sa capacité de gain pour des raisons de santé, ce qui avait justifié le versement en sa faveur d'une rente AI, n'avait pas d'influence sur son centre de vie et n'avait pas non plus pour conséquence qu'il aurait soudainement établi un nouveau domicile à T.________, sans autre changement de ses conditions de vie par ailleurs. Enfin, son départ à la retraite, et donc la conversion de sa rente AI en rente AVS, n'aboutissait pas non plus à un résultat différent.
Le recourant reproche ensuite à la cour cantonale d'avoir relativisé la portée des pièces versées au dossier, soit notamment l'attestation de domicile de la ville de V.________ du 17 décembre 2021, l'attestation de séjour de la ville de T.________ du 22 décembre 2021 ainsi que la décision sur opposition de la caisse de compensation de V.________ du 16 février 2022. L'appréciation de ces pièces par la cour cantonale jetait le discrédit sur le travail effectué par le contrôle des habitants des villes de V.________et T.________ et était dénuée de tout fondement. Le recourant rappelle qu'il est inscrit depuis des années, voire des décennies, au contrôle des habitants de la ville de V.________et qu'il est connu dans cette ville, aussi bien en tant qu'avocat qu'en tant que personne privée. C'était donc à juste titre qu'il était répertorié par le contrôle des habitants de la ville de V.________. L'attestation de séjour de la ville de T.________ lui avait également été délivrée il y a des années et on ne pouvait pas prétendre que le contrôle des habitants de T.________ n'avait pas vérifié à l'époque les données le concernant. Enfin, la décision sur opposition de la caisse de compensation de V.________ du 16 février 2022 constituait également une preuve et non un simple indice de son domicile à V.________. Après que la caisse de compensation de V.________eut dans un premier temps considéré ne pas être compétente pour traiter de sa demande de prestations complémentaires, elle avait en effet dûment réexaminé la question de son domicile sur la base de son opposition. Prétendre que la caisse de compensation s'était prononcée uniquement sur la foi à ses déclarations était tout simplement faux et sans fondement.
Quant au fait qu'il n'aurait pas démontré que l'appartement sis à V.________ était loué à son nom, le recourant rappelle qu'il avait expliqué qu'il louait une chambre chez B.________, route U.________ à V.________. Il s'agissait d'une sous-location, ce qui ressortait également de la décision de la caisse de compensation de V.________ du 16 février 2022. Le fait qu'il ne passe que de temps en temps des nuits à V.________ ne permettait pas de conclure qu'il aurait abandonné son domicile et son centre de vie dans cette ville pour en établir un nouveau à T.________. Depuis près de vingt ans, il louait une résidence secondaire à T.________, sans pour autant avoir abandonné son domicile à V.________. Il y avait incontestablement conservé son domicile durant toutes ces années, bien qu'il n'y passe pas toutes ses nuits. Il dormait régulièrement dans son appartement de T.________, notamment pour des raisons de santé, afin de prendre du recul. Malgré cela, son centre de vie était resté à V.________, où il payait ses impôts, et il n'y avait aucune raison que les autorités le modifient. Le domicile ne se déterminait pas en fonction du nombre de nuits que l'on passe dans un appartement, seul l'élément subjectif devant prévaloir. Enfin, selon le recourant, la cour cantonale ne pouvait rien déduire du fait que sa capacité de gain était fortement réduite pour des raisons de santé et qu'il ne pouvait plus exercer d'activité lucrative qu'à temps partiel. Ce nonobstant et indépendamment du nombre de fois par semaine où il s'y rendait, il n'avait pas abandonné son centre de vie en ville de V.________.
4.2. Par une telle motivation, le recourant ne fait qu'opposer son appréciation personnelle des faits de la cause pour en tirer ses propres conclusions quant à la détermination de son domicile. Outre qu'elle se base ainsi sur des prémisses essentiellement appellatoires, l'argumentation du recourant est impropre à remettre en cause une constatation, pourtant centrale et décisive, du raisonnement des juges cantonaux, à savoir qu'il avait échoué à apporter la preuve que le centre de ses intérêts personnels (centre de ses relations, de ses intérêts idéaux et matériels et de sa vie domestique) se trouverait à V.________ et non pas à T.________. Il ressort en effet de l'arrêt attaqué que le recourant n'avait nullement étayé ses propos selon lesquels tous ses amis vivent dans le canton de V.________, propos qui étaient demeurés au stade d'allégués alors qu'il s'agissait pour lui d'un élément central de son argumentation. La cour cantonale a encore constaté que le recourant n'avait au surplus ni démontré ni même invoqué d'autres éléments qui permettraient de retenir qu'il aurait des activités ou des intérêts à V.________et qui permettraient de conclure à son intention d'y fixer le centre de ses relations. En particulier, alors qu'il était atteint dans sa santé et dans sa capacité de travail de manière suffisante pour justifier une rente entière de l'assurance-invalidité, il n'avait fait référence à aucun professionnel de la santé auquel il aurait pu avoir recours dans la région de V.________. La seule référence faite dans le présent recours aux attestations du contrôle des habitants des villes de V.________et de T.________, ainsi qu'à la décision de la caisse de compensation de V.________ versées au dossier n'est d'aucun secours au recourant, dès lors que, selon la jurisprudence, l'intention de la personne de s'établir en un lieu peut se concrétiser sans égard au statut de la personne du point de vue du contrôle des habitants, des autorités fiscales ou des assurances sociales. L'indication du domicile sur lesdites attestations et décision ne saurait ainsi revêtir une importance capitale, dans la mesure où elle ne produirait d'effet sur le domicile que si elle est confirmée par des faits extérieurs et reconnaissables par des tiers manifestant de façon objective la volonté du recourant de rester à V.________ et d'y faire le centre de gravité de son existence. Or, de tels faits extérieurs en lien avec un éventuel domicile à V.________ n'ont, selon les constatations des juges cantonaux - non remises en cause par le présent recours -, pas été prouvés en l'espèce. Dans ces conditions, c'est à bon droit que la cour cantonale a en définitive retenu que le recourant entretenait des rapports étroits et durables à l'adresse de la rue de S.________ à T.________, lesquels faisaient état d'une volonté manifeste de faire de ce lieu le centre actuel de ses relations personnelles.
Il suit de là que le moyen, infondé, doit être rejeté.
5.
En définitive, le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité. La requête d'assistance judiciaire pour la procédure fédérale ne saurait être agréée, dès lors que le recours était d'emblée dénué de chances de succès (art. 64 al. 1 LTF). Les frais judiciaires, arrêtés à 1'500 fr., sont par conséquent mis à la charge du recourant qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
La requête d'assistance judiciaire du recourant est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'500 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué au recourant, à l'Office des poursuites du canton de Neuchâtel et au Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel, Autorité supérieure de surveillance en matière de poursuites et faillites.
Lausanne, le 8 septembre 2022
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Herrmann
La Greffière : Hildbrand