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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
4A_76/2018  
 
 
Arrêt du 8 octobre 2018  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Kiss, présidente, Klett, Niquille, 
May Canellas et Abrecht, juge suppléant. 
Greffière: Mme Monti. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Etienne Soltermann et Me Cristobal Orjales, 
demanderesse et recourante, 
 
contre  
 
Z.________, 
représenté par Me Carla Python, 
défendeur et intimé. 
 
Objet 
indemnisation des frais d'avocat, 
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu 
le 5 décembre 2017 par la Chambre civile 
de la Cour de justice du canton de Genève 
(C/27436/2015; ACJC/1602/2017). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. La société de droit suisse A.________ SA et la société de droit français B.________ SA étaient liées par deux contrats de bail soumis au droit suisse, portant sur la location de deux avions. Les conventions contenaient une clause compromissoire fixant le siège de l'arbitrage à Genève et précisant que pour les parties, «le temps constitue un élément primordial dans toutes les démarches».  
A la suite d'un différend, les parties ont désigné Z.________ comme arbitre unique. La procédure proprement dite a débuté le 7 juin 2010, par le dépôt de la demande d'arbitrage émanant de la société suisse; elle a pris fin le 4 mai 2011, à l'issue de l'audience de plaidoiries, lorsque l'arbitre a gardé la cause à juger. 
 
A.b. A.________ SA était initialement représentée dans cet arbitrage par l'avocat M.________. Me Etienne Soltermann et Me Cristobal Orjales ont ensuite pris le relais.  
 
A.c. Les nouveaux conseils de la société suisse sont intervenus une première fois auprès de l'arbitre à la mi-juin 2012 pour connaître l'état de son travail de délibération. L'intéressé a répondu que la sentence serait rendue, en principe, à la fin de ce mois-là. A.________ SA a ensuite relancé l'arbitre à une dizaine de reprises.  
Au début du mois de juin 2013, la société précitée a suggéré à l'arbitre de démissionner. L'arbitre a répondu qu'avec l'approbation des conseils des deux parties, il démissionnerait si la sentence n'était toujours pas rendue le 30 juin 2013. 
Par lettre expédiée le 27 août 2013, les deux parties au litige ont indiqué à l'arbitre que sa proposition de démission était « acceptée pour le 30 août 2013 au cas où aucune sentence ne serait rendue et reçue d'ici cette date». Le même jour, l'arbitre a demandé une prolongation au lundi 2 septembre 2013; il invoquait la nécessité de consacrer le week-end à la relecture et à la mise au point de sa sentence. Par fax du 27 août 2013, les parties ont accepté cette prolongation, en précisant que la démission de l'arbitre «sera[it] acceptée et effective avec effet au 2.9.2013 à 17:00 heures au cas où aucune sentence ne serait rendue et reçue dans l'intervalle.» Le 28 août 2013, l'arbitre a accusé réception du fax précité, dont il a déclaré accepter les termes. 
La sentence arbitrale a été reçue par le conseil de la société française le 3 septembre 2013 en fin d'après-midi, et le 4 septembre 2013 en début d'après-midi par le conseil de A.________ SA. Celui-ci a contesté le procédé en faisant valoir que la sentence était frappée de nullité; la veille, soit le 3 septembre 2013 à 18 h 29, il avait déjà adressé un fax à l'arbitre, dans lequel il constatait l'absence de notification de la sentence et prenait acte de la démission de l'arbitre. 
 
A.d. Le 4 octobre 2013, A.________ SA a saisi le Tribunal fédéral d'un recours en matière civile concluant à l'annulation de la sentence arbitrale.  
Par arrêt 4A_490/2013 du 28 janvier 2014 (publié à l'ATF 140 III 75), la Cour de céans a annulé la sentence au motif que l'arbitre unique s'était déclaré à tort compétent pour la rendre après que ses pouvoirs s'étaient éteints (art. 190 al. 2 let. b LDIP). Cet arrêt contient notamment les réflexions suivantes: 
 
- La cause de l'extinction prématurée des pouvoirs de l'arbitre doit être recherchée davantage dans un accord tripartite conclu à cet effet par chacune des parties avec l'autre, d'une part, et par les deux parties conjointement avec l'arbitre, d'autre part, que dans une simple démission de l'arbitre ou dans la révocation de celui-ci par une décision commune de ses deux mandantes (consid. 3.2, ATF 140 III 75, p. 82 in fineet 83);  
- L'objection selon laquelle A.________ SA commettrait un abus de droit en contestant la validité de la sentence est infondée. Les parties ont dû attendre environ deux ans et quatre mois entre la clôture de l'instruction et la sentence finale. La société suisse a multiplié les démarches auprès de l'arbitre afin de débloquer la situation. Ce dernier a tergiversé durant toute cette période, nonobstant ses promesses réitérées de faire diligence; il ne s'est exécuté qu'en dernière extrémité, lorsque la partie adverse s'est associée à A.________ SA pour lui fixer un ultimatum. On ne voit pas en quoi celle-ci agirait de façon abusive en tirant les conséquences de cet ultimatum, telles qu'elles avaient clairement été exposées à l'arbitre (consid. 4.2.2, non publié). 
La Cour de céans a mis la totalité des frais de justice (12'000 fr.) à la charge de la société B.________ SA en tant que partie intimée, condamnant pour le surplus celle-ci à verser 14'000 fr. de dépens à A.________ SA. 
 
A.e. Une nouvelle procédure d'arbitrage en langue anglaise, initiée le 28 octobre 2015, est pendante.  
 
B.  
 
B.a. Le 23 décembre 2014, A.________ SA (ci-après: la demanderesse) a intenté une action en dommages-intérêts contre l'arbitre Z.________ (ci-après: le défendeur, ou l'arbitre), par-devant le Tribunal de première instance du canton de Genève. Dans ses dernières conclusions, la demanderesse prétendait au montant de 460'353 fr.  
Par jugement du 15 mai 2017, le Tribunal de première instance a condamné l'arbitre à payer à la demanderesse: 
 
1)  133'615 fr. 90plus intérêts à 5% l'an dès le 2 septembre 2013,  
à titre d'indemnisation pour les honoraires de l'avocat M.________. 
2)    34'870 fr. 00plus intérêts à 5% l'an dès le 22 mars 2014,  
à titre d'indemnisation pour les honoraires des avocats Etienne Soltermann et Cristobal Orjales, après déduction des dépens de 14'000 fr. obtenus dans la procédure fédérale (  supra let. A.d  in fine);  
3)    25'000 fr. 00plus intérêts à 5% l'an dès le 2 septembre 2013,  
à titre de restitution de l'avance de frais versée à l'arbitre. 
 
B.b. Statuant par arrêt du 5 décembre 2017 sur appel de l'arbitre, la Cour de justice genevoise a confirmé les postes 1) et 3) du premier jugement. En revanche, elle a réformé le poste 2) en ce sens qu'elle a condamné l'arbitre à payer 14'940 fr. plus intérêts (en lieu et place de 34'870 fr.) pour les honoraires des avocats Soltermann et Orjales. La Cour a considéré que la demanderesse avait obtenu 14'000 fr. de dépens pour ses frais d'avocat liés à la procédure de recours au Tribunal fédéral, de sorte qu'elle ne pouvait plus émettre aucune prétention de ce chef (cf. au surplus  infra consid. 3.2).  
 
C.   
La demanderesse a interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral, visant à réformer l'arrêt du 5 décembre 2017 en ce sens que l'appel de l'arbitre soit entièrement rejeté et le jugement de première instance confirmé. 
Le défendeur a conclu au rejet du recours. 
La demanderesse a répliqué, suscitant une duplique de la partie adverse. 
L'autorité précédente s'est référée à son arrêt. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
La demanderesse, qui a partiellement succombé dans ses conclusions en paiement (art. 76 al. 1 LTF), a agi en temps utile (art. 46 al. 1 let. c et art. 100 al. 1 LTF) contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu sur recours par le tribunal supérieur du canton (art. 75 LTF), dans une contestation civile pécuniaire dont la valeur litigieuse excède 30'000 fr. (art. 72 al. 1 et 74 al. 1 let. b LTF). Sont en effet déterminantes les conclusions restées litigieuses devant l'autorité précédente (art. 51 al. 1 let. a LTF), sans égard au montant encore disputé devant le Tribunal fédéral (arrêt 5A_544/2014 du 17 septembre 2014 consid. 1.2.1; sous l'OJ, ATF 121 III 214 consid. 1). Le présent recours en matière civile est dès lors recevable au regard de ces dispositions. 
 
2.  
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). «Manifestement inexactes» signifie ici «arbitraires» (ATF 140 III 115 consid. 2 p. 117; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
En l'espèce, la demanderesse se réfère à l'état de fait tel que constaté par la cour cantonale. 
 
2.2. Le Tribunal fédéral applique d'office le droit (art. 106 al. 1 LTF) à l'état de fait constaté dans l'arrêt cantonal. Cela n'implique pas qu'il examine toutes les questions juridiques qui pourraient se poser, à l'instar d'un juge de première instance. Eu égard à l'obligation de motiver imposée par l'art. 42 al. 2 LTF, l'autorité de céans ne traite que les questions qui sont soulevées devant elle par les parties, à moins que la violation du droit ne soit manifeste (ATF 140 III 115 consid. 2 p. 116; 140 III 86 consid. 2).  
 
3.  
 
3.1. Est litigieuse la question de savoir si la demanderesse, ayant obtenu 14'000 fr. de dépens pour les frais d'avocat engagés dans le cadre du recours au Tribunal fédéral en annulation de la sentence arbitrale, peut rechercher l'arbitre pour le solde de ses frais non couvert par ces dépens (thèse de la demanderesse), ou si l'allocation desdits dépens l'empêche de faire valoir tout dommage supplémentaire à ce titre (thèse du défendeur, suivie par la cour cantonale).  
 
3.2. La cour cantonale a préalablement rappelé la jurisprudence telle qu'elle est résumée dans l'arrêt 4A_646/2011, soit l'ATF 139 III 190 (cf.  infra consid. 3.3), puis a fait en substance les réflexions suivantes:  
 
- la demanderesse a déjà été indemnisée par l'allocation de dépens arrêtés à 14'000 fr., et la loi ne prévoit pas la possibilité d'intenter une action séparée pour obtenir une indemnité supérieure au montant précité. Le fait que le défendeur, en tant qu'arbitre, n'était pas une partie à la procédure devant le Tribunal fédéral ne modifie pas cette analyse; en effet, ni la loi, ni la jurisprudence ne permettent de réclamer à l'autorité ayant prononcé la décision contestée le solde des frais d'avocat éventuellement non couvert par les dépens. Par ailleurs, la demanderesse n'allègue pas que l'arbitre devrait répondre du solde des frais d'avocat «en raison d'un comportement procédural illicite contrevenant à l'art. 41 CO au sens de la jurisprudence précitée» (arrêt attaqué, p. 8). 
 
3.3. L'ATF 139 III 190 cité par la cour cantonale rappelle que lorsque le droit de procédure civile permet au plaideur victorieux de se faire dédommager de tous les frais nécessaires et indispensables qu'il a consacrés à un procès, ce droit est seul applicable et ne laisse aucune place à une action qui serait fondée sur le droit civil fédéral, séparée ou ultérieure, tendant au remboursement des frais par l'adverse partie. Le dommage sujet à réparation comprend en revanche les frais engagés par le lésé pour la consultation d'un avocat avant l'ouverture du procès civil, lorsque cette consultation était nécessaire et adéquate et que les frais ne sont pas couverts ni présumés couverts par les dépens (ATF 139 précité consid. 4.2).  
L'action fondée sur le droit civil matériel est exclue même lorsque les dépens sont alloués sur la base d'un tarif (ATF 133 II 361 consid. 4.1; arrêt 4C.51/2000 du 7 août 2000 consid. 2,  in SJ 2001 I 153), ce qui peut impliquer que la partie victorieuse ne recouvre pas la totalité de ses frais d'avocat effectifs. On en arrive ainsi à des situations où les dépens, tels que définis par le droit procédural, ont vocation à couvrir tous les frais occasionnés par la procédure, mais ne les couvrent pas effectivement, en raison de leur mode de calcul (cf. BERNARD CORBOZ,  in Commentaire de la LTF, 2e éd. 2014, n° 6 in fineet n° 31 ad art. 68 LTF). La jurisprudence a justifié cette solution par des considérations pratiques et la recherche d'un équilibre entre des intérêts divergents, équilibre qui serait compromis si la décision sur les dépens ne liquidait pas les prétentions des parties et laissait la porte ouverte à une action civile ultérieure. On relève que si la partie victorieuse ne recouvre pas nécessairement tous ses frais effectifs, elle est en revanche dispensée d'établir la faute de son adversaire et l'étendue exacte de son dommage (ATF 133 II 361 consid. 4.1; 112 Ib 353 consid. 3a p. 356 s.; arrêt 4A_674/2015 du 22 septembre 2016 consid. 3.2.2,  in JT 2016 I 165).  
Cela étant, l'ATF 139 III 190 cité par la cour cantonale réserve le cas où le plaideur victorieux s'est heurté à un comportement procédural illicite de son adverse partie, c'est-à-dire lorsque, dans le procès, celle-ci a adopté une position téméraire qu'elle savait ou devait savoir indéfendable. En vertu de l'art. 41 CO, ce comportement illicite engendre l'obligation de réparer le dommage qui en est résulté; il existe alors un concours entre l'action accordée par cette disposition de droit matériel fédéral et celle régie, le cas échéant, par le droit de procédure (arrêt précité consid. 4.2 p. 193; cf. aussi arrêt 4A_557/2014 du 2 février 2015 consid. 2.3, où le comportement procédural illicite a été nié. Sur cette notion, cf. par ex. ATF 143 II 467 consid. 2.7; 123 III 101 consid. 2a). 
L'ATF 139 III 190 renvoie à un précédent de 1991, dans lequel le Tribunal fédéral devait statuer sur une action en dommages-intérêts fondée sur un comportement procédural prétendument illicite, consistant dans l'introduction d'une action étayée par des allégations mensongères. L'autorité de céans a opéré une distinction entre les cas ordinaires, où le procès et les coûts qu'il génère ne sont que la conséquence «accessoire» d'un litige qui divise les parties, et les cas où le comportement procédural en tant que tel est l'objet du litige et peut fonder une prétention délictuelle, ou contractuelle («  das Prozessverhalten selbst die deliktische oder auch vertragliche Anspruchsgrundlage bildet »; ATF 117 II 394 consid. 3b spéc. p. 397).  
HUGO CASANOVA, auquel se réfère cet arrêt de 1991, relève en effet que les normes sur les dépens appréhendent le cas normal, dans lequel le comportement procédural «injustifié» (conduisant à la condamnation aux dépens) ne constitue ni un acte illicite, ni une violation contractuelle; elles prévoient une indemnisation sans égard à ces hypothèses. Cela n'a pas d'incidence tant que les dépens permettent de recouvrer la totalité des frais générés par la procédure judiciaire. En revanche, lorsque ces frais ne sont pas couverts, la partie lésée par un comportement illicite ou contraire au contrat doit aussi pouvoir invoquer le droit de la responsabilité délictuelle ou contractuelle. Cet auteur concède que les cas de responsabilité pour un comportement procédural contraire à un contrat devraient être rares (HUGO CASANOVA, Die Haftung der Parteien für prozessuales Verhalten, 1982, p. 46 et 54). 
 
3.4. Il résulte de ce qui précède que le plaideur victorieux ne peut généralement pas obtenir réparation pour le solde de ses frais d'avocat non couvert par les dépens calculés sur la base d'un tarif, sauf si un comportement particulier de la partie adverse sort des prévisions classiques et réalise les conditions d'une responsabilité délictuelle ou contractuelle.  
Il est clair qu'un tiers peut aussi devoir prendre en charge des frais d'avocat non couverts par les dépens tarifés, pour autant qu'il réalise les conditions d'une telle responsabilité. 
 
3.5. Dans le cas concret, la demanderesse a obtenu 14'000 fr. de dépens qui, selon l'art. 68 al. 2 LTF, sont réputés couvrir «tous les frais nécessaires causés par le litige», mais ont été calculés «selon le tarif du Tribunal fédéral» (cf. art. 3 et 4 du Règlement sur les dépens alloués à la partie adverse [...]; RS 173.110.210.3).  
La demanderesse ne dispose ainsi d'aucune action qui serait fondée sur le droit civil fédéral, séparée ou ultérieure, tendant à un remboursement plus étendu de ses frais d'avocat par B.________ SA, qui était sa partie adverse dans la procédure de recours au Tribunal fédéral. Elle n'en a pas moins droit à la réparation de l'intégralité du dommage causé par l'arbitre, pour autant que celui-ci ait engagé sa responsabilité. L'allocation à la demanderesse de dépens à la charge de B.________ SA ne l'empêche pas d'invoquer, dans le cadre d'une action en dommages-intérêts contre l'arbitre, le dommage constitué par les frais d'avocats encourus dans la procédure fédérale; cette allocation doit cependant être prise en compte au titre de la  compensatio lucri cum damno.  
En effet, que ce soit en matière de responsabilité délictuelle ou de responsabilité contractuelle, les avantages financiers qui trouvent leur source dans l'événement dommageable doivent être imputés sur le montant du dommage subi par le lésé (principe de l'imputation des avantages ou  compensatio lucri cum damno); l'imputation n'est cependant justifiée que pour les avantages qui sont en lien de connexité avec le sinistre (ATF 112 Ib 322 consid. 5a; arrêts 4A_101/2015 du 21 juillet 2015 consid. 5.2 et 4A_310/2014 du 10 octobre 2014 consid. 4.4.2).  
C'est le lieu d'examiner dans quelle mesure l'arbitre a engagé sa responsabilité. 
 
4.  
 
4.1. Le Tribunal de première instance a considéré que les parties et l'arbitre étaient liés par un contrat de droit privé auquel s'appliquaient par analogie les règles du droit suisse relatives au mandat, en particulier s'agissant de la responsabilité de l'arbitre. Des restrictions à cette responsabilité ne se justifiaient qu'à l'égard des tâches strictement juridictionnelles (jgt de première instance, p. 7 s. let. C).  
La Cour de justice n'est pas revenue sur cette analyse qui n'était pas contestée. Elle a rappelé les quatre conditions cumulatives de la responsabilité du mandataire, qui suppose une violation d'un devoir de diligence, une faute (présumée, selon l'art. 97 al. 1 CO), un dommage et un rapport de causalité (naturelle et adéquate) entre la violation fautive du devoir de diligence et le dommage survenu. La Cour de justice a constaté que l'arbitre admettait avoir fautivement violé son devoir de diligence, mais contestait la quotité des montants alloués à la demanderesse au titre de réparation de son dommage (arrêt attaqué, p. 5 consid. 2 et p. 7 consid. 4.1.1). 
Devant le Tribunal fédéral, l'arbitre intimé émet deux objections qu'il convient d'examiner. 
 
4.2. Tout d'abord, l'arbitre plaide que la loi ne permet pas de se retourner contre l'autorité précédente pour obtenir le solde des frais d'avocat non couvert par les dépens; ce qui vaut pour le juge civil devrait aussi valoir pour l'arbitre.  
L'arbitre ne fait que reprendre l'argumentation de la Cour de justice, fondée sur la prémisse inexacte que seul un comportement illicite permettrait d'obtenir réparation pour des frais d'avocat non couverts par les dépens, en faisant fi d'une responsabilité contractuelle. Or, l'arrêt attaqué retient, sans susciter des critiques de l'arbitre, que celui-ci admet avoir violé fautivement son devoir de diligence. L'arbitre ne saurait dès lors entamer un débat à ce stade de la procédure. 
Tout au plus relèvera-t-on que la jurisprudence a mis en exergue la nature mixte du contrat d'arbitre, souvent qualifié de mandat  sui generis (ATF 140 III 75 consid. 3.2.1 p. 77); dans un  obiter dictum, il a été relevé que la démission non justifiée d'un arbitre pouvait fonder une obligation de payer des dommages-intérêts (ATF 117 Ia 166 consid. 6c p. 170). Quant à la doctrine majoritaire, tirant les conséquences d'un contrat situé «au confluent du juridictionnel et du contractuel» (THOMAS CLAY, L'arbitre, 2001, no 931), elle admet le principe d'une responsabilité contractuelle de l'arbitre, tout en considérant qu'elle doit être pondérée pour tenir compte de la fonction juridictionnelle; il est souvent question, à cet égard, d'une certaine «immunité» de l'arbitre (cf. par ex. GIRSBERGER/VOSER, International Arbitration, 3e éd. 2016, n° 843; KAUFMANN-KOHLER/RIGOZZI, International Arbitration, 2015, no 4.185  in fineet nos 4.192 s.; PIERRE-YVES TSCHANZ,  in Commentaire romand, Loi sur le droit international privé - Convention de Lugano, 2011, n° 59 ad art. 179 LDIP; CLAY, op. cit., nos 928 ss; pour des contributions ciblées, cf. en particulier NADIA SMAHI, The Arbitrator's Liability and Immunity Under Swiss Law,  in Bulletin ASA 2016 p. 876 ss, notamment p. 887-889 (Part I) et Bulletin ASA 2017 p. 67 ss, not. p. 81-83 (Part II); BERNET/ESCHMENT, Liability of Arbitrators under Swiss Law [...],  in SchiedsVZ 2016 p. 189 ss, not. p. 191-193; ANGELA OBRIST, Die Haftung des Schiedsrichters, Weblaw [Magister VI.59] 2013, not. p. 35-37). Sur le vu de ce qui précède, et à la lumière du comportement de l'arbitre tel qu'il a été analysé dans l'arrêt 4A_490/2013 (ATF 140 III 75; cf.  supra let. A.d), on ne saurait reprocher aux juges genevois d'avoir adopté un raisonnement juridique manifestement erroné (cf. consid. 2.2  supra) en considérant que, dans ce cas particulier, la responsabilité contractuelle de l'arbitre était engagée.  
 
4.3. Concernant le dommage subi, la Cour de justice a retenu que les frais engagés pour l'activité des avocats Etienne Soltermann et Cristobal Orjales s'élevaient à 14'940 fr. pour la procédure arbitrale (poste incontesté à ce stade), et à 33'930 fr. pour la période afférente à la procédure de recours au Tribunal fédéral (du 4 septembre au 15 novembre 2013, plus la journée du 10 mars 2014).  
 
4.3.1. L'arbitre tente de remettre en question la constatation de fait relative au montant de 33'930 fr., en objectant que la demanderesse n'aurait pas apporté la preuve du paiement des notes d'honoraires de ses avocats, ni établi que de tels frais étaient nécessaires et adéquats.  
Cette démarche est vaine. D'une part, la Cour de justice a écarté, motifs à l'appui, le grief tiré de l'absence de preuve du paiement effectif des honoraires, et l'arbitre n'explique pas en quoi l'analyse de la Cour serait erronée. D'autre part, la Cour de justice a constaté que la demanderesse avait produit un résumé chronologique de l'activité déployée par ses avocats du 30 novembre 2011 au 13 juillet 2016, et que l'arbitre ne pointait pas précisément quelle démarche effectuée par les conseils de la partie adverse était inutile et inadéquate, et pour quel motif. Cette remarque est réputée s'appliquer à l'ensemble du décompte, l'arbitre ne soutenant pas le contraire. 
 
4.3.2. Il est ainsi acquis que la demanderesse a engagé des frais d'avocat effectifs de 33'930 fr. pour la procédure de recours au Tribunal fédéral. A l'issue de cette procédure, elle s'est vu allouer une indemnité de 14'000 fr. à titre de dépens, à la charge de sa partie adverse, soit B.________ SA. Cette indemnité constitue un avantage financier qui doit être imputé sur le montant du dommage dont elle peut réclamer réparation à l'arbitre (  compensatio lucri cum damno, cf. consid. 3.5  supra), ce que l'intéressée admet du reste sans autre. Il subsiste ainsi un solde de 19'930 fr. au titre du dommage subi (33'930 fr. - 14'000 fr.).  
 
4.4. Enfin, l'arbitre ne conteste pas l'existence d'un lien de causalité naturelle et adéquate entre son comportement et les frais d'avocat occasionnés. A lire l'arrêt sur appel, cet élément n'était du reste pas litigieux devant la Cour de justice.  
 
4.5. En définitive, la demanderesse reproche à juste titre aux juges d'appel d'avoir violé le droit fédéral en considérant que l'obtention de dépens dans la procédure fédérale l'empêchait de réclamer au défendeur un quelconque montant au titre du dommage constitué par les frais d'avocat effectivement encourus pour cette procédure.  
Le défendeur doit ainsi verser à la demanderesse, en réparation du dommage lié aux frais engagés pour l'activité des avocats Etienne Soltermann et Cristobal Orjales, la somme de 34'870 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 22 mars 2014 - soit 14'940 fr. pour les frais relatifs à la procédure arbitrale et 19'930 fr. pour ceux relatifs à la procédure de recours devant le Tribunal fédéral (après déduction des dépens de 14'000 fr.) -, comme l'avait statué le Tribunal de première instance. L'appel du défendeur aurait dès lors dû être intégralement rejeté et le jugement de première instance confirmé. 
 
5.  
 
5.1. Selon l'art. 67 LTF, si le Tribunal fédéral modifie la décision attaquée, il peut répartir autrement les frais de la procédure antérieure. La même règle prévaut s'agissant des dépens (cf. art. 68 al. 5 LTF) : le Tribunal fédéral peut soit fixer lui-même ces dépens en suivant les règles de procédure et les tarifs applicables devant l'autorité précédente, soit retourner la cause à celle-ci pour qu'elle se prononce sur cette question (cf. CORBOZ, op. cit., n° 48 ad art. 68 LTF).  
 
5.2. Le Tribunal de première instance, constatant que la demanderesse l'emportait sur le principe d'une indemnisation et sur le 42% de ses conclusions, avait appliqué pour les frais et dépens une clé de répartition de 2/5 pour la demanderesse et de 3/5 pour le défendeur.  
Il n'y a pas à revenir sur cette décision, qui s'inscrit dans le cadre de l'art. 106 al. 2 CPC
 
5.3.  
 
5.3.1. Concernant les frais et dépens de deuxième instance, la Cour de justice a constaté que le défendeur avait requis une réduction de 82'530 fr. par rapport à la somme totale - frais et dépens compris - octroyée à la demanderesse en première instance (216'625 fr.), et n'avait finalement obtenu qu'une réduction de 19'931 fr. Considérant qu'aucune des parties n'obtenait entièrement gain de cause en appel, la cour cantonale a réparti les frais judiciaires à parts égales entre les deux parties, chacune gardant en outre ses propres dépens d'appel à sa charge.  
 
5.3.2. L'admission du recours entraîne la réforme de l'arrêt entrepris dans le sens d'un rejet intégral de l'appel du défendeur. Force est dès lors de constater que les frais et dépens de la procédure d'appel doivent être entièrement mis à sa charge (art. 106 al. 1 CPC). Quant au montant du défraiement de son représentant professionnel (art. 95 al. 3 let. b CPC) - qui relève de la partie 5 (art. 84-90) du Règlement genevois fixant le tarif des frais en matière civile (RTFMC; RS/GE E 1 05.10, en lien avec l'art. 96 CPC) -, il n'a pas été examiné par la cour cantonale, puisque celle-ci a compensé les dépens. Il s'ensuit qu'il y a lieu de lui renvoyer la cause pour nouvelle fixation des frais et dépens de deuxième instance.  
 
6.   
En définitive, le recours doit être admis et l'arrêt attaqué réformé, en ce sens que l'appel du défendeur est rejeté, le jugement de première instance étant confirmé (cf. consid. 4.5 et 5.2  supra). La cause sera renvoyée à l'autorité précédente pour qu'elle statue à nouveau sur les frais et dépens de deuxième instance (cf. consid. 5.3.2  supra).  
Vu l'issue du recours, les frais de la présente procédure seront mis à la charge du défendeur et intimé (art. 66 al. 1 LTF), qui versera en outre à la demanderesse et recourante une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est admis. 
 
2.   
L'arrêt attaqué est réformé en ce sens que l'appel du défendeur est rejeté, le jugement de première instance étant confirmé. 
 
3.   
La cause est renvoyée à l'autorité précédente pour qu'elle statue à nouveau sur les frais et dépens de deuxième instance. 
 
4.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du défendeur. 
 
5.   
Le défendeur versera à la demanderesse une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens. 
 
6.   
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 8 octobre 2018 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La présidente: Kiss 
 
La greffière: Monti