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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
2A.409/2005 /viz 
 
Arrêt du 9 janvier 2006 
IIe Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Merkli, Président, 
Wurzburger et Meylan, Juge suppléant. 
Greffière: Mme Rochat. 
 
Parties 
A.________, 
recourant, représenté par Me Yvan Jeanneret, avocat, 
 
contre 
 
Office cantonal de la population du canton de Genève, case postale 51, 1211 Genève 8, 
Commission cantonale de recours de police des étrangers du canton de Genève, rue Ami-Lullin 4, 
case postale 3888, 1211 Genève 3. 
 
Objet 
expulsion et refus d'autorisation de séjour, 
 
recours de droit administratif contre la décision de la Commission cantonale de recours de police des étrangers du canton de Genève du 19 mai 2005. 
 
Faits: 
A. 
Ressortissant péruvien, né en 1965, A.________ est arrivé en Suisse en 1992, venant d'Espagne où il avait séjourné de 1984 à 1991. Il y a épousé, le 21 août 1992, une ressortissante suisse, B.________, et obtenu de ce fait une première autorisation de séjour délivrée par les autorités vaudoises. Cette autorisation a ensuite été régulièrement renouvelée par les autorités genevoises de 1994 à 1999, le couple ayant déménagé à Genève. Le divorce a été prononcé le 21 mars 1999. 
Le 5 avril 2003, il a épousé C.________, de nationalité suisse mais possédant également la nationalité allemande. Ce n'est toutefois qu'au début de l'année 2005 que l'épouse, qui travaillait jusqu'alors à Munich et avait toujours vécu en Allemagne, a rejoint son époux à Genève, où ils font désormais domicile commun. Aucun enfant n'est issu de cette union. 
A.________, qui a cinq frères et soeurs domiciliés en Suisse dans divers cantons, a travaillé comme chauffeur de poids lourds pour diverses entreprises de transport. Depuis le 1er novembre 2004, il travaille pour le compte de X.________ SA, selon contrat de travail de durée déterminée avec échéance au 31 décembre 2005. 
B. 
En 1995, A.________ a fait l'objet d'une procédure pénale pour viol et contrainte sexuelle, qui a été classée faute de charges suffisantes. 
Le 7 janvier 1998, il a été arrêté sur mandat d'amener décerné par les autorités vaudoises pour infractions d'ordre sexuel commises le 21 novembre 1997. Par jugement du 5 juillet 2000, le Tribunal correctionnel du district de Rolle l'a condamné pour actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de résistance et abus de détresse à la peine de 20 mois d'emprisonnement et à 10 ans d'expulsion avec sursis pendant 5 ans, ainsi qu'à une indemnité pour tort moral de 10'000 francs. Par arrêt du 24 septembre 2001 de la Cour de cassation pénale vaudoise, la peine a été portée à 3 ans de réclusion, le jugement étant confirmé pour le surplus. A.________ a bénéficié en fin de peine d'un régime de semi-liberté, puis, dès le début du mois de décembre 2002, d'une libération conditionnelle, qui n'a pas été révoquée. Les autorités pénitentiaires ont attesté de son bon comportement en détention. A ce stade déjà, l'intéressé s'est soumis à un suivi psychiatrique, dont la poursuite a été érigée en condition de sa libération conditionnelle. 
C. 
Par arrêté du 28 octobre 2002, le Département de justice, police et sécurité du canton de Genève (ci-après: le département) a prononcé l'expulsion de A.________ pour une durée indéterminée, dès sa sortie de prison. L'instruction du recours formé par l'intéressé contre cette décision a été suspendue. 
Le 7 décembre 2004, I'Office cantonal de la population (en abrégé: l'OCP) a refusé de délivrer à A.________ une autorisation de séjour à la suite de son second mariage. Ce dernier a également recouru contre ce prononcé. 
D. 
Par décision du 19 mai 2005, la Commission cantonale de recours de police des étrangers (la Commission) a joint les deux recours et les a rejetés. 
La Commission a considéré en substance que la condamnation infligée à A.________ en 2001 justifiait à elle seule une mesure d'expulsion. Il en découlait que le recourant ne pouvait se prévaloir de son mariage avec une Suissesse, conclu postérieurement au prononcé de cette mesure, pour revendiquer un droit de séjour. Le refus d'un tel droit était également justifié au regard de l'art. 8 § 2 CEDH. La gravité des faits pour lesquels le recourant avait été condamné était indiscutable et ceux-ci relevaient de toute évidence d'un comportement dangereux pour la collectivité. Dès lors, l'intérêt public à l'éloignement du recourant l'emportait sur l'intérêt privé de celui-ci et de son épouse à pouvoir vivre ensemble en Suisse. Ce n'était d'ailleurs que très récemment que celle-ci s'était installée à Genève où, en l'état, elle était en recherche d'emploi. Celle-ci ne pouvait ignorer ni la condamnation pénale, ni la mesure d'expulsion administrative et elle avait donc accepté ou, tout au moins, dû envisager de vivre sa vie de couple hors de Suisse. Entendue par la Commission, elle avait du reste déclaré que si son mari devait quitter définitivement la Suisse, ce ne serait pas un problème d'aller vivre en Allemagne. La mesure d'expulsion et le refus d'une autorisation de séjour n'entraîneraient donc pas la rupture du couple et apparaissaient ainsi appropriés à l'ensemble des circonstances. 
E. 
Agissant par la voie du recours de droit administratif, A.________ conclut, sous suite de frais et dépens, principalement à l'annulation de la décision de la Commission du 19 mai 2005, le Tribunal fédéral étant invité à dire et constater que les conditions d'une mesure d'expulsion ne sont pas réunies et à renouveler son autorisation de séjour; à titre subsidiaire, il demande au Tribunal fédéral de renvoyer la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
La Commission et l'OCP n'ont pas présenté d'observations ni pris de conclusions. L'Office fédéral des migrations propose le rejet du recours. 
Par décision incidente du 27 juillet 2005, la requête d'assistance judiciaire formulée par le recourant a été rejetée. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Le Tribunal fédéral examine d'office et avec plein pouvoir d'examen la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 131 Il 58 consid. 1 p. 60, 137 consid. 1 p. 140, 352 consid. 1 p. 353). 
1.1 La décision présentement déférée a confirmé, d'une part, une décision d'expulsion et, d'autre part, un refus d'accorder une autorisation de séjour au recourant. 
1.1.1 Selon l'art. 100 al. 1 lit. b ch. 3 OJ, le recours de droit administratif est irrecevable contre l'octroi ou le refus d'autorisations auxquelles le droit fédéral ne confère pas un droit. Les autorités compétentes statuent librement, dans le cadre des prescriptions légales et des traités avec l'étranger, sur l'octroi de l'autorisation de séjour ou d'établissement (art. 4 de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers: LSEE; RS 142.20). En principe, l'étranger n'a pas de droit à l'octroi d'une autorisation de séjour; le recours de droit administratif n'est donc pas recevable, à moins que puisse être invoquée une disposition particulière du droit fédéral ou d'un traité accordant le droit à la délivrance d'une telle autorisation (ATF 130 II 388 consid. 1.1 p. 389; 128 II 145 consid. 1.1.1 p. 148 et les arrêts cités). 
Selon l'art. 7 al. 1 LSEE, le conjoint étranger d'un ressortissant suisse a droit à l'octroi et à la prolongation de l'autorisation de séjour. Après un séjour régulier et ininterrompu de cinq ans, il a droit à l'autorisation d'établissement. Ce droit s'éteint lorsqu'il existe un motif d'expulsion. Dans le cas particulier, le recourant est marié à une ressortissante suisse. Il peut donc en principe invoquer cette disposition, de sorte que, sous cet angle, le recours est recevable; c'est en revanche une question de fond que de savoir si ce droit s'est éteint en raison de l'existence d'un motif d'expulsion. 
Un étranger peut, selon les circonstances, se prévaloir du droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'art. 8 § 1 CEDH pour s'opposer à l'éventuelle séparation de sa famille et obtenir ainsi une autorisation de séjour. Encore faut-il, pour pouvoir invoquer cette disposition, que la relation entre l'étranger et une personne de sa famille ayant le droit de s'établir en Suisse (en principe nationalité suisse ou au bénéfice d'une autorisation d'établissement) soit étroite et effective (ATF 129 II 215 consid. 4, p. 218/219). L'art. 13 Cst., qui garantit lui aussi la protection de la vie privée et la vie de famille ne confère pas de droits plus étendus que l'art. 8 CEDH (ATF 126 Il 377 consid. 7 p. 394). II est en l'espèce constant que le recourant entretient avec son épouse une relation effectivement vécue. Il est donc habilité à se prévaloir de ces deux dispositions, de sorte que le recours est également recevable sous cet angle. 
1.1.2 Le recours de droit administratif est par ailleurs recevable contre une décision d'expulsion (art. 100 al. 1 lit. b ch. 4 OJ a contrario). 
1.1.3 Dès lors que la décision présentement déférée peut être attaquée dans son intégralité par la voie du recours de droit administratif, le recours de droit public est exclu sur le même objet (art. 84 al. 2 OJ). 
1.2 Le recours respecte pour le surplus les exigences de forme et délai légaux. Il y a donc lieu d'entrer en matière. 
2. 
D'après l'art. 104 OJ, le recours de droit administratif peut être formé pour violation du droit fédéral, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (lit. a), ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents, sous réserve de l'art. 105 al. 2 OJ (lit. b). Le Tribunal fédéral vérifie d'office l'application du droit fédéral, qui englobe notamment les droits constitutionnels des citoyens, sans être lié par les motifs invoqués par les parties; il peut ainsi admettre le recours pour d'autres raisons que celles avancées par le recourant ou, au contraire, confirmer la décision attaquée pour d'autres motifs que ceux retenus par l'autorité intimée (art. 114 al. 1 in fine OJ; ATF 130 III 707 consid. 3.1 p. 709; 130 I 312 consid. 1.2 p. 318). 
En revanche, lorsque, comme ici, le recours est dirigé contre la décision d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral est lié par les faits constatés dans cette décision, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou incomplets, ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de procédure (art. 105 al. 2 OJ). La possibilité de faire valoir des faits nouveaux ou de nouveaux moyens de preuve est alors très restreinte, car l'on ne saurait reprocher à une autorité d'avoir mal constaté des faits au sens de l'art. 105 al. 2 OJ, si ceux-ci ont changé après sa décision (ATF 130 II 149 consid. 1.2 p. 154, 493 consid. 2 p. 497). 
3. 
3.1 De nationalité suisse et allemande, l'épouse du recourant a exercé une activité lucrative en Allemagne jusqu'à fin 2004, époque où elle a rejoint son mari à Genève. Partant, elle a doublement exercé son droit à la libre circulation que lui confère l'Accord du 1er juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP; RS 0142.112.681; ATF 129 II 249 consid. 4 p. 258 ss, spécialement consid. 4.2 p. 259-260 et 4.3 p. 260-261). Sa situation n'est donc pas identique à celle jugée par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 7 avril 2004, publié aux ATF 130 II 176 ss, où il avait laissé ouverte la question de l'applicabilité de l'Accord en Suisse dans le cas d'un étranger marié à une Suissesse possédant aussi la nationalité espagnole, mais qui travaillait déjà en Suisse au moment de l'entrée en vigueur de l'Accord; le résultat n'était d'ailleurs pas différent, que l'on applique l'art. 7 al. 1 LSEE ou les dispositions de l'Accord sur la libre circulation ( ATF 130 II 176 consid. 2.3 p. 179). Le recourant a donc en principe aussi un droit au regroupement familial en vertu des dispositions de l'Accord, plus particulièrement des art. 4 et 7, ainsi que de l'art. 3 de son Annexe 1. 
3.2 Selon l'art. 1er lit. a LSEE, la loi suisse n'est applicable aux ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne et aux membres de leur famille que si elle est plus favorable aux dispositions de l'Accord. Il y a donc lieu d'examiner au préalable si la Commission pouvait se fonder uniquement sur la législation suisse pour expulser le recourant et refuser de renouveler son autorisation de séjour. 
3.3 Les autorités cantonales ont considéré que le recourant ne pouvait plus se prévaloir des droits que confère l'art. 7 al. 1 LSEE au conjoint d'un ressortissant suisse, car il réalisait, en sa personne, le motif d'expulsion prévu à l'art. 10 al. 1 lit. a LSEE, à la suite de sa condamnation pénale à trois ans de réclusion. Une expulsion ne saurait toutefois être prononcée que si cette mesure paraît appropriée à l'ensemble des circonstances (art. 11 al. 3 LSEE). Pour respecter le principe de proportionnalité, il y a lieu de tenir compte principalement de la gravité de la faute commise par l'étranger, de la durée de son séjour en Suisse et du préjudice qu'il aurait à subir avec sa famille du fait de l'expulsion (art. 16 al. 3 RSEE). Il en va de même s'agissant du refus d'accorder ou de prolonger une autorisation de séjour (ATF 130 II 176 consid. 3.3.4 p. 182). 
Dans le cas particulier, le recourant a été condamné à la peine de trois ans de réclusion, soit à une peine qui excède largement la peine privative de liberté de deux ans retenue par la jurisprudence (ATF 130 II 176 consid. 4.1 p. 185) comme seuil indicatif au-delà duquel une autorisation de séjour n'est, sauf circonstances exceptionnelles, pas accordée, respectivement renouvelée après un séjour relativement bref, même si un départ de Suisse du conjoint paraît difficilement exigible. II n'est donc pas contestable que la faute commise est très lourde et qu'il existe dans cette mesure un intérêt public évident à son éloignement. 
3.4 Selon l'art. 5 al. 1 annexe I ALCP, les droits octroyés par les dispositions de l'Accord ne peuvent être limités que par des mesures justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique (sur la notion d'ordre public, voir ATF 129 II 215 consid. 6.2 p. 220/221 et les références; arrêt de la CJCE du 27 octobre 1977, Bouchereau, C-30/77, Rec. 1977, p. 1999, pts 33-35). On entend par "mesure", au sens de l'art. 5 al. 1 annexe I ALCP et de la directive 64/221/CEE, tout acte affectant le droit à l'entrée et au séjour (ATF 130 II 176 consid. 3.1 p. 180 et les références). La réserve de l'ordre public figurant à l'art. 5 al. 1 annexe I ALCP s'applique aussi bien dans le cadre d'une procédure de renouvellement d'autorisation de séjour que dans celui d'une procédure d'expulsion. Les limitations au principe de la liberté de circulation des personnes doivent cependant s'interpréter de manière restrictive. Ainsi, le recours par une autorité nationale à la notion de l'ordre public pour restreindre cette liberté suppose l'existence d'une menace réelle et d'une certaine gravité affectant un intérêt fondamental de la société (ATF 130 II 176 consid. 3.4.1 p. 182 et les références). Une condamnation pénale antérieure ne sera donc prise en considération que si les circonstances de fait à la base de cette condamnation démontrent que le comportement personnel de l'intéressé constitue une menace actuelle pour l'ordre public (ATF 130 II 176 consid. 3.4.1 p. 183/184 et les références citées). 
Dans la mesure où le recourant affirme avoir pris désormais conscience de la gravité de ses actes et avoir fait un sérieux retour sur lui-même, l'examen du recours sous l'angle de l'art. 5 al. 1 annexe I ALCP paraît plus favorable que sous celui de l'art. 7 al. 1 LSEE qui prend uniquement en compte l'existence d'un motif d'expulsion. Toutefois, le dossier ne contient aucun élément qui permettrait d'exclure avec une vraisemblance suffisante tout risque de récidive, en particulier en raison du traitement psychiatrique suivi par le recourant déjà pendant sa détention. Quoi qu'il en soit, il n'appartient pas au Tribunal fédéral d'examiner plus avant cette question, du moment que la juridiction cantonale ne s'est elle-même pas déterminée sur la réserve de l'ordre public figurant à l'art. 5 al. 1 annexe I ALCP. Dès lors que cette question doit être examinée d'office, il se justifie de lui renvoyer l'affaire pour qu'elle se prononce sur la menace actuelle que représente le recourant pour l'ordre public au regard de cette disposition. 
4. 
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être admis et l'affaire renvoyée à l'autorité intimée pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Le présent arrêt doit être rendu sans frais (art. 156 al. 2 OJ). En revanche, le canton de Genève versera au recourant une indemnité à titres de dépens (art. 159 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est admis et l'affaire est renvoyée à la Commission cantonale de recours de police des étrangers pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
2. 
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire. 
3. 
Le canton de Genève versera au recourant une indemnité de 2'000 fr. à titre de dépens. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, à l'Office cantonal de la population et à la Commission cantonale de recours de police des étrangers du canton de Genève, ainsi qu'à l'Office fédéral des migrations. 
Lausanne, le 9 janvier 2006 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: La greffière: