Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
2D_22/2023
Arrêt du 9 janvier 2024
IIe Cour de droit public
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz et Ryter.
Greffière : Mme Kleber.
Participants à la procédure
A.________,
recourant,
contre
Service de la population du canton de Vaud, avenue de Beaulieu 19, 1014 Lausanne Adm cant VD.
Objet
Refus de délivrer une autorisation de séjour
et renvoi de Suisse,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton
de Vaud, Cour de droit administratif et public, du 8 août 2023 (PE.2023.0010).
Faits :
A.
Ressortissant brésilien né en 1965, A.________ est entré en Suisse le 28 avril 1996, sans autorisation. Depuis lors, il y séjourne illégalement. Il a eu plusieurs activités lucratives successives non déclarées.
A.________ est atteint du VIH-1. Il a été diagnostiqué à son arrivée en Suisse en 1996. La maladie est au stade A2 (phase asymptomatique). Depuis 2013, A.________ suit un traitement antirétroviral trithérapie, dont il aura probablement besoin toute sa vie. Sans ce traitement, le pronostic vital est, selon les médecins, défavorable, avec un danger vital important.
B.
Au début du mois de mars 2021, A.________ a demandé au Service de la population du canton de Vaud (ci-après: le Service cantonal) de lui délivrer une autorisation de séjour pour cas de rigueur.
Par décision du 23 juin 2022, confirmée sur opposition le 20 décembre 2022, le Service cantonal a refusé la délivrance d'une autorisation de séjour en faveur de A.________ et a prononcé son renvoi de Suisse.
A.________ a recouru contre ce prononcé auprès de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal cantonal). Par arrêt du 8 août 2023, le Tribunal cantonal a rejeté le recours et confirmé la décision sur opposition du 20 décembre 2022.
C.
Contre l'arrêt du 8 août 2023, A.________ forme un recours constitutionnel subsidiaire auprès du Tribunal fédéral. Il conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause au Tribunal cantonal pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il demande l'octroi de l'effet suspensif et l'assistance judiciaire.
Par ordonnance du 19 septembre 2023, la Présidente de la IIe Cour de droit public du Tribunal fédéral a admis la demande d'effet suspensif. Le Tribunal fédéral a par ailleurs renoncé à percevoir une avance de frais, tout en précisant à A.________ qu'il serait statué ultérieurement sur sa demande d'assistance judiciaire.
Le Service cantonal renonce à se déterminer sur le recours. Le Tribunal cantonal s'en remet à l'appréciation du Tribunal fédéral quant à la recevabilité du recours et conclut au rejet de celui-ci en se référant aux considérants de son arrêt.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 145 II 168 consid. 1; 144 II 184 consid. 1).
1.1. D'après l'art. 83 let. c ch. 2 LTF, le recours en matière de droit public est irrecevable à l'encontre des décisions en matière de droit des étrangers qui concernent une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit. Selon la jurisprudence, il suffit qu'il existe un droit potentiel à l'autorisation, étayé par une motivation soutenable, pour que l'art. 83 let. c ch. 2 LTF ne s'applique pas et, partant, qu'un recours en matière de droit public soit envisageable (ATF 147 I 89 consid. 1.1.1; 139 I 330 consid. 1.1).
1.2. Le recourant se prévaut de l'art. 8 par. 1 CEDH sous l'angle de la protection de la vie familiale, en relevant qu'il considère sa soeur et son neveu, qui vivent en Suisse, comme sa famille nucléaire.
1.2.1. Selon la jurisprudence, un étranger peut, selon les circonstances, se prévaloir du droit au respect de sa vie familiale au sens de l'art. 8 par. 1 CEDH pour s'opposer à une éventuelle séparation de sa famille. Les relations familiales visées par l'art. 8 par. 1 CEDH sont avant tout celles qui concernent la famille dite nucléaire, soit celles qui existent entre époux ainsi qu'entre parents et enfants mineurs vivant en ménage commun (cf. ATF 144 II 1 consid. 6.1). Cependant, une relation hors famille nucléaire peut tomber sous le coup de la vie familiale au sens de l'art. 8 par. 1 CEDH s'il existe un rapport de dépendance particulier entre la personne étrangère et un proche parent au bénéfice d'un droit de présence assuré en Suisse, par exemple en raison d'un handicap - physique ou mental - ou d'une maladie grave dont il souffrirait (ATF 144 II 1 consid. 6.1; 140 I 77 consid. 5.2).
1.2.2. En l'espèce, le recourant souligne l'intensité des liens qu'il entretient avec sa soeur et son neveu, mais ne prétend ni ne démontre qu'il existerait une relation de dépendance entre eux au sens susmentionné. Il ne se prévaut partant pas de manière défendable d'un droit à demeurer en Suisse fondé sur la protection de la vie familiale. La voie du recours en matière de droit public est donc exclue de ce point de vue.
1.3. Pour le reste, le recours en matière de droit public est irrecevable en ce qui concerne le refus d'une autorisation pour cas de rigueur, car l'art. 30 al. 1 let. b LEI (RS 142.20), qui règle de manière générale les situations de rigueur, ne confère aucun droit et relève en outre des dérogations aux conditions d'admission, expressément exclues de cette voie de droit (cf. art. 83 let. c ch. 5 LTF; cf. arrêt 2C_564/2021 du 3 mai 2022 consid. 1.1). Il est également irrecevable contre la confirmation du renvoi (art. 83 let. c ch. 4 LTF).
1.4. Seule entre ainsi en considération en l'espèce la voie du recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 LTF), qui est du reste celle que le recourant a choisie.
1.4.1. A qualité pour former un recours constitutionnel subsidiaire quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de le faire (art. 115 let. a LTF) et a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (art. 115 let. b LTF).
1.4.2. La jurisprudence a précisé que les recourants qui, comme en l'espèce, ne disposent pas d'un droit d'obtenir une autorisation de séjour en lien avec la disposition litigieuse sur le fond (soit l'art. 30 al. 1 let. b LEI), ne sont pas légitimés, sous l'angle de l'art. 115 let. b LTF, à remettre en cause, par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, le refus de leur octroyer une telle autorisation (cf. ATF 147 I 89 consid. 1.2.2). Ils ne peuvent faire valoir que la violation de droits de partie qui équivalent à un déni de justice formel, pour autant que, par ce biais, ils n'invoquent pas, même indirectement, des moyens ne pouvant être séparés du fond (cf. ATF 137 I 128 consid. 3.1.1; "star-praxis").
En l'occurrence, le recourant dénonce la violation de l'art. 29 al. 2 Cst. Il reproche au Tribunal cantonal de ne pas avoir pris en considération les photographies illustrant ses liens avec sa soeur et son neveu. Son grief ne relève pas du droit d'être entendu, mais de l'appréciation des preuves. Il est indissociable du fond et n'est donc pas recevable.
1.4.3. S'agissant du renvoi, le recourant peut seulement dénoncer la violation de droits constitutionnels spécifiques (protection de la vie humaine, protection contre les traitements cruels, inhumains ou dégradants, etc.) ou de garanties de procédure (ATF 137 II 305 consid. 1 à 3). Toutefois, lorsque sont en cause des droits constitutionnels spécifiques, il est également possible d'alléguer que la décision attaquée méconnaît l'interdiction de l'arbitraire ou le principe d'égalité de traitement (cf. arrêt 2D_14/2018 du 13 août 2018 consid. 1.2).
1.4.4. En l'occurrence, le recourant fait valoir que son renvoi est contraire à l'art. 3 CEDH. Sous cet angle, il a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de l'arrêt attaqué et dispose de la qualité pour recourir.
1.4.5. Pour le surplus, le recours, dirigé contre une décision finale ( art. 90 et 117 LTF ), rendue par une autorité cantonale de dernière instance (art. 113 LTF), a été formé en temps utiles compte tenu des féries (art. 100 al. 1, 46 al. 1 let. b et 117 LTF) et dans les formes prescrites ( art. 42 al. 1 et 2 LTF ). Il convient donc d'entrer en matière.
2.
Le recourant, qui se plaint d'arbitraire (art. 9 Cst.), reproche au Tribunal cantonal de ne pas avoir compris le sens et la portée des déclarations du Dr B.________ en lien avec la stigmatisation des communautés LGBTIQ+ et les personnes séropositives au Brésil.
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 118 al. 1 LTF). Il peut rectifier ou compléter les constatations de cette autorité si les faits ont été établis en violation des droits constitutionnels ( art. 118 al. 2 et 116 LTF ), ce qu'il appartient à la partie recourante d'exposer et de démontrer de manière claire et circonstanciée, conformément aux exigences de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF (par renvoi de l'art. 117 LTF). A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui qui est contenu dans l'acte attaqué (ATF 145 V 188 consid. 2).
2.2. Il y a arbitraire (art. 9 Cst.) dans l'établissement des faits ou l'appréciation des preuves si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen important propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables (cf. ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 144 II 281 consid. 3.6.2).
2.3. Le Tribunal cantonal a noté que le Dr B.________, spécialiste en médecine interne et médecin traitant du recourant, avait recommandé une prise en charge médicale en Suisse, car son patient, diagnostiqué positif au VIH en 1996, était originaire d'un milieu rural au Brésil où l'accès aux soins n'était pas toujours aisé et où la stigmatisation envers les communautés LGBTIQ+ et les personnes séropositives était importante.
2.4. Le recourant ne prétend pas que le Tribunal cantonal a mal retranscrit les propos du Dr B.________. Il n'en ressort pas, contrairement à ce que prétend le recourant, qu'il existe une stigmatisation à l'égard des communautés LGBTIQ+ et des personnes séropositives
en milieu médical, mais de manière générale en milieu rural au Brésil. Il ne ressort pas non plus de ce rapport médical que le recourant serait privé, en cas de renvoi, des soins dont il a besoin de sorte que sa vie serait mise en danger. On ne voit donc pas en quoi le Tribunal cantonal serait tombé dans l'arbitraire en ne retenant pas, sur la base de ce document, que l'accès aux soins et la stigmatisation envers les communautés LGBTIQ+ ou les personnes séropositives seraient problématiques dans l'ensemble du Brésil et en ne concluant pas que le recourant serait privé d'accès aux soins en cas de retour au Brésil en raison de la stigmatisation de ces personnes en milieu rural.
2.5. Mal fondé, le grief d'arbitraire doit être rejeté.
3.
Soulignant qu'il a besoin d'un traitement à vie, le recourant fait valoir que la confirmation de son renvoi par le Tribunal cantonal viole l'art. 3 CEDH.
3.1. Le fait de procéder à un renvoi malgré certaines nécessités médicales peut conduire à une violation de l'interdiction des traitements inhumains et dégradants consacrée par l'art. 3 CEDH. Tel est le cas dans certaines situations exceptionnelles où il existe des motifs sérieux de croire que la personne étrangère concernée, bien que ne courant pas de risque imminent de mourir, ferait face, en raison de l'absence de traitements adéquats dans le pays de destination ou d'un défaut d'accès à ceux-ci, à un risque réel d'être exposée à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé entraînant des souffrances intenses ou à une réduction significative de son espérance de vie (arrêt 2C_54/2022 du 8 novembre 2023 consid. 7.4.2 renvoyant aux arrêts de la CourEDH
Savran c. Danemark du 7 décembre 2021 [req. no 57467/15], § 129;
Paposhvili c. Belgique du 13 décembre 2016 [req. n° 41738/10], § 183). Ce n'est toutefois que si la personne étrangère peut se prévaloir de raisons sérieuses laissant penser qu'un renvoi risquerait réellement de l'exposer à un traitement contraire à l'art. 3 CEDH qu'il incombe aux autorités de dissiper les doutes éventuels à ce sujet. Si tel est le cas, il appartient à ces dernières d'envisager les conséquences prévisibles du renvoi, avant de vérifier au cas par cas si les soins généralement disponibles dans l'Etat de destination sont suffisants pour que la personne dont le renvoi est envisagé n'ait en pratique aucun risque réel d'être exposée à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé entraînant des souffrances intenses ou à une réduction significative de son espérance de vie contraire à l'art. 3 CEDH (arrêt 2C_54/2022 du 8 novembre 2023 consid. 7.4.2 et la jurisprudence citée). Dans ce cadre, les autorités de l'Etat de renvoi doivent s'interroger sur la possibilité effective pour l'intéressé d'avoir accès au traitement nécessaire, compte tenu notamment de son coût, de l'existence d'un réseau social et familial et de la distance à parcourir pour accéder aux soins requis. Dans l'hypothèse où de sérieux doutes persisteraient, il appartient à l'Etat de renvoi d'obtenir de l'Etat de destination, comme condition préalable à l'éloignement, des assurances individuelles et suffisantes que des traitements adéquats seront disponibles et accessibles, afin que la personne renvoyée ne se retrouve pas dans une situation contraire à l'art. 3 CEDH (arrêt 2C_54/2022 du 8 novembre 2023 consid. 7.4.2 et la jurisprudence citée).
3.2. En l'espèce, il est établi dans l'arrêt attaqué que le recourant est atteint du VIH-1, que la maladie est au stade A2 (les stades allant de A à C: stade sans symptôme; système immunitaire en perte de vitesse; SIDA), qu'il suit un traitement antirétroviral et qu'il devra poursuivre celui-ci probablement à vie. Selon l'arrêt entrepris, tous les rapports médicaux indiquent que, sans traitement, la vie du recourant serait mise en danger.
S'agissant de l'accès au Brésil au traitement dont le recourant a besoin, l'arrêt entrepris retient que les personnes diagnostiquées positives au VIH-1 bénéficient d'un traitement gratuit dans le cadre du système de santé unifié du pays et que 73% des adultes et des enfants diagnostiqués positifs au VIH-1 reçoivent un traitement antirétroviral. Le Tribunal cantonal en a déduit que le traitement suivi par le recourant était accessible au Brésil. A défaut d'autres indications concrètes contraires, il a estimé que le recourant pourrait suivre son traitement ou un traitement similaire en cas de retour dans son pays d'origine. Dans son mémoire, le recourant souligne la stigmatisation existante à l'égard des personnes homosexuelles et appartenant aux communautés LGBTIQ+. L'arrêt attaqué retient certes que le Dr B.________ a attesté d'une stigmatisation importante envers les personnes séropositives, ainsi que les personnes appartenant aux communautés LGBTIQ+ au Brésil en milieu rural, dont vient le recourant (cf. supra consid. 2.3). Le risque que le recourant ne puisse pas accéder au traitement dont il a besoin en raison de cette stigmatisation et que sa vie soit de ce fait mise en danger relève toutefois de la spéculation, car l'arrêt attaqué ne retient pas d'élément concret laissant penser que le recourant, personnellement, ne pourra pas accéder aux soins existants au Brésil pour les personnes atteintes du VIH-1. Il convient en outre de souligner que le recourant est à un stade peu avancé de la maladie et que son état n'est pas critique. Compte tenu des possibilités de traitement au Brésil, on ne voit pas qu'il y ait un risque que le recourant soit soumis à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé en cas de renvoi. Le Tribunal cantonal n'a partant pas méconnu l'art. 3 CEDH en confirmant le renvoi de Suisse.
4.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours, dans la mesure où il est recevable. Celui-ci était d'emblée dénué de chances de succès, de sorte que la demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF). Succombant, le recourant doit supporter les frais judiciaires, qui seront réduits pour tenir compte de sa situation financière (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (cf. art. 68 al. 1 et 3 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.
2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué au recourant, au Service de la population et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, ainsi qu'au Secrétariat d'Etat aux migrations.
Lausanne, le 9 janvier 2024
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : F. Aubry Girardin
La Greffière : E. Kleber