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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
5A_228/2008 / frs 
 
Arrêt du 9 juin 2008 
IIe Cour de droit civil 
 
Composition 
MM. et Mmes les Juges Raselli, Président, Escher, Meyer, Hohl et Berthoud P.-A., Juge suppléant. 
Greffier: M. Fellay. 
 
Parties 
A.________, 
Commune de B.________, 
recourants, tous deux représentés par Me Jean-Pierre Carera, avocat, 
 
contre 
 
Commission foncière agricole du canton de Genève, case postale 3650, 1211 Genève 3, 
intimée. 
 
Objet 
droit foncier rural, 
 
recours en matière civile contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Genève du 19 février 2008. 
 
Faits: 
 
A. 
La commune de B.________ et A.________ ont décidé d'acquérir, chacun pour une partie, la parcelle n° 1 de la commune de B.________, d'une surface de 82'418 m2, sise en zone agricole. La première envisageait de réaliser des équipements publics sur le terrain convoité, alors que le second, en sa qualité de propriétaire d'une parcelle voisine, entendait pouvoir agrandir sa propriété et préserver un dégagement autour de celle-ci. Les deux n'étant pas exploitants agricoles, l'acquisition projetée n'était réalisable qu'au travers de la procédure d'offre publique d'achat prévue à l'art. 64 al. 1 let. f de la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991 (LDFR; RS 211.412.11). A la suite de l'appel d'offre publié, X.________, agriculteur domicilié à C.________, a offert d'acheter la parcelle pour le prix de 1'700'000 fr., correspondant à celui précédemment offert par la commune de B.________ et A.________. 
 
B. 
Le 14 novembre 2006, la Commission foncière agricole du canton de Genève a autorisé X.________ à acquérir la parcelle en cause. Elle a communiqué sa décision aux parties contractantes ainsi qu'à l'autorité de surveillance, mais pas à la commune de B.________ et à A.________. 
 
Mettant en doute la qualité d'agriculteur de l'acquéreur, la commune de B.________ et A.________ ont recouru au Tribunal administratif du canton de Genève. Par arrêt du 19 février 2008, celui-ci a déclaré leur recours irrecevable, au motif qu'ils n'avaient pas la qualité pour agir au regard de l'art. 83 al. 3 LDFR et de la jurisprudence développée au sujet de cette disposition et de l'art. 103 let. a OJ
 
C. 
Par acte du 9 avril 2008, A.________ et la commune de B.________ ont saisi le Tribunal fédéral d'un recours en matière civile, concluant à l'annulation de l'arrêt du Tribunal administratif et au renvoi de la cause à cette autorité afin qu'elle statue sur le fond. Ils invoquent la violation des art. 83 al. 3 et 64 al. 1 let. f LDFR. 
 
Le dépôt d'une réponse n'a pas été requis. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
L'arrêt attaqué est une décision d'irrecevabilité fondée sur l'art. 83 al. 3 LDFR, soit une décision qui concerne le droit foncier rural et qui relève donc de la compétence de la IIe Cour de droit civil (art. 32 al. 1 let. b du Règlement du Tribunal fédéral du 20 novembre 2006 [RS 173.110.131]). 
 
Il s'agit plus précisément d'une décision prise en application d'une norme de droit public dans une matière connexe au droit civil (art. 72 al. 2 let. b LTF; cf. Titre 3 de la LDRF traitant des "restrictions de droit public" applicables notamment à l'acquisition des entreprises et des immeubles agricoles), de sorte que la voie du recours en matière civile est ouverte. 
 
L'arrêt attaqué constitue en outre une décision finale (art. 90 LTF) prise par l'autorité cantonale de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF). L'affaire étant de nature administrative, et non pécuniaire (art. 74 al. 1 LTF), le recours est recevable indépendamment de la valeur litigieuse. 
 
Par ailleurs, les recourants ont qualité pour recourir au sens de l'art. 76 al. 1 LTF car, en vertu d'une jurisprudence constante, l'auteur d'un recours déclaré irrecevable pour défaut de qualité pour agir dans une procédure administrative régie par le droit fédéral est habilité à contester ce prononcé par la voie d'un recours au Tribunal fédéral lorsque la décision de l'autorité intimée peut, sur le fond, faire l'objet d'un tel recours (ATF 131 II 497 consid. 1; arrêt 5A.21/2005 du 17 novembre 2005, consid. 1; cf., en outre, arrêt 5A.21/2006 du 9 novembre 2006, consid. 1.2), ce qui est le cas en l'espèce (cf. art. 88 al. 3 LDFR; cf. Message du 6 septembre 2006 relatif à l'ordonnance de l'Assemblée fédérale concernant l'adaptation d'actes législatifs aux dispositions de la loi sur le Tribunal fédéral et de la loi sur le Tribunal administratif fédéral, FF 2006 p. 7351 ss, p. 7357 ch. 5). 
 
Au surplus, le recours a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF), compte tenu des féries de Pâques (art. 46 al. 1 let. a LTF), et dans les formes prescrites (art. 42 LTF). 
 
Il y a lieu, par conséquent, d'entrer en matière. 
 
2. 
L'art. 83 al. 3 LDFR définit le cercle des personnes ayant qualité pour interjeter un recours cantonal (art. 88 al. 1 LDFR) contre le refus ou l'octroi de l'autorisation au sens de la LDFR. Selon cette disposition, les parties contractantes peuvent interjeter un recours contre le refus d'autorisation, alors que l'autorité cantonale de surveillance, le fermier et les titulaires du droit d'emption, du droit de préemption et du droit à l'attribution peuvent le faire contre l'octroi de l'autorisation. 
 
Les recourants font valoir que, selon la jurisprudence, la liste des personnes habilitées à recourir contre le refus ou l'octroi d'une autorisation au sens de l'art. 83 al. 3 LDFR n'est pas exhaustive, qu'ils disposent d'un droit à la délivrance d'une autorisation fondé sur l'art. 64 al. 1 let. f LDFR et qu'ils peuvent donc se prévaloir d'un intérêt juridique au sens de l'art. 76 al. 1 let. b LTF
 
2.1 La formulation de l'art. 83 al. 3 LDFR résulte d'un compromis entre ceux qui voulaient voir la règle de l'art. 103 let. a OJ appliquée également à la LDFR et ceux pour qui les décisions d'autorisation ne devaient pouvoir être attaquées que par les parties au contrat et non par un tiers quelconque. En adoptant la disposition en cause dans sa formulation définitive, le législateur a voulu avant tout assurer un droit de recours au propriétaire et à l'acquéreur, ainsi qu'au fermier et aux titulaires de droits d'emption, de préemption ou d'un autre droit d'attribution; son intention était de restreindre le cercle des personnes généralement habilitées à recourir en matière administrative et d'en exclure les voisins, les organisations de protection de la nature et de l'environnement, ainsi que les associations professionnelles comme les associations paysannes. Cependant, malgré sa formulation restrictive, l'art. 83 al. 3 LDFR ne contient pas une énumération exhaustive des personnes ayant qualité pour recourir contre l'octroi de l'autorisation d'acquérir un bien-fonds agricole (ATF 126 III 274 consid. 1c; 129 III 583 consid. 3.1; arrêts 5A.21/2005 du 17 novembre 2005 consid. 4.2 et 5A.21/2006 du 9 novembre 2006 consid. 1.5). Sous l'empire de l'OJ, une telle qualité pouvait en effet être reconnue à la personne pouvant se prévaloir d'un intérêt digne de protection au sens de l'art. 103 let. a OJ, soit d'un intérêt juridique ou de fait actuel, pratique et particulier (cf. arrêts 5A. 21/2005 et 5A.21/2006 précités). 
 
2.2 Selon l'art. 64 al. 1 let. f LDFR, lorsque l'acquéreur n'est pas personnellement exploitant, l'autorisation lui est accordée si, malgré une offre publique à un prix qui ne soit pas surfait, aucune demande n'a été faite par un exploitant à titre personnel. 
Les recourants soutiennent que cette disposition leur confère un droit à la délivrance d'une autorisation dans l'hypothèse où l'acquéreur ne pourrait pas être considéré comme exploitant agricole, et qu'ils disposent ainsi d'un intérêt juridique à l'annulation de l'attribution de la parcelle litigieuse. 
 
Contrairement à ce qu'ils pensent, l'exception au principe général de la loi prévue à l'art. 64 al. 1 let. f LDFR n'a pas pour but de protéger les intérêts de l'acquéreur non exploitant, mais de sauvegarder, sous l'angle de la garantie de la propriété (art. 26 Cst.), les intérêts de l'agriculteur de céder son domaine dans les cas où l'offre n'est suivie d'aucune demande formulée par un exploitant à titre personnel (ATF 132 III 658 consid. 3.3.1 p. 660 et les références). La LDFR, dont le but est d'encourager la propriété foncière rurale, de renforcer la position de l'exploitant à titre personnel et de lutter contre les prix surfaits des terrains agricoles, n'a pas pour vocation de conférer un droit subjectif à l'acquéreur potentiel qui n'entend pas exploiter à titre personnel, mais qui, comme en l'espèce, souhaite simplement agrandir et préserver son bien-fonds ou réaliser certains équipements publics. A cet égard, c'est à tort que les recourants tentent d'assimiler leur situation à celle des recourants visés par les arrêts du Tribunal fédéral publiés aux ATF 132 III 658 et 133 III 562. Dans ces cas, la qualité pour recourir a été reconnue à des exploitants à titre personnel qui avaient présenté une offre publique d'achat non retenue. Si l'on peut reconnaître un droit, sous l'angle de l'intérêt digne de protection, à l'exploitant à titre personnel, dont le renforcement de la position constitue l'un des buts essentiels de la loi, il n'en va pas de même de l'acquéreur potentiel non exploitant, dont les intérêts ne sont pas spécifiquement protégés par la LDFR. Il convient de rappeler également que cette loi a institué une autorité cantonale de surveillance qui a qualité pour recourir contre la décision d'octroi d'une autorisation (art. 83 al. 3 LDFR) et qui, dans le cadre de son rôle général de veiller au respect de la loi, peut s'opposer à l'octroi d'une autorisation à un acquéreur qui prétendrait indûment remplir les conditions légales pour être considéré comme un exploitant agricole. 
 
Il faut donc retenir que l'art. 64 al. 1 let. f LDFR ne confère pas à l'acquéreur potentiel non exploitant un intérêt digne de protection pour contester la décision d'octroi de l'autorisation d'acquérir un domaine à un exploitant agricole. 
 
2.3 L'art. 76 al. 1 let. b LTF concerne le recours au Tribunal fédéral et non le recours à l'autorité cantonale ici en cause, qui est régi par les art. 83 al. 3 et 88 al. 1 LDFR. Les recourants se contentent d'ailleurs d'affirmer pouvoir se prévaloir d'un intérêt juridique au sens de l'art. 76 al. 1 let. b LTF, sans démontrer que l'autorité cantonale aurait eu tort de renoncer à statuer sur ce point. Elle a en effet laissé indécise la "question d'une modification de la qualité pour agir au sens de l'art. 83 al. 3 LDFR, liée à une éventuelle application anticipée de l'exigence de l'intérêt juridique au sens de l'art. 76 al. 1 LTF, dès lors que cette dernière disposition présente des contours plus restrictifs que l'art. 103 let. a OJ et que les recourants ne disposent pas, en tout état, d'un intérêt digne de protection à recourir au sens de la jurisprudence développée à son propos". Il échappe d'ailleurs aux recourants qu'une nouvelle définition de la qualité pour recourir selon l'art. 76 al. 1 let. b LTF est envisagée dans le cadre de l'adoption du futur code de procédure civile suisse, en ce sens que cette qualité devrait être reconnue - comme sous le régime de l'art. 103 let. a OJ - à "quiconque est particulièrement touché par la décision attaquée et a un intérêt digne de protection à son annulation ou sa modification" (ATF 134 III 136 consid. 1.3 p. 139). 
 
2.4 Il résulte de ce qui précède que l'autorité intimée n'a pas violé le droit fédéral en déclarant irrecevable le pourvoi cantonal interjeté par les recourants. 
 
3. 
Le recours doit par conséquent être rejeté, aux frais de ses auteurs (art. 66 al. 1 et 5 LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux. 
 
3. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal admi-nistratif du canton de Genève. 
 
Lausanne, le 9 juin 2008 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président: Le Greffier: 
 
Raselli Fellay