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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
5A_924/2017  
 
 
Arrêt du 9 juillet 2018  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux von Werdt, Président, 
Herrmann et Schöbi. 
Greffier : M. Braconi. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Alain Berger, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
B.________, 
représentée par Me Philippe Currat, avocat, 
intimée. 
 
Objet 
divorce (compétence), 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 29 septembre 2017 (C/11255/2016; ACJC/1268/2017). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________, né en 1967, à Sheffield (Royaume-Uni), de nationalité anglaise, et B.________, née en 1970 à Moscou (Russie), de nationalité russe, se sont mariés à Genève le 10 janvier 2014. Le couple a une fille, C.________, née en 2013 à Genève. 
Les époux ont rencontré des difficultés conjugales, qui ont conduit à leur séparation; l'épouse est restée à Genève avec l'enfant. 
 
B.  
Le 31 mai 2016, l'épouse a déposé devant le Tribunal de première instance de Genève une demande unilatérale en divorce (art. 115 CC) et requis simultanément des mesures provisionnelles. De son côté, le mari a saisi, le 10 juin 2016, le Juge de paix de la circonscription du Tribunal n° 318 de l'arrondissement Yroslavskiy de la ville de Moscou d'une demande de dissolution du mariage. 
Le Tribunal a tenu audience le 18 octobre 2016. Le mari a excipé de l'incompétence à raison du lieu du juge saisi et de la litispendance; il a fait valoir qu'un jugement de divorce avait été prononcé en Russie le 15 août 2016, contre lequel l'épouse avait fait appel le 13 septembre 2016. Le 21 février 2017, les autorités russes ont délivré un "  certificat de divorce", qui constate que le mariage des parties a été "  dissous le 12 décembre 2016 par un jugement de la justice [de]  Paix de Moscou du 15 août 2016".  
A l'issue de cette audience, le Tribunal a imparti à l'épouse un délai au 15 novembre suivant pour motiver, respectivement compléter, sa demande en divorce et à remis la cause à plaider au 6 décembre 2016, notamment sur les exceptions soulevées par le mari. Le 16 novembre 2016, il a reçu de l'épouse une écriture intitulée: "  demande unilatérale en divorce motivée avec requête en mesures provisionnelles".  
 
C.  
Statuant le 24 janvier 2017, le Tribunal a, entre autres points, rejeté les exceptions d'incompétence et de litispendance soulevées par le mari (ch. 1), dit que l'écriture reçue de l'épouse le 16 novembre 2016 est recevable (ch. 2) et réservé la suite de la procédure, en particulier le sort des frais et dépens (ch. 3-4). 
Par arrêt du 29 septembre 2017, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a rejeté l'appel formé par le mari et confirmé le jugement attaqué. 
 
D.  
Par mémoire expédié le 17 novembre 2017, le mari exerce un recours en matière civile; sur le fond, il demande au Tribunal fédéral de constater l'irrecevabilité de la requête de divorce du 31 mai 2016 et de la demande motivée du 15 novembre 2016 formées par l'épouse. 
Des observations n'ont pas été requises. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Le recours a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision (incidente) sur la compétence (art. 92 al. 1 LTF) prise en matière civile (art. 72 al. 1 LTF), dans une cause non pécuniaire (arrêt 5A_659/2011 du 5 avril 2012 consid. 1.1,  in : PJA 2012 p. 853), par un tribunal supérieur ayant statué sur recours (art. 75 al. 1 et 2 LTF). Le recourant, qui a succombé en instance cantonale et a un intérêt digne de protection à la modification de la décision entreprise, a qualité pour agir (art. 76 al. 1 LTF).  
 
1.2. Selon la jurisprudence constante, les conclusions en constatation de droit ne sont recevables que si des conclusions condamnatoires ou formatrices sont exclues; sauf situations particulières, les conclusions constatatoires ont ainsi un caractère subsidiaire (arrêt 5A_992/2017 du 27 mars 2018 consid. 2.3 et les arrêts cités). Interprétées à la lumière de l'argumentation du mémoire (ATF 137 III 617 consid. 6.2, avec les références), les conclusions constatatoires du recourant doivent être interprétées en ce sens qu'elles tendent à l'irrecevabilité de l'action en divorce de l'intimée. Le recours est recevable sous cet angle.  
 
2.  
Comme le Tribunal fédéral statue sur la base des faits constatés par la juridiction cantonale (art. 105 al. 1 LTF), il y a lieu d'examiner d'abord les critiques dirigées contre l'établissement des faits. 
 
2.1. Le recourant soutient, en bref, que l'autorité cantonale est tombée dans l'arbitraire pour ne pas avoir retenu "  deux faits essentiels" : d'une part, que la procédure d'appel en Russie était terminée, ce qui résulte d'une lettre du 6 janvier 2017, adressée au premier juge et produite en appel; d'autre part, que les époux sont définitivement divorcés depuis le 12 décembre 2016, comme l'atteste le "  certificat de divorce" russe.  
 
2.2. Les pièces qui établissent les faits prétendument omis par l'autorité précédente sont nouvelles au regard de l'art. 317 CPC: le courrier du recourant du 6 janvier 2017 a été produit après les débats principaux en première instance (  cf. art. 229 al. 1 CPC) - ce que le recourant concède expressément -, alors que le certificat de divorce russe a été délivré le 21 février 2017, c'est-à-dire après le jugement de première instance (24 janvier 2017). Or, le reproche de n'avoir pas tenu compte de ces pièces suppose d'emblée que celles-ci aient été régulièrement introduites au procès (art. 152 al. 1 CPC), aspect sur lequel le recourant ne s'exprime pas. Quoi qu'il en soit, la cour cantonale a constaté que les autorités russes avaient délivré un certificat attestant que le mariage des parties était "  dissous" depuis le 12 décembre 2016, même si elle a déclaré ensuite ignorer si le jugement russe était définitif, car "  aucune pièce en ce sens [n'avait été]  produite au dossier". Quant à la portée de ce document, elle ressortit au droit, et non au fait.  
 
3.  
En l'espèce, la cour cantonale a constaté que, le 31 mai 2016, l'intimée a saisi le Tribunal de première instance d'une demande unilatérale en divorce fondée sur l'art. 115 CC, non motivée, et requis simultanément des mesures provisionnelles. Parallèlement, le recourant a introduit le 10 juin 2016 une procédure de divorce en Russie. 
L'autorité cantonale en a déduit que l'action de l'intimée devant le juge compétent en Suisse (art. 59 let. b LDIP) a été ouverte avant celle du recourant en Russie, en sorte que la litispendance a bien été créée en premier lieu en Suisse. Partant, c'est avec raison que le premier juge a rejeté l'exception de litispendance soulevée par le recourant, étant ajouté qu'il apparaît douteux que le divorce prononcé le 15 août 2016 en Russie puisse être reconnu en Suisse au regard des conditions que pose l'art. 27 LDIP. Enfin, l'argumentation relative à l'absence d'intérêt de l'intimée sous l'angle de l'art. 59 CPC est mal fondée. Celle-ci a, en effet, un intérêt manifeste à ce que le divorce soit prononcé par une autorité compétente, dont la décision est susceptible d'être reconnue, ainsi qu'à voir tranchées ses conclusions sur la liquidation du régime matrimonial et les mesures provisionnelles. 
 
3.1. En l'espèce, le recourant se plaint d'une violation de l'art. 59 al. 1 et 2 let. aete CPC, ainsi que de l'art. 2 al. 2 CC. L'invocation de ces règles du droit interne dans un litige dont le caractère international est évident (art. 1er al. 1 let. aet c LDIP) - et d'ailleurs incontesté - mérite quelques précisions.  
C'est au regard de la  lex fori suisse (  i.c. l'art. 59 al. 2 let. a CPC) qu'il convient de vérifier que la nature de l'intérêt invoqué correspond bien à celle "  qui fait naître une action dans le système juridique du for" (dans ce sens: KNOEPFLER/SCHWEIZER/OTHENIN-GIRARD, Droit international privé suisse, 3e éd., 2005, n° 647; BUCHER, Droit international privé suisse, t. I/1: Partie générale - Conflits de juridictions, 1998, n° 407 [lorsque l'intérêt "  dépend de considérations générales, tenant au fonctionnement et à la disponibilité des tribunaux"]). Par contre, l'art. 59 al. 2 let.e CPC n'entre pas en considération: la question de savoir si le jugement russe s'oppose, en raison de l'autorité de la chose jugée, à la continuation du procès en Suisse doit être résolue selon les traités ou les règles de la LDIP, conformément à l'art. 2 CPC (parmi d'autres: FF 2006 6989 n° 5.24.1 ad art. 333; JEANDIN,  in: Code de procédure civile commenté, 2011, n° 22 ad art. 335 CPC). Enfin, s'il est vrai que l'art. 2 al. 2 CC est une norme d'application immédiate au sens de l'art. 18 LDIP (ATF 128 III 201 consid. 1c), cette disposition ne revêt pas de portée propre par rapport au moyen pris de la violation de l'art. 59 al. 2 let. a CPC; ces deux griefs se fondent en effet sur la prémisse commune que l'intimée n'a pas un intérêt digne de protection au maintien d'une procédure en divorce, alors que la dissolution du lien conjugal est déjà sanctionnée par le jugement russe (  cf. par exemple: BOHNET,  in: Code de procédure civile commenté,  opcit., n° 52 ad art. 52 et n° 89 ad art. 59 CPC, avec les références).  
 
3.2.  
 
3.2.1. Le recourant ne remet pas en cause les motifs - au demeurant fondés - de la juridiction précédente relatifs au rejet de son exception de litispendance; il n'y a donc pas lieu d'en débattre plus avant (art. 42 al. 2 LTF; ATF 140 III 115 consid. 2).  
 
3.2.2. Il ne ressort pas de l'arrêt entrepris (art. 105 al. 1 LTF; ATF 140 III 16 consid. 1.3.1) que le recourant aurait dénoncé une violation de l'art. 59 al. 2 let.e CPC devant l'autorité précédente (art. 75 al. 1 LTF; ATF 143 III 290 consid. 1.1, avec les arrêts cités); cette disposition est simplement citée, sans développement particulier, dans la réplique qu'il a déposée le 28 juin 2017 (art. 105 al. 2 LTF).  
Quoi qu'il en soit, la norme précitée ne trouve pas application dans le cas présent, mais bien les règles découlant d'un traité international ou de la LDIP (  cfsupra, consid. 3.1). En l'occurrence, la Convention de La Haye, du 1er juin 1970, sur la reconnaissance des divorces et des séparations de corps (CLaH 70; RS 0.211.212.3) n'entre pas en ligne de compte, puisque la Russie n'en est pas partie. N'ayant pas discerné le véritable fondement juridique de son moyen, le recourant n'expose nullement en quoi le jugement russe pourrait être reconnu en Suisse au regard de l'art. 27 al. 2 let. c LDIP (art. 42 al. 2 LTF; ATF 140 III 86 consid. 2 et les arrêts cités), ce qui n'est du reste pas le cas (BUCHER,  in: Commentaire romand, LDIP - CL, 2011, n° 61 ad art. 27 LDIP).  
Au demeurant, à la lecture des faits constatés dans la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), il est sérieusement permis de douter - avec l'autorité cantonale - de la régularité de la procédure suivie en Russie sous l'angle des exigences de l'art. 27 al. 2 let. aet b LDIP: l'intimée a été "  assignée à une adresse à Moscou", alors qu'il est constant qu'elle est domiciliée en Suisse depuis plusieurs années; après divers reports, une audience a été fixée au  9 août 2016; moins d'une semaine plus tard (  i.e.  15 août 2016), le juge de paix russe a rejeté la demande de l'intimée tendant à l'abandon de la procédure en raison du dépôt d'une demande de divorce en Suisse le 31 mai 2016; statuant le  même jour, cette juridiction a "  résilié" le mariage des époux; l'appel que l'intimée a interjeté a été - selon les assertions du recourant - rejeté "  oralement" le  12 décembre 2016.  
 
3.2.3. D'emblée, il convient de souligner que l'absence d'intérêt à l'exception d'incompétence ne relève pas à elle seule d'un comportement abusif (SCHÜPBACH, Traité de procédure civile, vol. I: Introduction, 1995, p. 89 et la jurisprudence citée en n. 261). Un tel comportement pourrait, tout au plus, se concevoir si l'intimée avait acquiescé à la demande de son époux ou avait elle-même conclu au divorce devant le juge russe (  cf., par analogie: ATF 137 III 421 consid. 5.1). Les faits constatés par la juridiction cantonale (art. 105 al. 1 LTF) n'autorisent cependant pas pareille déduction; au contraire, l'intéressée a demandé au juge russe "  d'abandonner la procédure"en raison de la procédure antérieurement ouverte en Suisse.  
A juste titre, l'autorité cantonale a également retenu que l'intimée avait un intérêt à ce que le juge suisse compétent statue sur sa requête de mesures provisionnelles (art. 62 LDIPcf. à ce sujet: OTHENIN-GIRARD,  in: Droit matrimonial, 2016, nos 32 ss ad Annexe Ie et les nombreuses références). Le recourant le conteste, par l'argument que l'intéressée pourrait alors en requérir dans le cadre d'une action en modification du jugement de divorce russe selon l'art. 64 LDIP. Cette opinion ne peut être suivie. Certes, le juge suisse compétent pour connaître d'une telle action l'est aussi pour ordonner des mesures provisionnelles (OTHENIN-GIRARD,  ibid., n° 126, avec les citations). Encore faut-il qu'elle soit par ailleurs recevable en Suisse, ce qui n'est nullement acquis. A la lecture de l'arrêt déféré (art. 105 al. 1 LTF) il n'est pas possible de déterminer si le juge russe s'est uniquement prononcé sur le principe du divorce ou s'il a en outre statué sur les effets accessoires; dans ce dernier cas, une action en complément du jugement de divorce étranger ne serait pas possible (arrêt 5A_227/2015 du 16 novembre 2015 consid. 2.2.2 et la jurisprudence citée).  
 
4.  
En conclusion, le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité, aux frais du recourant (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens à l'intimée, qui n'a pas été invitée à répondre. 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 9 juillet 2018 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : von Werdt 
 
Le Greffier : Braconi