Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_647/2020
Arrêt du 9 septembre 2021
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux
Hohl, Présidente, Kiss, Niquille, Rüedi et May Canellas.
Greffière: Mme Raetz.
Participants à la procédure
A.________ L td,
représentée par Me Guerric Canonica,
recourante,
contre
B.________ S.A.,
représentée par Mes Felix Dasser et Jeremy Reichlin,
intimée.
Objet
demande de sûretés en garantie des dépens,
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 16 octobre 2020 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève (C/605/2019; ACJC/1568/2020).
Faits :
A.
Le 20 décembre 2013, B.________ S.A. et A.________ Ltd, société de droit xxx sise en Grande-Bretagne, ont conclu un contrat de distribution exclusive contenant, à son article 13, une clause d'élection de for à Genève.
Le 10 janvier 2019, B.________ S.A. a assigné A.________ Ltd en paiement de 786'525,42 euros avec intérêts devant le Tribunal de première instance de Genève. Dans sa réponse, la défenderesse a conclu au rejet de la demande. Reconventionnellement, elle a conclu à la condamnation de la demanderesse à lui verser un montant de 37'964'060 fr.
Par acte du 20 septembre 2019 - dernier jour du délai imparti par le Tribunal pour répondre à la demande reconventionnelle - B.________ S.A. a requis le versement par A.________ Ltd de sûretés en garantie des dépens d'un montant minimum de 278'967 fr. en raison du siège à l'étranger de cette dernière.
Dans ses déterminations du 15 novembre 2019, A.________ Ltd a conclu au rejet de cette requête et requis, à son tour, le versement par B.________ S.A. de sûretés en garantie des dépens de 35'699 fr. au motif que cette dernière était débitrice de frais d'une procédure antérieure: elle ne se serait pas acquittée des dépens de 11'479 fr. 75 auxquels elle avait été condamnée par ordonnance du 29 avril 2019 du Tribunal régional des Montagnes et du Val-de-Ruz du canton de Neuchâtel.
Par ordonnance du 29 avril 2020, le Tribunal de première instance de Genève a débouté B.________ S.A. de ses conclusions en fourniture de sûretés. Par ordonnance du même jour, il a fait droit à celles de A.________ Ltd et condamné B.________ S.A. à fournir, soit en espèces, soit sous forme de garantie d'une banque établie en Suisse ou d'une société d'assurance autorisée à exercer en Suisse, des sûretés en garantie des dépens d'un montant de 35'699 fr. dans un délai échéant le 29 mai 2020.
B.
B.________ S.A. a appelé de ces deux ordonnances.
Par arrêt du 16 octobre 2020, la Cour de justice du canton de Genève les a toutes deux annulées. Elle a débouté A.________ Ltd de sa requête en constitution de sûretés. Elle a en revanche accueilli la requête correspondante de B.________ S.A. et a condamné A.________ Ltd à fournir des sûretés en garantie des dépens d'un montant de 300'000 fr. dans les 60 jours à compter du prononcé de cet arrêt.
C.
Le 11 décembre 2020, A.________ Ltd a formé un recours en matière civile à l'encontre de cet arrêt en concluant principalement à son annulation, à ce qu'il soit fait droit à sa requête en constitution de sûretés dirigée contre B.________ S.A. et à ce que celle formée par cette dernière société à son encontre soit rejetée. Elle a présenté une requête d'effet suspensif. Elle a produit une liasse de nouvelles pièces.
Dans sa réponse du 10 février 2021, B.________ S.A. a conclu principalement à ce que le recours soit déclaré irrecevable et subsidiairement à ce qu'il soit rejeté et la recourante déboutée de toutes ses conclusions.
La recourante s'est spontanément déterminée sur cette réponse, ce qui n'a pas suscité de nouvelle écriture de l'intimée. La cour cantonale s'est référée aux considérants de son arrêt, en guise de réponse.
Par ordonnance du 10 février 2021, la Présidente de la I re Cour de droit civil a fait droit à la requête de la recourante tendant à l'octroi de l'effet suspensif au recours, considérant que cette dernière avait rendu vraisemblable qu'elle n'était point en mesure de verser les sûretés requises de sorte que son recours deviendrait illusoire s'il en était décidé autrement.
Considérant en droit :
1.
1.1. L'arrêt attaqué n'est pas une décision finale au sens de l'art. 90 LTF, mais une décision relative à une contestation au sujet de l'obligation de fournir des sûretés, c'est-à-dire une décision incidente de procédure ne concernant ni la compétence ni une demande de récusation (art. 92 LTF) et qui tombe, dès lors, sous le coup de l'art. 93 LTF.
L'hypothèse visée par l'art. 93 al. 1 let. b LTF n'entrant pas en ligne de compte, le recours n'est recevable que si la décision entreprise peut causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF). Un préjudice ne peut être qualifié d'irréparable que s'il cause un inconvénient de nature juridique; tel est le cas lorsqu'une décision finale, même favorable au recourant, ne le ferait pas disparaître entièrement, en particulier lorsque la décision incidente contestée ne peut plus être attaquée avec la décision finale, rendant ainsi impossible le contrôle par le Tribunal fédéral; en revanche, un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n'est pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue. Il appartient au recourant d'alléguer et d'établir la possibilité que la décision préjudicielle ou incidente lui cause un dommage irréparable (ATF 137 III 324 consid. 1.1).
1.2. En l'espèce, il faut garder en tête que chacune des parties a formulé une requête de sûretés en garantie des dépens contre l'autre.
1.2.1. Le recours vise d'abord le rejet de la requête de la recourante tendant à ce que l'intimée dépose des sûretés.
Les sûretés en garantie des dépens constituent une protection légalement prévue par les art. 99 à 101 CPC en faveur de la partie attraite en justice par une autre partie. Le Tribunal fédéral a déjà reconnu que le déni total ou partiel de cette protection, résultant d'une décision incidente refusant les sûretés ou ordonnant un montant insuffisant, est un préjudice juridique auquel même une décision finale favorable à la partie attraite n'apportera pas de remède, c'est-à-dire un préjudice irréparable aux termes de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (arrêts 4A_269/2020 du 18 août 2020 consid. 1; 4A_121/2018 du 10 septembre 2018 consid. 5; 4A_147/2017 du 28 septembre 2017 consid. 3; 4A_629/2016 du 27 mars 2017; 4A_290/2013 du 30 juillet 2013 consid. 1).
En l'espèce, il est assez évident que la recourante encourt un préjudice irréparable, même si elle n'en dit mot dans son recours. En effet, elle risque de ne point pouvoir recouvrer les dépens qui lui seraient alloués en fin de cause si l'intimée réalise le motif visé à l'art. 99 al. 1 let. c CPC, comme la recourante le soutient.
1.2.2. En revanche, la situation est plus délicate dans la mesure où le recours concerne l'obligation de la recourante elle-même de verser des sûretés à l'intimée.
Lorsque le préjudice irréparable consiste en ce que la partie qui ne fournit pas les sûretés requises s'expose à recevoir une décision d'irrecevabilité de sa demande, cette partie doit démontrer qu'elle n'est pas en mesure de verser le montant qui lui a été réclamé à ce titre. Autrement dit, la preuve de la réalisation de la condition de recevabilité posée à l'art. 93 al. 1 let. a LTF inclut la démonstration de l'impécuniosité de la partie qui attaque la décision incidente devant le Tribunal fédéral (ATF 142 III 798 consid. 2.3.2 et les réf. citées). Partant, le droit d'attaquer une décision incidente en matière de sûretés en garantie des dépens est réservé à la partie qui ne possède pas les moyens financiers nécessaires au paiement du montant qu'elle s'est vu réclamer à ce titre et qui ne remplit pas les conditions lui permettant d'obtenir sa mise au bénéfice de l'assistance judiciaire. La logique veut donc que cette partie démontre qu'elle n'est financièrement pas en mesure de payer le montant qui lui ouvrirait les portes de l'institution judiciaire, quand bien même les exigences relatives à cette preuve ne sont pas aussi élevées que celles qui concernent la preuve de l'indigence au sens de l'art. 117 let. a CPC (ATF 142 III 798 consid. 2.3.4
in fine).
Dans son recours, la recourante a exposé - pièces à l'appui - qu'elle subirait un préjudice irréparable si elle devait être astreinte à verser 300'000 fr. à titre de sûretés, comme l'arrêt attaqué le lui impose. Cette question peut toutefois demeurer ouverte, au vu de l'issue du recours en tant qu'il concerne les sûretés que la recourante a été condamnée à verser à l'intimée (cf. consid. 5
infra).
1.3. Pour le surplus, les conditions du recours sont déterminées par la nature du litige principal. En l'occurrence, le différend ressortit à la matière civile; d'ordre pécuniaire, il excède le seuil de 30'000 fr. prescrit par la loi (art. 74 al. 1 let. b LTF). Le délai de recours a également été respecté (art. 100 al. 1 LTF).
Il sied donc d'entrer en matière.
2.
Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF . Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Cela étant, eu égard à l'exigence de motivation contenue à l' art. 42 al. 1 et 2 LTF , il n'examine en principe que les griefs soulevés; il n'est pas tenu de traiter, à l'instar d'une autorité de première instance, toutes les questions juridiques pouvant se poser, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 140 III 86 consid. 2; 140 III 115 consid. 2; 137 III 580 consid. 1.3). L'art. 42 al. 2 LTF exige par ailleurs que le recourant discute les motifs de la décision entreprise et indique précisément en quoi il estime que l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 140 III 86 consid. 2). En outre, le Tribunal fédéral ne connaît de la violation de droits fondamentaux que si un tel grief a été invoqué et motivé par le recourant, c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de façon claire et détaillée (" principe d'allégation "; art. 106 al. 2 LTF; ATF 144 II 313 consid. 5.1; 142 II 369 consid. 2.1; 142 III 364 consid. 2.4). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 142 III 364 consid. 2.4; ATF 140 III 264 consid. 2.3).
Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF); il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été constatés de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influencer le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). La partie recourante qui soutient que les faits ont été établis d'une manière manifestement inexacte (art. 97 al. 1 LTF), à savoir arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 137 III 268 consid. 1.2), doit démontrer, par une argumentation précise, en quoi consiste la violation (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 II 244 consid. 2.2).
3.
La recourante est tout à la fois l'objet d'une requête de sûretés (sur reconvention) et l'auteur d'une requête semblable à l'encontre de l'intimée (sur action). Le litige porte sur le sort réservé à l'une et l'autre par la cour cantonale: admission pour la première et rejet pour la seconde.
Aux termes de l'art. 99 al. 1 CPC, le demandeur doit, sur requête du défendeur, fournir des sûretés en garantie du paiement des dépens lorsqu'il n'a pas de domicile ou de siège en Suisse (let. a), s'il paraît insolvable, notamment en raison d'une mise en faillite, d'une procédure concordataire en cours ou de la délivrance d'actes de défaut de biens (let. b), s'il est débiteur de frais d'une procédure antérieure (let. c) ou lorsque d'autres raisons font apparaître un risque considérable que les dépens ne soient pas versés (let. d).
4.
S'agissant de la requête en constitution de sûretés formulée par la recourante contre B.________ S.A., la Cour de justice a considéré que le motif allégué par la recourante - à savoir que B.________ S.A. soit débitrice de dépens d'une procédure antérieure (art. 99 al. 1 let. c CPC) - n'était pas réalisé, de telle sorte que cette requête devait être rejetée. Certes, a-t-elle observé, B.________ S.A. avait bel et bien été condamnée par le Tribunal des Montagnes et du Val-de-Ruz du canton de Neuchâtel à verser à la recourante une somme de 11'479 fr. 75 à titre de dépens, dans un jugement qui remonte au 29 avril 2019. Toutefois, la recourante n'avait jamais réclamé ces dépens à B.________ S.A., de sorte que l'état de fait appréhendé par la disposition précitée n'était pas réalisé.
4.1. La recourante discerne là une violation de l'art. 99 al. 1 let. c CPC. Le texte légal imposerait uniquement, à l'en croire, d'être débiteur de frais d'une procédure antérieure. En doctrine, il était question que les frais en cause (i.e. frais de procédure et dépens) soient exigibles, ce qui impliquait que la décision corrélative soit entrée en force et exécutoire. Tel était bien le cas, ce que nul ne contestait. L'opinion de quelques auteurs selon laquelle il faudrait, de surcroît, une mise en demeure du débiteur ne trouverait pas d'assise dans la loi. L'exigibilité d'une créance consacrée par un jugement exécutoire n'en dépendrait pas. La Cour de justice se serait d'ailleurs mise en porte-à-faux avec d'autres arrêts qu'elle avait rendus par le passé et dans lesquels elle avait consacré la solution inverse.
4.2. Selon la lettre de l'art. 99 al. 1 let. c CPC, le demandeur doit être débiteur de frais d'une procédure antérieure. La notion de frais appréhende notamment les dépens (parmi d'autres, arrêt 5A_916/2016 du 7 juillet 2017 consid. 2.4; DENIS TAPPY, in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2e éd. 2019, n° 34 ad art. 99 CPC; RÜEGG/RÜEGG, in Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 3e éd. 2017, n° 16 ad art. 99 CPC; PATRICK STOUDMANN, in Code de procédure civile, Petit commentaire, Chabloz et al. [éd.], 2020, n° 28 ad art. 99 CPC). Cette disposition ne spécifie rien de plus. Elle fait donc uniquement référence au devoir qu'a le demandeur envers son créancier d'effectuer la prestation, c'est-à-dire à la face passive de l'obligation.
Par frais d'une " procédure antérieure ", il faut entendre une procédure désormais close (arrêt 5A_506/2016 du 6 février 2017 consid. 2.1.2; DENIS TAPPY, op. cit., n° 34 ad art. 99 CPC; URWYLER/GRÜTTER, in ZPO Schweizerische Zivilprozessordnung Kommentar, 2e éd. 2016, n° 12 ad art. 99 CPC; MARTIN STERCHI, in Berner Kommentar, 2012, n° 26 ad art. 99 CPC). L'art. 99 al. 1 let. c CPC présuppose un jugement entré en force de chose jugée formelle et exécutoire (URWYLER/GRÜTTER, loc. cit.; MARTIN STERCHI, loc. cit.).
Une interpellation par le créancier est-elle encore nécessaire? Selon la jurisprudence, l'exigence de l'interpellation a pour but d'épargner au débiteur un traitement trop rigoureux, lorsqu'il ignore l'époque de l'exécution ou que cette époque est indéterminée (ATF 97 II 58 consid. 5; arrêt 4A_219/2020 du 12 mars 2021 consid. 4.1; LUC THÉVENOZ, in Commentaire romand, Code des obligations, vol. I, 2e éd. 2012, n° 16 ad art. 102 CO). Dans le cas d'un jugement entré en force de chose jugée, une interpellation ne se justifie pas. Le débiteur est tout à fait conscient du moment auquel il doit s'exécuter; il ne saurait être question de lui épargner un traitement trop rigoureux en imposant une interpellation.
La jurisprudence paraît d'ailleurs avoir opiné dans ce sens (arrêt 5A_916/2016 précité consid. 2.4.5), même si tel n'était pas le coeur du litige dans l'arrêt en question et si le considérant cité n'est pas parfaitement explicite. Il est fort possible qu'il se trouve des arrêts cantonaux allant dans un sens ou un autre; ceci signifie tout au plus qu'il existe une insécurité à cet égard que le présent arrêt aura pour avantage de lever. Quant à l'opinion contraire qui pourrait, à la rigueur, se dégager des commentaires de quelques auteurs de doctrine (DENIS TAPPY, op. cit., n° 35 ad art. 99 CPC; RÜEGG/RÜEGG, op. cit., n° 16 ad art. 99 CPC), cités par la cour cantonale, il serait intéressant de savoir sur quelle réflexion elle repose, ce que toutefois l'on ignore. Il n'est donc pas nécessaire de poursuivre ce débat.
En conclusion, lorsque l'art. 99 al. 1 let. c CPC impose que le demandeur soit débiteur de " frais d'une procédure antérieure ", il présuppose un jugement entré en force de chose jugée et exécutoire, mais n'exige pas de mise en demeure ultérieure du débiteur.
4.3. En l'espèce, il est constant que l'intimée est débitrice envers la recourante de 11'479 fr. 75 au titre des dépens auxquels elle a été condamnée selon un jugement du Tribunal des Montagnes et du Val-de-Ruz du 29 avril 2019. Cette somme n'a pas été acquittée. Ceci implique que l'intimée réalise l'état de fait circonscrit à l'art. 99 al. 1 let. c CPC, indépendamment de savoir si la recourante lui a notifié, ultérieurement, une mise en demeure.
C'est à tort que la cour cantonale a conditionné l'admission de la requête de sûretés de la recourante à cette exigence supplémentaire inconnue de l'art. 99 al. 1 let. c CPC. Le recours doit être admis sur ce point, l'arrêt cantonal annulé dans la mesure où il déboute la recourante de sa requête en constitution de sûretés et la cause être renvoyée à la Cour de justice afin qu'elle fixe le montant des sûretés dues par B.________ S.A., point que le Tribunal fédéral ne saurait trancher à sa place.
5.
S'agissant de la requête en constitution de sûretés dirigée contre la recourante, la Cour de justice a considéré que celle-ci remplissait les conditions pour y être astreinte, puisque son siège se trouvait en Grande-Bretagne (art. 99 al. 1 let. a CPC) et qu'il n'apparaissait pas qu'elle disposerait de biens immobiliers ou d'autres biens " ne pouvant être l'objet d'un transfert immédiat " sur le territoire suisse (art. 3 let. b de la Convention du 3 décembre 1937 en matière de procédure civile entre la Suisse et la Grande-Bretagne; RS 0.274.183.671 [ci-après: Convention CH-GB]).
La recourante se dit victime d'une triple violation du droit fédéral.
5.1. La première prendrait la forme d'une violation de son droit d'être entendue (art. 29 al. 2 Cst. et 53 CPC), puisque la Cour de justice n'aurait pas expliqué pour quelle raison elle avait retenu que la recourante ne possédait pas de biens - autres que des biens immobiliers - " ne pouvant être l'objet d'un transfert immédiat " sur le territoire suisse. Or, elle serait propriétaire de deux montres d'une valeur de 738'292 euros, lesquelles seraient en mains de l'intimée et ne pourraient dès lors être transférées, ce que le premier juge avait jugé déterminant.
5.1.1. La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) le devoir pour le juge de motiver sa décision, afin que le justiciable puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et exercer son droit de recours à bon escient. Pour répondre à ces exigences, le juge doit mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. Il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1; 139 IV 179 consid. 2.2; 134 I 83 consid. 4.1 et les arrêts cités). Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1).
5.1.2. En l'espèce, il est vrai que la Cour de justice s'est distancée du jugement du premier juge par une formule assez lapidaire qui tient en ces lignes: " En outre, il ne résulte pas de la procédure que (la recourante) disposerait de biens immobiliers ou d'autres biens « ne pouvant être l'objet d'un transfert immédiat » sur le territoire suisse ". Elle n'a donc pas fait expressément référence aux objets querellés, sans pour autant que l'on puisse concevoir qu'elle ne les avait pas en tête: le premier juge considérait leur existence comme cruciale. Certes encore, les motifs qui ont guidé la Cour de justice suscitent des interrogations car elle n'explique pas ce qui la conduit à trancher différemment du premier juge. Pour autant, le champ des hypothèses est très limité et n'a pas égaré la recourante. Dans ces conditions, l'on ne saurait lui faire grief d'avoir violé le droit d'être entendue de la recourante.
5.2. La seconde violation dont se plaint la recourante tient dans une constatation inexacte et lacunaire des faits. La Cour de justice aurait écarté des faits essentiels, tenant à l'existence des deux montres déjà citées. Ce fait n'aurait pas donné lieu à moins de huit écritures en procédure cantonale. Le Tribunal de première instance aurait retenu que B.________ S.A. détenait effectivement ces deux montres, que celles-ci appartenaient à la recourante, que leur valeur de marché se montait au total à 738'292 euros, que leur existence était certaine, qu'elles présentaient un caractère de permanence suffisant, pouvaient faire l'objet d'une exécution forcée et enfin que leur valeur de marché permettait de couvrir les dépens éventuels, de sorte qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner le dépôt de sûretés en garantie de ceux-ci. Tous éléments que la Cour de justice aurait passés sous silence.
Il faut bien distinguer ce qui relève du fait et du droit et l'ensemble des éléments avancés par la recourante n'intègre pas la première catégorie; quoi qu'il en soit, même si l'on retient que la recourante est propriétaire de ces montres, qu'elles se trouvent en possession de B.________ S.A. et que leur valeur de marché correspond à 738'292 euros, ceci ne change rien au sort du litige, comme on le verra ci-après. Ce grief peut dès lors demeurer indécis.
5.3. La troisième violation enfin serait caractérisée par une méconnaissance de l'art. 3 let. b de la Convention CH-GB, lequel prévoit une exception à l'obligation de verser des sûretés pour les dépens si la partie requise possède sur le territoire où sont accomplis les actes de procédure " des biens immobiliers ou d'autres biens ne pouvant être l'objet d'un transfert immédiat suffisants pour couvrir ces frais et dépens ". Selon la jurisprudence de la Cour de justice, devraient être considérés comme des " biens ne pouvant être l'objet d'un transfert immédiat " les biens ayant une existence certaine, un caractère de permanence suffisant et pouvant faire l'objet d'une exécution forcée (arrêt ACJC/1362/2009 du 13 novembre 2009 consid. 3.2.1). D'après la recourante, les montres en possession de B.________ S.A. réaliseraient ces conditions. Alors que l'intimée considère que seules des garanties dont la nature est quasi immobilière pourraient entrer en ligne de compte. Ce à quoi elle ajoute que les montres en cause garantiraient déjà une autre prétention, à savoir les frais résultant de la réfection de ces objets.
Il serait bien évidemment possible de disserter à l'envi du concept de " biens ne pouvant être l'objet d'un transfert immédiat " dont il est question à l'art. 3 let. b de la Convention CH-GB, mais dans le cas présent il n'est pas nécessaire de tergiverser. Il est clair que ces montres sont, par excellence, des objets pouvant faire " l'objet d'un transfert immédiat ", ne serait-ce qu'en raison de leur taille. Dès lors, ces montres ne peuvent pas être considérées comme des biens permettant de faire exception à l'obligation de verser des sûretés pour les dépens.
Le fait que ces montres se trouvent en mains, non pas de la recourante, mais de l'intimée, ne remet pas en cause ce qui précède, car elles peuvent être l'objet du litige lui-même, devenir celui d'une procédure ultérieure ou garantir une autre créance. Cela n'est ainsi pas compatible avec une garantie.
Les griefs que la recourante soulève à l'encontre de son obligation de principe de verser des sûretés se révèlent dès lors mal fondés.
5.4. Cela étant, il est inutile de se pencher sur l'argument brandi par l'intimée, selon lequel - à en juger d'après les nouvelles pièces produites par la recourante - cette dernière réaliserait la condition de l'art. 99 al. 1 let. b CPC en ce sens qu'elle paraîtrait insolvable. Assertion contre laquelle la recourante s'insurge comme il se doit.
5.5. Quant au montant de ces sûretés, la Cour de justice a relevé que la valeur litigieuse s'élevait à 37'964'060 fr. Pour une semblable valeur litigieuse, le défraiement dû en vertu de l'art. 85 du règlement genevois fixant le tarif des frais en matière civile du 22 décembre 2010 (RTFMC; RS/GE E 1.05.10) s'élevait à 246'220 fr. 30, auquel s'ajoutaient les débours de 7'386 fr. 60 (3 % du défraiement) et la TVA (19'527 fr. 75) pour former un total arrondi de 273'134 fr. 65. Il se justifiait d'augmenter ce montant de 10 % en vertu de l'art. 85 al. 1, 2e phr., RTFMC vu l'importance des intérêts en jeu et la difficulté de la cause, de sorte que le montant des sûretés pouvait être fixé à un montant arrondi à 300'000 fr. Dans la mesure où la loi ne prescrivait pas que les conclusions en constitution de sûretés soient chiffrées, la Cour ne statuait pas
ultra petitaen fixant des sûretés supérieures à celles requises
a minima par B.________ S.A., laquelle avait oublié de tenir compte de la TVA dans son calcul.
5.5.1. La recourante estime que les juges cantonaux sont allés au-delà des conclusions de l'intimée, en violation de l'art. 58 al. 1 CPC. L'intimée aurait formulé une requête de sûretés d'un montant minimum de 278'967 fr., auquel la Cour devait se tenir puisque l'intimée elle-même l'estimait adéquat. L'augmentation spontanée de 10 % ainsi que l'ajout de la TVA ne se concevait dès lors point, d'autant que, représentée par des avocats expérimentés, l'intimée ne pouvait avoir oublié de tenir compte de cette taxe. Pour finir, l'intimée savait pouvoir la récupérer par l'intermédiaire de ses décomptes d'impôt.
5.5.2. Le principe de disposition veut que les parties soient libres de déterminer ce qu'elles vont réclamer en justice; à titre de conséquence, le Tribunal ne peut aller au-delà des conclusions des parties (
ne ultra petita). Il ne peut donc allouer davantage que demandé ni moins que ce que la partie adverse a reconnu devoir. Cette règle admet quelques exceptions. Ainsi, en matière de dépens, ceux-ci sont alloués sur requête, à tout le moins sous l'empire du CPC; cela étant, leur montant n'a pas à être chiffré (ATF 140 III 444 consid. 3.2.2; voir également ATF 111 Ia 154 consid. 4 et 5 en lien avec l'actuel art. 107 al. 1 LTF). Appelé à dire si les conclusions d'une requête de sûretés en garantie des dépens devaient être chiffrées, le Tribunal fédéral a raisonné par analogie et considéré que des exigences plus sévères - par rapport à ce qui prévaut pour les dépens - ne s'imposaient pas (ATF 140 III 444 consid. 3.2.2). Les sûretés sont évaluées par le juge en fonction du montant des dépens que le demandeur devrait payer si ses conclusions se révèlent mal fondées en fin de cause, sur la base du tarif cantonal. Ce qui signifie qu'il est possible de formuler des conclusions chiffrées, mais que ceci n'est pas exigé par la loi (ATF 140 III 444 consid. 3.2.2).
5.5.3. En l'espèce, le grief de la recourante tombe à faux pour un motif qui s'inscrit dans le prolongement des réflexions qui précèdent. L'intimée n'avait pas à chiffrer les conclusions de sa requête de sûretés en garantie des dépens. Aussi a-t-elle articulé un montant
a minima qui, par définition, n'est pas un plafond. La liberté d'appréciation de la cour cantonale était dès lors intégrale. Elle n'a pas enfreint l'art. 58 CPC en ne s'en tenant pas au montant minimal formulé dans la requête. Quant aux ajouts qu'elle a opérés, ils n'apparaissent pas arbitraires sachant qu'il s'agit là de questions ayant trait à l'application du droit cantonal genevois. S'agissant finalement des griefs que la recourante tire de l'ajout de la TVA, il faut observer que les avocats de l'intimée y sont certainement assujettis et que le lieu de la prestation en cause se situe au siège de celle-ci en Suisse (art. 8 al. 1 LTVA). Son ajout se conçoit dès lors parfaitement. Savoir si l'intimée pourra récupérer cette charge d'impôt par le biais de ses décomptes n'est pas crucial, dans la mesure où la TVA est bâtie sur la technique de la déduction de l'impôt préalable. Il n'y aurait dès lors rien de plus naturel.
La recourante ne soulevant pas d'autres griefs à cet égard, le montant des sûretés peut être entériné. Le recours doit donc être rejeté en tant qu'il concerne les sûretés que la recourante a été condamnée à verser en garantie des dépens de son adverse partie.
6.
Partant, le recours est admis, l'arrêt cantonal annulé sur le point des sûretés que l'intimée doit verser en garantie des dépens de la recourante et la cause renvoyée à la cour cantonale afin qu'elle statue sur leur montant. Le recours est rejeté pour le surplus. La cour cantonale aura soin de se prononcer à nouveau sur les frais et dépens.
Compte tenu de cette issue, la recourante supportera la moitié des frais de procédure et l'intimée l'autre moitié. Les dépens sont compensés.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est partiellement admis, l'arrêt attaqué partiellement annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale afin qu'elle statue à nouveau dans le sens des considérants.
2.
Les frais de procédure sont fixés à 6'500 fr. La recourante en supportera la moitié, à savoir 3'250 fr., l'autre moitié étant mise à la charge de l'intimée.
3.
Les dépens sont compensés.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile.
Lausanne, le 9 septembre 2021
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Hohl
La Greffière : Raetz