Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
Zurück zur Einstiegsseite Drucken
Grössere Schrift
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_563/2024  
 
 
Arrêt du 9 septembre 2024  
 
Ire Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mme et MM. les Juges fédéraux 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, 
Denys et von Felten. 
Greffier : M. Vallat. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Christian Dénériaz, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
1. Ministère public de l'État de Fribourg, 
case postale 1638, 1701 Fribourg, 
2. B.B.________, 
3. C.B.________, 
tous les deux représentés par Me Elio Lopes, avocat, 
intimés. 
 
Objet 
Mesure thérapeutique institutionnelle; arbitraire, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de l'État 
de Fribourg, Cour d'appel pénal, du 21 mai 2024 
(501 2023 166 / 501 2023 167 / 501 2023 171). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 20 septembre 2023, le Tribunal pénal de l'arrondissement de la Sarine a acquitté pour cause d'irresponsabilité A.________, né en 1971, des chefs de prévention de lésions corporelles simples, lésions corporelles simples au moyen d'un objet dangereux, tentative de lésions corporelles graves, tentative de meurtre et dommages à la propriété. Il a également prononcé une mesure thérapeutique institutionnelle, sous déduction de la détention déjà exécutée depuis le 6 octobre 2021, rejeté les conclusions civiles, laissé les frais à la charge de l'État et octroyé à l'intéressé une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure. Ce jugement se prononce en outre sur la levée du séquestre et la confiscation de divers objets, les conclusions civiles ainsi que les frais et indemnités. 
 
B.  
Saisie, entre autres, par A.________, par arrêt du 21 mai 2024, la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal fribourgeois a notamment rejeté, avec suite de frais et indemnités des deux instances, dans la mesure de sa recevabilité, l'appel interjeté par le précité et confirmé son acquittement pour cause d'irresponsabilité ainsi que le prononcé de la mesure thérapeutique institutionnelle. 
En bref, la cour cantonale a jugé que le recourant n'avait pas d'intérêt à contester son acquittement, soit à n'en contester que les motifs en invoquant un état de légitime défense. Après avoir rejeté la requête tendant à la mise en oeuvre d'une nouvelle expertise psychiatrique, ainsi que d'autres mesures d'instruction (auditions de deux témoins), elle a rejeté les autres moyens soulevés. Sa décision, à laquelle on renvoie pour le surplus dans son intégralité, repose sur l'état de fait pertinent suivant. 
 
B.a. À U.________, le 3 octobre 2021, entre 6h30 et 7h00, A.________ a cassé la porte de son appartement au moyen d'un haltère puis blessé le concierge de l'immeuble ainsi que sa femme, et tenté d'en faire de même avec leur fille. Alerté par de forts bruits inhabituels et la porte endommagée de son voisin, B.B.________, concierge de l'immeuble a sonné chez A.________. Lorsque ce dernier a ouvert la porte après lui avoir demandé si c'était la police, A.________ a empoigné B.B.________, lui a arraché son t-shirt et lui a asséné plusieurs coups de poing. Il s'est ensuite muni d'un couteau et l'a blessé au cou et au dos. À l'écoute des cris de son époux, C.B.________ s'est rendue sur les lieux. A.________ l'a alors frappée au visage et l'a ensuite saisie au cou d'une main, avant de serrer sa prise pendant quelques secondes. Inquiétée par la situation, D.B.________ a également rejoint ses parents, moment auquel A.________ a tenté de la frapper. Un mouvement de recul de A.________ a finalement permis à l'ensemble de la famille de quitter les lieux et regagner leur appartement. Le concierge de l'immeuble et sa femme, qui ont l'un et l'autre souffert de diverses lésions, ont indiqué à la police que A.________ ne semblait pas être lui-même. Ce dernier, atteint de schizophrénie paranoïde, était en effet dans un état de décompensation aiguë.  
 
B.b. Il ressort encore notamment de l'arrêt entrepris et des renvois opérés par la cour cantonale (arrêt entrepris, consid. 2.4 p. 6 et consid. 3.3 p. 8) au jugement de première instance (p. 21 à 23) ainsi qu'à diverses pièces du dossier que A.________ a fait l'objet d'une expertise. Celle-ci a été réalisée par la Dre E.________, dont les compétences en psychiatrie ne sont pas contestées et qui a établi un rapport le 21 mai 2022, complété les 9 et 15 juin 2022 (dossier cantonal, p. 4116 ss).  
 
B.b.a. Au moment des faits, A.________ n'était en mesure ni d'apprécier l'illicéité de ses actes, ni de se déterminer selon cette appréciation. Dans les termes de l'experte, "[...] les atteintes aux fonctions psychiques de l'expertisé étaient de nature à le priver de sa faculté d'apprécier le caractère illicite de ses actes et de le priver de sa faculté [de] se déterminer d'après cette appréciation. Ses capacités de discernement étaient abolies".  
 
B.b.b. Hormis le diagnostic et la situation de décompensation aigüe au moment des faits qui ont déjà été évoqués, cette spécialiste a relevé la gravité du trouble mental pour lui-même et la sévérité avec laquelle A.________ en est atteint; elle a noté la relation existant avec les infractions commises. L'intéressé a besoin d'un traitement; il présente un risque majeur en cas d'arrêt de sa médication, qui entraînerait une nouvelle décompensation aigüe avec un risque de récidive très élevé de nouvelles agressions sur des tiers, similaires à celle du 3 octobre 2021 ou à celles qui jalonnent son parcours psychiatrique, voire avec une violence plus importante pouvant aller jusqu'à l'homicide en fonction de la gravité du délire et des hallucinations. Imprévisible et impulsif, il est capable de frapper autrui, même avec un couteau, pour des motifs imaginaires dictés par son trouble délirant. Les biens juridiques menacés sont l'intégrité corporelle et la vie.  
 
B.b.c. Pour répondre aux moyens développés en appel par A.________, qui contestait son irresponsabilité mais alléguait avoir agi en état de légitime défense, la cour cantonale a encore relevé, en substance, que la schizophrénie paranoïde qui l'affecte a pour particularité que la personne se sent persécutée et menacée par des tiers. Cela expliquait notamment qu'il ne s'était plus présenté au travail, s'était éloigné de ses proches et souffrait d'insomnies. Ses déclarations en appel mettaient non seulement en lumière la confusion dans laquelle il était plongé le jour des faits mais aussi qu'il connaissait encore au moment où il était entendu un fort sentiment de persécution. Il ne faisait aucun doute que, ayant interrompu sa médication depuis plusieurs mois, il s'était senti agressé par le concierge de l'immeuble et sa famille lorsqu'ils s'étaient présentés chez lui. C'est en raison d'une décompensation aigüe, qu'il avait mal interprété l'inquiétude de ses voisins et les avait roués de coups, blessés, respectivement avait tenté de le faire.  
En lien avec le prononcé d'une mesure institutionnelle, la cour cantonale a encore relevé que bien qu'il semblât stabilisé au moment de l'appel, il refusait toute médication, considérant qu'il n'était pas malade. Il n'en demeurait pas moins qu'il souffrait d'un grave trouble psychique et que ce dernier l'avait amené à porter atteinte à l'intégrité physique de tiers. Ce trouble suscitait notamment la méfiance et un sentiment de persécution et pourrait l'amener, faute de prendre ses médicaments de manière régulière, à porter atteinte à la vie d'une personne. Elle a relevé, dans ce contexte, plusieurs épisodes violents survenus depuis 1997, qui permettaient de conclure qu'une nouvelle décompensation aigüe pourrait mener dans le futur à des conséquences dramatiques. La cour cantonale a encore souligné que ce trouble nécessitait un suivi rigoureux alors que l'experte, les médecins traitants et l'entourage de l'intéressé s'accordaient à dire qu'il peinait à suivre sa médication sérieusement, ce qui avait conduit l'experte à considérer une mesure ambulatoire comme insuffisante. Bien qu'ayant déclaré à la psychiatre être conscient de ses difficultés et assuré avoir compris qu'une médication était nécessaire à la stabilisation de son humeur, il suspendait régulièrement son traitement après s'être stabilisé grâce aux médicaments, pensant n'en avoir plus besoin ou même qu'ils seraient nocifs pour sa santé. Compte tenu de la sévérité du trouble et de la facilité avec laquelle il suspend son traitement, l'experte s'était déclarée convaincue qu'une mesure institutionnelle, où des injections régulières de neuroleptiques seront administrées, constituait la solution la plus fiable pour qu'il prenne son traitement sans discontinuer et que le risque de récidive diminue. La cour cantonale en a conclu que la mesure préconisée par l'experte s'imposait. 
 
C.  
Par acte du 12 juillet 2024, A.________ recourt en matière pénale au Tribunal fédéral. Il conclut, avec suite de frais et dépens des instances cantonales et fédérale, principalement à son acquittement sans que soit constatée son irresponsabilité et sans prononcé d'une mesure thérapeutique institutionnelle. À titre subsidiaire, il conclut à l'annulation de la décision entreprise et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le point de savoir si le recourant, qui entend obtenir son acquittement en invoquant avoir agi en état de légitime défense, a un intérêt juridique (art. 81 al. 1 let. b LTF) à contester son irresponsabilité pénale souffre de demeurer indécis. Le recourant dispose d'un intérêt juridique à contester l'irrecevabilité de son appel (également fondée sur un tel défaut d'intérêt à n'entreprendre que la motivation de la décision de l'instance précédente) et, pour les raisons qui seront exposées, supposé recevable quant à la qualité pour recourir, le recours en matière pénale devrait de toute manière être rejeté sur le fond dans la mesure où il n'est pas irrecevable pour d'autres motifs, formels en particulier (v. infra consid. 3 et 4)  
 
2.  
Le recourant reproche à la cour cantonale d'être tombée dans l'arbitraire en retenant qu'il était dépourvu de la faculté d'apprécier le caractère illicite de ses actes et de pouvoir se déterminer d'après cette appréciation au moment des faits. Il objecte avoir toujours soutenu qu'il avait été attaqué par le concierge de l'immeuble et sa famille, des tensions existant avec eux depuis son emménagement. Il souligne avoir également toujours remis en doute le bien-fondé de l'expertise psychiatrique, au motif qu'il n'aurait pas été en mesure de répondre aux questions de l'experte. Une seconde expertise lui aurait ainsi permis de s'exprimer en pleine conscience. Le refus de prendre en considération ses déclarations et l'absence de mise en oeuvre d'une seconde expertise auraient conduit la cour cantonale à établir les faits de manière manifestement inexacte. 
 
3.  
Dans le recours en matière pénale, le Tribunal fédéral est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), sous les réserves découlant des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de l'arbitraire dans la constatation des faits (sur cette notion, v. ATF 148 IV 356 consid. 2.1; 147 IV 73 consid. 4.1.2). Le principe in dubio pro reo n'a pas de portée plus large que l'art. 9 Cst. lorsqu'il est invoqué à l'appui de telles critiques (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1). Le Tribunal fédéral n'examine de tels griefs ainsi que, de manière plus générale, tous ceux qui relèvent de la violation de droits fondamentaux, que s'ils sont invoqués et motivés par le recourant (art. 106 al. 2 LTF), soit s'ils ont été expressément soulevés et exposés de manière claire et détaillée. Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (cf. ATF 150 I 50 consid. 3.3.1; 149 IV 231 consid. 2.4; 148 IV 356 consid. 2.1, 409 consid. 2.2; 147 IV 73 consid. 4.1.2).  
 
4.  
La cour cantonale a rejeté l'argumentation par laquelle le recourant tentait de justifier la nécessité de procéder à une seconde expertise. Elle a relevé que l'experte psychiatre l'avait rencontré à plus d'une reprise et qu'elle était apte à déterminer s'il était ou non en état de répondre aux questions. La spécialiste avait en outre pris contact avec le psychiatre du recourant pour prendre en compte ses observations (arrêt entrepris, consid. 1.4.2 p. 5). En l'absence de toute discussion précise de ces considérants et faute pour le recourant d'invoquer la violation de son droit d'être entendu en lien avec le rejet de conclusions incidentes portant sur l'administration de preuves, la motivation du recours ne répond pas aux exigences accrues déduites de l'art. 106 al. 2 LTF. Sous couvert du grief d'avoir établi les faits de manière manifestement inexacte, le recourant oppose ainsi, au mieux, sa propre appréciation à celle de la cour cantonale dans une démarche appellatoire, irrecevable dans un recours en matière pénale. Le Tribunal fédéral n'a, en tout cas, aucun motif de s'écarter de l'appréciation de la cour cantonale à ce sujet. Il n'a, partant, aucun motif non plus de tenir pour insoutenable la conclusion de la cour cantonale selon laquelle le déroulement des faits rapportés par les plaignants et l'état d'irresponsabilité retenu par l'experte correspondaient à la réalité, contrairement aux propos du recourant. Pour le surplus, la cour cantonale a encore consacré des développements conséquents à commenter les nombreux éléments du dossier soutenant la conclusion que c'est bien l'atteinte à la santé psychique du recourant et le fait que ce dernier avait une fois de plus interrompu sa médication, qui expliquaient le déroulement des faits et non une réaction de légitime défense (même putative) au comportement du concierge de l'immeuble et de sa famille (arrêt entrepris, consid. 2.4 p. 6 ss). Le recourant ne discute pas non plus cette argumentation et la motivation du recours apparaît insuffisante sous cet angle également. 
 
5.  
Le recourant invoque la violation des art. 56 et 59 CP
Dans la mesure où il se borne, sur ce point à objecter que la cause de l'atteinte à l'intégrité physique des parties plaignantes devrait être recherchée dans un comportement de légitime défense et non dans l'atteinte qui l'affecte dans sa santé psychique, on peut se restreindre à renvoyer aux considérants de la cour cantonale, qui ne prêtent pas le flanc à la critique. 
En tant que de besoin, on peut souligner brièvement que la mesure institutionnelle prononcée s'impose, en l'espèce, en raison du grave trouble mental qui affecte le recourant (schizophrénie paranoïde) de manière sévère. Sa non-compliance au traitement dans la durée (alors que le trouble psychique qui l'affecte nécessite un suivi rigoureux) a conduit à de très régulières décompensations aigües, entraînant un risque très élevé de nouvelles agressions sur des tiers, similaires à celle du 3 octobre 2021 ou à celles qui jalonnent son parcours psychiatrique, menaçant ainsi des biens juridiques essentiels, telles l'intégrité physique et même la vie de tiers. Suivant les conclusions de l'expertise, la cour cantonale a donc exclu un traitement ambulatoire. On ne discerne, dans cette approche, aucune violation des art. 56 al. 1 et 2 ainsi que 59 CP, du principe de proportionnalité en particulier. 
 
6.  
Le recourant succombe. Ses conclusions étaient dépourvues de chances de succès. L'assistance judiciaire doit être refusée (art. 64 al. 1 LTF). Il y a toutefois lieu de statuer exceptionnellement sans frais (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
L'assistance judiciaire est refusée. 
 
3.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal de l'État de Fribourg, Cour d'appel pénal. 
 
 
Lausanne, le 9 septembre 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
Le Greffier : Vallat