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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
2C_259/2018  
 
 
Arrêt du 9 novembre 2018  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Seiler, Président, 
Aubry Girardin et Haag. 
Greffière : Mme Kleber. 
 
Participants à la procédure 
X.________, 
représenté par Me Véronique Thétaz-Murisier, avocate, 
recourant, 
 
contre  
 
Service de la population et des migrations du canton du Valais, 
Conseil d'Etat du canton du Valais. 
 
Objet 
Regroupement familial différé, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public, du 8 février 2018 
(A1 17 177). 
 
 
Faits :  
 
A.   
X.________, né en 1966 en Ex-Yougoslavie, a épousé en 1993 Y.________, ressortissante kosovare née en 1966. La première fille du couple, A.________, est née en 1993. X.________ est venu le 16 mars 1994 en Suisse, où il a obtenu un titre de séjour. Son épouse et sa fille l'ont rejoint le 11 février 1995; elles ont été mises au bénéfice d'autorisations de séjour au titre du regroupement familial. Les trois autres enfants du couple sont nés en Suisse: B.________, en 1996, C.________, en 1997, et D.________, en 1999. 
Le 1 er août 2008, Y.________ a quitté la Suisse avec les enfants à destination du Kosovo, pour s'y occuper de la mère adoptive de son mari. En 2009, X.________ a été mis au bénéfice d'une autorisation d'établissement et, le 8 mai 2014, il a été naturalisé. Sa mère adoptive est décédée en septembre 2014.  
 
B.   
Le 18 mai 2015, Y.________ et les enfants ont déposé une demande de visa auprès de l'Ambassade de Suisse au Kosovo pour vivre auprès de leur mari et père en Suisse. Le 28 septembre 2015, celui-ci a déposé une demande d'autorisation de séjour au titre du regroupement familial en leur faveur. 
Les époux ont été entendus. Le 7 janvier 2016, le Service de la population et des migrations du canton du Valais (ci-après: le Service cantonal) a informé X.________ qu'il n'était pas disposé à accéder à sa demande. Par courrier du 9 mars 2016, X.________ a renoncé à la demande d'autorisation de séjour déposée en faveur de ses enfants majeurs et a maintenu celle pour son épouse et son fils mineur D.________. 
Par décision du 31 mai 2016, le Service cantonal a classé la demande de regroupement familial en faveur des enfants majeurs et a rejeté celle en faveur de Y.________ et de D.________. Par décision du 9 août 2017, le Conseil d'Etat du canton du Valais a rejeté le recours formé par l'intéressé contre ce prononcé. 
X.________ a formé un recours contre la décision du 9 août 2017 auprès de la Cour de droit public du Tribunal cantonal du canton du Valais (ci-après: le Tribunal cantonal), en concluant uniquement à l'octroi d'une autorisation de séjour en faveur de son épouse. Par arrêt du 8 février 2018, le Tribunal cantonal a rejeté le recours. Les délais légaux pour demander le regroupement familial étaient échus et aucune raison familiale majeure ne justifiait un regroupement familial différé. 
 
C.   
Contre l'arrêt du 8 février 2018, X.________ forme un "recours" au Tribunal fédéral. Il conclut, sous suite de frais et dépens, à ce qu'une autorisation de séjour au titre du regroupement familial soit accordée à son épouse. 
Le Tribunal cantonal a transmis les dossiers de la cause au Tribunal fédéral. Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (cf. art. 29 al. 1 LTF; ATF 142 II 363 consid. 1 p. 365). 
 
1.1. Le recourant n'a pas qualifié son recours au Tribunal fédéral. Cette imprécision ne saurait lui nuire, pour autant que l'acte remplisse les exigences légales de la voie de droit qui est ouverte (cf. ATF 138 I 367 consid. 1.1 p. 370).  
 
1.2. En l'occurrence, la voie du recours en matière de droit public est ouverte. En effet, le présent recours ne tombe pas sous le coup de l'art. 83 let. c ch. 2 LTF, car le recourant, ressortissant suisse, peut se prévaloir d'un droit au regroupement familial pour son épouse fondé sur l'art. 42 al. 1 LEtr (RS 142.20) en lien avec l'art. 47 al. 4 LEtr. Il se prévaut en sus de manière défendable d'une violation de son droit au respect de la vie familiale garanti par l'art. 8 CEDH. Le point de savoir si le regroupement familial doit en définitive être accordé sur la base de ces dispositions relève du fond et non de la recevabilité (cf. arrêts 2C_323/2018 du 21 septembre 2018 consid. 1.1 et 1.2; 2C_153/2018 du 25 juin 2018 consid. 1.1).  
 
1.3. Pour le surplus, l'arrêt attaqué est une décision finale (art. 90 LTF), rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF). Le recours a en outre été formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes prescrites (art. 42 LTF), par le destinataire de l'arrêt attaqué qui a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification, de sorte qu'il a la qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF). Il convient donc d'entrer en matière.  
 
1.4. Toutefois, dans la mesure où elles ne résulteraient pas déjà du dossier cantonal, les pièces nouvelles accompagnant le recours ne peuvent pas être prises en considération (cf. art. 99 al. 1 LTF).  
 
2.  
Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral contrôle librement le respect du droit fédéral, qui comprend les droits de nature constitutionnelle (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF), sous réserve des exigences de motivation figurant à l'art. 106 al. 2 LTF. Il conduit son raisonnement juridique sur la base des faits constatés par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), hormis dans les cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (cf. ATF 142 II 355 consid. 6 p. 358; 139 II 373 consid. 1.6 p. 377 s.). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, la partie recourante doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui qui est contenu dans l'acte attaqué (ATF 137 II 353 consid. 5.1 p. 356). 
 
3.  
 
3.1. Selon l'art. 42 al. 1 LEtr, le conjoint d'un ressortissant suisse ainsi que ses enfants célibataires de moins de 18 ans ont droit à l'octroi d'une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité à condition de vivre en ménage commun avec lui. Le regroupement familial doit être demandé dans un délai de cinq ans et, pour les enfants de plus de 12 ans, dans un délai de 12 mois (cf. art. 47 al. 1 LEtr). Selon le texte clair de la disposition et conformément à la volonté du législateur, le délai de l'art. 47 al. 1 LEtr s'applique au regroupement familial en faveur du conjoint (principe récemment confirmé in arrêt 2C_323/2018 du 21 septembre 2018 consid. 4.2.2 et 4.2.4 et les références citées). Passé ce délai, le regroupement familial différé n'est autorisé que pour des raisons familiales majeures (art. 47 al. 4 LEtr).  
L'art. 47 al. 3 let. a LEtr précise que, pour les membres de la famille des ressortissants suisses, les délais commencent à courir au moment de leur entrée en Suisse ou de l'établissement du lien familial. D'après l'art. 126 al. 3 LEtr régissant le droit transitoire, les délais prévus à l'art. 47 al. 1 LEtr commencent à courir à l'entrée en vigueur de la LEtr, soit au 1er janvier 2008 (RO 2007 5437, p. 5487), dans la mesure où l'entrée en Suisse ou l'établissement du lien familial sont antérieurs à cette date (cf. ATF 136 II 78 consid. 4.2 p. 81). Enfin, selon la jurisprudence, un changement de statut lié à l'octroi d'une autorisation d'établissement ou la naturalisation déclenche un nouveau délai pour autant qu'une première demande ait été déposée dans les délais de l'art. 47 LEtr et que la seconde demande intervienne également dans ces délais (cf. ATF 137 II 393 consid. 3.3 p. 397; arrêts 2C_323/2018 du 21 septembre 2018 consid. 3; 2C_160/2016 du 15 novembre 2016 consid. 2.1). 
 
3.2. En l'occurrence, le recourant et son épouse se sont mariés en 1993 et le recourant est entré en Suisse en 1994. Pour autant, le délai pour demander le regroupement familial n'a pas commencé à courir le 1er janvier 2008 comme l'a retenu l'instance précédente, qui a appliqué l'art. 126 al. 3 LEtr. En effet, l'épouse du recourant, qui a obtenu un premier titre de séjour par regroupement familial en 1995, en était encore titulaire au moment de son départ le 1er août 2008 pour le Kosovo. Par substitution de motifs (cf. ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400), l'arrêt attaqué peut toutefois être confirmé sur ce point. En effet, dans les circonstances d'espèce, on doit retenir qu'un nouveau délai de cinq ans pour le regroupement familial a commencé à courir en 2009, lorsque le recourant a obtenu son autorisation d'établissement. Or, en calculant depuis fin 2009 - à défaut d'indication dans l'arrêt entrepris sur la date exacte d'octroi de l'autorisation d'établissement -, le délai pour demander le regroupement familial était échu au plus tard à fin 2014. La demande de visa de l'épouse du recourant formée le 18 mai 2015 auprès de l'Ambassade de Suisse au Kosovo a donc été déposée hors délais. Dès lors qu'une première demande n'a pas été déposée dans les délais, l'octroi de la naturalisation au recourant en 2014 n'est par ailleurs pas propre à faire naître un nouveau délai. Le regroupement sollicité ne peut donc être autorisé que pour des raisons familiales majeures au sens de l'art. 47 al. 4 LEtr, ce que le recourant ne conteste du reste pas.  
 
4.   
Le recourant fait valoir que le Tribunal cantonal a violé l'art. 47 al. 4 LEtr, ainsi que l'art. 8 CEDH, en n'admettant pas en l'espèce l'existence de raisons familiales majeures. 
 
4.1. D'une façon générale, il ne doit être fait usage de l'art. 47 al. 4 LEtr qu'avec retenue. Les raisons familiales majeures pour le regroupement familial ultérieur doivent toutefois être interprétées d'une manière conforme au droit fondamental au respect de la vie familiale (art. 13 Cst. et 8 CEDH; arrêts 2C_153/2018 du 25 juin 2018 consid. 5.2; 2C_1172/2016 du 26 juillet 2017 consid. 4.3.1).  
Selon la jurisprudence, le désir de voir tous les membres de la famille réunis en Suisse est à la base de toute demande de regroupement familial, y compris celles déposées dans les délais, et représente même une des conditions du regroupement (cf. art. 42 al. 1, 43 al. 1 et 44 let. a LEtr "à condition de vivre en ménage commun"). La seule possibilité de voir la famille réunie ne constitue dès lors pas une raison familiale majeure. Ainsi, lorsque la demande de regroupement est effectuée hors délai et que la famille a vécu séparée volontairement, d'autres raisons sont nécessaires (arrêts 2C_153/2018 du 25 juin 2018 consid. 5.2; 2C_386/2016 du 22 mai 2017 consid. 2.3.1; 2C_285/2015 du 23 juillet 2015 consid. 3.1 et les arrêts cités). Le décès d'un parent proche âgé, dont le conjoint devait s'occuper dans le pays d'origine et où il a donc dû rester, peut, suivant les circonstances, constituer une raison familiale majeure, pour autant que la famille ait cherché en vain une autre solution pour la prise en charge de la personne nécessiteuse (arrêts 2C_153/2018 du 25 juin 2018 consid. 5.2; 2C_285/2015 du 23 juillet 2015 consid. 3.1; 2C_887/2014 du 11 mars 2015 consid. 3.3; 2C_205/2011 du 3 octobre 2011 consid. 4.6). Lorsqu'il existe des solutions alternatives de prise en charge de la personne âgée pendant le délai pour demander le regroupement familial et que le conjoint reste néanmoins dans le pays d'origine, on ne se trouve en principe pas en présence d'une raison familiale majeure au sens de l'art. 47 al. 4 LEtr (cf. arrêt 2C_323/2018 du 21 septembre 2018 consid. 8). 
 
4.2. En l'occurrence, le recourant expose que son épouse n'est pas partie volontairement au Kosovo en 2008, mais pour s'occuper de sa belle-mère née en 1928, aucun autre parent n'étant à même de le faire et un placement dans un home étant impensable. Pour une famille kosovare, s'occuper d'un parent malade âgé relèverait du système culturel et moral. Le couple n'aurait eu d'autre choix que de vivre séparé, mais cela n'était pas leur projet de vie. Mariés depuis 24 ans, ils devraient désormais être autorisés à mener une vie conjugale normale en Valais.  
 
4.3. Le Tribunal cantonal a retenu dans son arrêt que le recourant n'avait pas démontré qu'il n'existait pas de solution alternative pour la prise en charge de sa mère adoptive, pas plus qu'il n'avait donné de précisions sur l'ampleur de la prise en charge nécessaire. Le Tribunal cantonal a également relevé qu'il ne disposait d'aucune information s'agissant de la présence éventuelle d'autres membres de la famille du recourant et, cas échéant, de leur disponibilité pour s'occuper de la mère adoptive de l'intéressé, ou encore de la possibilité d'un placement de celle-ci dans un établissement adapté. Enfin, il a noté que la demande de regroupement familial avait été déposée le 18 mai 2015, que le décès de la mère adoptive du recourant remontait à septembre 2014 et que ce délai de huit mois n'avait pas été expliqué par le couple. Le Tribunal cantonal a déduit de ces éléments que le couple n'avait pas vécu séparé toutes ces années par nécessité comme ils le prétendaient, mais par choix.  
 
4.4. Le recourant se contente d'opposer à ces constatations sa propre version des faits. Il n'invoque toutefois pas, ni ne démontre que les constatations du Tribunal cantonal relatives au manque d'information au sujet des besoins de prise en charge de sa mère adoptive et de la nécessité de la présence de son épouse aux côtés de celle-ci seraient arbitraires ou manifestement inexactes, ce qui aurait été nécessaire s'agissant d'un point de fait (cf. art. 97 al. 1 LTF; cf. supra consid. 2; cf. arrêt 2C_153/2018 du 25 juin 2018 consid. 4.2). Il n'indique pas non plus en quoi le Tribunal cantonal aurait versé dans l'arbitraire en retenant que le couple avait volontairement choisi de vivre sa relation à distance et on ne voit pas en quoi cette déduction serait insoutenable dès lors que la nécessité d'une séparation n'a pas été démontrée. Il n'apparaît pas non plus insoutenable de déduire du laps de temps entre le décès de la mère adoptive du recourant et la demande de regroupement familial que les décisions du couple en matière de lieu de vie de l'épouse n'étaient pas uniquement dictées par la nécessité d'apporter des soins à cette personne âgée. Le recourant ne tente au demeurant même pas d'expliquer pour quelle raison la demande de regroupement familial n'a pas été déposée immédiatement après le décès de sa mère adoptive. Dans ces conditions, le Tribunal fédéral n'a pas à s'écarter des constats de l'autorité précédente (cf. art. 105 al. 1 LTF). Compte tenu de ces constatations et dans la mesure où aucune autre explication à la demande tardive de regroupement familial n'a été avancée, il faut en conclure qu'aucune raison familiale majeure justifiant un regroupement familial différé n'est établie. Le Tribunal cantonal n'a partant pas violé l'art. 47 al. 4 LEtr en confirmant la décision de refus d'octroi d'une autorisation de séjour à l'épouse du recourant.  
 
4.5. Le Tribunal cantonal n'a pas non plus violé l'art. 8 CEDH invoqué par le recourant. En effet, le recourant et son épouse vivent, de leur propre initiative, séparés depuis dix ans environ. La décision entreprise ne fait que maintenir le statu quo. Elle ne porte dès lors pas une atteinte intolérable à la vie de famille. Au surplus, le recourant pourra, comme il l'a fait jusqu'à présent selon l'arrêt entrepris, se rendre régulièrement au Kosovo pour voir sa famille et rien n'empêche son épouse de venir lui rendre visite en Suisse pour des séjours de courte durée.  
 
4.6. Sur le vu de ce qui précède, les griefs du recourant tirés de la violation de l'art. 47 al. 4 LEtr et de l'art. 8 CEDH sont rejetés.  
 
5.   
Le recourant, qui succombe, doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué à la mandataire du recourant, au Service de la population et des migrations, au Conseil d'Etat et au Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public, ainsi qu'au Secrétariat d'Etat aux migrations. 
 
 
Lausanne, le 9 novembre 2018 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Seiler 
 
La Greffière : Kleber