Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
8C_427/2024
Arrêt du 9 décembre 2024
IVe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Wirthlin, Président,
Heine et Métral.
Greffière : Mme Fretz Perrin.
Participants à la procédure
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA),
Division juridique,
Fluhmattstrasse 1, 6002 Lucerne,
recourante,
contre
A.________,
représenté par Me Flore Primault, avocate,
intimé.
Objet
Assurance-accidents (indemnité pour atteinte à l'intégrité),
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 24 juin 2024 (AA 3/22 - 71/2024).
Faits :
A.
A.a. A.________, né en 1950, a travaillé en qualité de poseur de plafonds pour le compte de la société B.________ SA, à U.________ et était, à ce titre, assuré contre le risque d'accident auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA).
Le 3 novembre 1997, l'assuré a fait une chute dans les escaliers, causant une torsion de son genou gauche. La CNA a pris en charge le cas et lui a octroyé une rente d'invalidité fondée sur un taux de 40 % dès le 1
er novembre 1999 ainsi qu'une indemnité pour atteinte à l'intégrité (IPAI) fondée sur un taux de 10 %. Le 14 septembre 2016, l'assuré a subi une arthroplastie totale du genou gauche à la suite d'une rechute en avril 2016. Le 3 septembre 2018, il a subi une arthrolyse du genou gauche en raison d'une sévère arthrofibrose du genou avec patella baja associée après prothèse totale du genou.
En raison de l'évolution des douleurs séquellaires post-opératoires, l'assuré a été examiné le 18 septembre 2019 par le docteur C.________, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur et médecin d'arrondissement de la CNA, lequel a proposé de fixer à 30 % le taux de l'atteinte à l'intégrité, retenant une pangonarthrose avec prothèse dont le résultat était moyen, en référence à la table 5 sur l'indemnisation des atteintes à l'intégrité résultant d'arthroses.
Par décision du 26 septembre 2019, la CNA a versé à l'assuré une IPAI complémentaire fondée sur un taux de 20 %.
A.b. Le 26 février 2021, l'assuré a subi une arthroscopie du genou gauche. Le 20 août 2021, le docteur D.________, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur et médecin d'arrondissement de la CNA, a examiné l'assuré et a confirmé l'estimation de l'atteinte à l'intégrité établie le 18 septembre 2019, au motif que les symptômes de l'assuré et la fonction de la prothèse correspondaient toujours à ceux d'une prothèse dont le résultat était moyen, marqué par des douleurs en terrain accidenté (cf. rapport d'examen du 23 août 2021).
Par courrier du 27 août 2021, la CNA a informé l'assuré de la clôture du cas de la rechute de l'accident professionnel du 3 novembre 1997 et de la fin du service des prestations de l'assurance-accidents, sous réserve du remboursement, dès le 1
er septembre 2021, d'un contrôle annuel auprès d'un chirurgien de choix, d'une consultation clinique et radiologique si nécessaire, d'un traitement antalgique à la demande en privilégiant le paracétamol et d'au maximum dix-huit séances de physiothérapie par an en cas d'aggravation de la douleur. Le 8 septembre 2021, l'assuré a contesté l'appréciation du docteur D.________ et a demandé l'octroi d'une indemnité pour atteinte à l'intégrité supérieure en raison d'une diminution de son intégrité "à plus de 80 %".
Par décision du 12 octobre 2021, confirmée sur opposition le 26 novembre 2021, la CNA a rejeté la demande d'augmentation du taux de l'IPAI.
B.
L'assuré a recouru contre la décision sur opposition du 26 novembre 2021 devant la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud. Le 10 janvier 2023, le juge instructeur a confié au professeur E.________, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, le soin de procéder à une expertise judiciaire. Dans son rapport d'expertise du 11 août 2023, l'expert a retenu que l'état du genou gauche n'était pas stabilisé lors de l'examen du mois d'août 2021 mais toujours en évolution. Au terme des traitements médicamenteux et de physiothérapie habituels, une fois la situation stabilisée, il a estimé qu'un taux d'atteinte à l'intégrité de 60 % (40 % en raison de la pangonarthrose et endoprothèse avec résultat mauvais et 20 % en raison de l'endoprothèse fémoro-patellaire avec patella baja) devait être pris en compte.
Par arrêt du 24 juin 2024, le Tribunal cantonal a admis le recours et a réformé la décision sur opposition du 26 novembre 2021, en ce sens que A.________ avait droit à une IPAI fondée sur un taux de 60 %.
C.
La CNA interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt dont elle demande l'annulation, ainsi que celle de sa décision sur opposition du 26 novembre 2021, en concluant à ce que la cause lui soit renvoyée pour instruction complémentaire et nouvelle décision.
L'intimé conclut principalement à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. Il sollicite le bénéfice de l'assistance judiciaire pour la procédure fédérale.
Le Tribunal cantonal et l'Office fédéral de la santé publique ont renoncé à déposer des observations.
Considérant en droit :
1.
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable. La demande de non-entrée en matière présentée par l'intimé n'y change rien.
2.
Le litige porte sur le taux d'atteinte à l'intégrité déterminant pour le calcul du montant de l'indemnité allouée à l'intimé.
S'agissant d'une procédure concernant l'octroi de prestations en espèces de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par la juridiction précédente (art. 105 al. 3 LTF).
3.
3.1. L'arrêt entrepris expose correctement les dispositions légales et les principes jurisprudentiels relatifs au droit à une indemnité pour atteinte à l'intégrité (art. 24 LAA; art. 36 al. 1 OLAA), à l'échelonnement de l'indemnité en fonction de la gravité de l'atteinte à l'intégrité (art. 25 al. 1 LAA et annexe 3 à l'OLAA fondée sur l'art. 36 al. 2 OLAA) ainsi qu'à l'importance des autres bases de calcul élaborées par le service médical de la CNA sous forme de tableau (cf. ATF 124 V 29 consid. 1c). Il suffit donc d'y renvoyer.
3.2. La jurisprudence considère que pour évaluer l'atteinte à l'intégrité en cas d'implantation de prothèses, respectivement d'endoprothèses, il convient de se fonder sur l'état de santé non corrigé, comme en cas de remise de moyens auxiliaires, à l'exception des moyens servant à la vision (cf. ch. 1 de l'annexe 3 à l'OLAA; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 56/05 du 18 juillet 2005, in RAMA 2005 n° U 562 p. 435). En effet, l'indemnité pour atteinte à l'intégrité vise dans ces cas à compenser, du moins en partie, l'atteinte physique ou psychique en tant que telle, et non pas les conséquences de celle-ci sur les fonctions de la vie ou le mode de vie en général (arrêt 8C_103/2018 du 25 juillet 2018; voir également l'arrêt U 56/05 précité). Selon la table 5 concernant les atteintes résultant d'arthroses avant l'implant, l'arthrose moyenne fémoro-patellaire correspond à une atteinte de 5 % à 10 % et une arthrose grave à une atteinte de 10 % à 25 %; l'arthrose du genou (pangonarthrose) moyenne correspond à une atteinte de 10 % à 30 % et une arthrose grave à une atteinte de 30 % à 40 %.
3.3. Les premiers juges ont fixé le taux de l'atteinte à l'intégrité de l'intimé en reprenant le taux fixé par le professeur E.________ dans son rapport d'expertise judiciaire. Ce dernier a évalué l'atteinte à l'intégrité à 60 %, à savoir 40 % pour la pangonarthrose et endoprothèse avec résultat mauvais (justifié par des reprises chirurgicales répétées et un résultat fonctionnel handicapant) et 20 % pour l'endoprothèse fémoro-patellaire avec un mauvais résultat et patella baja (soit une descente de la rotule sur rétraction de l'appareil extenseur, laquelle est une pathologie distincte de la pangonarthrose et constitue une atteinte à l'intégrité importante car elle prétérite gravement et inhabituellement une éventuelle reprise chirurgicale), en se fondant sur la table 5 des atteintes à l'intégrité selon la LAA.
3.4. La recourante conteste l'évaluation de l'atteinte à l'intégrité réalisée par l'expert et confirmée par la juridiction cantonale car elle ne respecterait pas l'annexe 3 à l'OLAA et la jurisprudence en découlant dans la mesure où elle se fonde sur l'état du genou gauche de l'intimé avec endoprothèse. La CNA ajoute que même à supposer que l'évaluation dût être réalisée sur la base de l'état du genou gauche avec endoprothèse, le taux de 60 % serait manifestement en désaccord avec les données figurant à l'annexe 3 à l'OLAA qui doivent être appliquées par analogie en présence d'atteintes à l'intégrité qui sont spéciales ou qui ne figurent pas dans la liste de ladite annexe. Or la liste en question prévoit un taux de 50 % pour la perte d'une jambe au-dessus du genou, ce qui est une atteinte plus grave, selon la recourante, que celle de l'intimé qui est encore en mesure de marcher, même sur la pointe des pieds et sur les talons, quand bien même il boîte et ressent des douleurs. La recourante demande que la cause lui soit renvoyée afin qu'elle réexamine à nouveau le taux de l'atteinte à l'intégrité de l'intimé après nouvelle instruction.
4.
Dans son rapport d'expertise judiciaire, l'expert E.________ justifie le taux de 60 % retenu pour l'atteinte à l'intégrité en se fondant sur la situation prévalant après la pose de la prothèse totale du genou et non pas antérieure à celle-ci. Il s'est référé à la colonne 6 (endoprothèse avec résultat mauvais) de la table 5 de la CNA concernant le taux de l'atteinte à l'intégrité résultant d'arthrose, additionnant le taux de 40 % pour la pangonarthrose à celui de 20 % pour l'arthrose fémoro-patellaire. Pour sa part, le docteur C.________ a également évalué l'atteinte à l'intégrité en se fondant sur la situation prévalant après la pose de la prothèse et non pas antérieure à celle-ci puisqu'il a tenu compte d'une endoprothèse du genou avec résultat moyen, soit un taux de 30 %, lequel se situe entre le taux de 20 % en cas d'endoprothèse avec résultat bon (colonne 5 de la table 5) et le taux de 40 % en cas d'endoprothèse avec résultat mauvais (colonne 6 de la table 5). Il se justifie dès lors de renvoyer la cause à la CNA afin qu'elle complète l'instruction et fixe à nouveau le taux de l'atteinte à l'intégrité de l'intimé, compte tenu de la situation prévalant avant la pose de la prothèse totale du genou. Dans cette mesure, le recours est bien fondé.
5.
L'intimé a sollicité l'octroi de l'assistance judiciaire.
5.1. Selon l'art. 64 al. 1 LTF, l'assistance judiciaire est accordée à la double condition que la partie requérante ne dispose pas de ressources suffisantes et que ses conclusions ne paraissent pas vouées à l'échec (art. 64 al. 1 LTF).
5.2. Une personne est indigente lorsqu'elle n'est pas en mesure d'assumer les frais de la procédure sans porter atteinte au minimum nécessaire à son entretien et à celui de sa famille. Pour déterminer l'indigence, il convient de prendre en considération l'ensemble de la situation financière de la partie requérante au moment où la demande est présentée (ATF 144 III 531 consid. 4.1; 141 III 369 consid. 4.1). Il y a lieu de mettre en balance, d'une part, la totalité des ressources effectives de la partie requérante et, d'autre part, l'ensemble de ses engagements financiers (ATF 135 I 221 consid. 5.1 et la référence citée; arrêt 5A_984/2022 du 27 mars 2023 consid. 3.1). La part des ressources excédant ce qui est nécessaire à la couverture des besoins personnels doit être comparée aux frais prévisibles de l'instance. La partie requérante ne disposant pas de revenu ou d'un revenu insuffisant doit en principe mettre à contribution son patrimoine avant d'obtenir de l'État l'assistance judiciaire. L'assistance judiciaire n'est pas accordée lorsque la part disponible permet de couvrir les frais judiciaires et d'avocat en une année au plus, pour les procès relativement simples, et en deux ans pour les autres (ATF 141 III 369 consid. 4.1; 135 I 221 consid. 5.1). Il appartient à la partie requérante d'exposer sa situation financière et de produire les pièces propres à établir cette situation (ATF 135 I 221 consid. 5.1; 120 Ia 179 consid. 3a).
Le simple fait que la partie requérante a déjà bénéficié de l'assistance judiciaire devant les instances cantonales ne suffit pas à établir son indigence au stade de la procédure fédérale de recours.
5.3. En l'espèce, il ressort des pièces produites avec la requête d'assistance judiciaire que les revenus du requérant et de son épouse dépassent manifestement leurs dépenses. L'intimé dispose ainsi de revenus suffisants pour supporter les frais judiciaires et les honoraires de l'avocate qu'il a mandatée, si bien que la condition de l'indigence n'est pas réalisée. Une des conditions cumulatives de l'octroi de l'assistance judiciaire faisant défaut, la requête d'assistance judiciaire doit être rejetée sans qu'il soit nécessaire d'en examiner les autres.
5.4. Bien qu'elle obtienne gain de cause, la recourante n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis. L'arrêt de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 24 juin 2024 et la décision sur opposition du 26 novembre 2021 sont annulés. La cause est renvoyée à la CNA pour instruction complémentaire et nouvelle décision.
2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de l'intimé.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral de la santé publique.
Lucerne, le 9 décembre 2024
Au nom de la IVe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Wirthlin
La Greffière : Fretz Perrin