Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
6B_894/2023
Arrêt du 10 janvier 2024
Ire Cour de droit pénal
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux
Jacquemoud-Rossari, Présidente,
van de Graaf et von Felten.
Greffière : Mme Klinke.
Participants à la procédure
A.A.________,
recourant,
contre
1. Ministère public de la République
et canton du Jura,
Le Château, 2900 Porrentruy,
2. B.A.________,
3. C.________ Sàrl,
agissant par B.A.________,
intimés.
Objet
Dommages à la propriété, arbitraire,
recours contre le jugement du Tribunal cantonal
de la République et canton du Jura, Cour pénale,
du 26 mai 2023 (CP 52 / 2022).
Faits :
A.
Par jugement du 16 novembre 2022, le Juge pénal du Tribunal de première instance du canton du Jura a déclaré A.A.________ coupable de dommages à la propriété et l'a condamné a une peine pécuniaire de 10 jours-amende à 10 fr. le jour, peine complémentaire à celle prononcée le 17 septembre 2021, ainsi qu'au paiement des frais judiciaires. II a renoncé à révoquer le sursis à l'exécution de la peine pécuniaire de 20 jours-amende à 20 fr. le jour qui avait été accordé le 27 février 2020 par le Tribunal de première instance et a prolongé le délai d'épreuve d'un an. B.A.________ et C.________ Sàrl ont, pour le surplus, été renvoyés à agir par la voie civile, s'agissant de leurs conclusions civiles.
B.
Par jugement du 26 mai 2023, la Cour pénale du Tribunal cantonal jurassien a rejeté l'appel formé par A.A.________ contre le jugement de première instance, qu'elle a confirmé.
En substance, la cour cantonale a retenu l'état de fait suivant.
A.A.________ et son frère, B.A.________, de même que la société C.________ Sàrl sont tous trois membres de la communauté des propriétaires d'étages de l'immeuble sis place de V.________ xx et xxA, à U.________. Le samedi 27 mars 2021, dans le courant de l'après-midi, A.A.________ a peint un graffiti représentant le drapeau jurassien, emblème officiel de la République et Canton du Jura, sur l'une des façades de cet immeuble.
Le 25 juin 2021, B.A.________, agissant en son nom propre, respectivement au nom de la société C.________ Sàrl dont il est l'unique associé gérant, a déposé plainte pénale contre A.A.________ et s'est constitué partie civile.
C.
A.A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement cantonal et conclut en substance à son acquittement du chef de dommage à la propriété, ainsi qu'au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens. Il sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire.
Considérant en droit :
1.
Le recourant conteste être l'auteur du graffiti litigieux. Il invoque l'arbitraire dans l'établissement des faits et l'appréciation des preuves.
1.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 148 IV 409 consid. 2.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables. Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF; ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 148 IV 409 consid. 2.2; 147 IV 73 consid. 4.1.2).
La présomption d'innocence, garantie par les art. 10 CPP, 32 al. 1 Cst., 14 par. 2 Pacte ONU II et 6 par. 2 CEDH, ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 145 IV 154 consid. 1.1; 144 IV 345 consid. 2.2.3.1; 127 I 38 consid. 2a). En tant que règle sur le fardeau de la preuve, elle signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Comme règle d'appréciation des preuves (sur la portée et le sens précis de la règle sous cet angle, cf. ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3), la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective. Lorsque l'appréciation des preuves et la constatation des faits sont critiquées en référence au principe
in dubio pro reo, celui-ci n'a pas de portée plus large que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 148 IV 409 consid. 2.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1 et les arrêts cités).
Lorsque l'autorité cantonale a forgé sa conviction quant aux faits sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents, il ne suffit pas que l'un ou l'autre de ceux-ci ou même chacun d'eux pris isolément soit à lui seul insuffisant. L'appréciation des preuves doit en effet être examinée dans son ensemble. Il n'y a ainsi pas d'arbitraire si l'état de fait retenu pouvait être déduit de manière soutenable du rapprochement de divers éléments ou indices. De même, il n'y a pas d'arbitraire du seul fait qu'un ou plusieurs arguments corroboratifs apparaissent fragiles, si la solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un ou plusieurs arguments de nature à emporter la conviction (arrêts 6B_558/2023 du 11 septembre 2023 consid. 2.1; 6B_1040/2022 du 23 août 2023 consid. 2.1.2; 6B_924/2022 du 13 juillet 2023 consid. 2.1).
1.2. Faisant sienne l'appréciation du premier juge, la cour cantonale a considéré que plusieurs éléments corroboraient le fait que le recourant était l'auteur du graffiti litigieux à U.________. En substance, elle a retenu que les déclarations de l'intimé, selon lesquelles il avait identifié son frère comme l'auteur du graffiti le jour des faits, étaient globalement constantes. Il n'avait pas d'emblée pris l'option de dénoncer son frère mais lui avait largement laissé l'occasion de réparer les dégâts avant de porter plainte contre lui. En revanche, le recourant n'était pas crédible lorsqu'il prétendait n'avoir appris l'existence du graffiti litigieux que lors de son premier interrogatoire par la police, le 22 août 2021, dès lors que, selon le procès-verbal d'une audience civile tenue le 31 mars 2021, l'intimé avait expressément accusé le recourant d'avoir "fait un tag sur les murs de la PPE". Se référant au raisonnement de première instance, la cour cantonale a écarté le principal alibi invoqué par le recourant concernant sa présence à U.________ le 27 mars 2021. Le témoin D.________, dont s'était prévalu le recourant, avait répété, sous la foi du serment, que les allégations du second selon lesquelles ils auraient passé toute la journée du 27 mars 2021 ensemble étaient à la fois "fausses" et "inimaginables" puisqu'il travaillait tous les samedis en qualité de chauffeur de taxi. En outre, la cour cantonale a constaté plusieurs similitudes entre le graffiti litigieux et ceux que le recourant avait admis avoir réalisés par le passé, lui ayant valu une condamnation (particularités des trois traits de la crosse épiscopale, des fasces rouges et de leur remplissage; caractéristiques de la peinture). Il paraissait totalement inconcevable qu'un inconnu s'approprie le style graphique du recourant pour réaliser une fresque unique à U.________ et décide, fortuitement, d'exercer son art sur le mur de l'immeuble appartenant notamment au frère du recourant.
1.3. Le recourant discute librement la décision entreprise en faisant état de différents éléments de fait, notamment relatifs à la nature de ses liens familiaux, à la configuration des lieux, et aux caractéristiques du témoin D.________, sans pour autant chercher à démontrer en quoi la cour cantonale aurait fait preuve d'arbitraire. Son argumentation s'avère ainsi largement appellatoire et, partant, irrecevable (art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF). Il en va de même en tant qu'il allègue, sans aucune référence au dossier, que certains éléments de preuve le disculperaient (notamment: absence de peinture chez lui; signal de téléphone).
Contrairement à ce que prétend le recourant, la cour cantonale a attentivement examiné les caractéristiques du graffiti litigieux pour établir les similitudes avec ceux qu'il avait admis avoir réalisés auparavant. Le recourant ne discute d'aucune manière le raisonnement cantonal détaillé sur ce point.
Le recourant reproche encore à la cour cantonale d'avoir refusé d'auditionner "un témoin essentiel" pour l'innocenter, sans pour autant l'identifier expressément ni expliquer dans quelle mesure ce témoignage apparaissait essentiel. Faute de motivation suffisante, ce grief est irrecevable (art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF; cf. s'agissant du droit d'être entendu et de l'appréciation anticipée des preuves notamment: ATF 144 II 427 consid. 3.1.3; arrêt 6B_1244/2023 du 20 décembre 2023 consid. 2.2).
En définitive, le recourant échoue à démontrer l'arbitraire dans l'appréciation des preuves et l'établissement des faits.
Pour le surplus, le recourant ne discute d'aucune manière l'application du droit, en particulier sous l'angle de la qualification juridique de l'infraction (art. 144 CP) et de la peine.
2.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté, dans la faible mesure de sa recevabilité. Comme il était dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant qui succombe supportera les frais de la procédure, qui seront fixés en tenant compte de sa situation financière (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour pénale.
Lausanne, le 10 janvier 2024
Au nom de la Ire Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Jacquemoud-Rossari
La Greffière : Klinke