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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_428/2022  
 
 
Arrêt du 10 février 2023  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, Stadelmann et Moser-Szeless. 
Greffier : M. Bleicker. 
 
Participants à la procédure 
Caisse fédérale de pensions PUBLICA, Eigerstrasse 57, 3007 Berne, 
représentée par Me Anne Troillet et Me Alexia Raetzo avocates, 
recourante, 
 
contre  
 
A.________, 
agissant par sa curatrice Kim Auberson Prod'hom, 
intimé. 
 
Objet 
Prévoyance professionnelle (rente d'invalidité), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 13 juillet 2022 (PP 37/19 - 21/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________ est au bénéfice d'un diplôme d'ingénieur en génie rural de l'école B.________. Il a notamment travaillé comme assistant-doctorant à 100 % à l'école B.________ du 1 er mars 2003 au 22 décembre 2005. A ce titre, il a été affilié pour la prévoyance professionnelle auprès de la Caisse fédérale de pensions PUBLICA (ci-après: Publica).  
L'assuré a demandé l'ouverture d'un délai-cadre d'indemnisation de l'assurance-chômage en juin 2006, puis a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité le 22 septembre 2008. Par décisions des 19 octobre 2009 et 29 mars 2010, l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après: l'office AI) lui a octroyé une demi-rente d'invalidité dès le 1 er septembre 2007. Il a retenu que sa capacité de travail était considérablement restreinte depuis le 1 er janvier 2006 (début du délai d'attente d'une année).  
Saisi d'une demande de révision, l'office AI a octroyé à l'assuré une rente entière d'invalidité dès le 1 er mars 2016 (décisions des 23 novembre et 19 décembre 2017).  
 
A.b. A.________ a demandé notamment à Publica et à la Fondation institution supplétive LPP, à titre d'institution de prévoyance des chômeurs, le versement d'une rente d'invalidité de la prévoyance professionnelle. Les deux institutions de prévoyance ont refusé de prester. Le 12 décembre 2018, Publica a maintenu sa position, faute de rapports médicaux établis en temps réel pour la période du 1 er mars 2003 au 31 janvier 2006.  
 
B.  
Par demande datée du 10 décembre 2019, A.________ a ouvert action contre Publica devant la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud. Interpellée par le tribunal, la doctoresse C.________, psychiatre traitante (d'avril 2002 à août 2012), a donné des renseignements complémentaires le 16 juin 2021. Statuant le 13 juillet 2022, le Tribunal cantonal a partiellement admis l'action déposée par A.________ et a condamné Publica à lui verser une demi-rente d'invalidité pour la période du 1 er décembre 2013 au 29 février 2016, puis une rente entière à compter du 1 er mars 2016, ainsi qu'une rente pour enfant liée à ces rentes, avec intérêts à 3,5 % l'an dès le 1 er décembre 2019.  
 
C.  
Publica forme un recours en matière de droit public contre cet arrêt dont elle demande l'annulation. Elle conclut en substance à ce que la demande formée le 10 décembre 2019 par A.________ soit rejetée. Elle requiert l'octroi de l'effet suspensif. 
A.________ conclut au rejet du recours et de la requête d'effet suspensif, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales renonce à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours en matière de droit public peut être formé notamment pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), que le Tribunal fédéral applique d'office (art. 106 al. 1 LTF), n'étant limité ni par les arguments de la partie recourante, ni par la motivation de l'autorité précédente. Le Tribunal fédéral fonde son raisonnement sur les faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF) sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). 
 
2.  
 
2.1. Compte tenu des conclusions et motifs du recours, le litige porte en instance fédérale sur le droit de l'intimé à des prestations d'invalidité de la prévoyance professionnelle dès le 1 er décembre 2013. Il s'agit singulièrement d'examiner si la juridiction cantonale était en droit d'admettre que l'incapacité de travail qui est à l'origine de l'invalidité est survenue à une époque où l'intimé était affilié à Publica, soit entre le 1 er mars 2003 et le 31 janvier 2006 (art. 10 al. 3 LPP). A cet égard, l'arrêt entrepris expose de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels relatifs notamment au droit à des prestations d'invalidité de la prévoyance professionnelle (art. 23 LPP) et à la notion de survenance de l'incapacité de travail, en relation avec la double condition de la connexité matérielle et temporelle nécessaire pour fonder l'obligation de prester d'une institution de prévoyance (ATF 135 V 13 consid. 2.6; 134 V 20 consid. 3.2.1 et 5.3 et les références). Il suffit d'y renvoyer.  
 
2.2. On rappellera que la preuve suffisante d'une limitation de la capacité fonctionnelle de travail déterminante sous l'angle du droit de la prévoyance professionnelle (ATF 134 V 20 consid. 3.2.2) ne suppose pas forcément l'attestation médicale d'une incapacité de travail "en temps réel" ("echtzeitlich"). Toutefois, des considérations subséquentes et des suppositions spéculatives, comme une incapacité médico-théorique établie rétroactivement après bien des années, ne suffisent pas. L'atteinte à la santé doit avoir eu des effets significatifs sur les rapports de travail; en d'autres termes, la diminution de la capacité fonctionnelle de travail doit s'être manifestée sous l'angle du droit du travail, notamment par une baisse des prestations dûment constatée, un avertissement de l'employeur ou une accumulation d'absences du travail liées à l'état de santé (arrêt 9C_556/2019 du 4 novembre 2019 consid. 4.3 et la référence).  
 
3.  
 
3.1. La juridiction cantonale a retenu que l'assuré était atteint de troubles psychiatriques graves depuis de nombreuses années, soit depuis 2001. En avril 2006, à la suite d'un épisode "maniforme" survenu fin 2005, le docteur D.________, chef de clinique du Département de psychiatrie de l'hôpital E.________, avait diagnostiqué un trouble affectif bipolaire, accompagné de traits de personnalité schizoïde. Il n'existait cependant au dossier aucun certificat médical témoignant en temps réel d'une incapacité de travail de l'assuré, avant les attestations établies par le Service de psychiatrie de l'hôpital E.________ le 2 août 2006 et par la doctoresse C.________ le 7 septembre 2006. La doctoresse C.________ avait en particulier attesté - de manière rétrospective - que l'intimé était en incapacité de travail à 100 % dès le 1 er janvier 2006 (rapport du 25 octobre 2008). Les premiers juges ont considéré que la psychiatre avait cependant vu régulièrement l'assuré à sa consultation pendant plus de dix années et qu'elle était par conséquent la mieux à même d'évaluer le début de son incapacité de travail, même de manière rétroactive. La doctoresse C.________ avait du reste confirmé les conclusions de son rapport d'octobre 2008 dans ses écrits ultérieurs, notamment dans son avis du 16 juin 2021. Les constats de la psychiatre étaient au surplus corroborés par d'autres pièces médicales établies en temps réel, en particulier la lettre qu'elle avait adressée au docteur D.________ le 18 janvier 2006 et le bilan établi par ce médecin le 26 avril 2006. Reprenant l'évolution de l'atteinte à la santé depuis 2001, l'autorité précédente a fixé à janvier 2006 la survenance de l'incapacité de travail déterminante et admis que depuis cette date l'assuré n'avait plus retrouvé une capacité de travail nécessaire pour interrompre le lien de connexité temporelle. Publica était dès lors tenue d'allouer les prestations correspondantes à l'assuré.  
 
3.2. Invoquant une constatation manifestement incomplète des faits, en lien avec une violation du droit fédéral, la recourante reproche à la juridiction cantonale d'avoir retenu de manière arbitraire que l'incapacité de travail à l'origine de l'invalidité fût intervenue dès le 1 er janvier 2006. Elle fait avant tout valoir que la doctoresse C.________ a attesté tout d'abord une incapacité de travail dès le 16 juillet 2006 (avis du 7 septembre 2006) puis une incapacité de travail dès le 1 er janvier 2006 deux ans et demi plus tard (avis du 17 février 2008). La doctoresse C.________ avait par ailleurs souvent changé d'avis, indiquant comme date de la survenance de l'incapacité de travail le 16 juillet 2006, puis le 1 er février 2006 et enfin le 1 er janvier 2006. Elle s'était de plus contredite dans son écriture du 16 juin 2021, indiquant que si elle avait formellement attesté d'incapacités de travail qu'à partir de janvier 2006, des incapacités de travail étaient déjà présentes antérieurement (dès 2001). Aussi, l'avis de la doctoresse C.________ n'avait pas de valeur probante.  
 
4.  
 
4.1. En l'occurrence, selon les faits constatés par la juridiction cantonale, de manière à lier le Tribunal fédéral (consid. 1), l'intimé a connu une péjoration brutale de son état de santé en septembre 2005, avec la survenance d'un épisode psychotique (conviction délirante qu'un attentat se préparait à Genève, avec association d'idées qui ne suivaient aucune logique). Il a tenté de "normaliser" sa situation en prenant de lui-même un neuroleptique. Il s'est ensuivi un épisode hypomaniaque ("grande euphorie"), voire maniaque (en tenant compte des symptômes psychotiques initiaux). Dans ce contexte, l'intimé a connu un conflit avec son directeur de thèse, a quitté son emploi à l'école B.________ avec effet immédiat, s'est séparé de son épouse et est parti pour un projet personnel - dont on ne sait rien - à l'étranger en décembre 2005.  
 
4.2. De plus, à l'inverse de ce que soutient la recourante, la doctoresse C.________ a constaté "en temps réel" la dégradation de l'état de santé de l'intimé puisque, soupçonnant un trouble bipolaire, elle l'a adressé dès janvier 2006 au Département de psychiatrie de l'hôpital E.________ pour avis (correspondance de la doctoresse C.________ du 18 janvier 2006). Aussi, le chef de clinique du Département de psychiatrie de l'hôpital E.________ a évalué l'assuré à son retour de l'étranger, les 7 mars, 5 avril et 26 avril 2006. Le psychiatre a diagnostiqué un trouble affectif bipolaire, des traits de personnalité schizoïde et un transvestisme fétichiste; le nouvel état de l'intimé, depuis septembre 2005, était caractérisé par un changement d'humeur, avec diminution de sommeil sans diminution de l'énergie, présence d'irritabilité, de conflits interpersonnels et de prise de décisions impulsives (rapport d'évaluation du 7 mars, 5 avril et 26 avril 2006). La doctoresse C.________ a ensuite demandé l'admission de l'assuré au Centre de thérapies brèves de l'hôpital E.________ du 17 juillet au 10 août 2006 (pour un état dépressif sévère, avec une symptomatologie psychotique de persécution). Dans ces circonstances, en présence d'un assuré qui n'a pas consulté immédiatement sa psychiatre traitante lors de son épisode hypomaniaque en septembre 2005, car il se sentait euphorique et avait le (faux) sentiment d'un changement d'humeur positif, la juridiction cantonale pouvait retenir sans arbitraire que l'incapacité de travail - d'au moins 20 % - dont la cause est à l'origine de l'invalidité au sens de l'art. 23 al. 1 let. a LPP est survenue en janvier 2006 au plus tard. C'est à ce moment-là que la doctoresse C.________ a saisi le département de l'hôpital E.________ pour une évaluation psychiatrique complète de l'intimé, ensuite de la dégradation de son état de santé. Il n'y a pas lieu de s'écarter de l'appréciation des premiers juges.  
 
5.  
C'est en vain que la recourante affirme ensuite, à titre subsidiaire, que l'incapacité de travail dont la cause à l'origine de l'invalidité serait déjà survenue en mars 2001. L'intimé a en effet été en mesure de travailler à l'école B.________ à 100 % de mars 2003 à septembre 2005, voire décembre 2005, sans arrêt de travail significatif ou baisse de rendement avant l'épisode hypomaniaque ayant conduit à la démission de l'assuré et à la dégradation de son état de santé. Devant la juridiction cantonale, de même que devant la Cour de céans, la recourante a ainsi relevé que l'intimé n'avait pas été absent une seule fois pour cause de maladie, durant son affiliation du 1 er mars 2003 au 31 décembre 2005; que l'école B.________ n'avait jamais constaté une baisse de rendement ni octroyé un avertissement en raison d'un comportement qui aurait été lié à une atteinte à la santé; et que l'école B.________ n'avait pas non plus constaté, durant les rapports de travail, une diminution des prestations de travail ou une baisse de productivité (écriture du 2 mars 2020, p. 14 ch. 74-75). L'assuré a donc disposé d'une capacité de travail de plus de 80 % dans une activité professionnelle adaptée pendant plus de trois mois et cette activité lui a permis de réaliser un revenu excluant le droit à une rente. L'activité déployée du 1 er mars 2003 au 31 décembre 2005 a par conséquent interrompu le lien de connexité temporelle entre une éventuelle incapacité de travail pour troubles psychiques qui aurait existé avant le 1er mars 2003 et celle qui est survenue en janvier 2006 au plus tard (cf. ATF 144 V 58 consid. 4.4 et consid. 4.5), elle-même à l'origine de l'invalidité durable.  
 
6.  
En définitive, la juridiction cantonale a retenu à juste titre que l'institution de prévoyance recourante, auprès de laquelle l'intimé était affilié lors de la péjoration brutale de son état de santé en septembre 2005, avec survenance d'un épisode psychotique induisant une incapacité de travail dès janvier 2006, est tenue de prendre en charge le cas d'invalidité ainsi que son aggravation. 
 
7.  
Mal fondé, le recours est rejeté. 
Le présent arrêt rend sans objet la requête d'effet suspensif présentée par la recourante. 
 
8.  
Vu l'issue du litige, les frais de la procédure fédérale doivent être mis à la charge de la recourante (art. 66 al. 1 LTF). L'intimé a droit à des dépens (art. 68 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera à l'intimé la somme de 2800 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 10 février 2023 
 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
Le Greffier : Bleicker