Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
7B_866/2023
Arrêt du 10 mai 2024
IIe Cour de droit pénal
Composition
MM. les Juges fédéraux Abrecht, Président,
Hurni et Kölz.
Greffier : M. Fragnière.
Participants à la procédure
A.________,
recourant,
contre
Ministère public de l'Etat de Fribourg, case postale 1638, 1701 Fribourg,
B.________,
Objet
Remplacement du défenseur d'office,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg, Chambre pénale, du 6 octobre 2023 (502 2023 176).
Faits :
A.
Dans le cadre de la procédure pénale dirigée contre lui pour représentation de la violence, pour actes d'ordre sexuel avec des enfants, pour contrainte sexuelle, pour viol, pour pornographie et pour violation du devoir d'assistance et d'éducation, A.________ ne s'est pas présenté à l'audience de jugement qui avait été fixée au 10 mai 2023 par le Président du Tribunal pénal de l'arrondissement de la Sarine (ci -après: le Tribunal pénal).
Le 15 mai 2023, le Tribunal des mesures de contrainte fribourgeois a ordonné la mise en détention pour des motifs de sûreté de A.________. Par ordonnance du même jour, le Président du Tribunal pénal a désigné Me B.________ en qualité de défenseur d'office de A.________.
B.
Par actes des 5 et 6 juillet 2023, A.________ et Me B.________ ont demandé la révocation du mandat d'office confié, respectivement la désignation d'un nouveau défenseur d'office, en raison d'une rupture du lien de confiance notamment.
Par ordonnance du 11 juillet 2023, le Président du Tribunal pénal a rejeté la demande de changement de défenseur d'office.
Par arrêt du 6 octobre 2023, la Chambre pénale du Tribunal cantonal fribourgeois a rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, le recours formé par A.________ contre cette ordonnance.
C.
A.________ interjette un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt précité, en concluant principalement à sa réforme en ce sens qu'un nouveau défenseur d'office soit désigné en remplacement de Me B.________. À titre subsidiaire, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision, en l'invitant à lui accorder "une assistance juridique afin de [l']assister dans [ses] démarches juridiques destinées à changer [son] avocat d'office actuel".
Invités à se déterminer sur le recours, le Ministère public de l'État de Fribourg, la cour cantonale et Me B.________ y ont renoncé.
Considérant en droit :
1.
1.1. La contestation portant sur un refus de changement d'avocat d'office dans le cadre d'une procédure pénale peut en principe faire l'objet d'un recours en matière pénale au sens des art. 78 ss LTF. Formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 80 al. 1 LTF), qui touche le recourant dans ses intérêts juridiquement protégés (art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF), le recours est recevable comme recours en matière pénale.
1.2.
1.2.1. Le refus de remplacer le défenseur d'office désigné au recourant dans la procédure pénale ouverte contre celui-ci revêt un caractère incident (ATF 129 I 131 consid. 1.1), tout comme l'arrêt attaqué qui le confirme. Cet arrêt ne peut ainsi faire l'objet d'un recours en matière pénale au Tribunal fédéral que s'il est susceptible de causer un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, l'hypothèse visée à l'art. 93 al. 1 let. b LTF n'entrant pas en considération. Il doit s'agir d'un dommage de nature juridique, qui ne puisse pas être réparé ultérieurement par un jugement final ou une autre décision qui serait favorable au recourant (ATF 144 IV 127 consid. 1.3.1). Il incombe au recourant d'alléguer et d'établir la possibilité que la décision incidente lui cause un tel dommage, à moins que celui-ci ne fasse d'emblée aucun doute (ATF 141 IV 284 consid. 2.2).
Selon la jurisprudence, le refus d'autoriser un changement d'avocat d'office n'entraîne en principe pas un préjudice irréparable, car le prévenu continue d'être assisté par le défenseur désigné et l'atteinte à la relation de confiance n'empêche en règle générale pas dans une telle situation une défense efficace. L'existence d'un tel préjudice ne peut être admise que dans des circonstances particulières faisant craindre que l'avocat d'office désigné ne puisse pas défendre efficacement les intérêts de la partie assistée, par exemple en cas de conflit d'intérêts ou de carences manifestes (ATF 139 IV 113 consid. 1.1).
1.2.2. En l'espèce, le recourant soutient que sa demande tendant à obtenir le changement de défenseur d'office était motivée par des éléments objectifs, soit principalement par l'attitude de ce dernier qui aurait consisté à reporter systématiquement les délais judiciaires et les entretiens avec lui. Il précise que Me B.________ lui aurait indiqué à la mi-mai 2023 qu'il ne pourrait pas travailler sur son dossier avant le début juillet 2023; alors que l'audience de jugement était initialement fixée au 11 juillet 2023, le défenseur d'office ne serait finalement venu le voir que le 6 juillet 2023. Il n'aurait en outre, selon le recourant, pas respecté un délai de 10 jours imparti judiciairement, ce qui avait amené le Président du Tribunal pénal à le relancer en lui accordant un nouveau délai. Bien qu'il se fût excusé, le défenseur d'office aurait fait perdre six semaines au recourant, dans une "attitude laxiste et insouciante". Aussi, le recourant allègue que le lien de confiance avec son défenseur d'office serait rompu et que toute collaboration entre eux serait devenue impossible, ce qui l'empêcherait de bénéficier d'une défense efficace dans le cadre du procès pénal.
1.2.3. Le recourant expose ainsi de manière suffisamment concrète quelles sont les raisons pour lesquelles il estime que le lien de confiance entre son défenseur et lui est fortement perturbé. Il motive suffisamment en quoi, en raison de l'arrêt attaqué, il s'exposerait à un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF. Il y a dès lors lieu d'entrer en matière sur son recours.
2.
2.1. Dans un premier grief, le recourant fait en substance grief à l'autorité précédente d'avoir violé son droit "à une défense équitable" en ne lui offrant pas "l'assistance juridique" qu'il estimait nécessaire en vue de la rédaction de son recours contre le refus de remplacement de son défenseur d'office.
2.2. Pour autant que de tels développements portent sur un éventuel rejet des autorités cantonales d'une requête tendant à ce qu'un (second) défenseur d'office lui fût désigné en vue de recourir contre le refus de remplacement de son défenseur d'office actuel, il ne ressort ni de l'arrêt attaqué ni du recours cantonal qu'une telle demande eût été formulée. Le recourant ne se plaint à cet égard ni d'un déni de justice ni d'une constatation arbitraire des faits. Invoqué pour la première fois devant le Tribunal fédéral, son moyen est irrecevable faute d'épuisement des instances cantonales (art. 80 al. 1 LTF). Il en va de même de sa conclusion et des allégations de fait y relatives nouvellement formulées ( art. 99 al. 1 et 2 LTF ).
3.
Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 134 al. 2 CPP.
3.1.
3.1.1. Le Tribunal fédéral est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable, et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 145 IV 154 consid. 1.1; 143 IV 241 consid. 2.3.1).
3.1.2. Le droit à l'assistance judiciaire (art. 6 par. 3 let. c CEDH et 29 al. 3 Cst.) doit permettre à l'accusé de bénéficier d'une défense complète, assidue et efficace. Un changement d'avocat d'office doit ainsi être ordonné lorsque le défenseur néglige gravement ses devoirs et que, pour des motifs objectifs, la défense des intérêts du prévenu n'est plus assurée (ATF 138 IV 161 consid. 2.4
in limine). L'art. 134 al. 2 CPP dispose que la direction de la procédure confie la défense d'office à une autre personne si la relation de confiance entre le prévenu et le défenseur d'office est gravement perturbée ou si une défense efficace n'est plus assurée pour d'autres raisons.
Lorsque l'avocat présente des carences manifestes, l'autorité pénale doit - en principe à titre d'
ultima ratio et après avoir rappelé l'intéressé à ses obligations - procéder à un changement d'avocat d'office. Tel est le cas lorsque le défenseur ne fournit pas de prestation propre et se contente de se faire le porte-parole du prévenu, sans esprit critique (ATF 126 I 194 consid. 3d), ou lorsqu'au contraire il déclare qu'il ne croit pas à l'innocence de son client lors même que celui-ci n'a pas avoué. Les absences du défenseur aux débats (art. 336 al. 2 CPP) ou lors des auditions de témoins importantes peuvent également constituer des négligences propres à justifier un changement d'avocat d'office. Il en va de même des attitudes qui empêcheraient un déroulement de la procédure conforme aux principes essentiels tels que le respect de la dignité, le droit à un traitement équitable et l'interdiction de l'abus de droit (art. 3 CPP), ou encore le principe de la célérité, en particulier lorsque le prévenu se trouve en détention (art. 5 al. 2 CPP; arrêts 1B_166/2020 du 25 juin 2020 consid. 3.1.2; 1B_187/2013 du 4 juillet 2013 consid. 2.2).
En revanche, le simple fait que la partie assistée n'a pas confiance en son conseil d'office ne lui donne pas le droit d'en demander le remplacement lorsque cette perte de confiance repose sur des motifs purement subjectifs et qu'il n'apparaît pas de manière patente que l'attitude de l'avocat d'office est gravement préjudiciable aux intérêts de la partie (ATF 138 IV 161 consid. 2.4).
3.2. En l'espèce, la cour cantonale a en substance considéré que, nonobstant le fait que le défenseur d'office avait également évoqué une rupture du lien de confiance, les circonstances ne laissaient pas apparaître que la perte de confiance fût justifiée par des indices concrets et objectifs. Aussi, la demande de changement du défenseur d'office pouvait être rejetée, quand bien même le recourant risquait une peine importante en raison des infractions reprochées.
3.3. La motivation cantonale (cf. arrêt attaqué, consid. 2.2 à 2.4 p. 6 à 10) ne prête pas le flanc à la critique et il peut ici y être entièrement renvoyé (cf. art. 109 al. 3 LTF).
On observera au surplus avec l'autorité précédente qu'ayant été désigné le 15 mai 2023 - soit moins de deux mois avant la date initialement arrêtée pour la tenue des débats de première instance -, le défenseur d'office a rencontré le recourant à quatre reprises entre les 5 juin et 6 juillet 2023 et a par ailleurs formulé des réquisitions de preuve dans le délai imparti pour ce faire. Il ne ressort à cet égard pas de l'arrêt attaqué que le défenseur d'office aurait manqué un délai, le recourant ne démontrant au reste pas en quoi la constatation des faits de l'autorité cantonale serait arbitraire sur ce point (cf. consid. 3.1.1
supra).
Par ses développements (cf. consid. 1.2.2
supra), le recourant échoue en tout état à établir en quoi son défenseur d'office aurait fait preuve, dans l'exécution de son mandat, de négligence ou d'une attitude incompatible avec son devoir de célérité. Indépendant par rapport à l'État, le défenseur d'office reste en effet libre d'organiser la défense de son client. L'État n'est tenu d'intervenir que si la carence de l'avocat d'office apparaît manifeste ou s'il en est informé suffisamment d'une quelque autre manière (arrêt 6B_35/2022 du 24 novembre 2022 consid. 4.1 et les réf. citées), ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Les quelques doléances mises en avant par le recourant reposent en définitive uniquement sur des motifs subjectifs qui ne justifient pas, à eux seuls - en dehors de toute circonstance objective et importante non réalisée en l'espèce -, le changement de défenseur d'office sollicité.
4.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.
Le recourant a demandé l'octroi de l'assistance judiciaire au sens de l' art. 64 al. 1 et 2 LTF . Son recours était cependant d'emblée dénué de chances de succès et cette requête doit être rejetée. Le recourant, qui succombe, supportera donc les frais judiciaires; ceux-ci seront toutefois fixés en tenant compte de sa situation financière, qui n'apparaît pas favorable (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens (art. 68 al. 1 à 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué au recourant, au Ministère public de l'État de Fribourg, à Me B.________ et au Tribunal cantonal de l'État de Fribourg, Chambre pénale.
Lausanne, le 10 mai 2024
Au nom de la IIe Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Abrecht
Le Greffier : Fragnière