Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
8C_39/2019
Arrêt du 10 juillet 2019
Ire Cour de droit social
Composition
M. et Mmes les Juges fédéraux Maillard, Président, Heine et Viscione.
Greffière : Mme Fretz Perrin.
Participants à la procédure
Caisse d'allocations familiales
pour personnes sans activité lucrative,
12, rue des Gares, 1201 Genève,
recourante,
contre
A.________,
intimée.
Objet
Allocation familiale (enfant à l'étranger),
recours contre le jugement de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, du 28 novembre 2018 (A/896/2018 ATAS/1095/2018).
Faits :
A.
A.a. A.________, ressortissante suisse née en 1977, domiciliée dans le canton de Genève jusqu'en 2017, a été assujettie à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants (LAVS) en qualité de personne sans activité lucrative depuis janvier 2008. La Caisse d'allocations familiales pour personnes sans activité lucrative du canton de Genève (ci-après: la CAFNA) lui a versé des allocations familiales dès le 1
er mai 2008 pour son fils B.________, né en 2008 de sa relation avec C.________, ressortissant français domicilié en France. A partir du 1
er juillet 2011, B.________ était domicilié auprès de son père en France. Le 30 octobre 2016, A.________ a annoncé à la CAFNA la naissance de son deuxième fils D.________, né en 2016 de sa relation avec E.________, ressortissant français.
Par lettre du 22 décembre 2016, le Service cantonal d'allocations familiales du canton de Genève (ci-après: le SCAF) a informé A.________ qu'il suspendait le versement des allocations familiales en faveur de B.________ au 31 octobre 2016, dès lors qu'il avait appris que ce dernier était domicilié en France depuis le 1
er juillet 2011.
A.b. Par décision du 21 février 2017, la CAFNA a réclamé à A.________ la restitution d'un montant de 15'500 fr., correspondant aux allocations familiales versées, à tort selon elle, en faveur de B.________ depuis le 1
er décembre 2011.
L'intéressée s'est opposée à cette décision le 23 mars 2017. Elle a en outre transmis au SCAF diverses attestations de la CAF de F.________ dont il ressort que C.________ avait touché une allocation de rentrée scolaire (ci-après: ARS) de 362,63 euros en août 2014 et une ARS de 362,63 euros en août 2015 (cf. attestation du 9 août 2017).
A.c. Par décision d'allocations familiales du 6 février 2018, la CAFNA a octroyé rétroactivement à A.________ un montant de 4'100 fr. - correspondant à une allocation de naissance pour D.________ de 2'000 fr., des allocations familiales en faveur de D.________ de 1'500 fr. (300 fr. par mois entre octobre 2016 et février 2017), ainsi que des allocations familiales de 600 fr. en faveur de B.________ pour les mois de novembre et décembre 2016 -, lequel était porté en déduction du montant de 15'500 fr. réclamé à A.________ par décision du 21 février 2017.
Par décision sur opposition du 12 février 2018, la CAFNA a partiellement admis l'opposition du 23 mars 2017. Elle a reconnu le droit de A.________ aux allocations familiales pour les années 2011, 2012, 2013 et 2016. Elle a en revanche réclamé le remboursement d'un montant de 7'200 fr., correspondant aux allocations familiales perçues à tort en 2014 et 2015 (300 fr. x 24 mois), années pendant lesquelles le père de B.________ a perçu des ARS. Cette somme a toutefois été ramenée à 3'100 fr., après avoir fait l'objet d'une compensation avec les prestations échues selon la décision d'allocations familiales du 6 février 2018 (soit 4'100 fr.).
B.
Par jugement du 28 novembre 2018, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève a admis le recours de A.________ et annulé la décision du 6 février 2018 (recte: 12 février 2018). Elle a retenu que l'intéressée avait droit à un complément différentiel d'allocations familiales pour les années 2014 et 2015 et qu'il appartenait à la caisse, à qui la cause était renvoyée, de rendre une nouvelle décision au sens des considérants.
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, la CAFNA demande au Tribunal fédéral d'annuler le jugement cantonal. Elle conclut à ce qu'il constate qu'en tant que personne sans activité lucrative, l'intimée n'avait pas droit à un complément différentiel durant les années 2014 et 2015 en faveur de son fils B.________ et que c'est dès lors à bon droit qu'elle lui a réclamé la restitution de la somme de 7'200 fr. pour des prestations entières reçues à tort en 2014 et 2015 et dont le solde, après compensation, s'élève à 3'100 fr. Elle demande également que le Tribunal fédéral constate qu'elle est en droit de réclamer les prestations versées à tort en 2016 pour le même motif.
A.________ a conclu au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer.
Considérant en droit :
1.
1.1. En tant qu'il renvoie la cause à l'administration, le jugement entrepris doit être qualifié de décision incidente, qui ne peut être déférée immédiatement au Tribunal fédéral que si la condition du préjudice irréparable est réalisée ou pour des motifs d'économie de la procédure (art. 93 al. 1 LTF). Lorsqu'une administration ou un assureur social sont contraints par le jugement incident à rendre une décision qu'ils estiment contraire au droit et qu'ils ne pourront eux-mêmes pas attaquer, un tel jugement incident peut être déféré au Tribunal fédéral sans attendre le prononcé du jugement final (cf. ATF 141 V 330 consid. 1.2 p. 332; 134 II 124 consid. 1.3 p. 127 s.; 133 V 477 consid. 5.2.4 p. 484 s.).
1.2. Cette éventualité est réalisée en l'espèce, car l'arrêt attaqué a un effet contraignant pour la caisse recourante en ce sens que celle-ci devra rendre une nouvelle décision d'allocations familiales tout en étant liée par le jugement de renvoi par lequel les premiers juges ont reconnu à l'intimée le droit au versement d'un complément différentiel en faveur de son fils B.________ pour les années 2014 et 2015.
2.
Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral contrôle librement la violation du droit fédéral et du droit international (cf. art. 95 let. a et b; art. 106 al. 1 LTF), sous réserve des exigences de motivation figurant à l'art. 106 al. 2 LTF. Par ailleurs, l'examen du Tribunal fédéral se fonde sur les faits constatés par l'autorité précédente (cf. art. 105 al. 1 LTF), à moins que ces faits n'aient été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).
3.
3.1. L'objet de la contestation porté devant le Tribunal fédéral est déterminé par l'arrêt attaqué. L'objet du litige, délimité par les conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF), ne saurait s'étendre au-delà de l'objet de la contestation. Par conséquent, devant le Tribunal fédéral, le litige peut être réduit, mais ne saurait être ni élargi, ni transformé par rapport à ce qu'il était devant l'autorité précédente, qui l'a fixé dans le dispositif de l'arrêt entrepris (et qui est devenu l'objet de la contestation devant le Tribunal fédéral; ATF 142 I 155 consid. 4.4.2 p. 156 et les références).
3.2. En l'occurrence, la juridiction cantonale a été amenée à statuer sur le droit de l'intimée aux allocations familiales en faveur de B.________ pour les années 2014 et 2015, plus particulièrement sur le bien-fondé de la demande de restitution des prestations qui auraient été perçues à tort par l'intimée au cours de ces deux années pour un montant, après compensation, de 3'100 fr. L'arrêt entrepris ne se prononce en revanche pas sur les prestations versées à l'intimée pour les années 2011, 2012, 2013 et 2016. La décision sur opposition du 12 février 2018 précise au demeurant que l'intimée avait droit aux prestations durant ces années. Aussi, en tant que la recourante demande, dans son recours au Tribunal fédéral, également la restitution des prestations versées en 2016, une telle conclusion sort de l'objet de la contestation et ne saurait être examinée.
4.
4.1. Selon l'art. 25 al. 1 LPGA, les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile. L'obligation de restituer suppose que soient remplies les conditions d'une reconsidération ou d'une révision procédurale de la décision par laquelle les prestations en cause ont été allouées.
4.2. L' art. 53 al. 1 et 2 LPGA prévoit que l'administration peut reconsidérer une décision formellement passée en force de chose jugée sur laquelle aucune autorité judiciaire ne s'est prononcée, à condition qu'elle soit sans nul doute erronée et que sa rectification revête une importance notable. En outre, par analogie avec la révision des décisions rendues par les autorités judiciaires, l'administration est tenue de procéder à la révision d'une décision formellement passée en force lorsque sont découverts des faits nouveaux importants ou de nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits avant, susceptibles de conduire à une appréciation juridique différente (ATF 127 V 469 consid. 2c et les références). Pour juger s'il est admissible de reconsidérer une décision pour le motif qu'elle est sans nul doute erronée, il faut se fonder sur les faits et la situation juridique existant au moment où cette décision a été rendue, compte tenu de la pratique en vigueur à l'époque (ATF 125 V 383 consid. 3 p. 389 et les références).
Ces principes sont aussi applicables lorsque des prestations ont été accordées sans avoir fait l'objet d'une décision formelle et que leur versement, néanmoins, a acquis force de chose décidée. Il y a force de chose décidée si l'assuré n'a pas, dans un délai d'examen et de réflexion convenable, manifesté son désaccord avec une certaine solution adoptée par l'administration et exprimé sa volonté de voir statuer sur ses droits dans un acte administratif susceptible de recours (ATF 129 V 110 consid. 1.1).
5.
En l'occurrence, la juridiction cantonale a retenu que durant les années 2014 et 2015, l'intimée avait droit en tant que personne sans activité lucrative à des allocations familiales pour son fils B.________ domicilié en France. Elle a toutefois constaté que C.________, le père de B.________, avait reçu des prestations familiales de l'Etat français en 2014 et 2015 sous la forme d'une ARS, laquelle était exportable. Aussi bien, la cour cantonale a-t-elle considéré qu'en cas de cumul de droit aux allocations familiales tant en vertu du droit suisse (en faveur de la mère) qu'en vertu du droit français (en faveur du père), les allocations familiales étaient prioritairement dues par l'Etat français en vertu des règles de coordination européennes. Cependant, les prestations dues par la Suisse au cours de la même période étant plus élevées, l'intimée avait droit, à la charge de la recourante, au versement du complément différentiel.
6.
6.1. Selon l'art. 19 al. 1 de la loi fédérale sur les allocations familiales du 24 mars 2006 (LAFam; RS 836.2), les personnes obligatoirement assurées à l'AVS en tant que personnes sans activité lucrative sont considérées comme sans activité lucrative. Elles ont droit aux allocations familiales prévues aux art. 3 et 5. L'art. 7 al. 2, n'est pas applicable. Elles relèvent du canton dans lequel elles sont domiciliées.
Conformément à l'art. 19 al. 2 LAFam, le droit aux allocations familiales n'est accordé que si le revenu imposable est égal ou inférieur à une fois et demie le montant d'une rente de vieillesse complète maximale de l'AVS et qu'aucune prestation complémentaire à l'AVS/AI n'est perçue. Etant donné que la LAFam se limite à harmoniser le versement des allocations familiales, par la fixation de minima, les cantons conservent la faculté d'édicter des dispositions plus favorables aux bénéficiaires (STÉPHANIE PERRENOUD, Les allocations familiales en Suisse, in Cahiers genevois et romands de sécurité sociale, n° 51-2015, p. 155). Le canton de Genève ne prévoit aucune limite de revenu (art. 2 let. e de la loi genevoise sur les allocations familiales du 1
er mars 1996 [LAF-GE; J 5 10]).
6.2. L'allocation familiale comprend l'allocation pour enfant et l'allocation de formation professionnelle qui est octroyée au plus tard, en cas de formation, jusqu'à l'âge de 25 ans (art. 3 al. 1 LAFam; voir aussi les art. 7 et 7a LAF-GE). Pour les bénéficiaires du régime genevois, le montant minimum de l'allocation pour enfant s'élève à 300 fr. jusqu'à 16 ans et à 400 fr. de 16 à 20 ans (art. 8 al. 2 LAF-GE).
6.3. Selon l'art. 4 al. 3 LAFam, le Conseil fédéral détermine les conditions d'octroi des allocations familiales lorsque les enfants donnant droit à de telles allocations vivent à l'étranger. Sur la base de cette délégation de compétence, le Conseil fédéral a notamment adopté l'art. 7 de l'ordonnance du 31 octobre 2007 sur les allocations familiales (OAFam; RS 836.21) qui, dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2012, prévoit, à son al. 1er que pour les enfants ayant leur domicile à l'étranger, les allocations familiales ne sont versées que si une convention internationale le prévoit. Le Tribunal fédéral a jugé qu'en soumettant l'octroi d'allocations familiales pour les enfants domiciliés dans un Etat étranger à la condition que celui-ci ait conclu avec la Suisse, sur ce point, une convention en matière de sécurité sociale, l'art. 7 al. 1 OAFam restait dans les limites de l'art. 4 al. 3 LAFam et ne violait pas l' art. 8 al. 1 et 2 Cst. (ATF 138 V 392 consid. 4 p. 395; 136 I 297).
7.
7.1. Sur le plan de la coordination européenne, le siège de la matière figure au Règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, modifié par le Règlement (CE) n° 988/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 (ci-après: règlement n° 883/2004; RS 0.831.109.268.1) et au règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d'application du règlement n° 883/2004 (RS 0.831.109.268.11). Ces deux règlements sont entrés en vigueur pour la Suisse le 1
er avril 2012. Le règlement n° 883/2004 - modifié au 1
er janvier 2015 notamment par le Règlement (UE) n° 465/2012 du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 (RO 2015 345) sur des points qui ne sont pas déterminants en l'espèce - circonscrit son champ d'application personnel à son art. 2. En vertu du 1
er par. de cette disposition, le règlement s'applique aux ressortissants de l'un des Etats membres, aux apatrides et aux réfugiés résidant dans un Etat membre qui sont ou ont été soumis à la législation d'un ou de plusieurs Etats membres, ainsi qu'aux membres de leur famille et à leurs survivants.
Il est constant qu'étant tous deux ressortissants d'un Etat membre, soit la Suisse pour la mère de B.________ et la France pour le père de celui-ci, les deux parents relèvent du champ d'application personnel du règlement n° 883/2004.
7.2. Le champ d'application matériel du règlement n° 883/2004 est déterminé à l'art. 3 par. 1 selon lequel le règlement s'applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent les prestations familiales (let. j). D'après l'art. 1
er let. z du règlement, le terme "prestations familiales" désigne toutes les prestations en nature ou en espèces destinées à compenser les charges de famille, à l'exclusion des avances sur pensions alimentaires et des allocations spéciales de naissance ou d'adoption visées à l'annexe I.
L'art. 2 LAFam définit de la même manière les allocations familiales ("Les allocations familiales sont des prestations en espèces, uniques ou périodiques, destinées à compenser partiellement la charge financière représentée par un ou plusieurs enfants"). Les allocations familiales perçues par l'intimée en faveur de B.________ constituent, à l'exception de l'allocation de naissance, des prestations familiales entrant dans le champ d'application matériel du règlement n° 883/2004.
En ce qui concerne l'allocation de rentrée scolaire (ARS) perçue par le père de B.________ en août 2014 et en août 2015, il s'agit d'une prestation familiale au sens du Code de la sécurité sociale français (cf. art. L511-1 ch. 7) qui est "attribuée au ménage ou à la personne dont les ressources ne dépassent pas un plafond variable en fonction du nombre des enfants à charge, pour chaque enfant inscrit en exécution de l'obligation scolaire dans un établissement ou organisme d'enseignement public ou privé" (art. L543-1 du Code de la sécurité sociale français). De par son but et ses conditions d'octroi, cette prestation constitue une prestation familiale entrant également dans le champ d'application matériel du règlement n° 883/2004 (cf. aussi le Guide de l'Office fédéral des assurances sociales pour l'application de l'Accord sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l'Union européenne dans le domaine des prestations familiales, point 7.2.2).
8.
8.1. Aux termes de l'art. 67 du règlement n° 883/2004, une personne a droit aux prestations familiales conformément à la législation de l'Etat membre compétent, y compris pour les membres de sa famille qui résident dans un autre Etat membre, comme si ceux-ci résidaient dans le premier Etat membre (1ère phrase). Les membres de la famille sont traités comme s'ils vivaient dans le même Etat que l'ayant droit aux allocations familiales (THÜSING/HUTTER, Kindergeld und Europarecht: Welcher Handlungsspielraum besteht?, in NZS [Neue Zeitschrift für Sozialrecht] 2016, p. 411). L'art. 67 du règlement n° 883/2004 supprime ainsi la condition de territorialité dans les régimes nationaux qui limitent l'octroi des prestations aux bénéficiaires qui résident sur le territoire de l'Etat membre concerné (CATHERINE BOULANGER, Union européenne: qui a droit aux prestations familiales?, in Journal de droit européen, 2014, p. 11).
8.2. La législation de l'Etat membre compétent est celle qui est déterminée conformément aux règles de conflits de loi prévues au Titre II du règlement n° 883/2004, soit les art. 11 à 16 du règlement. L'art. 11 par. 1 consacre le principe de l'unicité de la législation applicable en prévoyant que "les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu'à la législation d'un seul Etat membre" (KADDOUS/GRISEL, Libre circulation des personnes et des services, Bâle 2012, p. 806). Ce principe a pour but d'éviter, notamment, l'application simultanée de plusieurs législations nationales et les complications qui peuvent en résulter.
L'art. 11 par. 3 let. a du règlement de sécurité sociale énonce la règle générale selon laquelle "la personne qui exerce une activité salariée ou non salariée dans un Etat membre est soumise à la législation de cet Etat membre" (lex loci laboris/législation du lieu de l'exercice de l'activité professionnelle). Pour les personnes inactives économiquement, l'art. 11 par. 3 let. e prévoit le rattachement à la législation de l'Etat membre de résidence (STAMATIA DEVETZI, Familienleistungen im Kontext der Freizügigkeit: Rechtsprechung und aktuelle Entwicklungen, in Neue Zeitschrift für Sozialrecht [NZS] 2017, p. 882).
8.3. Dès lors que chacun des deux parents est en mesure de faire naître un droit à des prestations familiales, un cumul de prestations parallèles pour le même enfant et pour la même période peut survenir. A cet égard, on rappellera qu'en matière de prestations familiales, le titulaire du droit est la personne qui doit subvenir aux besoins des membres de la famille mais non pas le membre de la famille lui-même. Concrètement, il revient en principe aux parents de subvenir aux besoins des enfants, ces derniers n'étant que des ayants droit indirects (voir VIESSMANN/MERKEL, Die Europarechtliche Koordonierung von Familienleistungen nach der Verordnung (EG) Nr. 883/2004, in NZS, 2012, p. 572 ss, sp. p. 572).
8.4. En l'occurrence, la mère de B.________ ayant été affiliée à l'AVS en Suisse comme personne sans activité lucrative au cours des années 2014 et 2015, elle était soumise à la législation de l'Etat dans lequel elle résidait, à savoir la Suisse. Il découle des règles précitées que l'intimée avait en principe droit, durant les années 2014 et 2015, aux allocations familiales versées par le canton de Genève pour son fils B.________ résidant alors en France, comme s'il résidait en Suisse. Quant au père de B.________, il était domicilié en France au cours des années litigieuses. Il n'est en revanche pas établi s'il y exerçait une activité salariée ou non salariée, s'il était au chômage ou s'il était inactif économiquement. Que ce soit en vertu d'une activité salariée ou au titre de sa résidence en France, le père de B.________ était en tout état de cause soumis à la législation française, conformément à l'art. 11 par. 3 let. a et e du règlement n° 883/2004. Il a du reste perçu de la part de l'Etat français une ARS en faveur de B.________ durant ces deux années. En l'occurrence, un droit aux prestations familiales en faveur de B.________ était dès lors donné tant en vertu de la législation de l'Etat de résidence de la mère de B.________ que par l'Etat d'emploi et/ou de résidence du père de B.________. Cette situation pouvant donner lieu à une surcompensation injustifiée des charges de famille, il convient de la confronter aux règles "anticumul" prévues à l'art. 68 du règlement n° 883/2004.
9.
9.1. L'art. 68 du règlement n° 883/2004 intitulé "Règles de priorité en cas de cumul" est libellé comme suit:
1. Si, pour la même période et pour les mêmes membres de la famille, des prestations sont prévues par la législation de plus d'un Etat membre, les règles de priorité ci-après s'appliquent:
a) si des prestations sont dues par plus d'un Etat membre à des titres différents, l'ordre de priorité est le suivant: en premier lieu les droits ouverts au titre d'une activité salariée ou non salariée, deuxièmement les droits ouverts au titre de la perception d'une pension et enfin les droits ouverts au titre de la résidence;
b) si des prestations sont dues par plus d'un Etat membre à un même titre, l'ordre de priorité est établi par référence aux critères subsidiaires suivants:
i) s'il s'agit de droits ouverts au titre d'une activité salariée ou non salariée: le lieu de résidence des enfants, à condition qu'il y ait une telle activité, et subsidiairement, si nécessaire, le montant le plus élevé de prestations prévu par les législations en présence. Dans ce dernier cas, la charge des prestations sera répartie selon des critères définis dans le règlement d'application,
ii) s'il s'agit de droits ouverts au titre de la perception de pensions: le lieu de résidence des enfants, à condition qu'une pension soit due en vertu de sa législation et subsidiairement, si nécessaire, la durée d'assurance ou de résidence la plus longue accomplie sous les législations en présence,
iii) s'il s'agit de droits ouverts au titre de la résidence: le lieu de résidence des enfants.
2. En cas de cumul de droits, les prestations familiales sont servies conformément à la législation désignée comme étant prioritaire selon le par. 1. Les droits aux prestations familiales dues en vertu de la ou des autres législations en présence sont suspendus jusqu'à concurrence du montant prévu par la première législation et servis, le cas échéant, sous forme de complément différentiel, pour la partie qui excède ce montant. Toutefois, il n'est pas nécessaire de servir un tel complément différentiel pour les enfants résidant dans un autre Etat membre, lorsque le droit aux prestations en question se fonde uniquement sur le lieu de résidence.
9.2. Alors que l'art. 68 par. 1 du règlement n° 883/2004 définit l'Etat prioritaire pour verser les prestations, il ne dit rien sur une éventuelle exemption du versement des allocations de l'Etat non prioritaire. En effet, ce n'est pas parce que l'Etat prioritaire a été déterminé que le ou les autre (s) Etat (s) membre (s), dont la législation est également applicable en vertu de l'art. 11 du règlement, sont libérés de leur obligation de verser des prestations. L'art. 68 par. 2 du règlement n° 883/2004 prévoit cependant que seules les prestations servies par l'Etat prioritaire sont dues et que les prestations de l'Etat non prioritaire sont suspendues jusqu'à concurrence du montant des prestations servies par l'Etat prioritaire. L'Etat dont la législation ne s'applique pas en priorité versera donc une allocation différentielle seulement si ses prestations sont plus élevées. Ce complément consiste en la différence entre le montant des prestations servies par l'Etat prioritaire et les prestations plus élevées servies par l'Etat non prioritaire. Il existe toutefois une exception à cette règle, à savoir qu'il n'est pas nécessaire de servir un tel complément différentiel pour les enfants résidant dans un autre Etat membre que celui dans lequel vit le parent bénéficiaire lorsque le droit aux prestations de ce dernier se fonde uniquement sur le lieu de résidence (voir BERNHARD SPIEGEL, Die neue europäische Sozialrechtskoordinierung: Überlegungen zur Verordnung (EG) Nr. 883/2004, in ZIAS [Zeitschrift für ausländisches und internationales Arbeits- und Sozialrecht] 2006, p. 85 ss, not. p. 140; cf. également EVA MARIA HOHNERLEIN, Kindergeld zwischen europäischem und deutschem Recht, in ZESAR [Zeitschrift für europäisches Sozial- und Arbeitsrecht], 2018, p. 157 ss, not. p. 161); HANS-JOACHIM REINHARD, in EU-Sozialrecht, Kommentar, 2015, n° 30 s. ad art. 68 du règlement n° 883/2004; SUSANNE DERN, in VO (EG) Nr. 883/2004: Europäische Verordnung zur Koordinierung der Systeme der sozialen Sicherheit, Kommentar 2012, n° 8 ad art. 68; GÜNTER MERKEL/THOMAS VIESSMANN, Familienleistungen unter dem Regime der Verordnung (EG) Nr. 883/2004 - Leistungen für Rentner und Waisen im Fokus, in Vierteljahresschrift für Sozialrecht [VSSR] 2012, p. 268.
9.3. En l'occurrence, que le père de B.________ ait exercé une activité professionnelle en France ou ait été au chômage (selon la Décision F1 du 12 juin 2009 de la Commission administrative pour la coordination des systèmes de sécurité sociale concernant l'interprétation de l'art. 68 du règlement n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil relatif aux règles de priorité en cas de cumul de prestations familiales, sont à considérer comme "ouverts au titre d'une activité salariée ou non salariée" les droits aux prestations ouverts pour cause de chômage) au cours des années litigieuses, c'est le droit français qui était applicable en priorité (art. 68 par. 1 let. a du règlement). S'il n'exerçait pas d'activité professionnelle et que son droit était ouvert, à l'instar de la mère de B.________, au titre de sa résidence, c'est également la France qui était l'Etat prioritaire, en vertu du critère subsidiaire qu'était le lieu de résidence de B.________ (art. 68 par. 1 let. b iii du règlement). Il en résulte qu'au vu des faits en présence, c'est la France qui devait verser le montant intégral des allocations familiales en faveur de B.________. Le droit aux allocations familiales dues en vertu du droit interne suisse (art. 19 al. 1 LAFam en lien avec l'art. 67 du règlement n° 883/2004) était suspendu jusqu'à concurrence du montant prévu par la France. Dans le cas d'espèce, la Suisse n'était cependant pas tenue de verser le complément différentiel (à savoir 7'200 fr. [300 fr. x 24 mois] - 820 fr. env. [363 euros x 2 années] = 6'380 fr.) dès lors que B.________ résidait en France et que le droit aux allocations familiales suisses se fondait uniquement sur la qualité de résidente de la mère de B.________ (cf. art. 68 par. 2, 3
ème phrase du règlement n° 883/2004).
10.
10.1. Selon la recourante, en stipulant l'art. 68 par. 2, 3
ème phrase, du règlement n° 883/2004, le législateur européen n'entendait certes pas rendre le versement du complément différentiel obligatoire en faveur de l'ayant droit sans activité lucrative. Toutefois, elle admet qu'il ne l'excluait pas non plus. La recourante est d'avis qu'il appartient aux Etats signataires de décider s'il est "nécessaire ou pas nécessaire" de verser un complément différentiel à un ayant droit non actif. Elle invoque l'art. 7 al. 2 LAFam en lien avec l'art. 19 al. 1 LAFam. Selon la première de ces dispositions, dans le cas où les allocations familiales du premier et du second ayants droit sont régies par les dispositions de deux cantons différents, le second a droit au versement de la différence lorsque le taux minimal légal est plus élevé dans son propre canton que dans l'autre. L'art. 19 al. 1 prévoit toutefois, ainsi qu'on l'a vu (supra consid. 6.1), que l'art. 7 al. 2 n'est pas applicable aux personnes obligatoirement assurées à l'AVS en tant que personnes sans activité lucrative, ce qui est le cas de l'intimée. La recourante soutient donc que cette réglementation exclut également un complément différentiel dans l'application de l'art. 68 par. 2, 3
ème phrase du règlement n° 883/2004. Elle ne devrait en conséquence verser aucun complément aux ARS pour chacune des années 2014 et 2015.
10.2. La question de savoir si la réglementation précitée de la LAFam - qui ne s'applique en principe qu'aux relations intercantonales - vaut aussi pour l'application de la coordination européenne peut rester indécise. En effet, la réponse à cette question ne s'impose pas de façon évidente. Il en va de même de la question de savoir si l'art. 68 par. 2, 3ème phrase du règlement n° 883/2004 ("Toutefois, il n'est pas nécessaire de servir un tel complément différentiel pour les enfants résidant dans un autre Etat membre, lorsque le droit aux prestations en question se fonde uniquement sur le lieu de résidence") revêt ou non le caractère d'une norme potestative ("Kann-Bestimmung") qui donnerait à l'Etat non prioritaire la faculté de verser le complément différentiel dans les circonstances du cas d'espèce. Sous l'angle de la reconsidération, on ne peut donc dire que le versement des prestations en cause était manifestement erroné. La recourante ne fait en tout cas pas la démonstration du contraire mais se borne à donner son point de vue juridique, sans référence aucune aux conditions auxquelles la loi subordonne la révocation de décisions par voie de reconsidération. En l'espèce, le versement par la caisse du complément différentiel était peut-être erroné mais ne l'était pas manifestement.
10.3. Les conditions d'une restitution des allocations familiales en cause ne sont donc pas réunies au regard de l'art. 25 al. 1 en lien avec l'art. 53 al. 2 LPGA. Le recours doit par conséquent être rejeté et le jugement cantonal confirmé. Le différentiel d'allocations familiales auquel l'intimée avait droit pour les années 2014 et 2015 en faveur de son fils B.________ correspond à la différence entre le montant des allocations familiales versées par la France au cours de la période concernée (363 euros x 2 années) et les prestations plus élevées servies par la Suisse pour la même période (300 fr. x 24 mois; cf. consid 9.3 in fine).
11.
La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens à l'intimée, dès lors qu'elle n'était pas représentée par un avocat.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Il n'est pas alloué de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 10 juillet 2019
Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Maillard
La Greffière : Fretz Perrin