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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_726/2023  
 
 
Arrêt du 10 juillet 2024  
 
IVe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Wirthlin, Président, 
Maillard et Métral. 
Greffière : Mme Fretz Perrin. 
 
Participants à la procédure 
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), 
Division juridique, 
Fluhmattstrasse 1, 6002 Lucerne, 
recourante, 
 
contre  
 
A.________, 
représenté par Me Daniel Meyer, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-accidents (rente d'invalidité), 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 23 octobre 2023 (A/3587/2021 ATAS/812/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________, né en 1960, travaillait en tant que chauffeur auprès de l'entreprise B.________ Sàrl. À ce titre, il était assuré contre le risque d'accidents auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA). Le 4 novembre 2012, il a été victime d'un accident sur une autoroute à l'étranger. Rapatrié en Suisse, l'assuré a séjourné du 8 novembre 2012 au 11 janvier 2013 à l'Hôpital C.________, d'abord aux soins intensifs, puis au service de chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil moteur.  
Selon la lettre de sortie de l'Hôpital C.________ du 18 janvier 2013, l'accident avait provoqué une fracture de la symphyse pubienne et des branches ilio-pubiennes des deux côtés, une fracture du pilier antérieur du cotyle droit, une fracture de l'aileron sacré droit, en regard de l'articulation sacro-iliaque et ouverture de la sacro-iliaque gauche, des fractures de l'arc postérieur des côtes 4 à 12 à gauche, déplacées pour la plupart, des contusions pulmonaires et atélectasie lobaire inférieure gauche avec épanchement pleural bilatéral prédominant à gauche et broncho-pneumonie post-opératoire, une rupture splénique avec splénectomie en urgence, une contusion de la tête du pancréas et rénale droite et gauche ainsi que des escarres des talons sur immobilisations. La CNA a pris en charge le cas. 
Le 13 mai 2013, l'assuré a déposé une demande de prestations auprès de l'office de l'assurance-invalidité (ci-après: l'OAI). 
L'assuré a séjourné du 29 octobre au 20 novembre 2013 à la Clinique romande de réadaptation (CRR). À sa sortie, outre les diagnostics connus, il présentait des douleurs chroniques du bassin, des douleurs chroniques thoraciques à gauche, une hernie inguinale droite et une presbyacousie bilatérale. L'assuré a subi plusieurs cures de hernie inguinale droite entre 2014 et 2017. Il a également fait l'objet d'un examen psychiatrique par le docteur D.________, lequel a diagnostiqué une dysthymie. 
Par décision du 2 février 2015, l'OAI a nié le droit de l'assuré à des prestations d'invalidité. Sur recours de l'assuré contre cette décision, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève l'a annulée et a renvoyé la cause à l'OAI pour instruction complémentaire sous la forme d'une expertise pluridisciplinaire et nouvelle décision. Dans leur rapport d'expertise du 9 mai 2017, les docteurs E.________ (spécialiste FMH en médecine interne et rhumatologie), F.________ (spécialiste FMH en médecine interne) et G.________ (spécialiste FMH en psychiatrie) de l'Hôpital H.________ ont conclu à une incapacité de travail totale de l'assuré dans son activité habituelle et à une capacité résiduelle de 80 % dans une activité adaptée, sans diminution de rendement et dans le respect de ses limitations fonctionnelles. 
 
A.b. Le 3 janvier 2018, la CNA a informé l'assuré qu'elle mettrait fin à la prise en charge des frais médicaux (à l'exception d'une consultation de suivi orthopédique et une consultation annuelle de la douleur ainsi qu'un contrôle final à une année du point de vue de la chirurgie digestive) et aux indemnités journalières avec effet au 30 avril 2018, date de la stabilisation de son état de santé.  
Le 22 mars 2018, le service cantonal des véhicules a prononcé le retrait du permis de conduire pour le transport professionnel de personnes de l'assuré. 
Par décision du 3 août 2018, confirmée sur opposition le 25 octobre 2018, la CNA a octroyé à l'assuré une indemnité pour atteinte à l'intégrité fondée sur un taux de 25 %. Elle a en revanche nié le droit à une rente d'invalidité. 
Par décision du 16 août 2018, l'OAI a octroyé à l'assuré une rente entière d'invalidité du 1 er novembre 2013 au 31 octobre 2016.  
 
A.c. L'assuré a recouru contre la décision sur opposition de la CNA du 25 octobre 2018. Il a versé plusieurs rapports médicaux à la procédure.  
À la demande de la cour cantonale, les docteurs I.________ (spécialiste en rhumatologie), J.________ (spécialiste en chirurgie orthopédique), K.________ (spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur) et L.________ (spécialiste en psychiatrie) se sont déterminés sur les conclusions de l'expertise de l'Hôpital H.________ par rapports respectifs des 15, 19, 26 et 29 mars 2019. Par arrêt du 2 septembre 2019, la juridiction cantonale a annulé la décision sur opposition de la CNA du 25 octobre 2018 et lui a renvoyé la cause pour instruction complémentaire et nouvelle décision. 
 
A.d. Le 8 avril 2020, la CNA a confié un mandat d'expertise pluridisciplinaire au Centre d'expertise médicale (CEMed), laquelle a été réalisée les 22 juin et 22 juillet 2020 par les docteurs M.________ (spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie), N.________ (spécialiste FMH en neurologie) et O.________ (spécialiste FMH en chirurgie orthopédique). Dans leur rapport du 16 septembre 2020, les experts ont conclu à une capacité de travail complète dans une activité adaptée avec une baisse de rendement de 12,5 % en raison des douleurs chroniques au niveau du bassin, nécessitant deux pauses d'une demi-heure par jour durant les heures de travail.  
Par décision du 26 avril 2021, confirmée sur opposition le 16 septembre 2021, la CNA a nié le droit à une rente d'invalidité. 
 
B.  
Saisie d'un recours contre cette nouvelle décision, la cour cantonale a ordonné le 9 août 2022 la mise en oeuvre d'une expertise judiciaire bidisciplinaire qu'elle a confiée au professeur P.________, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur et à la doctoresse Q.________, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie. Ces experts ont rendu leurs rapports respectifs les 21 et 23 décembre 2022. Le 13 juin 2023, l'assuré a communiqué un courrier de l'OAI du 31 mai 2023, l'informant qu'une rente entière d'invalidité lui serait versée dès le 1 er novembre 2013, pour une durée indéterminée, sous déduction de la rente déjà versée pour la période du 1 er novembre 2013 au 31 octobre 2016. Sollicité une nouvelle fois par la juridiction cantonale pour préciser certains points, le professeur P.________ a rendu un complément d'expertise le 8 septembre 2023.  
Par arrêt du 23 octobre 2023, la juridiction cantonale a partiellement admis le recours de l'assuré. Elle a annulé la décision sur opposition de la CNA du 16 septembre 2021 et a reconnu le droit de l'assuré à une rente fondée sur un taux d'invalidité de 34 % depuis le 30 avril 2018. 
 
C.  
La CNA interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant à son annulation et, principalement, à la confirmation de sa décision sur opposition du 16 septembre 2021, subsidiairement au renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise judiciaire et nouvelle décision et, plus subsidiairement encore, à ce que le droit à une rente d'invalidité de 34 % ne soit reconnu qu'à partir du 1 er mai 2018.  
L'intimé conclut au rejet du recours. La cour cantonale et l'Office fédéral de la santé publique ont renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable. 
 
2.  
Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF) et n'est donc limité ni par les arguments de la partie recourante ni par la motivation de l'autorité précédente. Il n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de l'exigence de motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, et ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). 
 
3.  
 
3.1. Le litige porte sur le droit de l'intimé à une rente d'invalidité de l'assurance-accidents, fondée sur un taux d'invalidité de 34 %, à compter du 30 avril 2018.  
 
3.2. S'agissant d'une procédure concernant l'octroi de prestations en espèces de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par la juridiction précédente (art. 105 al. 3 LTF).  
 
4.  
 
4.1. L'arrêt attaqué expose correctement les dispositions légales régissant le droit aux prestations de l'assurance-accidents, notamment à une rente d'invalidité (art. 18 al. 1, art. 19 al. 1 LAA), ainsi que la jurisprudence en matière d'appréciation de rapports médicaux (ATF 134 V 231 consid. 5.1; 125 V 351 consid. 3a). Il suffit d'y renvoyer.  
 
4.2. S'agissant de la valeur probante d'une expertise judiciaire, on rappellera que le juge ne s'écarte en principe pas sans motifs impérieux des conclusions d'une expertise médicale judiciaire (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2), la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut notamment constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut pas exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et la référence citée).  
 
5.  
 
5.1. La recourante reproche tout d'abord à la juridiction cantonale d'avoir écarté l'expertise du CEMed, soit un centre d'expertise indépendant, lequel avait pourtant fourni une appréciation médicale détaillée de la situation de l'intimé, en alliant les compétences de plusieurs spécialistes en psychiatrie, neurologie et chirurgie orthopédique. Ces derniers avaient disposé d'un dossier contenant de nombreux rapports médicaux de divers spécialistes. Par ailleurs, l'intimé avait été vu à plusieurs reprises par des médecins de la CNA qui avaient rapporté de façon détaillée les constatations cliniques faites au fil du temps. L'intimé avait aussi été personnellement examiné et interrogé par les experts du CEMed qui avaient rendu un rapport d'expertise détaillé. Les experts du CEMed avaient en outre cité des rapports des docteurs J.________ et K.________, quand bien même il ne s'agissait pas des rapports de mars 2019. Dans ces conditions, c'était à tort, selon la recourante, que les juges cantonaux avaient écarté l'expertise du CEMed en lui déniant toute valeur probante et en lui préférant l'expertise judiciaire.  
 
5.2. Selon l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, le recours doit indiquer, entre autres exigences, les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, en exposant succinctement en quoi l'acte attaqué est contraire au droit. Pour satisfaire à ces exigences, il appartient au recourant de discuter au moins brièvement les considérants de la décision litigieuse et d'expliquer en quoi ceux-ci seraient contraires au droit (ATF 148 IV 205 consid. 2.6; 140 III 86 consid. 2). Des discussions juridiques abstraites, détachées de l'état de fait à juger ou sans lien démontré ou reconnaissable avec certains motifs de la décision de l'instance précédente, ne satisfont pas à ces exigences; il n'appartient en effet pas au Tribunal fédéral de rechercher, fautes d'indications précises, quels points ou considérants de la décision attaquée le recourant veut critiquer.  
 
5.3. Cela vaut notamment lorsque, comme en l'espèce, la recourante se contente de critiques toutes générales à l'égard de l'appréciation de l'expertise du CEMed par l'instance précédente et ne dit pas dans quelle mesure celle-ci a établi ou apprécié les faits en violation du droit fédéral. On relèvera à cet égard que la juridiction cantonale avait détaillé, dans son ordonnance d'expertise du 9 août 2022, les raisons pour lesquelles elle considérait que l'expertise du CEMed était lacunaire. Elle avait plus particulièrement expliqué pourquoi il était problématique que les experts du CEMed n'aient pas eu connaissance des rapports des docteurs J.________ et K.________ les plus récents et qu'ils n'en aient par conséquent pas tenu compte dans leur appréciation. Or la recourante ne discute pas cette argumentation. Faute de critiques concrètes à l'égard de l'appréciation par la juridiction cantonale de l'expertise du CEMed, il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur le grief de la recourante concernant la valeur probante de cette expertise.  
 
6.  
 
6.1. Après avoir écarté l'expertise du CEMed, les premiers juges ont procédé à une appréciation de l'expertise judiciaire. Ils ont considéré qu'en tant que le professeur P.________ concluait dans son complément d'expertise du 8 septembre 2023 à une capacité de travail de 50 % dans une activité strictement adaptée aux limitations fonctionnelles de l'intimé, ses conclusions étaient convaincantes, sous réserve de la diminution de rendement supplémentaire de 12,5 % retenue par l'expert. S'agissant du volet psychiatrique de l'expertise judiciaire, les juges cantonaux ont suivi l'avis de l'experte-psychiatre qui a posé le diagnostic de dysthymie non incapacitante. Pour calculer la perte de gain, la juridiction cantonale a repris les revenus d'invalide (67'766 fr. 67) et sans invalidité (51'600 fr.) établis par la CNA, en tenant compte d'une capacité de travail résiduelle de 50 %, ce qui aboutissait à un taux d'invalidité de 34 %.  
 
6.2. La recourante reproche à la juridiction cantonale d'avoir arbitrairement suivi les conclusions de l'expertise judiciaire alors que celles-ci seraient contradictoires, en partie fondées sur des généralisations et insuffisamment motivées. Elle relève tout d'abord que le professeur P.________ avait pris position sur l'aspect psychique - outrepassant ainsi son domaine de compétence - ce qui l'avait amené à conclure dans un premier temps à une totale incapacité de travail dans toute activité professionnelle alors que l'experte psychiatre avait pour sa part affirmé qu'une reprise de travail dans une activité adaptée était possible à 100 % sur le plan psychiatrique. La recourante soutient également que les conclusions du professeur P.________ seraient essentiellement basées sur la littérature médicale, tenant peu compte du dossier médical constitué au cours des années, où les divers médecins ayant procédé à des expertises avaient constaté de manière régulière la présence d'incohérences et d'autolimitations. La recourante cite son médecin-conseil, le docteur R.________, lequel s'est exprimé en ces termes à l'égard de l'expertise du professeur P.________: "On a l'impression que les conclusions de cet expert sont le fait de la revue de littérature, certes exhaustive, mais qui a le défaut de ne pas être personnalisée et finalement de ne pas concerner Monsieur A.________". La recourante fait enfin grief aux premiers juges d'avoir arbitrairement suivi l'expert P.________ sur la capacité résiduelle de travail de 50 % mais pas sur la diminution de rendement de 12,5 % également retenue par ce dernier, donnant l'apparence de retenir ce qui les arrangeait et d'assumer ainsi une tâche ressortant expressément du domaine de l'expert médical. Quant au revirement de l'expert lui-même entre son rapport d'expertise du 23 décembre 2022 et son complément du 8 septembre 2023 concernant la capacité de travail de l'intimé, la recourante fait valoir qu'il n'était pas admissible, sauf à faire naître des doutes sur la valeur probante de l'expertise.  
 
6.3.  
 
6.3.1. À la question de la cour cantonale de savoir s'il était d'accord avec le contenu de l'expertise du CEMed, plus particulièrement avec la partie relative à sa spécialité ainsi que la synthèse finale, les diagnostics posés, les limitations fonctionnelles constatées et l'estimation de la capacité de travail et de rendement retenus par les experts, le professeur P.________ a notamment indiqué que les experts du CEMed ne considéraient pas la gravité de l'accident et ne calculaient pas un score ISS (Injury Severity Score), alors que le traumatisme subi par l'intimé devait être considéré comme gravissime. Il a ajouté que les experts ne prenaient pas en considération les effets psychiques indéniables et bien décrits dans la littérature que provoquait un tel traumatisme, avant de poursuivre en listant d'autres éléments que les experts du CEMed n'avaient pas pris en compte. Ce faisant, l'expert P.________ n'a pas outrepassé son domaine de compétence puisqu'il n'a pas posé un diagnostic psychiatrique. Sa remarque introduit la réponse plus détaillée concernant les diagnostics somatiques retenus par le CEMed. En outre, contrairement à ce que laisse sous-entendre la recourante, ce n'est pas cette soi-disant prise de position sur l'aspect psychique qui avait amené l'expert à conclure dans un premier temps à une totale incapacité de travail dans toute activité professionnelle mais bel et bien les nombreux handicaps et limitations que présentait l'intimé. L'expert P.________ a en effet constaté que le périmètre de marche était limité à 15 minutes, la marche en terrain inégal n'était pas possible, la station debout ou assise prolongée de plus de 15 à 30 minutes n'était pas possible, l'utilisation des escaliers, des échelles et des escabeaux était restreinte ainsi que le port de charges, lequel était limité à 3 kilos. Il a précisé que ces limitations dépendaient des lésions séquellaires au niveau du bassin et du genou droit acquises lors de l'accident du 4 novembre 2012 et que dans ces conditions, il n'était pas réaliste d'exiger une capacité de travail dans une activité adaptée, pour autant qu'il soit possible de trouver une telle activité. L'expert a ajouté que les cervicobrachialgies gauches dont se plaignait l'intimé depuis son réveil aux soins intensifs en novembre 2012 étaient avec une probabilité de plus de 50 % en lien avec l'accident ou avec des séquelles de la prise en charge, vu l'intubation de plus de 10 jours qu'il avait subie sans pouvoir protéger activement sa colonne cervicale. Il était donc probable que ces circonstances aient aggravé l'apparition d'une irritation de la racine C6 suffisamment intense pour provoquer un état douloureux, mais pas assez pour modifier les examens EMG. Les faiblesses et les difficultés de contrôle des mouvements fins contribuaient aussi aux handicaps que présentait l'intimé et diminuaient encore son aptitude à une activité professionnelle lucrative, même adaptée.  
 
6.3.2. S'agissant ensuite du reproche selon lequel l'expertise judiciaire serait peu personnalisée mais reposerait plutôt sur des considérations générales issues de la littérature médicale, il n'est pas non plus fondé. S'il est vrai que l'expert P.________ consacre environ un tiers de son rapport à la littérature médicale - sur 65 pages de rapport d'expertise, 12 sont consacrées au chapitre "Revue de littérature" et 11 constituent la bibliographie -, il convient de relever que les deux tiers restant sont dédiés à l'anamnèse, l'examen clinique, l'analyse des pièces du dossier, l'imagerie médicale, la réponse aux questions de la juridiction cantonale et aux illustrations, soit à l'examen concret et personnalisé de l'expertisé lui-même.  
 
6.3.3. Quant au "revirement" opéré par l'expert P.________ s'agissant de la capacité de travail de l'intimé entre son rapport du 23 décembre 2022 et son complément du 8 septembre 2023, il ne remet nullement en question la valeur probante de l'expertise judiciaire. Il ne s'agit en réalité pas d'un revirement puisque l'expert n'a pas changé d'avis. En effet, à la question des juges "Dans l'hypothèse où une activité adaptée existe, soit une activité respectant les limitations fonctionnelles que vous retenez, quel est le taux de capacité de travail de M. A.________?", l'expert a répondu qu'il persistait à penser que la capacité de travail de l'intimé était nulle dans toute activité au vu du tableau lésionnel et des séquelles physiques objectives. Il a cependant indiqué que si une activité adaptée se conformant strictement aux limitations fonctionnelles devait exister, la capacité de travail serait de 50 %. Plus loin, il a indiqué "par hypothèse, si une telle activité adaptée se conformant strictement aux limitations fonctionnelles décrites existait, la capacité de travail ne pourrait pas dépasser le 50 % avec une pause de 30 minutes, ce qui représente une diminution de rendement de 12,5 % sur ce temps de 4h par jour". À la fin du questionnaire complémentaire, l'expert a encore ajouté la remarque suivante: "Mes réponses sont à prendre en considération seulement dans le cas hypothétique où une activité lucrative se conformant strictement aux limitations fonctionnelles décrites existait et ce, pour un assuré ayant comme seul bagage un permis de conducteur poids lourd, activité inenvisageable dans son état".  
 
6.3.4. En ce qui concerne enfin le reproche fait aux premiers juges d'avoir suivi l'expert P.________ sur la capacité résiduelle de travail de 50 % mais pas sur la diminution de rendement de 12,5 % également retenue par ce dernier, ce grief est pour le moins contradictoire. En effet, dans la mesure où la recourante n'est pas parvenue à démontrer en quoi les conclusions de l'expert P.________ étaient dénuées de valeur probante, son argumentation revient à dire que les premiers juges auraient dû conclure à une incapacité de travail de l'intimé plus importante (62,5 %) que celle finalement retenue (50 %), ce qui conduirait à la réforme de l'arrêt attaqué à son détriment. Dans la mesure où le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF), il n'y a pas lieu d'examiner ce grief plus avant.  
 
6.4. Pour le reste, le calcul du taux d'invalidité, compte tenu d'une diminution de la capacité de travail de 50 % dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles de l'intimé, n'est pas critiqué en tant que tel. Il y a donc lieu de confirmer le taux de 34 % auquel sont arrivés les premiers juges (cf. consid. 6.1 supra). Dès lors que l'intimé a touché des indemnités journalières de la CNA jusqu'au 30 avril 2018 compris, le droit à la rente ne saurait prendre naissance le même jour maisolea seulement à partir du lendemain, soit le 1 er mai 2018. Il y a dès lors lieu de réformer le chiffre 4 du dispositif de l'arrêt cantonal dans ce sens.  
 
7.  
Vu ce qui précède, seule la conclusion la plus subsidiaire de la recourante est admise, le recours étant pour le surplus entièrement infondé. La recourante, qui succombe pour la quasi-totalité de ses conclusions, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) et versera une indemnité de dépens à l'intimé (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est partiellement admis. 
 
2.  
Le chiffre 4 du dispositif de l'arrêt cantonal est réformé en ce sens que l'intimé a droit à une rente d'invalidité de 34 % depuis le 1 er mai 2018.  
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
4.  
La recourante versera à l'intimé la somme de 2'800 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral de la santé publique. 
 
 
Lucerne, le 10 juillet 2024 
 
Au nom de la IVe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Wirthlin 
 
La Greffière : Fretz Perrin