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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_370/2021  
 
 
Arrêt du 10 novembre 2022  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Kneubühler, Président, Chaix et Jametti. 
Greffier : M. Alvarez. 
 
Participants à la procédure 
1. A.________, 
agissant par C.________ SA, 
2. B.________ SA, c/o C.________ SA, 
agissant par C.________ SA, 
recourantes, 
 
contre  
 
ASLOCA, Association Genevoise des Locataires, représentée par Me Romolo Molo, avocat, 
intimée, 
 
Département du territoire de la République et canton de Genève, Office cantonal du logement et de la planification foncière, rue du Stand 26, 1204 Genève. 
 
Objet 
Autorisation d'aliéner, 
 
recours contre l'arrêt de Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève, du 11 mai 2021 (ATA/491/2021 - A/451/2020-LTDR). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le 12 juillet 2002, D.________ a acquis l'immeuble comportant 22 appartements sis au 34, route des Acacias, sur la parcelle no 490, feuillet 46 de la Commune de Carouge (ci-après: l'immeuble). Le 5 juin 2012, A.________ a acheté le certificat d'action no 22 de E.________ SA, dont D.________ est administrateur-président, au prix de 216'000 fr. Le 15 juin 2012, l'immeuble a été vendu à E.________ SA. Le 25 juin 2012, les statuts de E.________ SA ont été modifiés, cette dernière devenant une société immobilière d'actionnaires-locataires (ci-après: SIAL), au sein de laquelle la propriété d'un certificat donnait le droit de louer une partie du bâtiment. Dès le 29 juin 2012, l'immeuble a été soumis au régime de la propriété par étages (ci-après: PPE). Le 23 décembre 2013, E.________ SA a transféré à A.________ la propriété du lot de PPE no 7.02, soit un appartement de 4 pièces (84 m², avec balcon et cave), correspondant à son certificat d'actions. 
 
B.  
Le 9 avril 2014, le Registre foncier (ci-après: RF) s'est adressé aux notaires genevois. Il rappelait que depuis 1995, les opérations visant à liquider des SIAL et à transformer les détenteurs de certificats d'actions en propriétaires d'unités d'étages n'étaient pas soumises à autorisation en vertu de la loi genevoise sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation du 25 janvier 1996 (LDTR; RS/GE L 5 20). Toutefois, il était récemment apparu que les exigences de cette loi - qui soumet à autorisation la vente de logements loués - pouvaient être contournées. Les transferts devaient donc être soumis à la Direction cantonale des autorisations de construire (DAC), rattachée au Département cantonal du territoire (ci-après: DT), pour décision sur la question de l'assujettissement ou non à la loi. 
Suite à ce changement de pratique, le 29 juillet 2015, le DT a refusé d'autoriser l'aliénation de deux appartements de ce même immeuble aux actionnaires détenant le certificat d'actions correspondant. Ce refus a été confirmé par le Tribunal administratif de première instance de la République et canton de Genève (ci-après: TAPI), par la Chambre administrative de la Cour cantonale de justice et, en dernier lieu, par le Tribunal fédéral, par arrêt du 23 novembre 2017 (cause 1C_361/2017); les instances judiciaires ont en particulier constaté l'existence d'une fraude à la loi visant à contourner la protection et le maintien du parc locatif prévus par la loi. 
 
C.  
Le 22 juin 2017, A.________, représentée par C.________ SA, dont l'administrateur-président est D.________, a conclu un contrat de bail à loyer concernant l'appartement avec F.________ et G.________. Il s'agissait d'un bail à terme fixe, du 1 er janvier 2018 au 31 décembre 2020, sans renouvellement, pour un loyer mensuel de 1'350 fr., plus 200 fr. de charges.  
 
D.  
Par requête du 1er décembre 2019, A.________ a sollicité auprès de l'Office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après: OCLPF), rattaché au DT, l'autorisation de vendre, au prix de 800'000 fr., son appartement à B.________ SA; D.________ est aussi administrateur-président de cette dernière société. La requérante se déclarait contrainte de vendre en raison de sa situation financière: elle devait notamment plus de 830'000 fr. à la régie C.________ SA et plus de 30'000 fr. à des tiers. B.________ SA était pour sa part intéressée à l'acquisition à titre d'investissement. 
Par arrêté du 23 décembre 2019, le DT a autorisé l'aliénation au profit de B.________ SA, précisant néanmoins que la cession d'actions intervenue en 2012 aurait dû faire l'objet d'une requête en autorisation d'aliéner, ce qui n'avait pas été fait. L'arrêté mentionne encore que cette aliénation ne pourrait justifier une nouvelle aliénation individualisée de l'appartement. 
Par jugement du 25 août 2020, le TAPI a confirmé cette décision. Sur recours de l'Association genevoise des locataires (ci-après: Asloca), la Cour de justice a annulé ce jugement, le 11 mai 2021. Les opérations ayant mené au transfert, en 2013, du lot de PPE no 7.02 à A.________ procédaient d'une fraude à la loi. Des motifs liés à la sécurité du droit s'opposaient toutefois à la constatation de la nullité de son inscription au RF; celle-ci était ainsi devenue propriétaire du lot de PPE pour lequel elle sollicitait à présent l'autorisation d'aliéner. Les conditions d'octroi de cette autorisation n'étaient toutefois pas réunies. 
 
E.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ (ci-après: recourante 1) et B.________ SA (ci-après: recourante 2) demandent principalement au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt attaqué et de rétablir l'arrêté du DT. Subsidiairement, elles concluent au renvoi de la cause à l'instance précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
La Cour de justice n'a pas d'observation à formuler et persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Le DT, par l'intermédiaire de l'OCLPF, s'en rapporte à justice. L'Asloca conclut à la confirmation de l'arrêt entrepris. Aux termes d'un dernier échange d'écritures, les parties persistent dans leurs conclusions respectives. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Dirigé contre une décision finale prise en dernière instance cantonale dans une cause de droit public, le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. Les recourantes ont pris part à la procédure devant l'autorité précédente; en tant que propriétaire, respectivement acquéreuse de l'appartement correspondant au lot de PPE no 7.02, elles sont particulièrement touchées par la décision de refus confirmée en dernière instance cantonale. Elles disposent dès lors d'un intérêt digne de protection à l'annulation de l'arrêt attaqué et partant de la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Les autres conditions de recevabilité étant au surplus réunies, il convient d'entrer en matière. 
 
2.  
Aux termes des premiers considérants de son arrêt, la Cour de justice a déclaré irrecevables les conclusions de l'Asloca portant sur le transfert du lot de PPE en 2013; l'objet du litige était circonscrit à la délivrance de l'autorisation d'aliéner l'appartement no 7.02 requise en 2019. La Cour de justice est tout de même entrée en matière dans la mesure où ces conclusions, telles que formulées, pouvaient être comprises comme des conclusions en nullité de l'inscription de la recourante 1 au RF, qui devait le cas échéant être constatée d'office et en tout temps (cf. ATF 144 IV 362 consid. 1.4.3; arrêt 1C_171/2020 du 6 avril 2021 consid. 1.4.2). L'appartement en cause était un bien dont l'aliénation était en principe soumise à autorisation au sens de l'art. 39 al. 1 de la LDTR. Celle-ci n'avait toutefois pas été exigée en 2013 car l'inscription au RF intervenait à l'issue d'un montage réalisé pour donner l'apparence de la liquidation d'une SIAL et la transformation de l'actionnaire en propriétaire d'unité d'étages, sans changement de détenteur économique; or un tel transfert était alors admis sans autorisation selon l'ancienne pratique du DT. L'inscription de la recourante 1 au RF, obtenue par une fraude à la loi, était gravement viciée et manifeste (cf. ATF 138 II 501 consid. 3.1) : sans le montage précité, l'opération aurait constitué en la vente d'une part de PPE, dont l'assujettissement à la LDTR aurait été évidente. Néanmoins, compte tenu de l'écoulement du temps et de l'absence de démarches entreprises par le DT en dépit des procédures judiciaires antérieures menées en lien avec l'immeuble concerné (cf. partie En fait, let. B; arrêt 1C_361/2017 du 23 novembre 2017), la sécurité du droit s'opposait à la constatation de la nullité de l'inscription de la recourante 1; cette dernière était ainsi devenue propriétaire de l'appartement pour lequel elle sollicite à présent l'autorisation d'aliéner. 
Les recourantes ne remettent en tant que tel pas en cause le refus de l'instance précédente de constater la nullité. Elles contestent en revanche le caractère manifeste du vice affectant l'inscription au RF. Cela jouerait un rôle pour déterminer si la recourante 1 a agi de bonne foi, respectivement si elle a sciemment participé à la fraude à la loi. Cette problématique est cependant en lien avec le refus de l'autorisation d'aliéner, avec lequel elle sera examinée dans les considérants qui suivent. Au surplus, le Tribunal fédéral ne voit pas de motif de revenir sur l'appréciation de la cour cantonale, l'Asloca ne persistant du reste pas non plus dans la voie de la nullité de l'inscription au RF de 2013. 
 
3.  
Les recourantes nient l'existence d'une fraude à la loi; de même, et dans l'hypothèse d'une fraude, elles contestent que la recourante 1 y ait sciemment participé. Par ailleurs, le transfert du lot de PPE, en 2013, aurait déjà individualisé l'appartement, si bien que le DT serait aujourd'hui tenu de délivrer l'autorisation d'aliéner en application de l'art. 39 al. 4 let. d LDTR. Dans un deuxième volet de leur argumentaire, subsidiaire, les recourantes remettent en cause la pesée intérêts ayant mené au refus de l'autorisation, faisant valoir une application arbitraire de l'art. 39 al. 2 LDTR ainsi qu'une atteinte à la garantie de la propriété (art. 26 Cst.). 
 
3.1. En droit public, le principe de la bonne foi est explicitement consacré par l'art. 5 al. 3 Cst., en vertu duquel les organes de l'Etat et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. Il y a fraude à la loi - forme particulière d'abus de droit - lorsqu'un justiciable évite l'application d'une norme imposant ou interdisant un certain résultat par le biais d'une autre norme permettant d'aboutir à ce résultat de manière apparemment conforme au droit (ATF 144 II 49 consid. 2.2; 142 II 206 consid. 2.3). La norme éludée doit alors être appliquée nonobstant la construction juridique destinée à la contourner (ATF 144 II 49 consid. 2.2; 142 II 206 consid. 2.3; ATF 134 I 65 consid. 5.1). Pour être sanctionné, un abus de droit doit apparaître manifeste. L'autorité qui entend faire appliquer la norme éludée doit établir l'existence d'une fraude à la loi, ou du moins démontrer l'existence de soupçons sérieux dans ce sens. Cette appréciation doit se faire au cas par cas, en fonction des circonstances d'espèce (ATF 144 II 49 consid. 2.2; 142 II 206 consid. 2.5 et la jurisprudence citée). A l'instar de tous les griefs d'ordre constitutionnel, celui-ci est soumis aux conditions de motivation accrues de l'art. 106 al. 2 LTF: le recourant doit donc exposer, de manière claire et détaillée, en quoi consiste la violation du droit constitutionnel invoqué.  
 
3.2. Aux termes de l'art. 39 LDTR, l'aliénation, sous quelque forme que ce soit (notamment cession de droits de copropriété d'étages ou de parties d'étages, d'actions, de parts sociales), d'un appartement à usage d'habitation, jusqu'alors offert en location, est soumise à autorisation dans la mesure où l'appartement entre, à raison de son loyer ou de son type, dans une catégorie de logements où sévit la pénurie (al. 1). Le département refuse l'autorisation lorsqu'un motif prépondérant d'intérêt public ou d'intérêt général s'y oppose. L'intérêt public et l'intérêt général résident dans le maintien, en période de pénurie de logements, de l'affectation locative des appartements loués (al. 2). Quant à l'art. 39 al. 4 LDTR, il prévoit une série d'hypothèses dans lesquelles, selon la jurisprudence cantonale, le département compétent est tenu de délivrer l'autorisation d'aliéner; il en va notamment ainsi dans le cas où l'appartement a fait une fois au moins l'objet d'une autorisation d'aliéner en vertu de la LDTR (cf. art. 39 al. 4 let. d LDTR).  
 
3.2.1. Le but poursuivi par la LDTR, qui tend à préserver l'habitat et les conditions de vie existants, en restreignant notamment le changement d'affectation des maisons d'habitation (art. 1 al. 1 et 2 let. a LDTR), procède d'un intérêt public important et reconnu (ATF 128 I 206 consid. 5.2.4; 113 Ia 126 consid. 7a; 111 Ia 23 consid. 3a et les arrêts cités). Par ailleurs, la réglementation mise en place par la LDTR est en soi conforme au droit fédéral et à la garantie de la propriété, y compris le refus de l'autorisation de vendre un appartement loué lorsqu'un motif prépondérant d'intérêt public ou d'intérêt général s'y oppose. Pour qu'une telle restriction soit conforme à la garantie de la propriété (art. 26 al. 1 Cst.), l'autorité administrative doit effectuer une pesée des intérêts en présence et évaluer l'importance du motif de refus au regard des intérêts privés en jeu (ATF 113 Ia 126 consid. 7b/aa; arrêt 1C_141/2011 du 14 juillet 2011 consid. 3.2 publié in SJ 2011 I p. 357).  
 
3.2.2. Selon la jurisprudence cantonale, dans le cas d'appartements en PPE, la vente en bloc doit être préférée à la vente par unités séparées, ce procédé-là ne mettant en principe pas en péril les buts de la LDTR (arrêts 1C_137/2011 du 14 juillet 2011 consid. 3.2; 1C_180/2007 du 12 octobre 2007 consid. 5.6). Le Tribunal fédéral a lui-même eu l'occasion de dire que la LDTR s'applique lorsqu'un appartement est individualisé, puis vendu; elle ne saurait cependant empêcher la vente en bloc de plusieurs appartements à un même acquéreur, car, dans ce cas, le risque de voir ces appartements sortir du marché locatif est pratiquement nul (arrêts 1C_137/2011 du 14 juillet 2011 consid. 3.2; 1P.2/1999 du 19 avril 1999 consid. 2f). Toutefois, même dans ce cas de figure, le fait de vendre "à la découpe" des immeubles locatifs en blocs de petites tailles a pour effet une transformation progressive de l'immeuble locatif contraire à l'esprit de la LDTR (cf. art. 39 al. 3 in initio LDTR). Une diminution de la taille des lots et, parallèlement, une multiplication du nombre des propriétaires tendent en effet indéniablement à mettre en péril le maintien de l'affectation locative des appartements loués ainsi que la préservation de loyers bon marché, maintenus en vertu du but de la LDTR; cela augmente la probabilité d'une vente ultérieure de logements individualisés, et partant le risque d'une atteinte au parc immobilier locatif (cf. arrêts 1C_124/2017 du 23 novembre 2017 consid. 3.2; 1C_137/2011 du 14 juillet 2011 consid. 3.3; GAIDE/DÉFAGO GAUDIN, La LDTR, 2014, ch. 3.2 p. 414). Ainsi, même en cas de vente en bloc, l'aliénateur doit justifier d'un intérêt privé particulier primant l'intérêt public à la préservation du marché locatif (cf. arrêts 1C_137/2011 du 14 juillet 2011 consid. 3.3 in initio; 1C_180/2007 du 12 octobre 2007 consid. 5.7).  
 
3.2.3. Appelé à revoir l'interprétation d'une norme cantonale ou communale sous l'angle restreint de l'arbitraire, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En revanche, si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne s'avère pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution - même préférable - paraît possible (ATF 145 I 108 consid. 4.4.1 et les références citées). En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision critiquée soient insoutenables; encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 144 III 368 consid. 3.1). Le grief d'application arbitraire du droit cantonal est également soumis à des exigences de motivation accrue (art. 106 al. 2 LTF; cf. ATF 142 II 369 consid. 2.1).  
 
4.  
En l'espèce, la Cour de justice a retenu que l'aliénation en cause était soumise à autorisation en application de l'art. 39 al. 1 LDTR, ce qui n'est pas discuté; elle a de même considéré qu'aucun des cas de délivrance au sens de l'art. 39 al. 4 LDTR n'était réalisé. L'octroi d'une autorisation reposait par conséquent sur une pesée des intérêts effectuée en application de l'art. 39 al. 2 LDTR. La recourante 1 avait indiqué vendre son appartement dans le but d'assainir sa situation financière. Or, les dettes dont elle se prévalait apparaissaient nébuleuses, insolites et, dans leur très importante majorité, liées à D.________; elles s'inscrivaient dans le contexte particulier de la fraude à la loi, dont il ne pouvait être fait abstraction. Les prêts opérés aux différentes étapes permettaient à D.________, comme dans d'autres cas concernant des montages similaires, de rester économiquement propriétaire des actions, ce qui, entre autres éléments, permettait de démontrer que la cédante n'était pas en marge du système mis en place. L'assainissement allégué, singulièrement l'intérêt au remboursement des prêts ne pouvait dès lors être protégé et primer l'intérêt public au maintien du parc locatif. S'agissant de la cessionnaire, l'intérêt invoqué, savoir l'acquisition d'actions à titre d'investissement, relevait de motifs commerciaux; derrière cet intérêt résidait d'ailleurs en réalité celui de D.________. 
 
4.1. Les recourantes contestent l'existence d'une fraude à la loi. Elles déduisent par ailleurs - on l'a dit - de l'absence prétendue de caractère manifeste du vice affectant le transfert du lot de PPE, que la recourante 1 n'y aurait, en toute état de cause, pas sciemment participé; celle-ci n'était pas une professionnelle de l'immobilier, si bien qu'elle ne pouvait comprendre les enjeux des opérations.  
 
4.1.1. Il est rappelé que les SIAL se sont développées, spécialement en Suisse romande, après la seconde guerre mondiale et jusqu'en 1965, date d'introduction, dans le CC (RS 210; RO 1964 989), du régime de la PPE (art. 712a ss CC). Après cette date, nombre d'immeubles avaient encore été construits et exploités sous cette forme. Selon l'ancienne pratique, le département tolérait les liquidations de SIAL avec création d'un régime de PPE, considérant que les détenteurs de certificats d'actions devenaient simplement "propriétaires en nom" (cf. arrêt 1C_361/2017 du 23 novembre 2017 consid. 4.2). Pour les SIAL crées avant 1965, la transformation en PPE apparaissait comme la conséquence naturelle du changement de régime légal. La tolérance dont a fait preuve le département par la suite peut également se justifier puisque les propriétaires sont en principe libres de soumettre leur immeuble au régime juridique qu'ils désirent en vertu notamment de la garantie de la propriété. Toutefois et s'agissant de la fraude à la loi, lorsqu'une SIAL est créée et qu'elle est ensuite rapidement transformée en PPE sans qu'aucune raison plausible ne justifie le choix de la première forme juridique, l'autorité peut légitimement soupçonner que cette succession soit uniquement destinée à profiter de la tolérance dont le département a fait preuve jusqu'ici (arrêt 1C_361/2017 du 23 novembre 2017 consid. 4.3).  
En l'occurrence, le 5 juin 2012, la recourante 1 a acquis un certificat d'actions de E.________ SA, alors que celle-ci n'était pas encore propriétaire de l'immeuble, celui-ci lui ayant été vendu par D.________ dix jours plus tard, le 15 juin 2012. Le 25 juin 2012, E.________ SA a été convertie en SIAL; le 29 juin 2012, soit quatre jours plus tard, l'immeuble a été soumis au régime de la PPE. L'ensemble de l'opération s'est ainsi déroulé sur moins d'un mois. Enfin, le 23 décembre 2013, E.________ SA a transféré à la recourante 1 le lot PPE correspondant à son certificat d'actions (appartement de 4 pièces). Cette succession rapide fait apparaître qu'il s'agit d'un montage mis sur pied dès l'origine; les recourantes ne tentent du reste pas d'expliquer (alors que cette démonstration leur incombe en vertu de l'art. 106 al. 2 LTF) les raisons pour lesquelles la forme de la SIAL a été adoptée durant une si brève période plutôt que de soumettre directement l'immeuble au régime de la PPE. Que le notaire ayant instrumenté le transfert et le Conservateur du RF n'aient pas identifié la nécessité d'une autorisation n'est à cet égard d'aucun secours aux recourantes; cela tend au contraire à démontrer la finesse de la manoeuvre créant l'apparence d'une liquidation de SIAL susceptible de profiter de l'ancienne pratique du DT. Il n'est enfin pas non plus pertinent que le transfert soit intervenu avant la notice du RF du 9 avril 2014, la fraude identifiée - visant à abuser de la tolérance du DT - pouvant également être sanctionnée sous le régime précédent (cf. arrêt 1C_361/2017 du 23 novembre 2017 consid. 5). Dans ces conditions, on ne voit pas de motif de revenir sur l'existence d'une fraude à la loi, au demeurant admise dans différents précédents où les autorités ont eu à connaître de montages similaires (cf. arrêts 1C_79/2021, 1C_80/2021, 1C_85/2021, 1C_86/2021, 1C_87/2021, 1C_88/2021 1C_89/2021 et 1C_90/2021 du 6 septembre 2021; 1C_123/2017, 1C_124/2017, 1C_125/2017 et 1C_361/2017 du 23 novembre 2017). Il n'y a ainsi pas lieu de douter que ces opérations ont été mises sur pied pour éviter de solliciter une autorisation d'aliéner, les protagonistes sachant qu'aucun des cas de délivrance figurant à l'art. 39 al. 3 et 4 LDTR n'était réalisé. 
 
4.1.2. C'est par ailleurs en vain que les recourantes affirment que la recourante 1 n'aurait pas sciemment participé à cette fraude. La constatation de ce qu'une personne savait ou ignorait à un moment donné relève du fait et, sauf arbitraire (art. 97 al. 1 LTF; art. 9 Cst.), lie le Tribunal fédéral (à cet égard, dans un contexte analogue, cf. arrêt 1C_79/2021 du 6 septembre 2021 consid. 2; voir également GRÉGORY BOVEY, in Commentaire de la LTF, 3e éd. 2022, n. 36 ad art. 105 LTF et l'arrêt cité). Or, dans le cas particulier, le recours ne renferme pas d'argumentation répondant aux exigences de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF (cf. ATF 145 I 26 consid. 1.3; 141 IV 369 consid. 6.3), qui commanderait de revenir sur le fait que la recourante a en connaissance de cause participé au montage identifié ci-dessus. Il n'est en particulier pas suffisant de se prévaloir - pour les mêmes motifs que ci-dessus - de ce que ni le notaire en charge de l'instrumentation ni le Conservateur du RF n'aient perçu la nécessité d'une autorisation d'aliéner ou encore d'alléguer qu'à défaut d'être une professionnelle de l'immobilier la recourante 1 ne pouvait percevoir les enjeux des opérations litigieuses. Il est à cet égard relevé que les arrêts cantonaux dont se prévalent à ce propos les recourantes ont fait l'objet d'arrêts de la Cour de céans, confirmant la connaissance par les protagonistes de la nature de la fraude, indépendamment de leur statut de profane en matière immobilière (cf. arrêt 1C_79/2021 du 6 septembre 2021 consid. 2.2.2; voir également arrêts connexes du même jour 1C_80/2021, 1C_85/2021, 1C_86/2021, 1C_87/2021, 1C_88/2021 1C_89/2021 et 1C_90/2021). A défaut de motivation suffisante, la critique est irrecevable.  
 
4.1.3. En définitive, il n'y a lieu de revenir ni sur l'existence d'une fraude à la loi visant à contourner les objectifs de protection institués par la LDTR ni de douter que c'est sciemment que la recourante y a pris part. Le grief est écarté.  
 
4.2. Les recourantes soutiennent que le transfert du lot de PPE, en 2013, aurait déjà individualisé l'appartement. Le DT serait ainsi, en application de l'art. 39 al. 4 let. d LDTR et selon la jurisprudence cantonale, dans l'obligation de délivrer l'autorisation d'aliéner, sans autre formalité. Les recourantes se prévalent à cet égard d'un précédent du 16 avril 2013 (arrêt cantonal ATA/237/2013). Dans cette affaire, la Cour de justice avait confirmé que la liquidation d'une SIAL et le transfert d'une part de PPE à l'un de ses actionnaires, intervenue sans autorisation d'aliéner, au bénéfice de l'ancienne pratique du département, revenait à une individualisation licite du bien immobilier. Aussi, le propriétaire était-il, dans le cadre d'une aliénation ultérieure, en droit de se prévaloir de l'art. 39 al. 4 LDTR. La Cour de justice avait rappelé que le transfert d'un lot de PPE était soumis à autorisation, mais que l'on ne pouvait pas - comme dans le cas présent - revenir sur celui-ci compte tenu de l'écoulement du temps et de motifs liés à la sécurité du droit. Ce précédent diffère cependant de la présente cause en tant que le transfert du lot de PPE opéré ne s'inscrivait pas dans une fraude à la loi visant à éluder l'exigence d'une autorisation d'aliéner, et répondait en tout point au cas d'application envisagé par l'ancienne pratique. Les recourantes ne sauraient par conséquent rien en déduire. Dans ces conditions, il n'apparaît pas arbitraire de nier l'application de l'art. 39 al. 4 let. LDTR qui, de surcroît - et à rigueur de texte -, exige une autorisation antérieure, inexistante en l'espèce. Il convient dès lors, à présent, d'examiner si une autorisation pouvait néanmoins être délivrée au terme de la pesée des intérêts commandée par l'art. 39 al. 2 LDTR.  
 
4.3. A l'appui de sa requête en autorisation d'aliéner, la recourante 1 avait fait valoir sa situation financière catastrophique; la vente lui permettrait de résorber une grande partie de ses dettes. La Cour de justice a notamment estimé que les comptes produits pour établir sa dette en faveur de la régie C.________ SA apparaissaient nébuleux. Il n'avait par ailleurs pas été donné suite à la demande de production de documents du juge délégué visant à éclaircir la situation. Il apparaissait que les prêts allégués, comme dans d'autres cas concernant le même montage pour d'autres sociétés et immeubles de D.________, permettaient à ce dernier de demeurer économiquement propriétaire des actions durant les étapes suivantes du montage (cf. notamment arrêt 1C_79/2021 du 6 septembre 2021; voir également arrêts connexes du même jour 1C_80/2021, 1C_85/2021, 1C_86/2021, 1C_87/2021, 1C_88/2021 1C_89/2021 et 1C_90/2021). Par conséquent, l'intérêt de la recourante 1 à rembourser ces prêts ne pouvait être protégé.  
A l'appui de leur grief, les recourantes se prévalent également des actes de défaut de biens et autres poursuites à hauteur de 85'446 fr. 69 dont fait l'objet la recourante 1. Ces montants ne paraissent certes pas être dus à D.________. Toutefois, au surplus, l'essentiel des autres dettes alléguées - tant en nombre qu'en quotité - par la recourante 1 sont au crédit du prénommé ou de sociétés dont il est l'administrateur. Par ailleurs, la cause de ces prêts n'apparaît pas évidente, comme l'a souligné l'instance précédente, et les explications essentiellement appellatoires des recourantes ne permettent pas d'expliquer les importants crédits accordés. Le juge délégué de la Cour de justice a du reste requis en vain, en mains des recourantes, la production de tout document permettant de justifier les montants prêtés; compte tenu du devoir de collaboration des parties et des conséquences qui découlent de l'éventuel refus (cf. ATF 128 II 139 consid. 2b), il n'est pas critiquable d'avoir considéré que les prêts allégués, dont l'origine ne pouvait être établie, faisaient partie du montage mis sur pied pour aboutir à l'individualisation de l'appartement; que les prêts ne soient pas directement liés à l'acquisition du certificat d'actions n'y change d'ailleurs rien. On pense en particulier au prêt à hauteur de 520'000 fr. repris par la régie C.________ SA venu augmenter considérablement la dette de la recourante 1 deux mois à peine avant la demande d'autorisation d'aliéner; ce prêt porte le total des droits de gages à teneur de la cédule hypothécaire du 25 mai 2018 à 865'450 fr., soit un montant bien supérieur au prix d'achat du certificat d'actions de 216'000 fr.; ce montant, qui s'inscrit de surcroît dans un contexte de fraude à la loi, correspond opportunément - à peu de chose près - au prix de vente de l'appartement, fixé à 800'000 fr. Cette vente épongerait ainsi les dettes à l'origine douteuse de la recourante 1 et ramènerait l'appartement dans une société économiquement détenue par D.________, lui permettant d'en acquérir la propriété individualisée, alors qu'il était au départ propriétaire unique de l'entier de l'immeuble; cela finaliserait la fraude à la loi. Par conséquent, l'intérêt de la recourante 1 à rembourser ces prêts, doit être fortement relativisé et on ne saurait reprocher à la Cour de justice d'avoir, à ce titre, considéré qu'il ne devait pas être protégé. 
 
4.4. S'agissant de l'intérêt de la recourante 2, il est indéniable que celui-ci s'avère strictement commercial, les recourantes ayant allégué que l'acquisition intervenait à titre d'investissement. A cela s'ajoute que D.________, en tant que détenteur économique de la société recourante 2, se révèle en définitive être le seul et ultime bénéficiaire de l'individualisation de l'appartement, pour le cas où la fraude devait être menée à son terme.  
 
4.5. Enfin, en tant que l'aliénation projetée constitue la dernière étape permettant l'individualisation de l'appartement, l'objectif poursuivi par le refus d'autorisation réside dans le maintien de l'affectation locative de ce logement, en période de pénurie, ce qui constitue un intérêt public important (cf. ATF 128 I 206 consid. 5.2.4; 113 Ia 126 consid. 7a; 111 Ia 23 consid. 3a et les arrêts cités; arrêt 1C_79/2021 du 6 septembre 2021 consid. 4.2.1). Les engagements de la recourante 2 quant au maintien de l'objet sur le marché locatif ne sont à cet égard pas suffisants, ce d'autant moins que le bail est arrivé à échéance en décembre 2020. L'aliénation permettrait de ramener l'appartement, sous forme individualisée, franc de locataires, dans le patrimoine de D.________, finalisant ainsi le montage mis sur pied. Quant à la réserve - pour peu qu'il ne s'agisse pas que d'une simple précision - figurant sur l'arrêté du DT du 23 décembre 2019 au sujet de l'art. 39 al. 4 LDTR, il n'est pas indéfendable - comme l'on fait le TAPI et la Cour de justice - de considérer qu'elle se heurte au texte légal, puisque l'aliénation sollicitée conduirait, le cas échéant, à l'individualisation, si bien qu'une autorisation subséquente pourrait devoir, selon l'art. 39 al. 4 LDTR et la jurisprudence cantonale, être inconditionnellement délivrée (cf. consid. 3.2 ci-dessus; également arrêt cantonal ATA/784/2012 du 20 novembre 2012 consid. 7). Cela demeure toutefois sans conséquence puisqu'une réserve écartant, le cas échéant, le bénéfice de l'art. 39 al. 4 let. d LDTR n'empêcherait pas l'individualisation de l'appartement sur laquelle se fonde, en l'occurrence, le refus d'autorisation du département (cf. arrêt 1C_79/2021 du 6 septembre 2021 consid. 3.2). Au surplus, et au-delà de cette mention à l'art. 39 al. 4 LDTR - en l'occurrence inopérante -, les recourantes ne précisent pas qu'elle autre mesure que le refus d'autorisation permettrait de stopper le processus de fraude à la loi mis sur pied, singulièrement de maintenir l'appartement dans le marché de la location, en période de pénurie.  
 
4.6. Sur le vu de l'ensemble des considérations qui précèdent, c'est sans arbitraire que la Cour de justice a estimé que l'aliénation litigieuse était soumise à autorisation et qu'elle a, dans ce cadre, fait prévaloir, sur les intérêts privés des recourantes, l'intérêt public important au maintien de l'affectation locative des appartements loués défendu par la LDTR (cf. ATF 128 I 206 consid. 5.2.4; 113 Ia 126 consid. 7a; 111 Ia 23 consid. 3a et les arrêts cités; arrêt 1C_79/2021 du 6 septembre 2021 consid. 4.2.1), ici mis en péril par la concrétisation de l'individualisation. Le refus d'autorisation apparaît par ailleurs proportionné, apte et nécessaire à atteindre ce but (cf. ATF 143 I 403 consid. 5.6.3). La restriction au droit de propriété (art. 26 al. 1 Cst.), matérialisée par le refus d'autorisation, répond partant également aux critères de l'art. 36 al. 2 et 3 Cst., l'existence d'une base légale n'étant pas discutée (art. 36 al. 1 Cst.).  
 
5.  
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours, dans la mesure de sa recevabilité, aux frais des recourantes, qui succombent (art. 66 al. 1 et 5 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge des recourantes, solidairement entre elles. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Département du territoire de la République et canton de Genève et à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 10 novembre 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
Le Greffier : Alvarez