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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 1/2} 
2C_53/2010 
 
Arrêt du 10 décembre 2010 
IIe Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Zünd, Président, 
Merkli, Karlen, Donzallaz et Stadelmann. 
Greffière: Mme Kurtoglu-Jolidon. 
 
Participants à la procédure 
Association Charcuterie Vaudoise IGP, 
recourante, 
 
contre 
 
Office fédéral de l'agriculture. 
 
Objet 
Indication géographique protégée (IGP); modification du cahier des charges, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour II, du 1er décembre 2009. 
 
Faits: 
 
A. 
Par décision du 11 septembre 2000, l'Office fédéral de l'agriculture (ci-après: l'Office fédéral) a admis la demande d'enregistrement du "saucisson vaudois" en tant qu'indication géographique protégée (ci-après: IGP). Après avoir rejeté deux oppositions formées à la suite de la publication de la demande d'enregistrement dans la Feuille officielle suisse du commerce, ledit Office a enregistré, le 24 septembre 2004, l'appellation "saucisson vaudois" comme IGP et l'a inscrite, avec le cahier des charges, dans le registre des appellations d'origine et des indications géographiques. 
 
Le 23 décembre 2004, l'Association Charcuterie Vaudoise IGP (ci-après: l'Association) a déposé une demande tendant à différentes modifications du cahier des charges. Ces modifications étaient tirées, pour l'essentiel, des expériences faites lors des inspections réalisées au cours des trois années précédentes. L'Office fédéral a traité séparément la demande relative à l'étiquetage et l'a admise par décision du 19 mai 2006. Après avoir consulté la Commission des appellations d'origine et des indications géographiques (ci-après: la Commission) et les autorités concernées, l'Office fédéral, par décision du 21 juin 2007, a admis la requête de modification du cahier des charges sur trois autres points, soit la matière première (utilisation d'antioxydants et de sel de cuisine additionné de salpêtre), la fabrication et la traçabilité. Il l'a par contre rejetée en tant qu'elle concernait, d'une part, la modification de la longueur et du calibre du saucisson et, d'autre part, l'utilisation de museau de porc dans la fabrication. L'Association souhaitait, en effet, autoriser l'adjonction de museau de porc cuit dans le saucisson car il était apparu que les fabricants de Payerne et environs en utilisaient environ 4 % dans leur recette. 
 
B. 
L'Association a attaqué la décision du 21 juin 2007 de l'Office fédéral devant le Tribunal administratif fédéral. Lors d'une séance d'instruction, les parties à la procédure ont trouvé un accord quant à la longueur et au calibre du saucisson. Dans son arrêt du 1er décembre 2009, le Tribunal administratif fédéral a pris acte de cet accord et a rejeté le recours quant à la demande de modification du cahier des charges relative à l'adjonction de museau de porc dans la fabrication du saucisson. Il a rappelé que l'art. 7 ch. 1 du cahier des charges, intitulé "Tri de la viande", excluait l'utilisation de couennes dans la fabrication du saucisson. Or, le museau de porc contenait de la couenne. En conséquence, son utilisation ne pouvait être admise. Les juges n'ont pas retenu l'argument de l'Association selon lequel elle considérait le museau de porc comme de la viande et non comme de la couenne. Selon ceux-ci, l'on pouvait, en effet, attendre des bouchers qu'ils sachent que le museau de porc contient de la couenne et que, partant, en excluant l'utilisation de celle-ci à l'art. 7 ch.1 du cahier des charges, ils n'autorisaient pas celle du museau de porc. Finalement, le Tribunal administratif fédéral a jugé que l'Association ne pouvait rien tirer du fait que la recette du saucisson vaudois était un secret bien gardé, ce qui aurait eu pour conséquence que le principal spécialiste, appelé à rédiger le cahier des charges, ne savait pas que certains charcutiers mettaient du museau de porc dans leur saucisson. Les juges ont considéré que le fait que des fabricants aient caché que le museau de porc entrait dans la composition de leur saucisson n'était pas compatible avec une demande d'IGP. En outre, aucun producteur n'avait formé opposition à la suite de la publication de l'enregistrement de l'IGP, ce qui aurait dû être le cas si certains n'étaient pas d'accord avec le cahier des charges qui interdisait l'utilisation de la couenne. 
 
L'Office fédéral conclut au rejet du recours. Le Tribunal administratif fédéral a renoncé à déposer des observations. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF). Il contrôle donc librement la recevabilité des recours qui sont déposés devant lui (ATF 136 I 43 consid. 1 p. 43; 136 II 101 consid. 1 p. 103). 
 
1.1 Les motifs à l'appui du recours sont confus (cf. sur l'obligation de motiver: art. 42 al. 2 LTF et ATF 134 V 53 consid. 3.3 p. 60; 133 IV 119 consid. 6.3 p. 120 s. et les arrêts cités). En témoigne, leur intitulé, soit "Structure et organisation de la boucherie-charcuterie", "Besoin de fédérer tous les acteurs derrière l'indication géographique protégée", etc. On comprend toutefois que la recourante estime que les dispositions topiques de l'ordonnance du 28 mai 1997 concernant la protection des appellations d'origine et des indications géographiques des produits agricoles et des produits agricoles transformés (ci-après: ordonnance sur les AOP et les IGP ou l'ordonnance; RS 910.12) - qu'elle ne cite pas - ont été violées en tant que la demande de modification du cahier des charges a été refusée. Partant, l'obligation de motiver peut être considérée comme remplie et le recours sera, à cet égard, considéré comme recevable. 
 
1.2 En tant que groupement de producteurs de saucissons vaudois dont la représentativité a été jugée suffisante par les instances précédentes pour déposer une demande d'enregistrement d'IGP (cf. art. 5 de l'ordonnance sur les AOP et les IGP), puis pour présenter une requête en modification du cahier des charges (cf. art. 14 de l'ordonnance sur les AOP et les IGP), l'Association Charcuterie Vaudoise IGP est atteinte par l'arrêt attaqué et a un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de celui-ci (art. 89 al. 1 LTF). 
 
1.3 Pour le surplus, le recours, qui ne tombe sous le coup d'aucune des exceptions de l'art. 83 LTF, a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu dans une cause de droit public (art. 82 lettre a LTF) par le Tribunal administratif fédéral (art. 86 al. 1 lettre a LTF). Il dès lors, en principe, recevable. 
 
2. 
Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral, qui comprend les droits de nature constitutionnelle (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF), sous réserve des exigences de motivation figurant à l'art. 106 al. 2 LTF. Il y procède en se fondant sur les faits constatés par l'autorité précédente (cf. art. 105 al. 1 LTF), à moins que ces faits n'aient été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (cf. art. 105 al. 2 LTF). Le recourant doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées, faute de quoi il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui qui est contenu dans l'acte attaqué. En particulier, le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des critiques de type appellatoire portant sur l'état de fait ou sur l'appréciation des preuves (cf. ATF 136 II 101 consid. 3 p. 104; 135 II 313 consid. 5.2.2 p. 322; 135 III 397 consid 1.4 p. 400 et les arrêts cités). 
 
En outre, lorsque se posent des questions d'ordre technique, le Tribunal fédéral fait, en principe, preuve de retenue (ATF 134 III 193 consid. 4.4 p. 199; 125 II 643 consid. 4a p. 651 ss et les arrêts cités). 
 
3. 
L'ordonnance sur les AOP et les IGP a été modifiée par la novelle du 14 novembre 2007 (RO 2007 6109) qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2008. L'art. 23 al. 1 de cette ordonnance prévoit que les demandes d'enregistrement pendantes au moment de l'entrée en vigueur de cette novelle sont examinées selon le nouveau droit. Cette disposition ne dit rien des demandes de modification du cahier des charges. Par contre, selon l'art. 14 al. 1 de cette ordonnance, ces demandes font l'objet de la même procédure que celle prévue pour les enregistrements. Dès lors, il convient d'appliquer l'art. 23 de l'ordonnance sur les AOP et les IGP par analogie aux demandes de modification du cahier des charges. 
 
Le 1er janvier 2008, la demande de modification, qui s'achève, le cas échéant, par l'enregistrement de la modification (art. 12 de l'ordonnance sur les AOP et les IGP), était pendante devant le Tribunal administratif fédéral, ce qui aboutit à traiter le présent cas selon le droit tel que modifié selon la novelle susmentionnée. 
 
4. 
4.1 Le recours porte sur la modification de l'art. 7 ch. 1 du cahier des charges du saucisson vaudois en tant que cette disposition a trait à la composition de ce saucisson. L'art. 7 dudit cahier, intitulé "Fabrication du Saucisson vaudois", prévoit: 
 
"La fabrication comporte les étapes suivantes: 
1. Tri de la viande: le tri doit exclure les tendons, les couennes, les parties sanglantes et les ganglions ainsi que les autres parties étrangères. Le rapport entre la quantité de viande maigre et celle de lard est de 3 pour 2. (...)" 
La recourante demande la suppression du mot "couennes" et l'adjonction d'une phrase autorisant l'utilisation de museau de porc dans la fabrication du saucisson, laquelle aurait la teneur suivante: 
 
"L'incorporation dans la pâte d'un maximum de 6 % de museau de porc cuit et haché à 2 mm est admise à condition que les proportions de gras, de maigre et de collagène soient respectées. Toute adjonction de couenne hormis celle recouvrant les tissus du museau est exclue." 
La recourante explique qu'il aurait fallu plusieurs années, après l'élaboration du cahier des charges, au chef expert de la charcuterie vaudoise pour découvrir que certains fabricants mettaient du museau de porc dans leur saucisson vaudois. En outre, ces fabricants ne se cantonneraient pas à la région de Payerne mais seraient disséminés dans tout le canton de Vaud. Ces personnes n'auraient pas fait savoir, lors de l'élaboration du cahier des charges, que leur recette du saucisson comprenait du museau de porc car ils ne se sentaient pas concernés par la démarche visant à obtenir une IGP et n'avaient pas conscience des conséquences que l'obtention d'une IGP n'autorisant pas le museau de porc aurait pour eux. En outre, contrairement à ce qu'aurait retenu le Tribunal administratif fédéral, ce serait involontairement que l'utilisation du museau de porc aurait été exclue lors de la rédaction du cahier des charges. 
 
4.2 Bien qu'elle ne le mentionne pas expressément et que son grief se contente d'exprimer des considérations générales, la recourante s'en prend, tout d'abord, à la détermination des faits par le Tribunal administratif fédéral. En effet, savoir si les personnes en charge de l'élaboration du cahier des charges ont volontairement ou non exclu le museau de porc de la fabrication du saucisson vaudois est une question de fait. 
 
Selon la recourante, pour les bouchers "il est évident que museau de porc et couenne sont deux notions - et deux matières premières de fabrication - clairement différentes, même si les tissus du museau sont recouverts de couenne". Partant, en excluant la couenne de la fabrication, il n'entendait pas en faire de même pour le museau. L'argumentation de l'intéressée sur ce point ne répond pas aux exigences de motivation (cf. consid. 2). En demandant de "mettre le groupement demandeur et son expert au bénéfice de la bonne foi" qui veut qu'ils n'entendaient pas exclure le museau de la fabrication du saucisson, elle se contente, en effet, d'opposer sa version des faits à celle retenue par les premiers juges. En outre, ses arguments sont en partie contradictoires, puisque, d'une part, comme susmentionné, elle prétend qu'en excluant la couenne les fabricants ne voulaient pas en faire de même avec le museau et, que, d'autre part, elle avance que ces fabricants ne savaient pas que certains d'entre eux utilisaient du museau. Partant, le Tribunal de céans devra se fonder sur les faits constatés par le Tribunal administratif fédéral, soit que les personnes appelées à élaborer le cahier des charges ont volontairement exclu le museau comme matière première pouvant être utilisée pour la fabrication. 
 
4.3 Afin de trancher le grief relatif à la modification du cahier des charges, il convient d'examiner le système légal régissant les AOP et IGP. 
 
4.3.1 L'art. 3 de l'ordonnance sur les AOP et les IGP prévoit: 
 
"1 Peut être enregistré comme indication géographique le nom d'une région, d'un lieu ou, dans des cas exceptionnels, d'un pays, qui sert à désigner un produit agricole ou un produit agricole transformé: 
 
a. originaire de cette région, de ce lieu ou de ce pays; 
b. dont une qualité déterminée, la réputation ou une autre caractéristique peut être attribuée à cette origine géographique; et 
c. qui est produit, transformé ou élaboré dans une aire géographique délimitée. 
 
2 Les dénominations traditionnelles des produits agricoles ou des produits agricoles transformés qui remplissent les conditions fixées à l'al. 1 peuvent être enregistrées comme indications géographiques." 
La procédure d'enregistrement est fixée aux art. 5 à 14 de l'ordonnance. Selon l'art. 5 al. 1 de l'ordonnance, tout groupement de producteurs représentatif d'un produit peut déposer une demande d'enregistrement auprès de l'Office fédéral. L'art. 6 de l'ordonnance prescrit que la demande doit prouver que les conditions fixées par l'ordonnance pour l'obtention de l'appellation d'origine ou de l'indication géographique sont remplies (al. 1) et qu'elle doit être assortie d'un cahier des charges (al. 3). 
 
Le cahier des charges est l'élément central de l'IGP puisqu'il sert de base au contrôle de production, transformation ou élaboration du produit par les bénéficiaires de l'IGP (art. 18 al. 1 de l'ordonnance). A ce sujet, l'art. 7 al. 1 let. c de l'ordonnance dispose: 
 
"1 Le cahier des charges comprend: 
 
a. le nom du produit comprenant l'appellation d'origine ou l'indication géographique; 
b. la délimitation de l'aire géographique; 
c. la description du produit, notamment ses matières premières et ses principales caractéristiques physiques, chimiques, microbiologiques et organoleptiques; 
d. la description de la méthode de l'obtention du produit; 
e. la désignation d'un ou plusieurs organismes de certification ainsi que les exigences minimales relatives au contrôle;" 
S'il admet une demande, après consultation de la Commission (art. 8 de l'ordonnance), l'Office fédéral la publie dans la Feuille officielle suisse du commerce (art. 9 de l'ordonnance). Ce n'est qu'après avoir statué sur d'éventuelles oppositions (art. 10 et 11 de l'ordonnance) que la dénomination est inscrite dans le registre des appellations d'origine et des indications géographiques (art. 12 de l'ordonnance). 
 
Selon l'art. 14 al. 1 de l'ordonnance, les modifications du cahier des charges font l'objet de la même procédure que celle prévue pour les enregistrements, soit les art. 5 à 14 de l'ordonnance. 
 
4.3.2 L'Office fédéral de l'agriculture a édité un guide, daté d'août 2009, pour le dépôt d'une demande d'enregistrement ou d'une demande de modification de cahier des charges (ci-après: le guide). Ce guide, qui n'a pas force de loi et ne lie pas le Tribunal fédéral, souligne que les critères fixés dans les cahiers des charges lors de l'enregistrement ne sont pas forcément définitifs et qu'ils peuvent être modifiés à la demande des filières lorsqu'elles le jugent nécessaire. Il précise, toutefois, qu'une demande de modification de ce cahier ne constitue pas une simple formalité puisqu'elle fait l'objet de la même procédure que celle prévue pour les enregistrements. Toujours selon le guide, les "exigences requises doivent correspondre aux conditions fixées par la base légale et être suivies par l'ensemble des acteurs d'une même filière concernés par les modifications demandées". Il s'agit donc d'une démarche collective et il est important, dès lors, que la procédure soit bien comprise de l'intérieur de la filière. En outre, l'Office fédéral relève que si la nature de la demande de modification vise à affaiblir le cahier des charges au point que les critères destinés à forger la typicité du produit ne seraient plus remplis, le groupement demandeur doit s'attendre à un rejet de la demande. En effet, l'Office fédéral examine si de manière générale la demande ne remet pas en question la dénomination protégée (guide p. 16). 
 
A titre indicatif, on peut aussi se référer aux rapports d'activité édités chaque année par la Commission. Cette Commission est instituée par le Département fédéral de l'économie et elle conseille l'Office fédéral dans l'exécution de l'ordonnance sur les AOP et les IGP (art. 22 de l'ordonnance). Dans son rapport 2006, la Commission mentionne que les cas qui lui sont soumis ont évolué au fil des ans. En effet, les demandes portaient, au début de son activité, sur la reconnaissance de nouveaux cahiers des charges; par la suite, les requêtes ont touché de plus en plus à la modification de ces cahiers. A cet égard, le rapport 2006 souligne qu'il s'agit de garder le "haut niveau exigé au moment de l'enregistrement et non de le baisser après coup. En même temps, il ne faut pas mettre en danger la fabrication de produits enregistrés en posant des exigences surfaites". Le rapport 2007 souligne qu'il faut "concilier les souhaits de modification présentés par les groupements avec les dispositions de l'ordonnance sur les AOP et IGP. La question se pose souvent de savoir s'il s'agit de pur opportunisme ou de revendications justifiées qui, si elles n'étaient pas prises en compte, mettraient en cause l'existence du produit proposé. Cette pondération exige des connaissances techniques approfondies du procédé de fabrication et du produit final, car il convient de tenir compte à la fois des besoins du groupement et de ceux du marché, pour autant qu'ils ne sortent pas du cadre de l'ordonnance sur les AOP et IGP". Le rapport 2008 précise que dans la mesure où les changements demandés sont des changements formels qui conduisent à une épuration du cahier des charges, la Commission n'a rien à objecter. Par contre, lorsque le changement requis "pourrait conduire à un amoindrissement de la qualité ou de la typicité du produit, la Commission est beaucoup moins disposée à accepter de tels changements. Partant du principe que les cahiers des charges ont été soigneusement examinés par le groupement concerné avant d'être présentés, elle estime qu'ils ne nécessitent pas de changements notables peu de temps après leur enregistrement". A titre d'exemples, la Commission a refusé la modification proposant que les boîtes contenant le Vacherin Mont-d'Or soient fabriquées à l'extérieur de l'aire géographique. Elle s'est également prononcée contre celle qui voulait, d'une part, réduire la durée d'affinage du Berner Alpkäse et, d'autre part, ajouter de la crème dans sa composition. La Commission a, par contre, accepté d'ajouter à la protection du fromage Tête de Moine, la rosette obtenue en tournant la girolle. 
 
5. 
5.1 L'art. 14 al. 1 de l'ordonnance relatif à la modification du cahier des charges se contente de renvoyer à la procédure prévue pour les enregistrements. 
 
5.2 Le Message du 27 juin 1995 concernant le paquet agricole 95 (FF 1995 IV 621; ci-après: le Message) ne donne pas beaucoup plus d'indications sur les conditions auxquelles sont soumises les modifications du cahier des charges. Il précise que ce cahier, que s'imposent volontairement les partenaires de la filière, "décrit le produit, c'est-à-dire les matières premières et les principales caractéristiques dudit produit. Ce cahier indique également la méthode d'élaboration et précise s'il existe des méthodes locales et constantes. Ces critères servent à éviter une banalisation du produit doté d'une appellation d'origine ou d'une indication géographique. Par contre, ils ne fixent pas définitivement un mode de production, le cahier des charges pouvant toujours être adapté en fonction de l'évolution technique" (FF 1995 IV 651 ch. 212). 
 
Ainsi, le Message ne parle que de la modification du mode de production arrêté dans le cahier des charges. On pourrait en conclure qu'en ne citant que cet exemple le Conseil fédéral a voulu limiter les modifications aux cas où une IGP doit pouvoir s'adapter à l'évolution technique, faute de quoi elle deviendrait désuète et risquerait de ne plus être utilisée. Aucun autre élément ne vient pourtant corroborer une telle interprétation restrictive. L'interprétation historique ne permet donc pas de cerner plus précisément l'art. 14 al. 1 de l'ordonnance. 
 
5.3 
5.3.1 L'art. 14 al. 1 de l'ordonnance renvoie à la procédure prévue pour les enregistrements. La section 2 de l'ordonnance, intitulée "Procédure d'enregistrement", contient les art. 5 à 14 qui ne traitent pas uniquement de la procédure au sens formel du terme mais qui font également référence aux conditions de fond que doit remplir une demande d'enregistrement. En effet, l'art. 6 al. 1 de l'ordonnance décrète que la demande d'enregistrement doit prouver que les conditions fixées par l'ordonnance pour l'obtention de l'appellation d'origine ou de l'indication géographique sont remplies. Ces conditions de fond concernent plusieurs éléments de la requête d'enregistrement (cf. à cet égard J. DAVID MEISSER/DAVID ASCHMANN, Herkunftsangaben und andere geographische Bezeichnungen, in: von Büren/David, Schweizerisches Immaterialgüter- und Wettbewerbsrecht, III/2, 2e éd., p. 298 ss; LORENZ HIRT, Der Schutz schweizerischer Herkunftsangaben, 2003, p. 126 ss; SIMON HOLZER, Geschützte Ursprungsbezeichnungen (GUB) und geschützte geographische Angaben (GGA) landwirtschaftlicher Erzeugnisse, 2005, no 4.2, p. 249 ss) comme, par exemple, la représentativité du groupement qui dépose la demande (cf. art. 5 de l'ordonnance). Les conditions matérielles ayant trait au produit lui-même, qui est seul en cause ici, sont les suivantes: 
 
le produit doit venir d'une certaine région, lieu ou pays (art. 3 al. 1 let. a de l'ordonnance et art. 6 al. 2 let. d de l'ordonnance), 
le produit doit avoir une qualité déterminée, une réputation ou une autre caractéristique, soit un élément qui définit la typicité dont il doit faire preuve, qui peut être attribuée à cette origine (art. 3 al. 1 let. b et art. 6 al. 2 let. e et g de l'ordonnance), 
le produit doit être fabriqué dans une aire géographique délimitée (art. 3 al. 1 let. c de l'ordonnance). 
 
En outre, l'art. 17a al. 2 de l'ordonnance, traitant des produits non conformes au cahier des charges, prévoit que lorsque ce cahier est modifié selon l'art. 14 al. 1, les produits agricoles et les produits agricoles transformés peuvent encore être fabriqués, conditionnés, étiquetés et commercialisés selon l'ancien droit pendant deux ans à compter de la date de publication des modifications. Il ressort donc de cette disposition que la modification peut toucher les différentes étapes de production d'un produit, soit la fabrication, le conditionnement, l'étiquetage et la commercialisation. 
 
5.3.2 Il s'agit encore de relever que les prescriptions en matière d'IGP ont, entre autres buts, celui de garantir une certaine authenticité des produits, notamment leur qualité et leur provenance. Ainsi, les intérêts en cause ne sont pas uniquement ceux des producteurs qui utilisent l'IGP mais également ceux des consommateurs qui s'attendent à avoir un produit d'une certaine qualité (YVES DONZALLAZ, Traité de droit agraire suisse: droit public et droit privé, tome 1, 2004, p. 194 ss). 
 
5.3.3 Ainsi, il ressort d'une interprétation systématique et téléologique que, si la modification peut toucher les différentes étapes de production d'un produit (cf. art. 17a al. 2 de l'ordonnance), elle est limitée à deux égards. D'une part, les intérêts des consommateurs doivent être pris en compte. D'autre part, les conditions de fond fixées dans l'ordonnance doivent toujours être remplies (art. 6 al. 1 de l'ordonnance) et ces conditions englobent celles relatives au produit lui-même décrites à l'art. 3 de l'ordonnance. Il ne faut, à cet égard, pas oublier que, lors d'une demande de modification, la situation est différente de celle existant au moment d'une demande d'enregistrement, puisqu'une IGP existe déjà, qu'un cahier des charges a préalablement été élaboré et enregistré et que ce cahier définit, notamment, la qualité et la typicité du produit. 
 
5.4 
5.4.1 En l'espèce, la modification requise consiste à autoriser le museau de porc comme ingrédient entrant dans la composition du saucisson vaudois. Pour ce saucisson, la matière première est un mélange de viande de porc dont les caractéristiques chimiques sont décrites à l'art. 4 du cahier des charges: il doit comprendre au minimum 60 % de viande maigre, dont la quantité de protéines totales est de 14 % au minimum et celle du collagène représente au maximum 20 % des protéines totales. La fabrication (art. 7 du cahier des charges) du saucisson comprend, notamment, les étapes du tri de la viande (ch. 1) et de la préparation (ch. 2). L'art. 7 ch. 1 précise que les tendons, les couennes, les parties sanglantes, les ganglions, ainsi que les autres parties étrangères du porc doivent être exclus de la préparation. Cet article définit ainsi la qualité du saucisson vaudois au sens de l'art. 3 al. 1 let. b de l'ordonnance pour laquelle l'IGP a été octroyée. Il a été rédigé par l'Association et a, en quelque sorte, été entériné par l'Office fédéral lorsque l'IGP a été enregistrée. 
 
En élaborant le cahier des charges, qui est l'élément central d'une demande d'IGP (LORENZ HIRT, op. cit., p. 137; SIMON HOLZER, op. cit., p. 315), la recourante a expressément exclu la couenne de la composition du saucisson vaudois. Ce point est important car il ressort du procès-verbal de la séance du 15 janvier 2007 de l'Office fédéral de l'agriculture, durant laquelle ledit Office a décidé de suivre la recommandation de la Commission de rejeter la demande relative au museau, qu'il "n'est techniquement pas possible de déterminer si les couennes qui se trouveraient dans le saucisson proviendraient de museaux de porc ou seraient d'autres couennes". La qualité du saucisson pourrait ainsi être mise en danger par l'autorisation du museau puisque le saucisson pourrait contenir de la couenne autre que celle du museau sans que cela soit détectable et alors qu'il est admis par tous qu'il ne doit pas en comporter. 
 
De plus, la station de recherche Agroscope Liebefeld-Posieux ALP a procédé à une étude quant à l'impact de l'ajout de museau dans le saucisson vaudois. Son rapport du 26 juin 2009 arrive à la conclusion qu'un tel ajout de 8 % modifie légèrement ("nur vereinzelt signifikant") les propriétés sensorielles du saucisson. En outre, il mentionne une différence de la composition chimique du saucisson puisque l'adjonction de museau entraîne une augmentation significative des protéines du collagène. Ainsi, le museau de porc a des conséquences sur la qualité du saucisson. Or, la Commission ainsi que l'Office fédéral, qui sont les plus à même d'évaluer l'impact du museau sur la qualité du saucisson, ont jugé qu'une telle altération de la qualité ne pouvait être entérinée par une modification du cahier des charges. Ce cahier est, en effet, la garantie d'un certain standard, lequel pourrait ne plus être atteint s'il était changé. Tel serait le cas en l'espèce puisque le museau altère la qualité du saucisson. La recourante reconnaît d'ailleurs elle-même qu'il résulte d'une dégustation comparative effectuée que, si le "saucisson avec museau se pèle mieux et tient mieux à la coupe ... son goût est légèrement moins bien évalué". A cet égard, il est révélateur, comme le relève le rapport d'activité 2006 de la Commission, que, selon la recourante, la pratique consistant à utiliser le museau dans le saucisson aurait toujours existé mais qu'elle n'avait pas été communiquée aux consommateurs "afin d'éviter tout risque en matière d'image". Compte tenu de ces éléments, on ne peut considérer que l'utilisation de museau serait dans l'intérêt des consommateurs. 
 
A titre de comparaison, on peut signaler que la demande de modification de la recourante portait également sur l'art. 7 ch. 2 du cahier des charges relatif à la préparation du saucisson vaudois. Cet article mentionne que "les épices de base sont le sel de cuisine et le poivre. Les épices pouvant être prises en considération sont l'ail, la coriandre, la lie de vin et le vin blanc. Les additifs pouvant être pris en considération sont le sel nitrité (E 250), les acidifiants (E 331 ou E 575), les antioxydants (E 300 ou E 301), le lactose, le glucose, le saccharose et l'exhausteur de goût (E 621)...". L'Association souhaitait également autoriser l'utilisation, dans la préparation, de sel de cuisine additionné de salpêtre et de deux antioxydants (E 304 et E 307). La modification de l'art. 7 ch. 2 du cahier des charges a été admise dans ce sens. A la différence du museau de porc, il a été jugé que le sel additionné de salpêtre et les antioxydants n'altéraient pas la qualité du saucisson. En outre, ces ingrédients ne sont que secondaires en comparaison de la matière première qu'est le porc et le tri de la viande. Finalement, la rédaction même de l'art. 7 ch. 2 du cahier des charges marque une différence avec l'art. 7 ch. 1 de ce cahier puisque le ch. 2 a le caractère d'une norme potestative ("Kann-Vorschrift"), qui laisse le choix au fabricant d'utiliser les ingrédients mentionnés ou non, alors que le ch. 1, relatif au tri de la viande, est impératif. 
 
Comme susmentionné, l'Office fédéral, soit une autorité dont le Tribunal fédéral, qui fait en l'espèce preuve de retenue (cf. consid. 2 supra), prend en compte le pouvoir d'appréciation étendu en la matière, sur proposition de la Commission, n'a pas voulu une modification du cahier des charges sur un point touchant à la qualité du produit et qui pourrait la modifier. Dès lors que, d'une part, l'IGP a été enregistrée pour un saucisson ne contenant pas de couenne et que le museau en contient et que, d'autre part, cet ingrédient modifie la qualité du saucisson, en admettre l'adjonction dans le saucisson vaudois reviendrait à violer l'art. 3 al. 1 let. b de l'ordonnance. Partant, les conditions fixées par l'ordonnance (art. 6 al. 1 de l'ordonnance), auxquelles l'art. 14 de l'ordonnance soumet les demandes de modification, ne seraient pas respectées. 
 
5.4.2 La recourante prétend que l'adjonction du museau est une pratique locale, loyale et constante (cf. art. 6 al. 2 let. f et g de l'ordonnance) et qu'à ce titre la modification du cahier des charges devrait être admise. 
Le cahier des charges ne mentionne pas que le saucisson vaudois peut facultativement contenir du museau de porc et cet ingrédient en a été volontairement exclu (cf. consid. 4.2). Ces faits suffisent à démontrer que l'utilisation du museau n'est pas une pratique locale, loyale et constante. Ceci est d'ailleurs corroboré par la demande d'IGP pour la saucisse aux choux vaudoise que la recourante a déposée parallèlement à celle du saucisson vaudois. En effet, l'art. 7 du cahier des charges de la saucisse aux choux, intitulé "Etapes de fabrication", sous sa lettre b "Tri de la viande", prévoit: 
 
"Le tri doit exclure les tendons, les parties sanglantes, les ganglions et les autres parties étrangères. Le mélange de viande de porc maigre, de lard, de couennes cuites et de choux blanchis doit permettre de respecter les valeurs d'analyse. Ce mélange peut contenir facultativement du foie, du museau cuit, du coeur, de la langue, de la tête désossée ou de la bordure de lard." 
Ainsi, non seulement cette disposition ne mentionne pas les couennes comme matière première à exclure de la fabrication, contrairement à l'art. 7 ch.1 du cahier des charges du saucisson vaudois, mais elle précise que le mélange de viande peut contenir facultativement, entre autres parties du porc, du museau cuit. Ces éléments confirment que la recourante a jugé que le saucisson vaudois, dans sa typicité (cf. consid. 5.3.1 et art. 3 al. 1 let. b de l'ordonnance), au contraire de la saucisse au choux, ne contenait ni couenne ni museau. Au demeurant, selon le recourante elle-même, seuls certains fabricants mettent du museau dans leur saucisson. Il ne s'agit donc pas d'une pratique généralisée. Si tel avait été le cas, et compte tenu du fait qu'une demande d'IGP doit être déposée par un groupement représentatif, le museau aurait été mentionné comme partie entrant dans la fabrication du saucisson. Par conséquent, l'utilisation de museau ne peut être considérée comme une pratique locale, loyale et constante. 
 
5.4.3 Les considérations susmentionnées, ajoutées au fait que la demande de modification est survenue que très peu de temps après l'enregistrement de l'IGP - celui-ci date du 29 septembre 2004 et la demande du 23 novembre 2004 - suffisent à sceller le sort du recours et le Tribunal fédéral ne se prononcera pas sur l'argument de la recourante tendant à prouver qu'il est possible d'ajouter du museau au saucisson tout en restant dans "la plage de conformité, représentée en vert sur le modèle de rapport de test du produit tiré des paramètres du cahier des charges". 
 
5.5 En conclusion, c'est à bon droit que le Tribunal administratif fédéral a rejeté la demande de modification tendant à autoriser le museau de porc dans la composition du saucisson vaudois. Le grief de la recourante tiré d'une mauvaise application du droit fédéral doit dès lors être rejeté. 
 
6. 
Compte tenu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
Succombant, la recourante doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3. 
Le présent arrêt est communiqué à la recourante, à l'Office fédéral de l'agriculture et au Tribunal administratif fédéral, Cour II. 
 
Lausanne, le 10 décembre 2010 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président: La Greffière: 
 
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