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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_278/2024  
 
 
Arrêt du 10 décembre 2024  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
M. et Mmes les Juges fédéraux Parrino, Président, Moser-Szeless et Scherrer Reber. 
Greffière : Mme Perrenoud. 
 
Participants à la procédure 
Caisse de pensions de l'État de Vaud, 
représentée par Me Alexandre Bernel, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
A.________, 
représenté par Me Gilles-Antoine Hofstetter, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
Prévoyance professionnelle (prestation pour survivants), 
 
recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 25 mars 2024 (PP 21/23 - 15/2024). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. B.________ et A.________ ont formé une communauté de vie, dont sont issus deux enfants nés en 1997 et 1999. B.________ a été affiliée pour la prévoyance professionnelle à la Caisse de pensions de l'État de Vaud (CPEV; ci-après: la caisse de pensions). Le 17 octobre 2021, B.________ et A.________ ont adressé à la CPEV un formulaire d'annonce de concubinage, en indiquant former un ménage commun depuis le 5 août 1995. L'adresse du prénommé était à U.________. Quant à celle de B.________, elle était à V.________.  
 
A.b. À la suite du décès de B.________ survenu le xxx novembre 2021, A.________ s'est adressé à la caisse de pensions pour lui demander s'il avait droit à des prestations. Au terme d'un échange de correspondances, la CPEV a nié le droit du prénommé à des prestations de survivants, pour le motif qu'il ne vivait pas officiellement à la même adresse que feue sa concubine (courriers des 2 février et 27 mars 2023).  
 
B.  
Statuant le 25 mars 2024 sur l'action ouverte le 12 juillet 2023 par A.________ contre la caisse de pensions, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud l'a admise. Elle a condamné la CPEV à verser au prénommé une rente mensuelle de concubin survivant de 1'388 fr. 20 dès le 1er décembre 2021, avec intérêt moratoire à 5 % sur chaque échéance. 
 
C.  
La CPEV forme un recours en matière de droit public contre ce jugement. Elle conclut principalement à sa réforme, en ce sens que la demande de A.________ est rejetée. Subsidiairement, la caisse de pensions requiert l'annulation du jugement entrepris et le renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour nouvelle instruction et décision dans le sens des considérants. Elle sollicite également l'octroi de l'effet suspensif à son recours. 
A.________ conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il statue par ailleurs sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant qui entend s'en écarter doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait divergent ne peut pas être pris en considération.  
 
1.2. Le Tribunal fédéral revoit librement les dispositions de droit public cantonal ou communal en matière de prévoyance professionnelle (cf. ATF 138 V 98 consid. 5.1; 134 V 199).  
 
2.  
 
2.1. Le litige porte sur le droit de l'intimé à des prestations de survivants de la prévoyance professionnelle plus étendue, singulièrement à une prestation (réglementaire) de concubin survivant. Est seul litigieux le point de savoir si la juridiction cantonale a interprété à bon droit la notion de "ménage commun" entre l'assurée défunte et son concubin survivant au sens de l'art. 71 al. 1 let. a du règlement des prestations de la CPEV (RPC).  
 
2.2. Le jugement entrepris expose de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels relatifs notamment au droit à des prestations pour survivants en faveur des concubins dans la prévoyance plus étendue (art. 20a LPP; ATF 138 V 98 consid. 4; 138 V 86 consid. 4; 137 V 383 consid. 3.2 et 4.1). Il suffit d'y renvoyer.  
 
2.3. On ajoutera, à la suite de l'instance précédente, que les prestations au conjoint survivant ou au concubin sont régies aux art. 65 à 71 RPC. Dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2023, applicable en l'espèce (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et les références), l'art. 71 al. 1 let. a RPC, avec le titre marginal "Concubin", prévoit que le concubin d'un assuré ou d'un pensionné qui décède a droit à une prestation au sens des art. 65 ou 69 RPC, jusqu'à son décès, jusqu'à son mariage ou à la naissance d'une autre relation de concubinage, s'il prouve que l'assuré ou le pensionné défunt vivait en ménage commun avec le survivant au jour du décès depuis cinq ans, de manière ininterrompue; ce délai est ramené à une année si les concubins ont un enfant au sens de l'art. 75 RPC.  
 
3.  
 
3.1. La juridiction cantonale a d'abord constaté que l'intimé était le père des deux enfants de la défunte et qu'il n'était pas contesté que durant la période déterminante, courant du xxx novembre 2020 au xxx novembre 2021 (à savoir l'année précédant le décès de B.________, le xxx novembre 2021; cf. art. 71 al. 1 let. a RPC), il avait été domicilié à U.________, alors que feue sa concubine l'avait été à V.________. Elle a ensuite examiné si les pièces produites étaient de nature à établir au degré de la vraisemblance prépondérante que l'intimé et B.________ avaient effectivement vécu en ménage commun durant la période en cause, malgré l'absence d'une adresse commune de domicile, ce qu'elle a admis. En conséquence, en se fondant sur une projection produite par la recourante, le 30 juin 2023, les juges précédents ont fixé le montant de la prestation de concubin survivant de l'intimé à 1'388 fr. 20. Compte tenu de la date du décès, ils ont condamné la caisse de pensions à verser cette prestation à l'intimé à compter du mois de décembre 2021 (cf. art. 39 al. 2 RPC), avec intérêts à 5 % pour chaque échéance.  
 
3.2. À l'appui de son recours, la CPEV fait valoir que par l'existence d'un "ménage commun" au sens de l'art. 71 al. 1 let. a RPC, "il faut entendre un domicile commun". Elle se réfère à cet égard en particulier à l'arrêt 9C_403/2011 du 12 juin 2012, dans lequel le Tribunal fédéral a jugé que la notion de "ménage commun" au sens de l'art. 65a let. a de la loi du 18 juin 1984 sur la Caisse de pensions de l'État de Vaud (aLCP; abrogée le 1er janvier 2014, lors de l'entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2013 sur la Caisse de pensions de l'État de Vaud [LCP; RSV 172.43]) exige un domicile commun. Partant, comme l'intimé n'avait pas eu de domicile commun avec feue l'assurée, il ne pouvait pas prétendre à une rente de concubin survivant.  
 
3.3. L'intimé soutient pour sa part que la notion de "ménage commun" au sens de l'art. 71 al. 1 let. a RPC n'implique pas un domicile commun. Selon lui, c'est uniquement à l'aune de l'existence d'une communauté domestique ou d'une communauté de toit qu'il y a lieu de déterminer s'il a vécu en ménage commun avec la mère de ses enfants. Étant donné qu'il a formé une communauté domestique ainsi qu'une communauté de toit avec B.________ au cours des 30 ans de vie commune, il considère que la condition posée par à l'art. 71 al. 1 let. a RPC est remplie, avec pour conséquence que la recourante doit lui octroyer une rente de concubin survivant.  
 
4.  
 
4.1. À la suite des juges précédents, on rappellera que le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion d'interpréter la notion de "ménage commun" au sens de l'art. 65a let. a aLCP, dont la teneur a depuis lors été reprise à l'art. 71 al. 1 let. a RPC. Dans l'arrêt qu'elle a rendu le 12 juin 2012, la II e Cour de droit social (depuis le 1er janvier 2023: III e Cour de droit public) a considéré que le législateur vaudois n'entendait pas s'éloigner de la notion de vie en ménage commun au sens courant ou usuel, mais retenait celle de communauté domestique ou de communauté de toit impliquant un domicile commun des deux concubins (arrêt 9C_403/2011 précité consid. 4.2.4). Les conditions pour procéder à un revirement de jurisprudence ne sont pas réalisées en l'espèce (sur ce point, cf. ATF 142 V 112 consid. 4.4 et les arrêts cités), si bien qu'il n'y a pas lieu de s'écarter de cette jurisprudence. Ni la recourante ni l'intimé ne prétendent le contraire. La notion de "ménage commun" au sens de l'art. 71 al. 1 let. a RPC doit dès lors être comprise comme impliquant un domicile commun des concubins.  
 
4.2. Il reste à examiner ce qu'exige la notion de domicile commun.  
 
4.2.1. La notion de domicile est définie à l'art. 23 CC. Aux termes de l'art. 23 al. 1, 1re phrase, CC, le domicile de toute personne est au lieu où elle réside avec l'intention de s'y établir. Nul ne peut avoir en même temps plusieurs domiciles (art. 23 al. 2 CC). La notion de domicile contient deux éléments: d'une part, la résidence, soit un séjour d'une certaine durée dans un endroit donné et la création en ce lieu de rapports assez étroits et, d'autre part, l'intention de se fixer pour une certaine durée au lieu de sa résidence qui doit être reconnaissable pour les tiers et donc ressortir de circonstances extérieures et objectives. Cette intention implique la volonté manifestée de faire d'un lieu le centre de ses relations personnelles et professionnelles. L'intention d'une personne de se fixer au lieu de sa résidence ne doit pas être examinée de façon subjective, au regard de sa volonté interne, mais à la lumière de circonstances objectives, reconnaissables pour les tiers, permettant de conclure à l'existence d'une telle intention. Le domicile d'une personne se trouve ainsi au lieu avec lequel elle a les relations les plus étroites, compte tenu de l'ensemble des circonstances. Le lieu où les papiers d'identité ont été déposés ou celui figurant dans des documents administratifs, comme des attestations de la police des étrangers, des autorités fiscales ou des assurances sociales constituent des indices qui ne sauraient toutefois l'emporter sur le lieu où se focalise un maximum d'éléments concernant la vie personnelle, sociale et professionnelle de l'intéressé (ATF 141 V 530 consid. 5.2 et les arrêts cités).  
Le lieu où la personne réside (élément objectif) et son intention de s'établir (élément subjectif) relèvent de l'établissement des faits, que le Tribunal fédéral ne corrige qu'en cas d'arbitraire (art. 97 al. 1 LTF, en relation avec l'art. 9 Cst.). En revanche, les conclusions à en déduire sous l'angle de l'art. 23 al. 1 CC quant à l'intention de s'établir ressortissent au droit, dont le Tribunal fédéral revoit librement l'application (ATF 136 II 405 consid. 4.3; arrêts 8C_32/2024 du 4 novembre 2024 consid. 8.3.1; 6B_1022/2023 du 27 mars 2024 consid. 2.1.2). 
 
4.2.2. En l'occurrence, si la juridiction cantonale a retenu que l'intimé a été domicilié officiellement à U.________ (conformément à l'attestation établie par le Service du contrôle des habitants de W.________), elle n'a toutefois pas examiné si ce lieu correspondait effectivement à l'endroit avec lequel l'intimé avait les relations les plus étroites. Or en admettant que l'intéressé avait vécu en ménage commun avec B.________ au sens de l'art. 71 al. 1 let. a RPC au moins depuis le xxx novembre 2020, les juges précédents ont en fin de compte reconnu un domicile commun. En effet, il ressort de leurs constatations que, d'un point de vue objectif, le centre des relations de A.________ se trouvait à V.________ durant la période déterminante. Selon les faits constatés dans le jugement attaqué, l'intimé et B.________ étaient copropriétaires, chacun pour une demie, du logement sis à cette adresse depuis 2003 et différentes correspondances y avaient été envoyées au prénommé (s'agissant de cotisations qu'il avait acquittées dans le cadre de son activité professionnelle et des primes de l'assurance-maladie et de l'assurance-ménage, notamment). Selon les témoignages de trois habitants de l'immeuble sis à V.________, A.________ avait été présent à cette adresse sans discontinuité et le prénommé avait par ailleurs expliqué, dans ses premières déclarations, que le logement qu'il louait depuis plus de 44 ans à U.________ était destiné uniquement à des fins professionnelles. On constate effectivement, à la lecture du courrier que l'intimé a adressé à la CPEV le 20 février 2023, qu'il indiquait s'être inscrit au Service du contrôle des habitants de W.________ à l'adresse de U.________ afin de pouvoir conserver la jouissance de cet appartement pour son travail, tandis que l'appartement sis à V.________ constituait le "siège de l'activité familiale" où étaient domiciliés feue sa concubine et leurs deux enfants.  
Les constatations de la juridiction cantonale quant au ménage commun formé par l'intimé et feue l'assurée mettent en évidence que le centre des intérêts de l'intimé au sens de l'art. 23 al. 1 CC se trouvait au lieu où il vivait avec ses enfants et leur mère, à V.________. La recourante ne s'en prend pas à ces constatations. Elle se limite à affirmer que l'exigence d'un domicile commun qu'elle a posée dans son règlement de prévoyance est "parfaitement conforme au droit fédéral pertinent", sans se référer aux éléments constitutifs de la notion de domicile au sens de l'art. 23 CC. Ce faisant, elle méconnaît que le domicile d'une personne ne se trouve pas nécessairement à l'adresse indiquée auprès du Service du contrôle des habitants (consid. 4.2.1 supra). 
 
4.2.3. En définitive, compte tenu des circonstances, la conclusion de la juridiction de première instance, selon laquelle l'intimé et B.________ ont vécu en ménage commun durant l'année précédant le décès de cette dernière, malgré l'absence d'une adresse commune, doit être confirmée. Le jugement entrepris est conforme au droit dans son résultat. Le recours est mal fondé.  
 
5.  
Le présent arrêt rend sans objet la requête d'effet suspensif présentée par la recourante. 
 
6.  
Vu l'issue du litige, les frais judiciaires seront supportés par la recourante (art. 66 al. 1 LTF). L'intimé a droit à une indemnité de dépens (art. 68 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera à l'intimé la somme de 3'000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 10 décembre 2024 
 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
La Greffière : Perrenoud