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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_442/2023  
 
 
Arrêt du 11 janvier 2024  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Kiss, juge présidant, Hohl et Rüedi. 
Greffier: M. O. Carruzzo. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Virgiliu Schiopu, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
1. Agence Mondiale Antidopage, 
représentée par Mes Nicolas Zbinden et Adrian Veser, avocats, 
2. Russian Anti-Doping Agency, 
représentée par Me Graham Arthur, avocat, 
intimées. 
 
Objet 
arbitrage international en matière de sport, 
 
recours en matière civile contre la sentence rendue le 13 juillet 2023 par le Tribunal Arbitral du Sport (CAS 2021/A/8263 et CAS 2021/A/8381). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le 6 août 2015, A.________ (ci-après: le lutteur), lutteur professionnel de nationalité russe, a fait l'objet d'un contrôle antidopage hors compétition. Le laboratoire de Moscou, accrédité par l'Agence Mondiale Antidopage (AMA), a procédé à l'analyse de l'échantillon d'urine fourni par l'athlète qui s'est révélée négative. 
A la demande de l'AMA, le laboratoire de Lausanne a réexaminé, en avril 2020, l'échantillon fourni par le lutteur et y a décelé la présence d'un stéroïde anabolisant qui figure sur la liste des substances interdites établie par l'AMA. 
Le 19 mai 2020, l'Agence antidopage russe (Russian Anti-Doping Agency; RUSADA) a officiellement reproché au lutteur d'avoir enfreint la réglementation antidopage édictée par elle et l'a suspendu à titre provisoire. 
 
Statuant le 27 mai 2021, la Commission disciplinaire antidopage de RUSADA a blanchi le lutteur. 
 
B.  
En date des 26 août et 4 octobre 2021, RUSADA et l'AMA ont chacune déposé un appel auprès du Tribunal Arbitral du Sport (TAS) contre cette décision. 
Le 17 mai 2022, l'arbitre unique désigné par le TAS a ordonné la jonction des deux procédures d'appel. 
Après avoir tenu une audience le 6 octobre 2022, l'arbitre a rendu sa sentence finale le 13 juillet 2023. Admettant les appels, il a reconnu le lutteur russe coupable d'avoir violé la réglementation antidopage adoptée par RUSADA, a prononcé sa suspension pour quatre ans à compter du prononcé de la sentence (sous déduction de la période de suspension provisoire effectivement subie par lui), et a ordonné la disqualification de tous les résultats obtenus par l'athlète entre le 6 août 2015 et le 5 août 2019, sanction impliquant notamment le retrait de l'ensemble des titres, points et prix gagnés par l'intéressé durant cette période. Les motifs qui étayent cette décision seront examinés plus loin dans la mesure utile à la compréhension des griefs dont celle-ci est la cible. 
 
C.  
Le 13 septembre 2023, le lutteur (ci-après: le recourant) a formé un recours en matière civile, assorti d'une demande d'effet suspensif, aux fins d'obtenir l'annulation de la sentence précitée. 
Invitées à répondre au recours, l'AMA (ci-après: l'intimée n. 1) et RUSADA (ci-après: l'intimée n. 2) ont conclu au rejet du recours. 
Dans ses observations sur le recours, le TAS a également proposé le rejet de celui-ci. 
En cours de procédure, le recourant a présenté une requête d'assistance judiciaire, laquelle a été rejetée par ordonnance du 20 octobre 2023. 
Le 29 novembre 2023, le recourant a déposé une réplique spontanée. 
La demande d'effet suspensif a été rejetée le 4 décembre 2023. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
D'après l'art. 54 al. 1 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le Tribunal fédéral rédige son arrêt dans une langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée. Lorsque cette décision a été rendue dans une autre langue (ici l'anglais), le Tribunal fédéral utilise la langue officielle choisie par les parties. Devant le TAS, celles-ci se sont servies de l'anglais, tandis que, dans les mémoires qu'elles ont adressés au Tribunal fédéral, les parties ont employé le français respectant ainsi l'art. 42 al. 1 LTF en liaison avec l'art. 70 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.; RS 101; ATF 142 III 521 consid. 1). Conformément à sa pratique, le Tribunal fédéral rendra, par conséquent, son arrêt en français. 
 
2.  
Le recours en matière civile est recevable contre les sentences touchant l'arbitrage international aux conditions fixées par les art. 190 à 192 de la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP; RS 291), conformément à l'art. 77 al. 1 let. a LTF
L'une des parties au moins n'avait pas son domicile respectivement son siège en Suisse au moment déterminant. Les dispositions du chapitre 12 de la LDIP sont donc applicables (art. 176 al. 1 LDIP). 
 
3.  
Qu'il s'agisse de l'objet du recours, de la qualité pour recourir, du délai de recours ou des conclusions prises par le recourant, aucune de ces conditions de recevabilité ne fait problème en l'espèce. Rien ne s'oppose, dès lors, à l'entrée en matière. Demeure réservé l'examen de la recevabilité des moyens invoqués par l'intéressé. 
 
4.  
 
4.1. Un mémoire de recours visant une sentence arbitrale doit satisfaire à l'exigence de motivation telle qu'elle découle de l'art. 77 al. 3 LTF en liaison avec l'art. 42 al. 2 LTF et la jurisprudence relative à cette dernière disposition (ATF 140 III 86 consid. 2 et les références citées). Cela suppose que le recourant discute les motifs de la sentence entreprise et indique précisément en quoi il estime que l'auteur de celle-ci a méconnu le droit. La partie recourante ne pourra le faire que dans les limites des moyens admissibles contre ladite sentence, à savoir au regard des seuls griefs énumérés à l'art. 190 al. 2 LDIP lorsque l'arbitrage revêt un caractère international. Au demeurant, comme cette motivation doit être contenue dans l'acte de recours, le recourant ne saurait user du procédé consistant à prier le Tribunal fédéral de bien vouloir se référer aux allégués, preuves et offres de preuve contenus dans les écritures versées au dossier de l'arbitrage. De même se servirait-il en vain de la réplique pour invoquer des moyens, de fait ou de droit, qu'il n'avait pas présentés en temps utile, c'est-à-dire avant l'expiration du délai de recours non prolongeable (art. 100 al. 1 LTF en liaison avec l'art. 47 al. 1 LTF) ou pour compléter, hors délai, une motivation insuffisante (arrêt 4A_478/2017 du 2 mai 2018 consid. 2.2 et les références citées).  
 
4.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits constatés dans la sentence attaquée (cf. art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter d'office les constatations des arbitres, même si les faits ont été établis de manière manifestement inexacte ou en violation du droit (cf. l'art. 77 al. 2 LTF qui exclut l'application de l'art. 105 al. 2 LTF). Les constatations du tribunal arbitral quant au déroulement de la procédure lient aussi le Tribunal fédéral, qu'elles aient trait aux conclusions des parties, aux faits allégués ou aux explications juridiques données par ces dernières, aux déclarations faites en cours de procès, aux réquisitions de preuves, voire au contenu d'un témoignage ou d'une expertise ou encore aux informations recueillies lors d'une inspection oculaire (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées; arrêts 4A_54/2019 du 11 avril 2019 consid. 2.4; 4A_322/2015 du 27 juin 2016 consid. 3 et les références citées).  
La mission du Tribunal fédéral, lorsqu'il est saisi d'un recours en matière civile visant une sentence arbitrale internationale, ne consiste pas à statuer avec une pleine cognition, à l'instar d'une juridiction d'appel, mais uniquement à examiner si les griefs recevables formulés à l'encontre de ladite sentence sont fondés ou non. Permettre aux parties d'alléguer d'autres faits que ceux qui ont été constatés par le tribunal arbitral, en dehors des cas exceptionnels réservés par la jurisprudence, ne serait plus compatible avec une telle mission, ces faits fussent-ils établis par les éléments de preuve figurant au dossier de l'arbitrage (arrêt 4A_140/2022 du 22 août 2022 consid. 4.2). Cependant, le Tribunal fédéral conserve la faculté de revoir l'état de fait à la base de la sentence attaquée si l'un des griefs mentionnés à l'art. 190 al. 2 LDIP est soulevé à l'encontre dudit état de fait ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux sont exceptionnellement pris en considération dans le cadre de la procédure du recours en matière civile (ATF 138 III 29 consid. 2.2.1 et les références citées). 
 
5.  
Dans un premier moyen, le recourant, invoquant l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, reproche à l'arbitre d'avoir enfreint le principe de célérité et, partant, d'avoir violé l'ordre public procédural. 
 
5.1. Il y a violation de l'ordre public procédural lorsque des principes de procédure fondamentaux et généralement reconnus ont été violés, conduisant à une contradiction insupportable avec le sentiment de la justice, de telle sorte que la décision apparaît incompatible avec les valeurs reconnues dans un État de droit (ATF 141 III 229 consid. 3.2.1; 140 III 278 consid. 3.1; 136 III 345 consid. 2.1).  
 
5.2. Pour étayer son grief, le recourant fait valoir que, selon l'art. R59 al. 5 du Code de l'arbitrage en matière de sport (ci-après: le Code), dans sa version applicable à la présente procédure, le dispositif de la sentence doit être communiqué aux parties dans les trois mois suivant le transfert du dossier à l'arbitre. L'intéressé relève que ledit délai peut être prolongé par le TAS sur requête de l'arbitre, ainsi que le prévoit expressément l'art. R59 al. 5 du Code. Il concède en outre lui-même que ce délai est très rarement respecté en pratique et qu'il est fréquemment prolongé spontanément par le TAS. En l'occurrence, le recourant observe que l'arbitre a reçu le dossier des deux causes jointes le 10 mai 2022 et qu'il a rendu sa sentence le 13 juillet 2023. Il souligne que le TAS a prolongé à huit reprises le délai dans lequel l'arbitre devait rendre sa sentence et indique " avoir du mal à comprendre pourquoi l'arbitre a mis neuf mois et une semaine suivant la tenue de l'audience... pour communiquer sa décision...". L'intéressé se plaint en outre de ce que le TAS ne lui a jamais communiqué les raisons pour lesquelles ces diverses prolongations de délai avaient été accordées à l'arbitre, alors même qu'il en avait fait la demande par pli du 25 mai 2023.  
 
5.3.  
 
5.3.1. Dans plusieurs arrêts, le Tribunal fédéral s'est demandé dans quelle mesure la violation du principe de célérité pouvait être assimilée à une atteinte à l'ordre public procédural (arrêts 4A_22/2023 du 16 mai 2023 consid.7.3.2; 4A_668/2020 du 17 mai 2021 consid. 4.2). Il a toutefois renoncé à pousser plus avant l'examen de cette question dès lors que dans le cas concret, le TAS n'avait pas enfreint ledit principe (arrêts 4A_22/2023, précité, consid.7.3.2; 4A_668/2020, précité, consid. 4.2). La même conclusion s'impose ici, pour les motifs exposés ci-dessous.  
 
5.3.2. Pour apprécier si une cause a été jugée dans un délai raisonnable, il convient de tenir compte de l'ensemble des circonstances du cas concret et, singulièrement, de l'étendue et de la complexité de l'afaire, tant au niveau factuel que juridique, de la nature de la procédure et de son enjeu pour le justiciable, ainsi que du comportement des parties et de celui du tribunal (arrêts 4A_22/2023, précité, consid. 7.3.2; 4A_412/2021 du 21 avril 2022 et les références citées).  
En l'espèce, comme le relève l'intimée n. 1 sans être contredite par son adversaire, la procédure conduite par le TAS présentait une certaine complexité puisqu'elle a notamment impliqué la jonction de deux procédures initialement distinctes et l'audition de nombreux experts scientifiques. Par ailleurs, le recourant a lui aussi contribué à l'allongement de la durée de la procédure, car il a lui-même requis plusieurs prolongations de délai. Quoi qu'il en soit, eu égard à l'ensemble des circonstances, la durée de la procédure, que l'on apprécie celle-ci globalement à compter de la saisine du TAS ou depuis l'audience arbitrale tenue le 6 octobre 2022, n'apparaît pas déraisonnable et ne conduit nullement à une contradiction insupportable avec le sentiment de justice. Au demeurant, force est de constater que l'intéressé ne s'est jamais véritablement plaint d'une éventuelle lenteur de la procédure. Tout au plus s'est-il borné à demander, lorsqu'il a reçu la septième prolongation de délai en mai 2023, des précisions relatives aux motifs expliquant un nouveau report du délai. Le recourant n'a en revanche rien trouvé à redire à la nouvelle prolongation de délai octroyée le 26 juin 2023. A le supposer recevable, le moyen considéré ne peut dès lors qu'être rejeté. 
 
6.  
Dans un second moyen, le recourant, invoquant l'art. 190 al. 2 let. d LDIP, dénonce une violation du principe d'égalité des parties. 
 
6.1. En vertu du principe d'égalité, le tribunal arbitral doit traiter les parties de manière semblable à toutes les étapes de la procédure. Ledit principe implique ainsi que la procédure soit réglée et conduite de manière à ce que chaque partie ait les mêmes possibilités de faire valoir ses moyens (ATF 142 III 360 consid. 4.1.1).  
 
6.2. Le recourant fait valoir, en substance, qu'il a éprouvé des difficultés à trouver un expert disposé à se prononcer sur le travail d'analyse effectué par le laboratoire antidopage de Lausanne, ce qu'il a du reste mentionné au cours de la procédure d'arbitrage.  
 
6.3. Tel qu'il est présenté, le grief ne saurait prospérer. Sous le couvert d'une prétendue violation du principe d'égalité des parties, l'intéressé ne critique, en réalité, pas la manière dont l'arbitre a conduit la procédure mais déplore le fait qu'il a éprouvé des difficultés pour trouver un expert en raison de certaines règles adoptées par l'intimée n. 1, lesquelles empêcheraient un expert d'un laboratoire accrédité par cette dernière d'évaluer le travail effectué par un autre laboratoire. Son grief manque ainsi à l'évidence sa cible. En tout état de cause, le recourant reconnaît lui-même avoir fini par trouver deux experts, de sorte que l'on ne discerne pas quelle influence le vice dénoncé a pu avoir sur l'issue de la procédure.  
 
7.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. Le recourant, qui succombe, supportera les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF). Il versera en outre des dépens aux intimées n. 1 et 2 (art. 68 al. 1 LTF). Vu le caractère très succinct de la réponse déposée par l'intimée n. 2, le montant alloué à cette dernière sera sensiblement réduit en application de l'art. 8 al. 2 du règlement sur les dépens alloués à la partie adverse et sur l'indemnité pour la représentation d'office dans les causes portées devant le Tribunal fédéral (RS 173.110.210.3). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 7'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le recourant versera à l'intimée n. 1 une indemnité de 8'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le recourant versera à l'intimée n. 2 une indemnité de 500 fr. à titre de dépens. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal Arbitral du Sport (TAS). 
 
 
Lausanne, le 11 janvier 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Juge présidant : Kiss 
 
Le Greffier : O. Carruzzo