Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
9C_384/2023
Arrêt du 11 janvier 2024
IIIe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, Stadelmann et Moser-Szeless.
Greffier : M. Berthoud.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par PROCAP, Service juridique pour personnes avec handicap,
recourant,
contre
Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
avenue du Général-Guisan 8, 1800 Vevey,
intimé.
Objet
Assurance-invalidité,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 5 mai 2023 (AI 152/22 / TF - 122/2023).
Faits :
A.
A.________, né en 2003, est atteint d'un syndrome d'Asperger et d'un trouble du spectre autistique (notamment rapport de la doctoresse B.________, pédopsychiatre, du 19 mars 2019). Le 3 août 2018, il a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité tendant à la prise en charge de mesures médicales et professionnelles ainsi qu'à l'octroi d'une allocation pour mineur impotent. Les mesures professionnelles sollicitées consistaient en un parcours gymnasial dispensé par l'Ecole C.________ à compter de la rentrée scolaire d'août 2019, conduisant à l'obtention d'un baccalauréat français adapté, de l'avis de l'assuré, à son handicap et lui permettant, à terme, d'intégrer l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (ci-après: EPFL).
Par décision du 16 décembre 2019, l'office AI a rejeté la demande, au motif que le choix de la formation au sein de l'Ecole C.________ ne lui paraissait pas directement causé par l'invalidité (cf. aussi lettre du 13 décembre 2019). Il a considéré en outre que la formation en cause ne revêtait pas les critères de simplicité, d'adéquation et d'économie indispensables; de plus, le cursus de l'EPFL apparaissait trop exigeant au vu des limitations de l'assuré.
B.
A.________ a déféré la décision du 16 décembre 2019 au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, qui l'a débouté par arrêt du 2 juin 2021.
Saisi par l'assuré, le Tribunal fédéral a annulé cet arrêt le 24 mai 2022 (9C_393/2021). Considérant qu'il avait été prouvé que l'assuré aurait manifestement bénéficié d'une formation moins onéreuse sans invalidité, il a renvoyé la cause à l'instance précédente pour examen des autres conditions du droit aux mesures professionnelles et nouvelle décision.
Par arrêt du 5 mai 2023, le Tribunal cantonal a rejeté le recours et confirmé la décision du 16 décembre 2019.
C.
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt dont il demande l'annulation, en concluant principalement à ce que l'intimé soit condamné à prendre en charge la formation professionnelle initiale auprès de l'Ecole C.________ dès la rentrée d'août 2019, subsidiairement au renvoi de la cause à l'administration ou aux premiers juges pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants.
Considérant en droit :
1.
Le présent litige s'inscrit dans la suite de l'arrêt de renvoi du 24 mai 2022 (9C_393/2021). Il porte sur le droit du recourant à une mesure de formation professionnelle initiale, laquelle consiste dans la prise en charge des frais afférents au cursus conduisant au baccalauréat français dispensé à compter d'août 2019 au sein de l'école privée C.________.
Les règles applicables à la solution du litige ont été exposées par les premiers juges et précédemment par le Tribunal fédéral (en particulier l'art. 8 al. 1 LAI, ainsi que les art. 16 al. 1 LAI et 5 al. 1 et 2 RAI dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2021), si bien qu'il suffit d'y renvoyer.
2.
Reprenant l'examen du cas à la suite de l'arrêt du 24 mai 2022, les juges cantonaux ont admis que la formation en cause ne revêt pas les critères de simplicité, de nécessité et d'adéquation exigés par l'art. 8 al. 1 LAI. Ils ont retenu que la reconnaissance d'un titre étranger (baccalauréat français) requiert des notes très élevées ou la passation d'examens (sous-entendu: pour la poursuite d'études en Suisse). De plus, l'aménagement particulier du lycée de l'Ecole C.________ permettait de douter que le recourant fût concrètement préparé à se confronter aux exigences d'un établissement tel que l'EPFL, où les étudiants devaient accomplir un certain nombre d'heures en présentiel dans des auditoires composés d'importants effectifs, en sus de travaux et de présentations de groupe. Eu égard aux coûts et aux incertitudes sur le potentiel de réadaptation, le cursus choisi ne respectait pas le principe de la proportionnalité. Pour l'instance précédente, le potentiel du recourant à s'intégrer, à terme, sur le marché ordinaire du travail apparaissait largement compromis, compte tenu de ses importantes limitations fonctionnelles, qui ont justifié l'octroi d'une allocation pour impotent de l'assurance-invalidité. En outre, le recourant devait trouver une niche particulière lui permettant de mettre en évidence ses compétences intellectuelles en réduisant l'impact négatif de ses difficultés relationnelles.
3.
Le recourant soutient que l'obtention du baccalauréat français en été 2022, l'encadrement scolaire offert par l'Ecole C.________ qui lui a permis de développer des projets et de les présenter devant un grand public, ainsi que la fréquentation du Bachelor en génie électrique et informatique industrielle à l'Institut universitaire D.________ de U.________ depuis le 15 septembre 2022 où il passe avec succès les modules des cours et fait partie des meilleurs élèves de sa classe, font douter du bien-fondé des réserves émises dans l'arrêt contesté quant à son aptitude à poursuivre des études et trouver par la suite un emploi lui permettant de couvrir ses frais. A supposer que ces derniers événements ne puissent être pris en considération par le Tribunal fédéral, en vertu de l'art. 99 al. 1 LTF, le recourant est d'avis que la juridiction cantonale a de toute façon constaté les faits pertinents de façon erronée et incomplète (cf. art. 97 al. 1 LTF), puisqu'elle a tenu compte à tort de la situation factuelle précédente à sa scolarisation auprès de l'Ecole C.________ pour admettre qu'il ne serait pas en mesure de suivre une formation à l'EPFL. A ce sujet, il fait valoir que ses performances scolaires ont été exceptionnelles au baccalauréat français (entre 19/20 et 20/20) au cours de l'été 2022, démontrant ainsi que ce titre aurait été reconnu en Suisse et que l'obtention de ce baccalauréat répondait aux critères de simplicité, de nécessité et d'adéquation, lui permettant de poursuivre une formation. Il ajoute que la mesure sollicitée (la prise en charge des frais de scolarité à l'Ecole C.________) répond au critère de la proportionnalité.
Dès lors que les réserves exprimées dans l'arrêt attaqué concernant sa capacité à s'intégrer à terme sur le marché de l'emploi se basent exclusivement sur des faits antérieurs à son inscription à l'Ecole C.________, le recourant est d'avis qu'elles sont infondées, car les faits (survenus consécutivement) ont démontré qu'il a le potentiel pour s'y intégrer, en dépit de son statut de bénéficiaire d'une allocation pour impotent de l'assurance-invalidité. Sur ce point, il soutient que l'instance précédente a omis de tenir compte du fait qu'en raison du syndrome d'Asperger et du trouble du spectre autistique dont il est affecté, il convient plutôt de déterminer s'il peut s'insérer dans le marché du travail de niche existant pour les personnes atteintes d'autisme, et non pas sur le marché ordinaire de l'emploi.
4.
Le raisonnement du recourant ne peut être suivi.
4.1. En premier lieu, l'obtention du baccalauréat français par le recourant en été 2022, sa faculté à développer des projets et à s'exprimer devant un auditoire qu'il met en relation avec sa scolarisation à l'Ecole C.________, la fréquentation du Bachelor en génie électrique et informatique industrielle à l'Institut universitaire D.________. depuis le 15 septembre 2022 ainsi que les succès académiques obtenus, éléments sur lesquels il fonde son argumentation pour justifier la prise en charge de la mesure professionnelle litigieuse, sont des faits qui sont survenus antérieurement à l'arrêt attaqué. Ils n'ont toutefois pas été invoqués en instance cantonale, sans que le recourant n'explique en quoi il aurait été empêché de le faire et de produire les pièces déposées seulement en instance fédérale. Ces faits n'ont pas non plus été constatés par la juridiction cantonale, sans qu'on puisse lui reprocher de les avoir établis de manière manifestement incomplète, comme l'allègue en vain le recourant avec une simple affirmation (infra consid. 4.2). Pour ces motifs, ces faits ne peuvent pas être présentés devant le Tribunal fédéral, conformément à l'art. 99 al. 1 LTF. Il s'ensuit que le droit à la prestation litigieuse (la prise en charge des frais d'écolage à l'Ecole C.________ par l'intimé) ne saurait être examiné par le Tribunal fédéral à la lumière des faits nouvellement invoqués (cf. GRÉGORY BOVEY, Commentaire de la LTF, 3e éd., n. 14 ad art. 99 LTF).
4.2. Ensuite, le recourant semble oublier que de jurisprudence constante, le juge des assurances sociales apprécie la légalité des décisions entreprises, en principe, d'après l'état de fait existant lors de la clôture de la procédure administrative, les faits survenus par la suite et ayant modifié cette situation devant normalement faire l'objet d'une nouvelle décision (ATF 148 V 21 consid. 5.3 et les arrêts cités). C'est ainsi à tort qu'il reproche aux premiers juges d'avoir constaté les faits de façon inexacte (cf. art. 97 al. 1 LTF) en ayant omis de tenir compte de l'évolution postérieure à la décision administrative, ce d'autant plus que son grief à ce sujet est de nature appellatoire.
Dans ce contexte, il faut aussi rappeler que l'examen du droit à une formation professionnelle initiale au sens de l'art. 16 LAI doit être effectué sur la base d'un pronostic antérieurement à la mise en oeuvre de la mesure en question. En d'autres termes, cet examen doit faire l'objet d'une évaluation prospective tournée vers le but de la mesure de réadaptation, ainsi que l'instance précédente l'a fait à juste titre. A cet égard, une mesure de réadaptation est appropriée dans le temps lorsque, sur la base de toutes les circonstances du cas concret, il est possible de pronostiquer avec une probabilité prépondérante le succès de la réadaptation (cf. arrêts 9C_71/2023 du 5 septembre 2023 consid. 3.3.1; 9C_745/2008 du 2 décembre 2008 consid. 3.2).
En l'occurrence, le moment déterminant est le mois d'août 2019, où le recourant a commencé la formation en cause. Son argumentation, fondée sur des faits survenus postérieurement et qu'il n'avait de surcroît pas invoqués devant l'instance cantonale, est par conséquent dénuée de pertinence et ne lui est d'aucun secours. Elle ne permet pas de démontrer en quoi l'appréciation des premiers juges serait arbitraire, dans la mesure où ils ont tranché la question du caractère simple, nécessaire et adéquat de la formation en cause, en examinant de manière prospective ses capacités à s'adapter aux exigences de l'enseignement universitaire, comme une formation à l'EPFL. Dans ces circonstances, la référence qu'a faite la juridiction cantonale au marché ordinaire du travail, sans évoquer la situation particulière des personnes atteintes d'autisme (cf. à ce sujet l'arrêt 9C_131/2022 du 12 septembre 2022 consid. 4.1.4) n'est pas à elle seule déterminante pour modifier l'issue du litige.
4.3. Il s'ensuit que l'arrêt attaqué, qui confirme la décision du 16 décembre 2019, ne prête aucunement le flanc à la critique. Le recours est infondé.
5.
Le recourant, qui succombe, supportera les frais de la procédure (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 11 janvier 2024
Au nom de la IIIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Parrino
Le Greffier : Berthoud