Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
7B_191/2024
Arrêt du 11 avril 2024
IIe Cour de droit pénal
Composition
MM. les Juges fédéraux Abrecht, Président,
Kölz et Hofmann,
Greffière : Mme Rubin.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Stéphanie Neuhaus-Descuves, avocate,
recourant,
contre
Ministère public de l'Etat de Fribourg, case postale 1638, 1701 Fribourg,
Service de l'exécution des sanctions pénales et de la probation du canton de Fribourg, route d'Englisberg 3, 1763 Granges-Paccot.
Objet
Exécution du reste de la peine,
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg du 15 janvier 2024
(502 2023 119).
Faits :
A.
A.a. A.________ a été arrêté et placé en détention provisoire le 11 avril 2019. Il a ensuite été libéré. Il a été arrêté à nouveau et remis en détention provisoire le 2 septembre 2020.
Par décision du 29 avril 2021, le Service de l'exécution des sanctions pénales et de la probation (ci-après: le SESPP) l'a placé au sein de la Fondation B.________ le 4 mai 2021 au titre de l'exécution anticipée d'une mesure au sens de l'art. 60 CP.
A.b. Le 11 janvier 2022, le Tribunal pénal de l'arrondissement de la Sarine (ci-après: le Tribunal pénal) a condamné A.________ à une peine privative de liberté de 42 mois, sous déduction de la détention avant jugement subie, et au paiement d'une amende de 1'500 fr., pour vol, escroquerie, recel, crime et contravention à la LStup, contravention à la loi fédérale sur le transport des voyageurs et utilisation sans droit d'un cycle. En outre, il l'a astreint à suivre une mesure thérapeutique institutionnelle au sens de l'art. 60 CP et a suspendu l'exécution de la peine privative de liberté au profit de la mesure.
Par ordonnance pénale du 30 juin 2022, le Ministère public a condamné A.________ à une peine privative de liberté de 5 jours, sans sursis, sous déduction du jour d'arrestation provisoire subi, soit un solde de 4 jours, et au paiement d'une amende de 500 fr., pour délit et contravention à la LStup.
Le 28 août 2022, A.________ a fugué de la Fondation B.________ et n'y est plus jamais retourné. Le SESPP ignorait alors où il se trouvait.
A.c. Par décision du 19 septembre 2022, le SESPP a constaté l'échec de la mesure thérapeutique institutionnelle prononcée à l'égard de A.________ et l'a levée avec effet au 29 août 2022; il a en outre requis du Tribunal pénal qu'il se prononce sur les conséquences juridiques d'une telle levée.
A.d. Lors de l'audience du 9 mai 2023 tenue par devant le Tribunal pénal, A.________ a déposé séance tenante une requête tendant à sa libération conditionnelle.
B.
Par décision du 9 mai 2023, le Tribunal pénal a astreint A.________ à exécuter le solde de sa peine, soit 381,5 jours, après imputation du temps passé en détention provisoire et en exécution de mesure, exécution anticipée comprise.
Par arrêt du 15 janvier 2024, la Chambre pénale du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg (ci-après: la Chambre pénale ou cour cantonale) a rejeté dans la mesure de sa recevabilité le recours formé par A.________ contre cette décision.
C.
A.________ interjette un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral contre l'arrêt du 15 janvier 2024. Il conclut à son annulation et, principalement, à ce qu'il soit libéré conditionnellement avec un délai d'épreuve à fixer d'office, ainsi que, subsidiairement, au renvoi de la cause à la Chambre pénale. Il demande en outre que le recours soit assorti de l'effet suspensif. Il sollicite enfin, sans toutefois prendre de conclusion formelle à cet égard, l'octroi de l'assistance judiciaire.
Invités à se déterminer sur le recours, le SESPP et la cour cantonale y ont renoncé, tandis que le Ministère public a conclu au rejet du recours et à la confirmation de l'arrêt attaqué.
Par ordonnance du 29 février 2024, le Président de la IIe Cour de droit pénal du Tribunal fédéral a admis la requête d'effet suspensif.
Considérant en droit :
1.
Dirigé contre une décision sur l'exécution des peines et des mesures (art. 78 al. 2 let. b LTF) émanant d'une autorité cantonale de dernière instance (art. 80 al. 1 LTF), le recours, interjeté dans le délai légal (art. 100 al. 1 LTF) et satisfaisant aux exigences de forme ( art. 42 al. 1 et 2 LTF ), est recevable. Le recourant, qui a pris part à la procédure devant l'autorité précédente, dispose d'un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision entreprise, partant de la qualité pour recourir (art. 81 al. 1 LTF). Il y a donc lieu d'entrer en matière.
2.
Le recourant se plaint d'arbitraire dans la constatation des faits, ainsi que d'une violation des art. 62c al. 2 et 86 CP .
2.1.
2.1.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation, mais aussi dans son résultat (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1; 143 IV 241 consid. 2.3.1). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables. Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF; ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 143 IV 500 consid. 1.1; arrêt 7B_992/2023 du 13 mars 2024 consid. 2.1.1). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1; arrêt 7B_992/2023 du 13 mars 2024 consid. 2.1.1).
2.1.2. L'art. 62c al. 1 let. a CP prévoit la levée de la mesure si son exécution ou sa poursuite paraît vouée à l'échec. Selon l'al. 2, si la durée de la privation de liberté entraînée par la mesure est inférieure à celle de la peine privative de liberté suspendue, le reste de la peine est exécuté; si les conditions du sursis à l'exécution de la peine privative de liberté ou de la libération conditionnelle sont réunies, l'exécution du reste de la peine est suspendue.
2.1.3. Aux termes de l'art. 86 al. 1 CP, l'autorité compétente libère conditionnellement le détenu qui a subi les deux tiers de sa peine, mais au moins trois mois de détention, si son comportement durant l'exécution de la peine ne s'y oppose pas et s'il n'y a pas lieu de craindre qu'il commette de nouveaux crimes ou de nouveaux délits.
La libération conditionnelle constitue la dernière étape de l'exécution de la sanction pénale. Elle est la règle et son refus l'exception, dans la mesure où il n'est plus exigé qu'il soit à prévoir que le condamné se conduira bien en liberté (cf. ancien art. 38 ch. 1 al. 1 CP), mais seulement qu'il ne soit pas à craindre qu'il commette de nouveaux crimes ou délits. Autrement dit, il n'est pas nécessaire pour l'octroi de la libération conditionnelle qu'un pronostic favorable puisse être posé. Il suffit que le pronostic ne soit pas défavorable (ATF 133 IV 201 consid. 2.2; arrêt 7B_992/2023 du 13 mars 2024 consid. 2.1.2 et les références citées).
Le pronostic à émettre doit être posé sur la base d'une appréciation globale, prenant en considération les antécédents de l'intéressé, sa personnalité, son comportement en général et dans le cadre des délits qui sont à l'origine de sa condamnation, le degré de son éventuel amendement ainsi que les conditions dans lesquelles il est à prévoir qu'il vivra (ATF 133 IV 201 consid. 2.2 et 2.3 et les références citées; arrêt 7B_992/2023 du 13 mars 2024 consid. 2.1.2 et les références citées). Par sa nature même, le pronostic ne saurait être tout à fait sûr; force est de se contenter d'une certaine probabilité; un risque de récidive est inhérent à toute libération conditionnelle ou définitive (ATF 119 IV 5 consid. 1b). Pour déterminer si l'on peut courir le risque de récidive, il faut non seulement prendre en considération le degré de probabilité qu'une nouvelle infraction soit commise, mais également l'importance du bien qui serait alors menacé. Ainsi, les exigences quant à la probabilité de réalisation du risque de récidive peuvent être moindres si l'auteur s'en est pris à la vie ou à l'intégrité corporelle ou sexuelle de ses victimes que s'il a commis par exemple des infractions - même graves - à la loi fédérale sur les stupéfiants (cf. ATF 133 IV 201 consid. 3.2; arrêts 7B_992/2023 du 13 mars 2024 consid. 2.1.2; 7B_388/2023 du 29 septembre 2023 consid. 2.2), lesquelles menacent de manière abstraite la santé publique (cf. ATF 133 IV 201 consid. 3.2; 124 IV 97 consid. 2c; arrêt 7B_992/2023 du 13 mars 2024 consid. 2.1.2).
Afin de procéder à un pronostic différentiel, il sied de comparer les avantages et désavantages de l'exécution de la peine avec la libération conditionnelle et déterminer, notamment, si le degré de dangerosité que représente le détenu diminuera, restera le même ou augmentera en cas d'exécution complète de la peine (ATF 124 IV 193 consid. 4d et 5b/bb; arrêt 7B_992/2023 du 13 mars 2024 consid. 2.1.2 et les références citées). Il y a également lieu de rechercher si la libération conditionnelle, éventuellement assortie d'une assistance de probation ou de règles de conduite, ne favoriserait pas mieux la resocialisation de l'auteur que l'exécution complète de la peine (ATF 124 IV 193 consid. 4d/aa/bb; arrêt 7B_992/2023 du 13 mars 2024 consid. 2.1.2 et les références citées).
Dans l'émission du pronostic, l'autorité compétente dispose d'un large pouvoir d'appréciation, de sorte que le Tribunal fédéral n'intervient que si elle l'a excédé ou en a abusé, notamment lorsqu'elle a omis de tenir compte de critères pertinents et s'est fondée exclusivement sur les antécédents du condamné (ATF 133 IV 201 consid. 2.3; arrêt 7B_992/2023 du 13 mars 2024 consid. 2.1.2 et les références citées).
2.2. En l'espèce, seule l'émission d'un pronostic défavorable est contestée.
2.2.1. Le recours débute par un exposé (cf. pp. 3-4 du mémoire de recours), contenant certains faits que le recourant estime pertinents. En tant qu'il se fonde, dans cette partie, sur des constatations qui ne figurent pas dans l'état de fait cantonal, sans exposer, de manière circonstanciée, que les faits retenus l'auraient été d'une manière absolument inadmissible, ses critiques à cet égard sont irrecevables (art. 106 al. 2 LTF).
2.2.2. Le recourant expose ensuite qu'il aurait fourni des indices sérieux qui démontreraient "un changement de vie amorcé avec des perspectives d'une vie dans la légalité": il vivrait dans un appartement avec sa compagne et sa fille, il participerait aux tâches ménagères ainsi qu'à l'éducation de la fille de sa compagne, aurait recommencé à faire du sport et serait en recherche active d'un emploi. Il admet implicitement avoir menti sur sa dernière consommation de stupéfiants mais explique que sa volonté de mener une vie abstinente serait bien présente, qu'il aurait coupé tout contact avec ses anciens "amis" avec qui il vendait et consommait du crystal meth, qu'il se serait sevré de ladite substance et que, hormis quelques rechutes de consommation personnelle, il serait abstinent. Il précise que pour éviter les rechutes et calmer son stress, il aurait eu recours à du Gamma-butyrolactone (GBL), notamment le jour de l'audience du 9 mai 2023. Quant à sa compagne, il soutient qu'elle aurait avoué des infractions à la LStup pour couvrir son ex-mari, qu'elle ne serait qu'une consommatrice occasionnelle et qu'il n'aurait dès lors pas menti en avançant qu'elle ne faisait pas partie du "milieu" des stupéfiants. S'agissant de ses deux tentatives infructueuses de réinsertion sur le marché du travail, il souligne pour l'essentiel que les relations au sein des programmes mis en oeuvre par le service social pourraient être extrêmement conflictuelles et qu'il aurait parallèlement dû faire face à la grave maladie ayant frappé le compagnon de sa maman qui l'aurait pratiquement élevé depuis le départ de son père. En somme, il reproche à la cour cantonale de s'être exclusivement fondée sur ses rechutes et ses antécédents, ainsi que d'avoir totalement occulté son nouveau cadre de vie et l'absence de nouvelles infractions depuis l'audience du 9 mai 2023. Au surplus, sous l'angle de la proportionnalité, il soutient que, dans la mesure où son comportement, s'il devait récidiver, ne menacerait aucunement la vie ou l'intégrité de la population, son intérêt personnel à la réinsertion devrait être priorisé.
Ce faisant, le recourant développe une argumentation largement appellatoire et, partant, irrecevable, par laquelle il rediscute librement l'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée la Chambre pénale, sans démontrer en quoi celle-ci serait insoutenable.
En tout état, la cour cantonale a opéré une appréciation globale des chances de réinsertion du recourant en prenant en considération tous les éléments nécessaires et pertinents pour aboutir à un pronostic défavorable, d'une manière qui ne prête pas le flanc à la critique. En particulier, contrairement à ce que le recourant soutient, la cour cantonale a dûment examiné son cadre de vie et son comportement récent. Elle a cependant souligné que le recourant avait d'abord caché l'identité de sa compagne en donnant un faux prénom, puis qu'il avait menti en affirmant qu'elle n'avait aucun lien avec le milieu des stupéfiants. A raison, puisqu'il est établi et incontesté qu'elle consommait des amphétamines et a été condamnée pour trafic de stupéfiants; l'assertion du recourant selon laquelle sa compagne aurait voulu assumer les actes de son ex-mari est libre et aucunement étayée. En ce qui concerne son comportement récent, la cour cantonale a retenu que le recourant avait admis lors de son audition par la police le 9 mai 2023 avoir volé plusieurs vélos les semaines qui ont précédé ladite audition, dont un le 12 avril 2023, afin de pouvoir s'acheter des stupéfiants. Au demeurant, elle a relevé que le recourant n'avait jamais cessé de consommer de la drogue, à tout le moins jusqu'au mois de juin 2023, et qu'il avait admis avoir notamment consommé du GBL la veille de son audition au Tribunal pénal le 20 juin 2023. Le recourant n'a en aucune façon démontré l'arbitraire de cette appréciation; il n'a d'ailleurs, ainsi que l'a relevé la cour cantonale, produit aucune attestation médicale confirmant son abstinence alléguée. Enfin, s'agissant de ses efforts de réinsertion professionnelle, la Chambre pénale a retenu que les deux programmes d'insertion auxquels le recourant avait participé ont été interrompus par sa faute, soit d'une part à cause de son absentéisme massif et d'autre part en raison de l'influence négative qu'il a eue sur les autres participants, l'un d'entre eux s'étant plaint que le recourant lui avait proposé de lui vendre des stupéfiants. Ces constatations de fait n'ont aucunement été remises en question par le recourant. En définitive, au vu du risque concret de réitération résultant de ces différents éléments, les juges cantonaux n'ont manifestement pas abusé de leur pouvoir d'appréciation en posant un pronostic défavorable.
Par ailleurs, même si elles n'entraînent en règle générale pas de danger immédiat et concret pour des biens juridiques de grande valeur tels que la vie et l'intégrité corporelle ou sexuelle, puisqu'elles ne mettent qu'abstraitement en danger la santé publique (cf. ATF 133 IV 201 consid. 3.2; 124 IV 97 consid. 2c), les conséquences d'infractions à la LStup ne doivent en aucun cas être minimisées. En l'occurrence, eu égard au risque de récidive constaté, les avantages présentés par l'exécution de la peine sont patents.
2.3. Par conséquent, en tant qu'il refuse de mettre le recourant au bénéfice d'une libération conditionnelle et l'astreint à exécuter le solde de sa peine, l'arrêt attaqué ne viole pas le droit fédéral.
3.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Comme il était d'emblée dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera toutefois fixé en tenant compte de sa situation financière (art. 65 al. 2 LTF), laquelle n'apparaît pas favorable.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué au recourant, au Ministère public de l'Etat de Fribourg, au Service de l'exécution des sanctions pénales et de la probation du canton de Fribourg, à la Chambre pénale du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg et au Tribunal pénal de l'arrondissement de la Sarine.
Lausanne, le 11 avril 2024
Au nom de la IIe Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Abrecht
La Greffière : Rubin