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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_289/2023  
 
 
Arrêt du 11 juin 2024  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Jametti, Présidente, Hohl et May Canellas. 
Greffier : M. Botteron. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par 
Me Giorgio Campá, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________ SA, 
représentée par 
Me Matteo Inaudi, avocat, 
intimée. 
 
Objet 
consultation des comptes annuels (art. 958e al. 2 CO), inventaire des biens (art. 162 LP), 
 
recours contre l'arrêt rendu le 25 avril 2023 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève (C/10933/2022 ACJC/544/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. B.________ SA (ci-après: la défenderesse ou l'intimée) est une société de conseil en matière comptable, fiscale et de gestion. C.________ était membre de son conseil d'administration jusqu'en novembre 2021. D.________ SA, dont l'administrateur unique est également C.________, en détenait le capital-actions.  
A.________ SA (ci-après: la demanderesse ou la recourante), dont C.________ est également administrateur, est une société active dans la prestation de conseil en matière de gestion et de financement. 
 
A.b. Par contrat du 2 juillet 2020, D.________ SA a vendu à la société E.________ SA, le capital-actions de B.________ SA.  
Le contrat contenait une clause prévoyant que "Dans le courant de l'année 2020, [B.________ SA] a reçu un montant de 241'000 fr. de A.________ SA du fait de la fermeture - à l'initiative de la banque - du compte bancaire de celle-ci. Sur ce montant, [B.________ SA] est débitrice envers A.________ SA d'une somme de 116'834 fr. 39". L'art. 6.1, prévu au chapitre 6 "créances diverses", prévoyait "Restitution du montant de 116'834 fr. 39. À première demande de A.________ SA, [B.________ SA] s'engage à restituer un montant de 116'834 fr. 39 sur le compte bancaire désigné par celle-là". 
Il est admis que le paiement du montant susmentionné n'a pas eu lieu, mais a fait l'objet d'un courrier de mise en demeure de A.________ SA du 25 août 2021. 
 
A.c. Par jugement du 25 février 2022, le Tribunal de première instance a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée par B.________ SA au commandement de payer, poursuite n° xxx, portant sur 116'834 fr. 39 avec intérêts à 5 % l'an dès le 1er août 2020, qui lui a été notifié sur réquisition de A.________ SA.  
Le 28 mars 2022, B.________ SA a formé action en libération de dette contre A.________ SA. 
Dans le cadre de cette action, B.________ SA a allégué l'existence d'un versement de 100'000 fr. effectué le 13 décembre 2019 en faveur de A.________ SA, justifié, à la demande de la banque récipiendaire, comme "prêt de la société-mère à sa fille à 100 %", ainsi que d'un contrat non signé, daté du même jour, entre elle et A.________ SA, portant sur 100'000 fr. sans intérêts, conclu pour une durée indéterminée et stipulant la remise du montant à l'emprunteur par virement bancaire à la signature du contrat. 
L'action est encore pendante. 
 
B.  
Par deux actes du 8 juin 2022, A.________ SA a introduit contre B.________ SA, d'une part, une requête tendant à la consultation des rapports de gestion et de révision des exercices 2020 et 2021 (définitifs ou provisoires), du détail du poste "sous-traitance et autres coûts directs" avec les pièces comptables y relatives pour les exercices 2020 et 2021 et de tous documents et pièces comptables définitifs ou provisoires démontrant la situation financière de la société. D'autre part, elle a introduit une requête tendant à une prise d'inventaire des biens de la défenderesse, fondée sur l'art. 162 LP. Le Tribunal de première instance a joint les deux causes. 
Par jugement du 21 décembre 2022, le Tribunal de première instance du canton de Genève a débouté la demanderesse de toutes ses conclusions. En substance, le tribunal a considéré qu'elle n'avait démontré d'intérêt digne de protection ni à l'accès aux rapports de gestion et de révision, ni à la prise d'inventaire des biens de la défenderesse. 
Statuant sur appel le 25 avril 2023, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève l'a rejeté et confirmé le jugement. 
 
C.  
Contre cet arrêt qui lui a été notifié le 1 er mai 2023, la demanderesse a interjeté un recours en matière civile devant le Tribunal fédéral le 31 mai 2023. Elle conclut à sa réforme dans le sens qu'il soit fait droit à ses requêtes. Subsidiairement, elle conclut au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants.  
La défenderesse a conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet dans la mesure de sa recevabilité. 
La cour cantonale n'a pas formulé d'observations. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) par la demanderesse qui a succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF), contre un arrêt final (art. 90 LTF), rendu sur appel par le tribunal supérieur du canton de Genève (art. 75 LTF), dans une affaire civile (art. 72 al. 1 LTF) dont la valeur litigieuse dépasse 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours en matière civile est recevable au regard de ces dispositions. 
 
2.  
 
2.1. Le recours en matière civile peut être exercé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris le droit constitutionnel (ATF 136 I 241 consid. 2.1; 136 II 304 consid. 2.4). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes. Il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 140 III 86 consid. 2, 115 consid. 2; 137 III 580 consid. 1.3). Par exception à la règle selon laquelle il applique le droit d'office, il n'examine la violation d'un droit constitutionnel que si le grief a été invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 139 I 22 consid. 2.3; 137 III 580 consid. 1.3; 135 III 397 consid. 1.4 in fine).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Relèvent de ces faits tant les constatations relatives aux circonstances touchant l'objet du litige que celles concernant le déroulement de la procédure conduite devant l'instance précédente et en première instance, c'est-à-dire les constatations ayant trait aux faits procéduraux (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées). Le Tribunal fédéral ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes, c'est-à-dire arbitraires (art. 9 Cst.; ATF 141 IV 249 consid. 1.3.1; 140 III 115 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.5) ou ont été établies en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
 
3.  
Statuant sur la demande de consultation des rapports de gestion et de révision et la requête de prise d'inventaire, la cour cantonale les a rejetées toutes les deux. Sur la demande de consultation des rapports de gestion, elle a laissé ouverte la question de savoir si la demanderesse avait rendu hautement vraisemblable sa qualité de créancière de la défenderesse - la contestation de celle-ci par la défenderesse par une action en libération de dette étant pendante. Sur la demande de consultation et la requête de prise d'inventaire, elle a considéré qu'en tout état de cause la demanderesse n'avait pas rendu hautement vraisemblable son intérêt digne de protection à l'accès aux rapports de gestion et de révision, ni à la prise d'un inventaire. 
 
4.  
La recourante invoque un établissement manifestement inexact des faits (art. 97 al. 1 LTF). 
Dans une critique pour l'essentiel appellatoire, en tant qu'elle ne constitue qu'une nouvelle appréciation de preuves, la recourante ne soutient pas que la correction du vice dont elle se prévaut influerait sur le sort de la cause. En l'occurrence, les faits dont elle prétend que la cour cantonale n'a pas tenu compte visent à établir qu'elle est la créancière de la défenderesse. Or, la cour cantonale n'a pas retenu le contraire, mais a laissé ouverte la question de savoir si la demanderesse avait établi ce fait au stade de la haute vraisemblance, puisqu'elle a rejeté sa demande pour un autre motif, à savoir son absence d'intérêt digne de protection. 
Faute de motivation suffisante, son grief d'établissement manifestement inexact des faits est irrecevable (cf. supra consid. 2.1).  
 
5.  
Sous le titre de la violation de l'art. 958e al. 2 CO, la recourante soutient que la cour cantonale aurait rejeté à tort son droit de consulter les rapports de gestion et de révision de la défenderesse. 
 
5.1. Selon l'art. 958e al. 1-2 CO, les entreprises autres que celles qui sont débitrices d'un emprunt par obligations ou ont des titres de participation cotés en bourse doivent reconnaître à tout créancier qui fait valoir un intérêt digne de protection le droit de consulter le rapport de gestion et les rapports de révision. En cas de litige, le juge tranche.  
Le droit est soumis à deux conditions, à savoir la qualité de créancier du demandeur, et l'existence d'un intérêt digne de protection. 
D'après la jurisprudence relative à l'ancien art. 697h al. 2 CO, dont le contenu est le même que celui de l'art. 958e al. 2 CO, le créancier n'a pas à apporter la preuve stricte de l'existence de sa créance, mais celle-ci doit être établie au stade de la vraisemblance prépondérante (terme qui correspond à la définition donnée par la jurisprudence à la haute vraisemblance, " hohe Wahrscheinlichkeit " [ATF 130 III 321 consid. 3.3]) (ATF 137 III 255 consid. 4.1.2; arrêt 4A_559/2022 du 3 août 2023 consid. 6.2.3 non publié dans ATF 149 III 478). L'intérêt digne de protection doit être soumis aux mêmes exigences de preuve (ATF 137 III 255 consid. 4.1.2; arrêts 4C.129/2004 du 6 juillet 2004 consid. 4.2.1; 4C.222/1994 du 1er décembre 1994 consid. 4a, non publié dans l'ATF 120 II 352).  
L'intérêt digne de protection existe lorsque la créance semble être concrètement en péril, parce qu'elle ne peut pas être payée dans les délais ou que d'autres signes laissent supposer que la société connaît des difficultés financières. Il est également reconnu lorsque la société fait l'objet d'une action en paiement qui n'est pas d'emblée dénuée de chances de succès ou lorsque le créancier a annoncé son intention d'ouvrir une action au fond, étayée par la désignation apparemment officielle d'un avocat à cet effet. Ce qui est décisif, c'est le risque de non-recouvrement, lié par exemple aux difficultés financières de la société. En revanche, l'intérêt à consulter les comptes n'est pas protégé lorsqu'il est exercé dans le seul but de satisfaire la curiosité, de connaître les secrets d'affaires ou de se renseigner sur les rapports de concurrence. L'exigibilité, la cause et le montant de la créance ne sont pas des critères déterminants (ATF 137 III 255 consid. 4.1.2; arrêt 4C.129/2004 précité consid. 4.2.1). 
 
5.2. En l'espèce, la cour cantonale a considéré que les éléments avancés par la recourante ne démontraient pas un intérêt digne de protection à la consultation des pièces, au degré de la haute vraisemblance, c'est-à-dire, selon la terminologie de la jurisprudence, la vraisemblance prépondérante.  
D'abord, l'administrateur de la demanderesse était l'ancien administrateur de la défenderesse jusqu'en novembre 2021, ce qui accréditait le caractère abusif de la procédure. 
Ensuite, la recourante ne démontrait pas que sa créance était en péril, puisque, des trois poursuites qu'elle invoquait, deux étaient intentées par des entités dans lesquelles son administrateur principal était actif, ce qui impliquait qu'il avait lui-même provoqué les poursuites dont la recourante se prévalait pour étayer le prétendu péril de sa créance. La troisième, intentée par la bailleresse de l'intimée, avait été provoquée par la suspension du paiement du loyer par la défenderesse, suspension décidée par l'administrateur de la recourante lui-même, lorsqu'il siégeait au conseil d'administration de la défenderesse. Cette décision de suspension de paiement du loyer était du reste fondée sur l'invocation d'une créance compensante de la défenderesse contre sa bailleresse. 
Enfin, les éléments avancés par la recourante pour étayer une supposée situation financière difficile de la défenderesse étaient anciens, alors que la défenderesse avait déposé des pièces plus récentes, parmi lesquelles figurait la preuve du rétablissement de sa ligne de crédit bancaire, consenti en mars 2022 après une analyse de ses états financiers, ce qui revêtait un poids déterminant. 
À cela s'ajoutait encore le fait que la défenderesse avait déposé sur le compte "clients" de son conseil, le montant de 120'000 fr., avec mandat de le conserver jusqu'à droit jugé sur la créance invoquée par la demanderesse, ce dont elle avait informé le Ministère public les 26 janvier et 2 février 2023. 
 
5.3. La recourante soutient que la cour cantonale a pris en compte des éléments étrangers à ceux requis par l'art. 958e al. 2 CO. Elle cite en particulier le critère cité par la cour cantonale, de l'existence de rapports spécifiques entre les parties accréditant le caractère abusif de la procédure. La cour cantonale a cependant mentionné celui-ci en raison du fait qu'il répond à l'argument tiré du fait que la défenderesse fait l'objet de poursuites. En effet, celles-ci ayant été soit intentées par des sociétés contrôlées par l'administrateur principal de la demanderesse, soit provoquées par les décisions de celui-ci en son ancienne qualité d'administrateur de la défenderesse, la cour cantonale ne viole pas le droit en considérant que celles-ci n'accréditent pas le péril de la créance de la demanderesse.  
A juste titre, la cour cantonale considère en outre que le changement de siège social de la défenderesse intervenu en mai 2022 ne soulève pas de préoccupation particulière en lien avec les finances de la défenderesse. 
En outre, contrairement à ce que soutient la recourante, aucune action civile en paiement qui ne paraîtrait pas d'emblée dénuée de chances de succès n'est dirigée contre la défenderesse, de sorte que la créance de la demanderesse ne semble pas en péril pour cette raison non plus. Lorsqu'elle soutient avoir ouvert une action civile en paiement contre la défenderesse en se référant à sa procédure de mainlevée, la recourante confond manifestement ces deux institutions. 
Pour le surplus, la recourante invoque des circonstances étrangères à l'état de fait retenu par la cour cantonale, sans toutefois soutenir qu'elles auraient été omises de façon arbitraire, de sorte qu'il n'en sera pas tenu compte. 
La cour cantonale a donc, à bon droit, considéré que les éléments laissant penser que la créance de la demanderesse serait concrètement en péril, n'étaient pas réunis. Elle a, de plus, considéré que la demanderesse tentait d'exercer la faculté de consulter les comptes de la défenderesse dans un but qui n'est pas protégé par la loi, au vu des rapports particuliers existant entre les parties. 
 
5.4. Le grief de violation de l'art. 958e al. 2 CO doit donc être rejeté.  
 
6.  
Concernant la requête en prise d'inventaire, la recourante se plaint d'une violation des art. 83 al. 1 LP en lien avec l'art. 162 LP par la cour cantonale qui l'a rejetée. 
 
6.1. L'établissement de l'inventaire des biens prononcé par le tribunal de la faillite conformément à l'art. 162 LP est une mesure conservatoire visant à protéger les droits des créanciers. La mesure se limite à un contrôle des actifs pour le cas où la faillite serait déclarée (ATF 46 III 105 consid. 1). L'ordonnance de l'inventaire des biens par le tribunal de la faillite constitue ainsi une mesure provisionnelle au sens de l'art. 98 LTF (ATF 137 III 143 consid. 1.3 et les références citées). Seule la violation de droits constitutionnels peut donc être invoquée, avec les exigences de motivation que cela implique.  
 
6.2. Ne soulevant aucune violation d'un droit constitutionnel, la critique de la recourante est irrecevable (cf. supra consid. 2.1).  
 
7.  
Sur le vu de ce qui précède, le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable, aux frais de son auteure (art. 66 al. 1 LTF). La recourante versera à l'intimée une indemnité de dépens (art. 68 al. 1-2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 11 juin 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
Le Greffier : Botteron