Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
7B_108/2023
Arrêt du 11 septembre 2024
IIe Cour de droit pénal
Composition
MM. les Juges fédéraux Abrecht, Président,
Hurni et Hofmann.
Greffière : Mme Nasel.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Martin Ahlström, avocat,
recourant,
contre
Ministère public de la République et canton de Genève,
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy,
intimé.
Objet
Maxime d'accusation; actes d'ordre sexuel avec des enfants; contrainte sexuelle; viols; arbitraire,
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 17 mars 2023 (P/1542/2017 - AARP/99/2023).
Faits :
A.
Par jugement du 15 juin 2021, le Tribunal correctionnel de la République et canton de Genève (ci-après: le Tribunal correctionnel) a classé la procédure pénale dirigée contre A.________ pour les infractions d'actes d'ordre sexuel avec des enfants, de contrainte sexuelle et de viol relatives aux chiffres 1.1.1., 1.1.3. et 1.1.4. de l'acte d'accusation portant sur les faits qui auraient été commis au préjudice de B.________ en Angola et en Suisse entre le 1
er janvier 1990 et le 30 septembre 1992. Il a également classé la procédure pour l'infraction de tentative d'actes d'ordre sexuel avec des enfants visées sous chiffre 1.1.2. de l'acte d'accusation portant sur des faits susceptibles d'avoir été commis en Suisse entre en 1996 et le 31 décembre 2000. Pour le reste, A.________ a été acquitté des chefs d'accusation d'actes d'ordre sexuel avec des enfants, de tentative de cette infraction, de contrainte sexuelle et de viol au préjudice de B.________; il a en revanche été reconnu coupable de violation d'une obligation d'entretien et a été condamné à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à 30 fr. le jour, avec sursis pendant trois ans, peine complémentaire à celle prononcée par le Ministère public de la République et canton de Genève (ci-après: le Ministère public) le 12 novembre 2018.
B.
B.a. Saisie des appels formés par B.________ et sa mère, C.________, contre le jugement précité, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la cour cantonale ou l'autorité précédente) a rendu le 12 avril 2022 un arrêt préparatoire, dans lequel elle a examiné les questions de prescription et de compétence ratione loci des autorités genevoises. Elle n'est ainsi pas entrée en matière sur les appels des prénommées en ce qui concerne le classement de la procédure prononcé par le Tribunal correctionnel en lien avec les faits prétendument commis entre le 1
er janvier 1990 et le 30 septembre 1992 et entre en 1996 et le 31 décembre 2000. Elle a pour le surplus réservé la suite de la procédure, soit pour les infractions potentiellement commises entre le 1
er octobre 1992 et le 31 décembre 1994 ainsi qu'entre le 1
er janvier 1996 et le 24 juin 1996.
B.b. Par arrêt du 17 mars 2023, la cour cantonale a partiellement admis les appels formés par B.________ et sa mère contre le jugement du 15 juin 2021, en ce sens que A.________ a été condamné pour actes d'ordre sexuel avec des enfants, contrainte sexuelle, viols et violation d'une obligation d'entretien à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à 30 fr. le jour, avec sursis durant trois ans, peine complémentaire à celle prononcée le 12 novembre 2018 par le Ministère public, ainsi qu'à une peine privative de liberté de trois ans, sans sursis pour six mois et assortie du sursis partiel pour le surplus, le délai d'épreuve étant fixé à trois ans.
Elle a retenu en substance les faits suivants.
A une date indéterminée entre 1992 et le mois d'avril 1994, mais après le 1
er octobre 1992, à U.________, A.________ a pénétré vaginalement avec ses doigts la fille de son épouse C.________, B.________, née en 1984, alors qu'ils jouaient à la poupée. En outre, entre 1992 et le mois d'avril 1994, mais après le 1
er octobre 1992, à U.________, A.________ a à réitérées reprises introduit ses doigts dans le vagin de sa belle-fille alors qu'elle prenait sa douche et qu'il l'aidait à se laver. En tout cas à deux reprises, entre le 1
er octobre 1992 et le 31 décembre 1994, A.________ a commis des actes consistant à se tenir nu devant l'enfant en se tenant le sexe, à mettre son sexe dans la bouche de l'enfant, à obliger celle-ci à lui prodiguer des fellations et à subir des rapports sexuels complets.
C.
Par acte du 11 mai 2023, A.________ interjette un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt rendu le 17 mars 2023, en concluant principalement à sa réforme en ce sens qu'il soit libéré des chefs d'accusation d'actes d'ordre sexuel avec des enfants, de contrainte sexuelle et de viols. À titre subsidiaire, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il sollicite par ailleurs le bénéfice de l'assistance judiciaire et la désignation de son avocat en tant que défenseur d'office.
Considérant en droit :
1.
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en dernière instance cantonale (art. 80 al. 1 LTF) dans une cause pénale, le recours est recevable comme recours en matière pénale au sens des art. 78 ss LTF. Le recourant, qui a pris part à la procédure devant l'autorité précédente et a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée, a la qualité pour agir au sens de l'art. 81 al. 1 LTF. Le recours a pour le surplus été déposé en temps utile (art. 46 al. 1 let. a et 100 al. 1 LTF), si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière.
2.
2.1. Le recourant soutient qu'au vu "des incohérences et contradictions, les autorités cantonales se devaient d'effectuer des investigations à U.________ (auprès de personnes citées par la partie plaignante), auprès de l'association N.________ et auprès de l'hôpital O.________". Il fait valoir que sa condamnation en l'absence de ces actes d'instruction serait insoutenable. Ce faisant, le recourant se plaint d'arbitraire dans l'appréciation anticipée des preuves opérée par l'autorité précédente.
2.2. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure de recours se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. L'art. 389 al. 3 CPP règle les preuves complémentaires. Ainsi, la juridiction de recours administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours. Conformément à l'art. 139 al. 2 CPP, il n'y a pas lieu d'administrer des preuves sur des faits non pertinents, notoires, connus de l'autorité ou déjà suffisamment prouvés. Cette disposition codifie, pour la procédure pénale, la règle jurisprudentielle déduite de l'art. 29 al. 2 Cst. en matière d'appréciation anticipée des preuves (arrêts 6B_1087/2023 du 22 mai 2024 consid. 1.1.3; 6B_1138/2023 du 17 mai 2024 consid. 1.2.1; 6B_710/2023 du 25 avril 2024 consid. 2.1.2). Le refus d'instruire ne viole ainsi le droit d'être entendu des parties que si l'appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge a procédé, est entachée d'arbitraire (ATF 146 III 73 consid. 5.2.2; 144 II 427 consid. 3.1.3; 141 I 60 consid. 3.3; arrêt 6B_964/2023 du 17 avril 2024 consid. 2.1).
2.3. L'autorité précédente a en l'espèce jugé que l'on pouvait regretter, à l'instar des juges du Tribunal correctionnel, que des investigations plus poussées n'aient pas été entreprises au stade de la procédure préliminaire, ne serait-ce que pour entendre certains témoins (notamment l'amie de B.________ [ci-après: l'intimée] dont l'audition n'avait été sollicitée qu'en appel), tenter de retrouver des traces de la consultation de l'intimée auprès de l'association "N.________" à 18 ans, ou à l'hôpital O.________ à 22 ans, préciser les dates de présence des protagonistes en Suisse, voire encore analyser les appareils du recourant, afin de tenter d'étayer son éventuelle attirance pour les filles prépubères. L'autorité précédente a toutefois considéré que l'absence de ces éléments ne portait pas atteinte à la crédibilité globale de l'intimée, qu'elle a examinée aux pages 28 et suivantes de son arrêt (cf. également consid. 4infra).
Le recourant ne s'en prend pas à la motivation cantonale. On cherche en vain dans son écriture une quelconque motivation topique destinée à esquisser en quoi l'appréciation anticipée de la pertinence des moyens de preuves qu'il évoque serait arbitraire. Faute de griefs répondant aux exigences de motivation des art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF, l'argumentation du recourant est irrecevable.
3.
3.1. Le recourant fait valoir une violation des art. 9 al. 1 et 325 al. 1 CPP. Selon lui, le ch. 1.1.1. de l'acte d'accusation établi le 30 juillet 2020 serait une "description générale" qui n'exposerait pas avec la précision requise les actes reprochés ni la date ou le lieu où ils auraient été commis.
3.2. L'art. 9 CPP consacre la maxime d'accusation. Selon cette disposition, une infraction ne peut faire l'objet d'un jugement que si le ministère public a déposé auprès du tribunal compétent un acte d'accusation dirigé contre une personne déterminée sur la base de faits précisément décrits. En effet, le prévenu doit connaître exactement les faits qui lui sont imputés et les peines et mesures auxquelles il est exposé, afin qu'il puisse s'expliquer et préparer efficacement sa défense (ATF 143 IV 63 consid. 2.2; 141 IV 132 consid. 3.4.1). Le tribunal est lié par l'état de fait décrit dans l'acte d'accusation (principe de l'immutabilité de l'acte d'accusation), mais peut s'écarter de l'appréciation juridique qu'en fait le ministère public (art. 350 al. 1 CPP), à condition d'en informer les parties présentes et de les inviter à se prononcer (art. 344 CPP). Le principe de l'accusation découle également des art. 29 al. 2 Cst. (droit d'être entendu), 32 al. 2 Cst. (droit d'être informé, dans les plus brefs délais et de manière détaillée, des accusations portées contre soi) et 6 par. 3 let. a CEDH (droit d'être informé de la nature et de la cause de l'accusation; arrêts 6B_997/2023 du 28 mars 2024 consid. 2.1; 6B_836/2023 du 18 mars 2024 consid. 1.1).
Les art. 324 ss CPP règlent la mise en accusation, en particulier le contenu strict de l'acte d'accusation. Selon l'art. 325 al. 1 CPP, l'acte d'accusation désigne notamment, le plus brièvement possible, les actes reprochés au prévenu, le lieu, la date et l'heure de leur commission ainsi que leurs conséquences et le mode de procéder de l'auteur (let. f); les infractions réalisées et les dispositions légales applicables de l'avis du ministère public (let. g). En d'autres termes, l'acte d'accusation doit contenir les faits qui, de l'avis du ministère public, correspondent à tous les éléments constitutifs de l'infraction reprochée au prévenu. L'acte d'accusation définit l'objet du procès et sert également à informer le prévenu (fonctions de délimitation et d'information; ATF 143 IV 63 consid. 2.2; 141 IV 132 consid. 3.4.1; arrêt 6B_997/2023 précité consid. 2.2). Des imprécisions relatives au lieu ou à la date sont sans portée, dans la mesure où le prévenu ne peut pas avoir de doute sur le comportement qui lui est reproché (arrêts 6B_14/2023 du 5 février 2024 consid. 4.1.2; 6B_1460/2022 du 16 janvier 2024 consid. 5.1.2; 6B_191/2022 du 21 septembre 2022 consid. 2.1). S'agissant d'infractions d'ordre sexuel, l'indication temporelle d'une saison ou de plusieurs mois est en principe suffisante. La question de savoir si l'indication temporelle donnée est suffisamment précise doit être examinée concrètement, en tenant compte de tous les éléments mentionnés dans l'acte d'accusation (arrêts 6B_1254/2022 du 16 juin 2023 consid. 3.1; 6B_123/2020 du 26 novembre 2020 consid. 5.1; 6B_696/2019 du 24 septembre 2019 consid. 1.2.1).
3.3. En substance, l'acte d'accusation du 30 juillet 2020 décrit les actes reprochés au recourant de la manière suivante:
"1.1.1. Actes d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187 ch. 1 CP)
A.________ a intentionnellement, soit avec conscience et volonté, entre 1990 et 1994, tant en Angola qu'en Suisse, commis, à de très nombreuses reprises, soit à une fréquence d'une fois par semaine, des actes d'ordre sexuel sur sa belle-fille B.________, née en 1984, soit de l'âge de ses 6 ans et demi à ses 10 ans.
Ces actes consistaient à être nu devant elle en se tenant le sexe, à lui prendre toute sa joue dans sa bouche, à mettre son sexe dans sa bouche et à l'obliger à lui prodiguer des fellations, à la pénétrer vaginalement avec ses doigts ou encore à la pénétrer vaginalement avec son sexe.
Durant toute cette période, A.________ a usé de menaces et de pressions psychiques sur B.________ en lui disant que sa maman l'aimait beaucoup, qu'elle était la seule personne à qui il ne fallait pas faire de mal et que si sa maman apprenait qu'on lui faisait du mal, elle ne serait pas contente, exploitant ainsi l'infériorité cognitive ainsi que la dépendance émotionnelle de sa belle-fille inhérente aux rapports familiaux qui les unissait, pour empêcher qu'elle ne parle de ce qu'elle subissait.
-..]
E.
En particulier, à une date indéterminée, entre 1992 et le mois d'avril 1994, à U.________, dans les mêmes circonstances, alors qu'ils étaient en train de jouer à la poupée, A.________ a pénétré vaginalement B.________ avec ses doigts.
F.
En particulier, à plusieurs reprises, entre 1992 et le mois d'avril 1994, à U.________, dans les mêmes circonstances, A.________ a pénétré vaginalement B.________ avec ses doigts lorsque B.________ prenait sa douche et qu'il l'aidait à se laver.
-..]"
3.4. La période temporelle indiquée par l'acte d'accusation est certes large. On notera cependant que selon la jurisprudence, on ne peut pas exiger, en particulier en ce qui concerne des infractions répétées commises dans la cellule familiale, un inventaire détaillant chaque cas (arrêts 6B_1235/2023 du 8 juillet 2024 consid. 5.1; 6B_979/2021 du 11 avril 2022 consid. 5.3; 6B_1498/2020 du 29 novembre 2021 consid. 2.4 non publié in ATF 147 IV 505), et qu'il est suffisant, sous l'angle temporel, que les actes reprochés soient circonscrits de manière approximative (arrêts 6B_1235/2023 et 6B_979/2021 précités, ibidem). L'absence de mention de jours exacts dans l'acte d'accusation s'explique à l'évidence par l'incapacité de l'intimée de se souvenir précisément des dates exactes auxquelles sont intervenues les atteintes à son intégrité corporelle. On ne voit par ailleurs pas en quoi le fait d'ignorer à quelle date précise, entre 1990 et 1994, les événements ont pu prendre place aurait empêché le recourant de préparer efficacement sa défense, ce que ce dernier ne prétend d'ailleurs pas. Enfin, et contrairement à ce que soutient le prénommé, dans la mesure où l'acte d'accusation fait état de fellations et de pénétration vaginale avec les doigts et avec le sexe, il y a lieu de considérer qu'il indique de manière suffisamment précise les actes reprochés. Les fonctions de délimitation et d'information de l'acte d'accusation n'ont dès lors pas été mises en péril, de sorte que le grief tiré de la violation du principe d'accusation doit être rejeté.
4.
4.1. Le recourant conteste ensuite l'établissement des faits en lien avec sa condamnation pour les infractions d'actes d'ordre sexuel avec des enfants, de contrainte sexuelle et de viols commises au préjudice de l'intimée et fait valoir que l'autorité précédente aurait pris en compte des faits prescrits, violant en particulier la présomption d'innocence.
4.2.
4.2.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables. Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF; ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 143 IV 500 consid. 1.1). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1).
4.2.2. La présomption d'innocence, garantie par les art. 6 par. 2 CEDH, 14 par. 2 Pacte ONU II, 32 al. 1 Cst. et 10 CPP, ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 145 IV 154 consid. 1.1; 144 IV 345 consid. 2.2.3.1; 127 I 38 consid. 2a). En tant que règle sur le fardeau de la preuve, elle signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Comme règle d'appréciation des preuves (sur la portée et le sens précis de la règle sous cet angle, cf. ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3), la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant pas être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective. Lorsque l'appréciation des preuves et la constatation des faits sont critiquées en référence au principe in dubio pro reo, celui-ci n'a pas de portée plus large que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1 et les références citées).
4.2.3. Lorsque l'autorité cantonale a forgé sa conviction quant aux faits sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents, il ne suffit pas que l'un ou l'autre de ceux-ci ou même chacun d'eux pris isolément soit à lui seul insuffisant. L'appréciation des preuves doit en effet être examinée dans son ensemble. Il n'y a ainsi pas d'arbitraire si l'état de fait retenu pouvait être déduit de manière soutenable du rapprochement de divers éléments ou indices. De même, il n'y a pas d'arbitraire du seul fait qu'un ou plusieurs arguments corroboratifs apparaissent fragiles, si la solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un ou plusieurs arguments de nature à emporter la conviction (arrêts 7B_111/2023 du 31 juillet 2024 consid. 2.2; 6B_1257/2023 du 18 juin 2024 consid. 1.1; 6B_1256/2023 du 19 avril 2024 consid. 2.1).
4.2.4. Les déclarations de la victime constituent un élément de preuve. Le juge doit, dans l'évaluation globale de l'ensemble des éléments probatoires rassemblés au dossier, les apprécier librement (arrêts 7B_122/2023 du 1
er juillet 2024 consid. 3.4; 7B_72/2022 du 24 juillet 2023 consid. 2.3; 6B_894/2021 du 28 mars 2022 consid. 2.3, non publié in ATF 148 IV 234), sous réserve des cas particuliers où une expertise de la crédibilité des déclarations de la victime s'impose (cf. ATF 129 IV 179 consid. 2.4). Les cas de "déclarations contre déclarations", dans lesquels les déclarations de la victime en tant que principal élément à charge et les déclarations contradictoires de la personne accusée s'opposent, ne doivent pas nécessairement, sur la base du principe in dubio pro reo, conduire à un acquittement. L'appréciation définitive des déclarations des participants incombe au tribunal du fond (ATF 137 IV 122 consid. 3.3; arrêts 7B_122/2023, 7B_72/2022 et 6B_894/2021 précités, ibidem).
4.3.
4.3.1. En l'espèce, dans son arrêt préparatoire du 12 avril 2022, l'autorité précédente a relevé que le Tribunal correctionnel avait classé à raison la procédure s'agissant des infractions potentiellement commises entre 1
er janvier 1990 et le 30 septembre 1992 ainsi que de celles prétendument commises au-delà du 24 juin 1996, au motif notamment qu'elles étaient prescrites. Elle a jugé - ce qui n'est pas remis en cause par le recourant - que seules les éventuelles infractions non prescrites commises en Suisse entre le 1
er octobre 1992 et le 31 décembre 1994 ainsi qu'entre le 1
er janvier 1996 et le 24 juin 1996 seraient soumises à son examen.
Procédant à cet examen dans l'arrêt entrepris, l'autorité précédente a, sur la base de nombreux éléments qu'elle a largement exposés aux pages 28 et suivantes de son arrêt, dont les témoignages de tiers ainsi que des médecins de l'intimée, analysé les propos du recourant et ceux de l'intimée et a évalué leur crédibilité respective; elle a également étudié l'ensemble des pièces versées au dossier et a fourni des explications circonstanciées sur les raisons qui l'ont conduite à écarter la version du recourant et à retenir celle de l'intimée. Elle a, en substance, relevé que cette dernière s'était exprimée avec sincérité et constance; le très long processus de dévoilement n'était pas de nature à détruire la crédibilité de ses propos; l'intimée avait manifesté, au cours de la procédure, des émotions d'une grande ampleur lors de ses différentes auditions; il n'était en outre pas envisageable que l'intimée impute au recourant, par haine ou erreur, les faits d'un tiers (son violeur lorsqu'elle avait 22 ans et son harceleur en 2014), puisqu'elle avait parlé des abus subis alors qu'elle avait 18 - 19 ans. La cour cantonale a également précisé que le dossier ne présentait aucun indice de troubles psychologiques autres que ceux relevant du traumatisme en lien avec les faits; les médecins de l'intimée avaient également confirmé le caractère vraisemblable du processus de dévoilement qui avait suivi; un désir d'aider sa mère ou de renforcer sa position procédurale dans le cadre de la procédure civile en lien avec une obligation d'entretien par le recourant devait être exclu, dès lors que la mésentente du couple était largement antérieure au dépôt de plainte - en avril 2017 - et que deux décisions judiciaires civiles étaient intervenues avant l'ouverture de la présente procédure; une haine tenace envers son beau-père n'était pas non plus crédible puisqu'elle avait parlé de viols à son médecin et à son ami D.________ près de 14 ans avant de s'adresser à la justice. En définitive, nonobstant quelques hésitations et lacunes, l'autorité précédente a considéré que les déclarations de l'intimée étaient globalement crédibles.
4.3.2. De manière générale, le recourant se borne à opposer sa propre appréciation des preuves à celle opérée par la cour cantonale, sans toutefois démontrer en quoi son raisonnement serait arbitraire, en se fondant notamment sur des faits qui ne ressortent pas de l'arrêt entrepris ou qui ne sont pas susceptibles d'influer sur le sort de la cause. Il en va par exemple ainsi lorsqu'il avance que "le dossier fait ressortir l'existence d'abus commis au foyer P.________" sans faire référence à une pièce ou à une déclaration précise, qu'il ne serait pas le seul proche qui visitait le domicile de l'intimée en Afrique ou à U.________, que cette dernière avait une vie sexuelle "hyper chaotique" et que des témoins avaient attesté qu'il n'avait jamais eu de comportement ambigu avec des femmes ou des enfants dont il avait la charge. En particulier, que la rédaction par l'intimée de son journal intime ait débuté en 2000 ou en 2002, ou encore en 2014, comme l'allègue le recourant, importe peu, puisque, dans tous les cas, elle a commencé à l'écrire postérieurement aux faits dénoncés. Au demeurant, le recourant oublie qu'il ne s'agit que d'un élément parmi d'autres dont la cour cantonale a tenu compte et que la date à laquelle il a été écrit n'affecte en rien la crédibilité des propos tenus par l'intimée. A tout le moins n'était-il pas manifestement insoutenable de le retenir.
L'autorité précédente n'a par ailleurs pas ignoré que l'intimée avait elle-même évoqué les doutes - le recourant joue sur les mots lorsqu'il avance qu'il s'agirait en réalité d'une absence de souvenirs - qui l'avaient assaillie et sa propre difficulté à intégrer et mettre en mots ce qui lui était arrivé, à un âge où elle n'avait pas encore les ressources cognitives pour identifier les faits. Contrairement à ce que soutient le recourant, qui cherche à en déduire une contradiction dans les déclarations de l'intimée, l'évolution de celles-ci n'affecte pas sa crédibilité. En effet, sur ce point, la cour cantonale a considéré, sans que l'on puisse lui reprocher d'être tombée dans l'arbitraire, que le refus de l'intimée, dans un premier temps, de dénoncer les agissements du recourant était, comme le sentiment de culpabilité, un élément très fréquent dans des situations d'abus intrafamiliaux, notamment chez de jeunes enfants qui ne comprennent pas ce qu'ils vivent et enfouissent ces événements dans leur mémoire (cf. ATF 147 IV 409 consid. 5.4.1). Cela vaut d'autant plus lorsque la victime se trouve, comme l'a retenu à juste titre l'autorité précédente, dans un conflit de loyauté et que les conséquences d'un dévoilement sont d'emblée perceptibles pour la victime.
Pour le surplus, le recourant se contente de mettre en exergue les quelques variations et/ou légères imprécisions dans les déclarations de l'intimée au sujet notamment du pays, respectivement de l'appartement dans lequel les faits ont eu lieu. Il ne parvient toutefois pas à remettre en cause l'appréciation de l'autorité précédente, qui en a d'ailleurs tenu compte, ni à discréditer la version des faits donnée par la victime. Quant à l'"absence d'une quelconque trace" dans l'appartement à U.________ alléguée par le recourant, dès lors qu'il ressortirait de l'acte d'accusation que les viols dont l'intimée était victime impliquaient la "présence de sang", elle ne fait nullement apparaître comme arbitraires les éléments retenus à sa charge. Cela vaut d'autant plus qu'il ne ressort pas de l'arrêt entrepris que l'autorité précédente aurait considéré comme établie la présence de saignements sur la personne de l'intimée, du moins le recourant ne le prétend pas.
Pour le reste, l'autorité précédente pouvait, conformément au principe de la libre appréciation des preuves (art. 10 al. 2 CPP), se fonder sur un faisceau d'indices convergents pour retenir la culpabilité du recourant. A cet égard, ce dernier perd de vue que lorsque, comme en l'espèce, l'autorité précédente a forgé sa conviction quant aux faits sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents, il ne suffit pas que l'un ou l'autre de ceux-ci ou même chacun d'eux pris isolément soit à lui seul insuffisant; bien plutôt, l'appréciation des preuves doit être examinée dans son ensemble (cf. consid. 4.2.3
supra). Or, le recourant ne démontre pas qu'il était insoutenable - et il n'apparaît pas que tel soit le cas - de considérer, sur la base des déclarations des protagonistes ainsi que des témoins, respectivement du rapprochement de l'ensemble des éléments retenus par l'autorité précédente (cf. consid. 4.6.1 supra), que l'intimée avait bien été abusée sexuellement durant son enfance par le recourant.
4.4.
4.4.1. S'agissant ensuite des conséquences de certaines imprécisions en lien avec les dates lors desquelles les faits ont été commis, il est relevé ce qui suit. Il est en l'espèce établi que le petit frère de l'intimée, E.________, est né en 1994. Le recourant ne conteste pas que l'intimée et sa mère sont arrivées en Suisse en 1992 et qu'elles se sont installées dans un appartement à U.________. En outre, selon les propres déclarations du recourant, un appartement plus grand, toujours à U.________, avait été attribué à sa femme à la naissance de leur fils E.________. Dès lors que l'intimée a situé l'épisode dénoncé au ch. 1.1.1.E. de l'acte d'accusation dans le deuxième appartement de U.________, avant la naissance de son frère, on ne saurait reprocher à l'autorité précédente d'avoir fait preuve d'arbitraire en retenant que les faits en question étaient survenus pendant la période pénale, soit après le 1
er octobre 1992. Les déclarations de l'intimée selon lesquelles les faits avaient été principalement commis dans le premier appartement à U.________ ne rendent pas insoutenable cette appréciation.
4.4.2. En ce qui concerne le ch. 1.1.1.F. de l'acte d'accusation, dans lequel il est reproché au recourant d'avoir, entre 1992 et le mois d'avril 1994, à plusieurs reprises pénétré vaginalement sa belle-fille avec ses doigts alors qu'elle prenait sa douche, l'autorité précédente a considéré, en substance, que la crédibilité de l'intimée avait été admise et que la répétition des actes excluait de considérer qu'ils étaient tous intervenus avant le 1
er octobre 1992 et donc prescrits. Quant aux faits énumérés au chiffre 1.1.1. de l'acte d'accusation, l'autorité précédente a jugé que l'intimée avait fourni à ce propos des descriptions, que ce soit sous forme écrite (dans la "Lettre à mon violeur" ou les feuillets volants accompagnant son cahier) ou lors de ses auditions, de certains épisodes ou sensations dont elle se rappelait, qui devaient être tenus pour conformes à la réalité, au vu des éléments retenus (cf. consid. 4.3.1 supra); ainsi, le premier viol qui était intervenu en Europe, peu avant le huitième anniversaire de l'intimée, mentionnait en particulier des détails qui ne pouvaient pas avoir été inventés, telle la robe bleue portée ce jour-là et la Barbie sirène, offerte peu après, qui avait effectivement été mise sur le marché en 1992; bien que prescrit, cet événement renforçait la crédibilité de l'intimée, s'agissant de ceux qui avaient suivis. L'autorité précédente a ainsi conclu que le recourant devait être reconnu coupable pour ces faits; toutefois, compte tenu du caractère lacunaire des souvenirs de l'intimée, du nombre réduit d'exemples qu'elle avait été en mesure de fournir à l'appui de ses accusations et des fluctuations dans ses déclarations sur ce point, la régularité d'une fois par semaine ne pouvait pas être retenue, quand bien même la victime exposait de façon crédible que les faits s'étaient répétés. Le principe de la présomption d'innocence devant ici prévaloir, la cour cantonale a retenu que les faits s'étaient produits en tout cas à deux reprises en temps non prescrit, soit à partir du 1
er octobre 1992.
Le recourant se contente de dire à cet égard qu'en "théorie" il serait "possible" que certains actes se soient produits avant le 1
er octobre 1992 et d'autres après, respectivement que rien ne permettrait d'écarter qu'il y ait eu des actes répétés entre le 1
er janvier et le 30 septembre 1992 et qu'aucun élément du dossier ne permettrait de situer les actes dans le temps. Cette argumentation ne suffit pas non plus à faire apparaître comme insoutenable l'argumentation détaillée de la cour cantonale qui s'est fondée sur plusieurs éléments pour parvenir à la conclusion qu'une partie des faits dénoncés, constitutifs d'actes d'ordre sexuel avec un enfant et de viol, avaient eu lieu après le 1
er octobre 1992 et que le recourant devait être reconnu coupable pour ceux-ci.
4.5. En définitive, au vu des éléments à sa disposition, l'autorité précédente pouvait considérer, sans arbitraire et sans violer la présomption d'innocence, que le recourant avait commis les actes tels qu'ils ont été retenus.
5.
Le recourant ne formule aucune critique en droit quant à la réalisation des éléments constitutifs des infractions pour lesquelles il a été condamné, de sorte que la cause ne sera pas revue sous cet angle (art. 42 al. 2 LTF).
6.
Le recourant soutient enfin que la peine qui lui a été infligée violerait les art. 48 let. e et 101 al. 2 CP.
6.1. Selon l'art. 48 let. e CP, le juge atténue la peine si l'intérêt à punir a sensiblement diminué en raison du temps écoulé depuis l'infraction et que l'auteur s'est bien comporté dans l'intervalle.
La jurisprudence admet qu'il s'est écoulé un temps relativement long lorsque les deux tiers du délai de prescription de l'action pénale sont écoulés. Le juge peut toutefois réduire ce délai pour tenir compte de la nature et de la gravité de l'infraction (ATF 140 IV 145 consid. 3.1; 132 IV 1 consid. 6.1 et 6.2). Pour déterminer si l'action pénale est proche de la prescription, le juge doit se référer à la date à laquelle les faits ont été souverainement établis, et non au jugement de première instance (moment où cesse de courir la prescription selon l'art. 97 al. 3 CP). Ainsi, lorsque le condamné a fait appel, il faut prendre en considération le moment où le jugement de seconde instance a été rendu dès lors que ce recours a un effet dévolutif (cf. art. 398 al. 2 CPP; ATF 140 IV 145 consid. 3.1).
S'agissant d'infractions imprescriptibles au sens de l'art. 101 CP, l'al. 2 de cette disposition prévoit que le juge peut atténuer la peine dans le cas où l'action pénale est prescrite en vertu des art. 97 et 98 CP . Cette disposition précise l'art. 48 let. e CP en ce qui concerne les infractions imprescriptibles. Elle fixe ainsi le délai à partir duquel le juge peut atténuer la peine dans ce cadre. L'art. 48 let. e CP n'est par conséquent pas applicable aux crimes imprescriptibles (ATF 140 IV 145 consid. 3.2). Aux termes de l'art. 101 al. 1 let. e CP, sont notamment imprescriptibles les actes d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187 ch. 1 CP), la contrainte sexuelle (art. 189 CP) et le viol (art. 190 CP), lorsqu'ils ont été commis sur des enfants de moins de 12 ans. L'art. 101 al. 1 let. e CP est applicable si l'action pénale ou la peine n'était pas prescrite le 30 novembre 2008 en vertu du droit applicable à cette date.
6.2. En l'occurrence, l'autorité précédente a jugé que l'art. 101 al. 1 let. e CP était applicable; elle a ainsi considéré que la circonstance atténuante de l'écoulement du temps devait être retenue au bénéfice du recourant et que la peine, initialement fixée à 4 ans et 4 mois, devait être réduite à une peine globale de 3 ans. Le recourant se contente d'affirmer qu'il aurait eu un bon comportement et qu'il serait inséré professionnellement, de sorte qu'une peine ferme serait particulièrement excessive. Ce faisant, il ne démontre aucunement en quoi l'autorité précédente n'aurait pas suffisamment réduit la sanction sur la base de cette disposition, ni en quoi elle aurait outrepassé son large pouvoir d'appréciation en la matière. Le grief de violation de l'art. 48 let. e CP est au surplus infondé, puisque cette disposition n'est pas applicable aux crimes imprescriptibles tels que ceux retenus, ce que le recourant ne conteste pas.
6.3. Pour le reste, le recourant ne cite aucun élément important, propre à modifier la peine, qui aurait été omis ou pris en considération à tort par l'autorité précédente, ni ne démontre que cette dernière aurait dû pondérer différemment l'un ou l'autre élément.
7.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Comme il était d'emblée dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires; ceux-ci seront toutefois fixés en tenant compte de sa situation financière, laquelle n'apparaît pas favorable (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public de la République et canton de Genève et à la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice de la République et canton de Genève.
Lausanne, le 11 septembre 2024
Au nom de la IIe Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Abrecht
La Greffière : Nasel