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[AZA 0/2] 
 
4P.230/2001 
 
Ie COUR CIVILE 
**************************** 
 
12 février 2002 
 
Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz et 
Favre, juges. Greffier: M. Ramelet. 
 
_____________ 
 
Statuant sur le recours de droit public 
formé par 
C.________, représenté par Me Jean-Pierre Moser, avocat à Lausanne, 
 
contre 
l'arrêt rendu le 15 août 2001 par la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois dans la cause qui oppose le recourant à dame N.________, J.________ et T.________, tous trois représentés par Me Laurent Trivelli, avocat à Lausanne; 
 
(motivation tardive) 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent 
les faits suivants: 
 
A.- Par jugement rendu le 24 juillet 2000, dont les considérants ont été communiqués le 5 mars 2001, la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois a condamné C.________ à payer à dame N.________, J.________ et T.________, solidairement entre eux, la somme de 200 000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 12 janvier 1993. 
 
En résumé, la cour cantonale a constaté que C.________, qui était administrateur unique de la société X.________ S.A. (dont la faillite a été prononcée le 12 janvier 1993), a omis par négligence de faire dresser les comptes annuels pour les exercices de 1989 à 1992, ce qui l'a placé dans l'impossibilité de constater que la société était surendettée à la fin de l'exercice 1991 et que le bilan devait en conséquence être déposé; la faillite de la société en a été retardée et il a été retenu que l'administrateur avait ainsi causé à la société, en violant fautivement ses devoirs, un préjudice équivalant au moins aux 200 000 fr. réclamés par dame N.________, J.________ et T.________, agissant en tant que cessionnaires des droits de la masse. 
 
B.- C.________ a interjeté un recours auprès de la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois. 
 
Cette juridiction lui a imparti un délai au 23 avril 2001 pour déposer son mémoire de recours. 
 
L'avocat du recourant ayant fait valoir qu'il était surchargé de travail, la juridiction cantonale a prolongé le délai au 23 mai 2001. 
 
Invoquant des travaux imprévus et urgents, l'avocat du recourant a obtenu une nouvelle prolongation du délai jusqu'au 8 juin 2001. 
 
Soutenant qu'il était débordé, l'avocat a obtenu une troisième prolongation du délai au 14 juin 2001. Par avis du 11 juin 2001, la cour cantonale l'a cependant informé que ce délai ne serait plus prolongé. 
 
Le dernier jour du délai (le 14 juin 2001), l'avocat a sollicité une nouvelle prolongation en faisant état de la maladie de ses deux secrétaires. 
 
Le 15 juin 2001, le Président de la Chambre des recours a rejeté la demande de prolongation. 
 
Le 18 juin 2001, le recourant a alors sollicité une restitution de délai en produisant deux certificats médicaux concernant ses secrétaires et déposé un mémoire de recours. 
 
Par arrêt du 15 août 2001, la Chambre des recours a constaté que la décision de son président n'était pas susceptible d'un recours, qu'il n'y avait pas lieu à restitution de délai et que, dès l'instant où le mémoire du recourant avait été déposé hors délai, le recours contre le jugement de la Cour civile devait être écarté pour n'avoir pas été motivé dans le délai imparti. 
 
C.- C.________ forme un recours de droit public au Tribunal fédéral. Invoquant la violation de divers droits constitutionnels, il conclut à l'annulation et de l'arrêt de la Chambre des recours du 15 août 2001 et de la décision prise par le président de ladite cour le 15 juin 2001. 
 
Les intimés concluent au rejet du recours, alors que l'autorité cantonale déclare se référer aux considérants de son arrêt. 
 
Considérant en droit : 
 
1.- a) Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre une décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ). 
 
 
L'arrêt rendu par la cour cantonale, qui est final, n'est susceptible d'aucun autre moyen de droit sur le plan fédéral ou cantonal dans la mesure où le recourant invoque la violation directe d'un droit de rang constitutionnel, de sorte que la règle de la subsidiarité du recours de droit public est respectée (art. 84 al. 2 et 86 al. 1 OJ). Il n'est pas exclu d'attaquer en cette occasion une décision préjudicielle ou incidente (art. 87 al. 3 OJ). 
 
Le recourant est personnellement touché par la décision attaquée, qui a pour effet d'écarter définitivement son recours, de sorte qu'il a un intérêt personnel, actuel et juridiquement protégé à ce que cette décision n'ait pas été prise en violation de ses droits constitutionnels; en conséquence, il a qualité pour recourir (art. 88 OJ). 
 
Interjeté en temps utile (art. 89 al. 1, 32 al. 2 OJ, art. 1 de la loi fédérale du 21 juin 1963 sur la supputation des délais comprenant un samedi, RS 173. 110.3), dans la forme prévue par la loi (art. 90 al. 1 OJ), le recours est en principe recevable. 
 
Hormis certaines exceptions qui ne sont pas réalisées en l'espèce, il n'a qu'un caractère cassatoire (ATF 127 III 279 consid. 1b; 127 II 1 consid. 2c; 126 III 534 consid. 1c). 
 
 
b) Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 127 I 38 consid. 3c; 127 III 279 consid. 1c; 126 III 524 consid. 1c, 534 consid. 1b). 
 
 
 
En partant de la décision attaquée, le recourant doit indiquer quel droit constitutionnel aurait été violé; pour chacun des droits invoqués, il doit expliquer de manière circonstanciée en quoi consisterait la violation. Ce n'est qu'à ces conditions qu'il est possible d'entrer en matière (cf. ATF 110 Ia 1 consid. 2a). 
 
En l'espèce, l'acte de recours est loin de répondre à ces exigences. Le recourant invoque l'arbitraire en citant tantôt l'ancien art. 4 Cst. , tantôt le nouvel art. 9 Cst. ; il évoque longuement ce qui lui paraît la bonne application du droit cantonal, perdant de vue que le recours de droit public n'est pas un appel; il ponctue ces diverses récriminations contre l'arrêt cantonal de la référence plus ou moins désordonnée à de nombreux droits constitutionnels. Il ne sera donc possible d'entrer en matière que dans la mesure où un droit constitutionnel a été invoqué et que l'on parvient à discerner en quoi pourrait consister sa violation. 
 
2.- a) Le recourant se plaint d'excès de formalisme. 
 
Selon la jurisprudence, il y a formalisme excessif, prohibé par les art. 9 et 29 al. 1 Cst. , lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi et complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 127 I 31 consid. 2a/bb; 125 I 166 consid. 3a; 121 I 177 consid. 2b/aa et les références). 
 
Le bon fonctionnement d'une voie de recours suppose que l'autorité sache de quoi se plaint le recourant et sur quels points doit porter son examen. Il est ainsi tout-à-fait fondé en droit d'exiger de la part d'un recourant qu'il motive son recours. Comme le principe de célérité s'applique également en matière civile et au stade d'un recours (cf. art. 29 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH), la procédure de recours ne saurait rester indéfiniment en suspens; il est donc parfaitement légitime d'imposer au recourant de fournir sa motivation dans un certain délai, faute de quoi son recours sera écarté. 
 
 
Il n'y a pas trace d'un excès de formalisme dans les règles cantonales en cause et dans leur application. La seule question qui se pose - comme on le verra - est de savoir si l'autorité cantonale a exercé son pouvoir d'appréciation de manière arbitraire en considérant que les circonstances ne justifiaient pas un délai supplémentaire. 
 
b) Le recourant se plaint d'un déni de justice. 
 
Il y a déni de justice formel, prohibé par les art. 29 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH, lorsqu'une autorité se refuse à statuer bien qu'elle y soit obligée (ATF 124 V 130 consid. 4; 107 Ib 160 consid. 3b). 
 
 
 
En l'espèce, le président de la cour cantonale a statué sur la demande de prolongation (en la refusant) et la cour cantonale a statué sur les conclusions du recourant (déclarant irrecevable le recours contre la décision du président, refusant une restitution de délai et écartant le recours contre la décision de la Cour civile). Il n'y a pas l'ombre d'un déni de justice formel. Que le recourant ne soit pas satisfait des décisions rendues n'a aucun rapport avec ce grief constitutionnel. 
 
c) Le recourant invoque le principe de la bonne foi due par l'administration. 
 
Ce principe, déduit directement de l'art. 9 Cst. , donne au citoyen, à certaines conditions, le droit d'être protégé dans la confiance légitime qu'il a mis dans des assurances données par une autorité compétente (cf. ATF 127 I 31 consid. 3a; 125 I 209 consid. 9c, 267 consid. 4c; 122 II 113 consid. 3b/cc; 121 II 473 consid. 2c; 121 V 65 consid. 2a). 
 
Le recourant évoque à ce propos une conversation téléphonique avec le président de la cour cantonale. 
 
Il faut tout d'abord observer que l'existence de cette conversation téléphonique n'est pas établie dans la procédure. 
 
De toute manière, le recourant explique lui-même que le président lui aurait dit qu'une prolongation était possible avec l'accord de la partie adverse. Dès lors que le recourant admet que la partie adverse n'a pas donné son accord, la condition n'était pas réalisée et le recourant ne pouvait déduire de cette conversation aucune assurance que la prolongation serait accordée même contre la volonté des intimés. 
 
On ne trouve pas trace d'une violation du principe de la bonne foi. 
 
Comme le recourant avait été expressément informé que le délai ne serait pas prolongé, le refus de la prolongation n'a pas eu un effet de surprise qui puisse justifier - comme le soutient le recourant - un ultime délai de grâce au titre de la bonne foi. 
 
d) Le recourant invoque le droit d'accès à la justice découlant des art. 29 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH. 
 
L'accès à une autorité de recours n'est pas entravé de manière excessive par l'exigence d'une motivation expliquant sur quels points la décision entreprise est querellée. 
Le recourant a disposé d'un délai amplement suffisant pour déposer sa motivation, de sorte que ce grief est totalement privé de fondement. 
 
e) Le recourant se prévaut du droit à un procès équitable, garanti par les art. 29 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH. On ne voit pas cependant en quoi ce grief se distinguerait de celui d'arbitraire invoqué parallèlement. Faute d'une motivation répondant aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, il n'y a pas lieu de traiter ce grief séparément. 
 
Le recourant invoque une violation du droit d'être entendu, découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. On cherche vainement comment il aurait été privé de la possibilité de faire valoir ses moyens en faveur d'un délai supplémentaire, que ce soit devant le président de la cour ou devant la cour elle-même. Le délai total accordé pour déposer la motivation était indubitablement suffisant pour y procéder, de sorte que le recourant n'a pas été empêché de s'exprimer. Ce grief est dépourvu de tout fondement. 
 
Le recourant fait appel à plusieurs reprises à l'art. 5 al. 2 Cst. et au principe de la proportionnalité. La disposition constitutionnelle visée a pour but de régir l'activité de l'Etat; elle ne consacre pas un droit constitutionnel des citoyens (lesquels sont énumérés aux art. 7 ss Cst.), qui puisse donner matière à un recours de droit public (cf. 
art. 84 al. 1 let. a OJ). 
 
De jurisprudence constante, le principe de la proportionnalité n'est pas en lui-même un droit constitutionnel des citoyens (ATF 125 I 161 consid. 2b; 123 I 1 consid. 10). 
 
Le recourant se réfère parfois à l'art. 4 aCst. 
Cette disposition étant abrogée au moment de la prise des décisions déférées, elle n'est évidemment pas applicable et le recourant ne peut en tirer aucun droit. 
 
f) Le recourant invoque enfin l'interdiction de l'arbitraire. 
 
aa) Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst. , ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable; le Tribunal fédéral ne s'écarte de la décision attaquée que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté, ou encore lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. 
Pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 127 I 54 consid. 2b; 126 I 168 consid. 3a; 125 I 166 consid. 2a; 125 II 10 consid. 3a, 129 consid. 5b). 
 
bb) Le recourant a disposé de près de trois mois pour motiver son recours, ce qui est nettement supérieur, par comparaison, au délai fixé par le droit fédéral pour motiver un recours de droit public (cf. art. 89 al. 1 OJ). Il était d'ailleurs conscient d'avoir épuisé l'indulgence de l'autorité puisqu'il avait lui-même qualifié le délai au 14 juin 2001 d'ultime prolongation (recours p. 3 ch. 3). La cour cantonale l'avait clairement averti que ce délai ne serait plus prolongé. 
Le recourant (et son avocat) devait donc savoir que ce délai devait absolument être respecté et que l'autorité se montrerait stricte. Le recourant fait valoir que l'une des secrétaires de son avocat est tombée malade le 12 juin 2001 et l'autre le lendemain. Il ne prétend pas que la dactylographie de son texte avait commencé. On peut déjà se demander si le fait d'attendre la veille de l'expiration du délai pour donner un mémoire à la dactylographie ne constitue pas une négligence. Quoi qu'il en soit, le recourant n'établit pas avoir entrepris la moindre démarche, par exemple auprès d'une entreprise de travail temporaire, pour obtenir la mise à disposition d'une secrétaire en urgence. Surtout, on sait que le recourant avait déposé un recours de droit public (cause 4P.94/2001), dans lequel - selon ses propres explications - il avait invoqué en substance les mêmes griefs que ceux qu'il comptait faire valoir devant la cour cantonale; il semble donc qu'il lui aurait été facile, même sans l'aide d'une secrétaire, d'élaborer son mémoire sur cette base, que ce soit à l'aide du traitement de texte ou d'une photocopieuse. Au demeurant, le recourant n'allègue même pas que le droit cantonal l'aurait empêché de déposer son manuscrit. Pour avoir admis que la maladie des secrétaires ne créait pas un véritable empêchement en présence d'un ultime délai, l'autorité cantonale n'a pas statué arbitrairement. 
 
cc) Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir jugé qu'il n'y avait pas de recours contre la décision de son président et d'avoir statué elle-même (au lieu du président) sur la demande de restitution de délai. Ces questions de compétence ou de voies de recours ne pourraient être examinées que sous l'angle restreint de l'arbitraire. Encore faudrait-il pour cela que le recourant indique quelle disposition cantonale aurait été violée et explique en quoi consiste l'arbitraire (ATF 110 Ia 1 consid. 2a). 
En l'espèce, il apparaît que la cour cantonale, sous l'angle de la demande en restitution de délai, s'est penchée sur la question pertinente, qui était de savoir si la maladie des secrétaires exigeait un délai supplémentaire. 
Ainsi, les deux autorités dont la compétence entre en considération (le président et la cour) ont l'une et l'autre examiné la même question et l'ont tranchée dans le même sens (sans arbitraire comme on vient de le voir). Dès lors, on ne voit pas comment ces questions de compétence cantonale pourraient faire apparaître la décision attaquée comme arbitraire dans son résultat. 
 
Au demeurant, les explications données par le recourant sont impropres à démontrer l'arbitraire dans l'application du droit cantonal. En particulier, l'art. 489 CPC vaud. invoqué par le recourant vise manifestement une hypothèse de déni de justice formel (cf. Poudret/Wurzburger/Haldy, Procédure civile vaudoise, 2e éd., n. 1 ad art. 489 CPC vaud.). Or, le président, qui refuse d'accorder un nouveau délai et transmet le dossier à la cour pour décision sur la recevabilité, prend les mesures nécessaires à l'avancement du procès; on ne saurait dire qu'il refuse de procéder au sens de la disposition cantonale. En tout cas, cette interprétation n'est pas arbitraire. 
 
3.- Il suit de là que le recours doit être rejeté. 
Les frais et dépens doivent être mis à la charge du recourant qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, 
 
le Tribunal fédéral : 
 
1. Rejette le recours; 
 
2. Met un émolument judiciaire de 6000 fr. à la charge du recourant; 
 
3. Dit que le recourant versera aux intimés, solidairement entre eux, une indemnité de 6000 fr. à titre de dépens; 
 
4. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et à la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois. 
 
___________ 
Lausanne, le 12 février 2002 ECH 
 
Au nom de la Ie Cour civile 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE: 
Le Président, 
 
Le Greffier,