Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1C_91/2023
Arrêt du 12 février 2024
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président,
Chaix, Haag, Müller et Merz.
Greffière : Mme Tornay Schaller.
Participants à la procédure
A.________,
B.________ SA,
C.________,
tous les trois représentés par Me François Bellanger, avocat, Poncet Turrettini Avocats,
recourants,
contre
Conseil d'Etat du canton de Genève,
rue de l'Hôtel-de-Ville 2, 1204 Genève.
Objet
Protection de l'environnement; réglementation cantonale sur l'énergie,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre constitutionnelle, du 9 décembre 2022 (ACST/21/2022 - A/1622/2022-ABST).
Faits :
A.
Le 13 avril 2022, le Conseil d'Etat du canton de Genève a notamment adopté les modifications suivantes du règlement d'application de la loi sur l'énergie du 31 août 1988 (REn; RSG L 2 30.01) :
Section 3A Installations productrices de chaleur du chapitre IV (nouvelle)
Art. 13M Principe (nouveau)
1 Lors de la mise en place, du remplacement ou de la transformation d'une installation productrice de chaleur, celle-ci doit être alimentée prioritairement et dans toute la mesure du possible par des énergies renouvelables ou des rejets de chaleur.
2 Pour le chauffage et la production d'eau chaude sanitaire d'un bâtiment, l'énergie issue d'une pompe à chaleur est assimilée à une énergie renouvelable.
3 Le changement du brûleur ou de tout autre composant annexe d'une installation productrice de chaleur datant de 20 ans ou plus équivaut à une transformation d'une installation au sens de l'article 21, alinéa 2, de la loi.
4 Les pompes à chaleur réversibles utilisées pour la production de froid de confort sont soumises au régime de l'autorisation énergétique de climatisation de confort au sens de l'article 13H.
5 Par système de chaleur force ou cogénération au sens de l'article 21, alinéa 1, de la loi, on entend un système ou une installation produisant simultanément de la chaleur et de l'électricité, qui est en règle générale pilotée par les besoins de chaleur.
6 Les prescriptions énergétiques visées à l'article 12I du présent règlement sont réservées.
Art. 13N Installations productrices de chaleur alimentées en combustibles fossiles ou en bivalence (nouveau)
1 La mise en place, le remplacement ou la transformation d'une installation productrice de chaleur alimentée en combustibles fossiles est soumis à autorisation énergétique au sens de l'article 13D dès une puissance thermique nominale globale de 5 kW.
2 Par couverture raisonnable de la demande d'énergie au moyen d'énergies renouvelables ou de rejets de chaleur au sens de l'article 21, alinéa 3, lettre a, de la loi, on entend la présence d'une ressource d'énergie renouvelable ou de rejets de chaleur disponibles en quantité suffisante pour être exploitée à des coûts non disproportionnés.
3 Par meilleure technologie disponible au sens de l'article 21, alinéa 3, lettre b, de la loi, on entend celle qui permet le plus de limiter les émissions de polluants pour un même degré d'efficacité énergétique.
4 Par installation présentant un haut degré d'efficacité énergétique au sens de l'article 21, alinéa 3, lettre b, de la loi, on entend :
a) une installation productrice de chaleur à condensation alimentant en basse température un bâtiment présentant une efficacité énergétique globale de classe D selon le certificat énergétique cantonal des bâtiments; ou
b) une installation productrice de chaleur à condensation alimentant en basse température un bâtiment dont le volume chauffé répond au minimum aux exigences de la recommandation SIA 380/1, édition 1988, et qui intègre une production d'énergie renouvelable couvrant 30 % des besoins globaux de chaleur.
5 Lorsqu'une installation productrice de chaleur alimentée en combustibles fossiles est soumise à autorisation, la personne requérante remet au département un justificatif selon lequel l'installation s'intègre dans une vision globale du ou des bâtiments qu'elle alimente et tient compte de l'évolution de l'ensemble des besoins thermiques de l'environnement bâti de manière à limiter au maximum les besoins en énergie, notamment en évitant la multiplication des installations.
6 Sont réservées les dispositions d'autres règlements, notamment du règlement sur la protection de l'air, du 22 février 2012, et du règlement d'application de la loi sur le ramonage et les contrôles spécifiques des émanations de fumée, du 24 mars 1982.
Ces modifications sont entrées en vigueur le 20 avril 2022.
B.
A.________, propriétaire d'une maison chauffée au mazout, B.________ SA et C.________ ont interjeté un recours auprès de la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) contre certains articles du REn, demandant principalement l'annulation des nouveaux art. 13M et 13N REn. Par arrêt du 9 décembre 2022, la Cour de justice a rejeté le recours.
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________, B.________ SA et C.________ demandent principalement au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 9 décembre 2022, de supprimer l'art. 13M al. 3 et al. 4, l'art. 13N al. 1 et al. 2 REn et de supprimer la mention "ou en bivalence" de l'intitulé de l'art. 13N REn. Ils concluent subsidiairement à l'annulation des art. 13M et 13N REn et de l'art. 1 du règlement du 13 avril 2022 modifiant le REn en tant qu'il introduit les nouveaux art. 13M et 13N REn.
La Cour de justice s'en rapporte à justice quant à la recevabilité du recours et persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Le Conseil d'Etat conclut au rejet du recours. Les recourants ont répliqué.
Considérant en droit :
1.
Selon l'art. 82 let. b LTF, le recours en matière de droit public est ouvert contre les actes normatifs cantonaux. Lorsque le droit cantonal prévoit un recours contre les actes normatifs, l'art. 86 LTF est applicable (art. 87 al. 2 LTF); dans une telle hypothèse, le Tribunal fédéral ne statue qu'après épuisement des instances cantonales, en l'occurrence la Cour de justice. Le recourant peut alors conclure à l'annulation non seulement de la décision de dernière instance cantonale, mais aussi de l'acte normatif litigieux (ATF 141 I 36 consid. 1.2.2).
1.1. L'art. 89 al. 1 LTF confère la qualité pour former un recours en matière de droit public à quiconque est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué (let. b) et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (let. c). Lorsque l'acte attaqué est un acte normatif, l'intérêt personnel requis peut être simplement virtuel; il suffit qu'il existe un minimum de vraisemblance que le recourant puisse se voir un jour appliquer les dispositions contestées (ATF 149 I 191 consid. 1.3.1 et les arrêts cités). Quant à l'intérêt digne de protection, il n'est pas nécessaire qu'il soit de nature juridique, un intérêt de fait étant suffisant (ATF 148 I 160 consid. 1.4).
En l'occurrence, A.________ est propriétaire d'une maison chauffée au mazout dans le canton de Genève. Il est ainsi susceptible de se voir appliquer un jour les dispositions du REn qu'il conteste. Cela suffit pour admettre sa qualité pour agir. La question de la qualité pour recourir de B.________ SA et de C.________ peut demeurer indécise.
1.2. Les autres conditions de recevabilité sont remplies, de sorte qu'il y a en principe lieu d'entrer en matière.
2.
Dans le cadre d'un contrôle abstrait des normes, le Tribunal fédéral examine librement la conformité d'un acte normatif au droit supérieur; il applique d'office le droit fédéral (art. 106 al. 1 LTF). Toutefois, étant donné que les exigences de motivation s'appliquent aussi au recours contre les actes normatifs cantonaux, il est nécessaire, conformément à l' art. 42 al. 1 et 2 LTF , d'expliquer en quoi l'acte attaqué viole la loi. Le Tribunal fédéral n'est donc pas tenu d'examiner toutes les questions juridiques qui se posent si elles ne sont pas soulevées par le recours (ATF 149 I 105 consid. 2.1 et les arrêts cités). De plus, lorsque les recourants se prévalent, comme en l'espèce, de la violation de droits fondamentaux, le Tribunal fédéral n'examine les griefs que s'ils ont été explicitement soulevés et motivés de manière claire et précise (art. 106 al. 2 LTF; ATF 149 I 105 consid. 2.1).
Par ailleurs, le Tribunal fédéral s'impose une certaine retenue eu égard notamment aux principes découlant du fédéralisme et de la proportionnalité. Dans ce contexte, ce qui est décisif, c'est que la norme mise en cause puisse, d'après les principes d'interprétation reconnus, se voir attribuer un sens compatible avec les droits fondamentaux invoqués. Le Tribunal fédéral n'annule dès lors une norme cantonale que lorsque celle-ci ne se prête à aucune interprétation conforme à la Constitution ou au droit supérieur. Pour en juger, il faut notamment tenir compte de la portée de l'atteinte aux droits fondamentaux en cause, de la possibilité d'obtenir ultérieurement, par un contrôle concret de la norme, une protection juridique suffisante, et des circonstances concrètes dans lesquelles ladite norme sera appliquée (ATF 148 I 160 consid. 2 et les arrêts cités).
Le juge constitutionnel ne doit pas se borner à traiter le problème de manière purement abstraite, mais il lui incombe de prendre en compte dans son analyse la vraisemblance d'une application conforme aux droits fondamentaux. Si une réglementation de portée générale apparaît comme défendable au regard du droit supérieur dans des situations normales, telles que le législateur pouvait les prévoir, l'éventualité que, dans certains cas, son application puisse se révéler inconstitutionnelle ne saurait en principe justifier une intervention du juge au stade du contrôle abstrait des normes (ATF 148 I 160 consid. 2 et les arrêts cités).
3.
Les recourants font valoir que les art. 13M al. 3 REn (consid. 3.2), 13M al. 4 REn (consid. 3.3) et 13N al. 2 REn (consid. 3.3) seraient contraires au principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst.).
3.1. Le principe de la légalité, consacré à l'art. 5 al. 1 Cst., exige que les autorités n'agissent que dans le cadre fixé par la loi. Hormis en droit pénal et fiscal où il a une signification particulière, le principe de la légalité n'est pas un droit constitutionnel du citoyen. Il s'agit d'un principe constitutionnel qui ne peut pas être invoqué en tant que tel, mais seulement en relation avec la violation, notamment, du principe de la séparation des pouvoirs, de l'égalité, de l'interdiction de l'arbitraire ou la violation d'un droit fondamental spécial (ATF 134 I 322 consid. 2.1).
Comme le prévoit l'art. 109 al. 4 de la constitution du canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE; RS 131.234), le Conseil d'Etat est chargé d'édicter les règlements d'exécution des lois adoptées par le Grand Conseil. Ceux-ci ne peuvent contenir que des règles secondaires, qui ne font que préciser ce qui se trouve déjà dans la loi (ATF 134 I 322 consid. 2.4 et les références). Le Conseil d'Etat peut aussi, bien que cela ne soit pas expressément prévu par la constitution cantonale, adopter des ordonnances de substitution dépendantes, lorsque le législateur le met au bénéfice d'une délégation législative (cf., en droit fédéral, l'art. 164 al. 2 Cst.); celle-ci doit notamment figurer dans une loi au sens formel, et le cadre de la délégation, qui doit être clairement défini, ne doit pas être dépassé. Les règles les plus importantes doivent en tout cas figurer dans la loi (ATF 134 I 322 consid. 2.4 et les arrêts cités).
3.2. L'art. 13M al. 3 REn, intitulé "Principe", prévoit que le changement du brûleur ou de tout autre composant annexe d'une installation productrice de chaleur datant de 20 ans ou plus équivaut à une transformation d'une installation au sens de l'art. 21 al. 2 de la loi genevoise sur l'énergie du 18 septembre 1986 (LEn; RSG L 2 30).
Cet article s'applique aussi bien aux installations alimentées en tout ou en partie en combustibles fossiles qu'à celles alimentées en combustibles d'origine renouvelable; il assimile le changement du brûleur ou de tout autre composant annexe d'une telle installation productrice de chaleur datant de vingt ans ou plus à une transformation d'une installation au sens de l'art. 21 al. 2 LEn, lequel soumet notamment toute transformation d'une installation productrice de chaleur à autorisation.
3.2.1. L'art. 21 LEn a trait aux installations productrices de chaleur et a la teneur suivante:
1 Afin d'éviter le gaspillage d'énergie lors de la production de chaleur, l'autorité compétente encourage les systèmes chaleur-force, lorsque les conditions techniques et économiques sont réunies.
2 La mise en place, le renouvellement ou la transformation d'une installation productrice de chaleur, d'une puissance supérieure à un seuil fixé par le règlement et alimentée en combustibles fossiles ou d'origine renouvelable telle qu'une chaudière est soumise à autorisation de l'autorité compétente.
3 L'autorisation relative aux installations alimentées en combustibles fossiles n'est accordée que si la preuve est apportée par le requérant que:
a) la demande d'énergie ne peut pas être raisonnablement couverte au moyen d'énergies renouvelables ou de rejets de chaleur,
b) l'installation intègre la meilleure technologie disponible et présente un haut degré d'efficacité exergétique et
c) répond aux prescriptions fixées par le règlement dans les domaines régis par l'art. 14 al. 1 let. e LEn.
4 L'autorisation relative aux installations alimentées en combustibles d'origine renouvelable n'est accordée que si la preuve est apportée par le requérant que:
a) la demande d'énergie ne peut pas être raisonnablement couverte au moyen de rejets de chaleur,
b) l'installation intègre la meilleure technologie disponible et présente un haut degré d'efficacité exergétique et
c) répond aux prescriptions fixées par le règlement dans les domaines régis par l'art. 14 al. 1 let. e LEn.
5 Le règlement peut prévoir des cas de dispense d'autorisation pour les installations alimentées en combustibles d'origine renouvelable.
6 Lorsqu'une autorisation n'est pas requise, le propriétaire de l'installation remet à l'autorité compétente avant le début des travaux une déclaration attestant sa conformité aux prescriptions fixées par le règlement dans les domaines régis par l'art. 14 al. 1 LEn.
3.2.2. Les recourants soutiennent qu'en adoptant l'art. 13M al. 3 REn, le Conseil d'Etat serait allé au-delà de l'adoption de simples règles d'exécution qui préciseraient le sens de l'art. 21 al. 2 LEn, ce qui violerait le principe de la légalité: étendre la notion de "transformation" au changement de brûleur ou de tout autre composant annexe reviendrait à adopter une règle primaire, sans qu'une délégation législative l'autorise.
L'art. 13M al. 3 REn s'applique cependant uniquement aux propriétaires d'une installation productrice de chaleur
datant de 20 ans ou plus devant changer le brûleur ou tout autre composant annexe de ladite installation. Puisse-t-elle être qualifiée d'atteinte à la garantie de la propriété, celle-ci ne saurait être qualifiée de grave car elle n'empêche pas l'acquisition d'un bien immobilier, sa conservation, sa jouissance ou son aliénation (sur la notion d'atteinte à la garantie de la propriété, voir ATF 140 I 168 consid. 4, arrêt 1C_59/2018 du 25 octobre 2018 consid. 3.2 in SJ 2019 I 109). Elle ne rend pas non plus beaucoup plus difficile, voire impossible l'exercice de la propriété, les propriétaires conservant la possibilité d'utiliser leurs biens-fonds conformément à leur destination, pour autant qu'ils le fassent dans le respect de la réglementation applicable. Comme la prétendue atteinte à la garantie de la propriété ne peut être qualifiée de grave, la base légale ne doit pas nécessairement être une loi au sens formel. A bon droit, la Cour de justice a qualifié l'art. 13M al. 3 REn de norme secondaire qui se limite à exécuter l'art. 21 al. 2 LEn. L'art. 13M al. 3 REn se contente en effet de définir le terme de "transformation d'une installation productrice de chaleur" figurant dans la loi dont il précise la portée. Déterminer dans quel cas la transformation d'une installation productrice de chaleur est soumise à autorisation énergétique suppose des connaissances techniques spécialisées, imposant que la question soit réglée par voie d'ordonnance. En édictant cette disposition, le Conseil d'Etat a pris en considération le fait que le changement des composants annexes d'une ancienne installation conduit dans les faits à modifier l'installation elle-même, en la dotant d'éléments techniques plus modernes, différents des éléments originaux vieux de plus de 20 ans.
Pour les recourants, la densité normative de l'art. 13M al. 3 REn serait insuffisante. L'exigence de précision de la norme (ou de densité normative) est relative et varie selon les domaines. Pour déterminer quel degré de précision on est en droit d'exiger de la loi, il faut tenir compte du cercle de ses destinataires et de la gravité des atteintes qu'elle autorise aux droits fondamentaux (ATF 147 I 393 consid. 5.1.1 et les réf. citées). En l'occurrence, il est vrai que la notion de "composant annexe" est sujette dans une certaine mesure à interprétation. Sous l'angle de l'exigence d'une densité normative suffisante, cela reste toutefois admissible, car - selon la jurisprudence - on ne saurait ordonner au législateur de renoncer totalement à recourir à des notions générales, comportant une part nécessaire d'interprétation (ATF 148 I 160 consid. 7.8) : cela vaut d'autant plus que la prétendue atteinte à la garantie de la propriété ne peut être qualifiée de grave. Il appartiendra toutefois à l'Office cantonal de l'énergie de préciser ce qu'est un "composant annexe d'une installation productrice de chaleur", ce qu'il a annoncé expliquer prochainement dans une directive, dans le but d'éviter que des administrés se voient obligés de commencer une procédure d'autorisation en cas de doute sur la qualification du composant à changer: il lui incombera notamment de s'assurer que seuls les éléments substantiels et non les pièces ou éléments secondaires soient soumis à autorisation, en vertu du principe de la proportionnalité. Dans le cadre d'un contrôle abstrait, il y a lieu de privilégier une interprétation conforme à la Constitution avant d'annuler une disposition; il ne s'agit pas de se prémunir contre toute inconstitutionnalité qui pourrait résulter de la mise en oeuvre d'une disposition dans un cas d'application, mais seulement de s'assurer que la norme en cause se prête, comme en l'espèce, à une interprétation conforme à la Constitution. Les décisions administratives prises sur la base de l'art. 13M al. 3 REn peuvent d'ailleurs faire l'objet d'un contrôle concret par une autorité judiciaire; cela assure une protection juridique suffisante.
Pour le reste, les recourants ne peuvent rien tirer du fait qu'étendre la notion de "transformation d'une installation productrice de chaleur" au changement de brûleur ou de tout autre composant annexe n'a pas été évoqué dans les travaux préparatoires en lien avec l'art. 21 LEn.
Dans ces circonstances, la Cour de justice n'a violé ni le principe de la légalité ni celui de la séparation des pouvoirs en jugeant que l'art. 13M al. 3 REn était une norme secondaire se limitant à définir le terme de transformation contenu à l'art. 21 al. 2 LEn.
3.3. Selon l'art. 13M al. 4 REn, les pompes à chaleur réversibles utilisées pour la production de froid de confort sont soumises au régime de l'autorisation énergétique de climatisation de confort au sens de l'article 13H. Les recourants soutiennent que le Conseil d'Etat ne disposerait pas de la délégation législative lui permettant de définir que d'autres installations peuvent être assimilées à des installations de climatisation de confort, soumises à autorisation énergétique.
L'art. 22B al. 1 LEn soumet le montage, la modification ou le renouvellement d'installations de climatisations de confort à autorisation de l'autorité compétente. L'art. 6 al. 14 LEn précise qu'une installation de climatisation de confort est une installation qui sert à améliorer le confort thermique. Se fondant sur le fait que les spécificités techniques de la pompe à chaleur réversible et celles d'une installation de climatisation technique étaient identiques, la cour cantonale a jugé qu'il importait dès lors peu, selon l'art. 22B al. 1 LEn, que la climatisation de confort résulte de l'utilisation d'une pompe à chaleur réversible pour produire du froid ou d'une installation de climatisation classique, l'art. 13M al. 4 REn ne faisait ainsi que rappeler le régime légal lié aux installations de climatisation de confort dont la pompe à chaleur réversible faisait partie.
Les recourants font valoir au contraire qu'une pompe à chaleur réversible utilisée pour la production de froid n'a pas les mêmes spécificités qu'une climatisation de confort, dans la mesure où elle ne permettrait qu'un rafraîchissement ponctuel d'un ou de deux degrés. Cependant cette différence de capacité de refroidissement importe peu, dans la mesure où les recourants ne contestent pas qu'une pompe à chaleur réversible a pour but d'"améliorer le confort thermique", ce qui est le critère pertinent pour définir une installation de climatisation de confort selon l'art. 6 al. 14 LEn. Dans ces circonstances, la pompe à chaleur réversible qui tend à "améliorer le confort thermique" peut être considérée comme une catégorie particulière d'installation de climatisation de confort. Il s'ensuit que l'art. 13M al. 4 REn peut être qualifié de norme secondaire qui se limite à exécuter l'art. 22B al. 1 LEn.
La cour cantonale n'a donc pas violé le droit fédéral en jugeant que l'art. 13M al. 4 REn était une disposition d'exécution de l'art. 22B al. 1 LEn et reposait sur une base légale suffisante.
3.4. L'art. 13N al. 2 REn prévoit que par couverture raisonnable de la demande d'énergie au moyen d'énergies renouvelables ou de rejets de chaleur au sens de l'art. 21 al. 3 let. a LEn, on entend la présence d'une ressource d'énergie renouvelable ou de rejets de chaleur disponibles en quantité suffisante pour être exploitée à des coûts non disproportionnés.
Les recourants soutiennent que l'art. 13N al. 2 REn n'apporterait pas la définition nécessaire à la notion de "couverture raisonnable de la demande d'énergie au moyen d'énergies renouvelables ou de rejets de chaleur" figurant à l'art. 21 al. 3 let. a LEn, notamment car les locutions "disponibles en quantité suffisante" et "coûts non disproportionnés" ne sont pas assez précises. Ils prétendent que le Conseil d'Etat a ainsi limité sans délégation de compétence les droits et obligations des administrés, laissant une insécurité juridique et une marge beaucoup trop importante pour l'autorité chargée d'appliquer la loi.
3.4.1. L'art. 21 al. 3 LEn soumet l'octroi d'une autorisation énergétique à plusieurs conditions exhaustives et cumulatives, dont celle requérant du demandeur qu'il établisse que sa demande en énergie ne peut être raisonnablement couverte par des énergies renouvelables ou des rejets de chaleur (let. a), termes contenant des notions juridiques indéterminées devant être précisés et détaillés par le Conseil d'Etat dans le cadre de sa compétence réglementaire.
La Cour de justice a considéré que la notion de couverture raisonnable de la demande d'énergie de l'art. 21 al. 3 let. a LEn faisait référence au principe de proportionnalité, ancré dans la loi à l'art. 12 LEn, qui rappelle que le coût et la nature des mesures visant à économiser l'énergie doivent satisfaire audit principe (al. 3); l'art. 21 al. 3 let. a LEn supposait ainsi, pour l'octroi de l'autorisation d'une installation alimentée en combustibles fossiles, qu'une installation utilisant des énergies renouvelables ou des rejets de chaleur soit techniquement ou financièrement disproportionnée. Pour l'instance précédente, en subordonnant la "couverture raisonnable" à deux critères, à savoir, d'une part, la disponibilité en quantité suffisante et, d'autre part, l'exploitation à des coûts non disproportionnés, l'art. 13N al. 2 REn ne faisait rien d'autre que de reprendre les éléments sous-tendant les dispositions légales précitées, en les faisant expressément figurer dans le règlement: en effet, alors que le premier critère se référait à la proportionnalité de l'installation d'un point de vue technique, en prévoyant qu'il devait y avoir des rejets de chaleur en suffisance et à disposition du demandeur de l'installation, le deuxième de ces critères exprimait le caractère financièrement raisonnable de l'installation, au regard de ses coûts. Pour la Cour de justice, si les termes utilisés par l'art. 13N al. 2 REn contiennent certes aussi des notions juridiques indéterminées, c'est à l'aune des principes susmentionnés qu'il convient de les comprendre, et il appartiendra à l'autorité compétente de les appliquer en tenant compte de chaque situation particulière, ce qu'a du reste confirmé le Conseil d'Etat, lequel a aussi précisé que le principe de la proportionnalité serait respecté.
Face à cette argumentation détaillée, les recourants se contentent d'affirmer que la notion de "raisonnable" a été transformée en "non disproportionnée" et que l'art. 13N al. 2 REn n'est pas plus clair que la loi. L'art. 13 al. 2 REn précise cependant les critères à prendre en compte pour déterminer si l'on se trouve ou non dans un cas de "couverture raisonnable de demande d'énergie". L'examen plus précis se fait ensuite au cas par cas. On ne saurait ordonner au législateur de renoncer totalement à recourir à des notions générales, comportant une part nécessaire d'interprétation (ATF 148 I 160 consid. 7.8). Il est par ailleurs toujours possible de demander un contrôle judiciaire concret des décisions prises sur cette base.
3.4.2. Les recourants font aussi valoir que le titre de l'art. 13N REn, "Installations productrices de chaleur alimentées en combustibles fossiles ou en bivalence", irait au-delà de ce qui était prévu par l'art. 21 al. 2 LEn car il assimile aux installations productrices de chaleur alimentées en combustibles fossiles les installations en bivalence; cette mention dans le titre de l'art. 13N REn élargirait son champ d'application en violant le principe de la légalité.
Les recourants perdent toutefois de vue que les installations en bivalence sont des installations qui peuvent être alimentées par deux sources d'énergie différentes. Rien ne s'oppose dès lors à ce qu'une installation en bivalence qui peut être alimentée en combustibles d'origine fossile soit assimilée à une installation productrice de chaleur alimentée en combustibles d'origine fossile. Mal fondée, la critique doit être écartée.
3.4.3. Il résulte de ce qui précède que l'art. 13N al. 2 REn constitue une concrétisation de l'art. 21 al. 3 let. a LEn, dont elle n'étend pas la portée ni n'en dénature le sens, se limitant à exécuter la loi.
4.
Les recourants se plaignent encore d'une violation du principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.) en lien avec l'art. 13N al. 1 REn.
4.1. Le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.) exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude) et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité); en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts; ATF 146 I 157 consid. 5.4 et les arrêts cités).
L'obligation d'enlever les chauffages électriques (et la menace de sanction pénale y relative) a, par exemple, été jugée conforme au principe de la proportionnalité notamment car l'interdiction de chauffages électriques n'était pas imprévisible mais résultait d'un développement déjà commencé une quarantaine d'années auparavant (ATF 149 I 49 consid. 5).
4.2. L'art. 13N al. 1 REn abaisse à 5 kW le seuil de puissance thermique nominale globale à partir duquel la mise en place, le remplacement ou la transformation d'une installation productrice de chaleur alimentée en combustibles fossiles ou en bivalence est soumis à autorisation énergétique.
Les recourants font valoir que l'art. 13N al. 1 REn ne respecte pas la règle de la nécessité et le principe de la proportionnalité au sens étroit. Ils soutiennent que le seuil de 5 kW correspondrait
de facto à une interdiction implicite des installations de chauffage alimentées en combustibles fossiles, vu les conditions extrêmement strictes posées désormais pour leur autorisation.
4.2.1. Il n'est pas contesté que le seuil de 5 kW est relativement bas et qu'il conduit, dès lors, à soumettre à autorisation énergétique au sens de l'art. 21 al. 2 LEn une grande partie des installations fonctionnant avec des combustibles fossiles. La fixation dudit seuil à 5 kW permet toutefois d'atteindre le but d'intérêt public visé, à savoir favoriser l'utilisation rationnelle de l'énergie et le recours en priorité aux énergies renouvelables et aux rejets de chaleurs, en atteignant un haut degré d'efficacité exergétique tout en intégrant la meilleure technologie possible.
En effet, le régime d'autorisation énergétique permet à l'autorité de procéder par le biais d'un contrôle a priori des installations, en garantissant le respect des exigences légales en la matière, et de veiller à une transition vers des installations alimentées en énergies non fossiles. En cela, la fixation du seuil à 5 kW est apte à atteindre le but d'intérêt public visé. La condition de l'aptitude est ainsi remplie.
4.2.2. S'agissant de la condition de la nécessité, les recourants font valoir qu'un seuil plus élevé (entre 5 kW et 10 kW) permettrait d'atteindre un tel but. Le Conseil d'Etat a relevé à cet égard que la fixation d'un seuil plus élevé, dès 6 kW, aurait pour effet de soustraire une grande partie des installations concernées à l'autorisation énergétique, si bien que la majorité d'entre elles ne pourrait faire l'objet d'aucun contrôle, en particulier les villas pour lesquelles un surdimensionnement de certaines installations a été constaté et où la puissance pourrait être réduite. De plus, selon les explications fournies par le Conseil d'Etat, le régime de la déclaration, précédemment en vigueur, a révélé son manque d'efficacité, puisque sur la centaine de remplacements de chaudières effectuée par année, seule une dizaine d'entre elles a fait l'objet d'une communication à l'Office cantonal de l'énergie. L'art. 13N al. 1 REn remplit ainsi la condition de la nécessité.
4.2.3. Enfin, du point de vue de la proportionnalité au sens étroit, l'atteinte aux intérêts des propriétaires concernés est limitée. Au lieu d'une déclaration de conformité soumise à un autocontrôle, les propriétaires sont tenus de déposer une autorisation énergétique, soit par le biais d'une autorisation de construire, soit par celui d'une autorisation ad hoc, comme le prévoit l'art. 13D REn; cette autorisation est soumise au contrôle de l'autorité, étant précisé que, tant dans le cas de l'autorisation que de la déclaration, les conditions à respecter sont identiques. En effet, l'art. 21 al. 6 LEn qui traite de la déclaration de conformité prévoit que celle-ci doit respecter les domaines régis par l'art. 14 al. 1 LEn. Or selon l'art. 14 al. 1 let. e LEn, le règlement fixe les prescriptions et les standards énergétiques applicables en matière de chauffage. Parmi les dispositions réglementaires visées, se trouve l'art. 13M al. 1 REn selon lequel lors de la mise en place, du remplacement ou de la transformation d'une installation productrice de chaleur, celle-ci doit être alimentée prioritairement et dans toute la mesure du possible par des énergies renouvelables ou des rejets de chaleur. Le dépôt d'une autorisation énergétique prévu par l'art. 13N al. 1 REn est dès lors une exigence administrative supplémentaire à la charge des propriétaires concernés, dont l'intérêt privé ne saurait l'emporter sur l'intérêt public à la mise en oeuvre des objectifs énergétiques et climatiques définis dans la LEn.
4.3. La cour cantonale n'a donc pas violé le droit fédéral en jugeant que l'art. 13N al. 1 REn respectait le principe de la proportionnalité.
5.
Il s'ensuit que le recours est rejeté.
Les frais judiciaires sont mis à la charge des recourants qui succombent (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 francs, sont mis à la charge des recourants pris solidairement entre eux.
3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, au Conseil d'Etat et à la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice du canton de Genève, ainsi qu'à l'Office fédéral de l'énergie.
Lausanne, le 12 février 2024
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Kneubühler
La Greffière : Tornay Schaller