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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_174/2023  
 
 
Arrêt du 12 février 2024  
I  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Jametti, Présidente, Hohl et May Canellas, 
greffière Monti. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Olivier Carré, avocat, 
défenderesse et recourante, 
 
contre  
 
B.________, 
représenté par Me Dimitri Lavrov, avocat, 
demandeur et intimé. 
 
Objet 
arbitraire; devoir de motiver, 
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 13 février 2023 par la Chambre civile de la Cour 
de justice du canton de Genève 
(C/20452/2017; ACJC/222/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________ SA oeuvre dans la promotion immobilière (ci-après: la société immobilière). Elle a pour administrateur unique C.________.  
Quant à B.________, il est architecte indépendant depuis 2011 (ci-après: l'architecte). 
 
A.b. Dès l'année 2011, les parties ont collaboré sur quatre projets immobiliers dans le canton de Vaud, désignés par leur lieu de réalisation (...,...,... et...). Elles ont intégré la norme SIA 102 (dans son édition 1993) dans leur relation contractuelle.  
 
A.c. Le projet de... prévoyait la réalisation de logements dans un ancien bâtiment agricole. Après l'échec d'un premier projet au niveau du permis de construire, la société immobilière a demandé à l'architecte de dresser un nouveau projet de deux villas à trois chambres. Le 28 août 2012, les parties ont signé les plans annexés à la nouvelle demande de permis. La municipalité a signalé le 6 février 2013 qu'elle délivrerait le permis pour ce nouveau projet. De fait, elle a remis l'original de l'autorisation de construire après paiement des taxes, le 6 juin 2013.  
Un contrôle final des travaux est intervenu le 24 septembre 2014. La commune a délivré un permis d'habiter au mois de novembre 2014. Cela étant, aucune des fenêtres de deux des chambres situées à l'étage n'offrait de vue horizontale, comme l'exige en principe l'art. 29 du règlement d'application de la loi vaudoise du 4 décembre 1985 sur l'aménagement du territoire et des constructions (RLATC; RS/VD 700.11.1). 
En mars 2018, la société immobilière a revendu la maison n° 1 pour 730'000 fr., avec un rabais de 130'000 fr. L'acte de vente mentionne à ce sujet une « erreur de l'architecte » due à l'inhabitabilité de deux chambres à l'étage. 
 
A.d. Le projet d'... n'a pas été réalisé, faute de financement bancaire. Il tendait à la création de plusieurs appartements en PPE (propriété par étages) destinés à la vente, par transformation d'un bâtiment existant.  
Un précédent architecte, tiers au conflit, avait demandé et reçu un permis de construire. La société immobilière a demandé à l'architecte de modifier ce projet en juin 2012, puis a signé les plans annexés à la nouvelle demande de permis. La municipalité a fait savoir en septembre 2012 qu'elle ne demanderait pas d'autorisation complémentaire, dans la mesure où le projet conservait les configurations extérieures. Le 18 juin 2013, l'architecte a fourni des plans établis par ses soins en vue de la vente. Aucun contrat n'a été signé relativement à ce projet. 
L'architecte a demandé un acompte de 32'400 fr. le 18 février 2013, puis émis un rappel le 13 avril 2013. L'argent a été versé le 6 février 2014, mais l'ordre de paiement du 30 janvier 2014 mentionne le dossier... 
 
A.e. Une poursuite a été intentée contre la société immobilière. Elle distinguait trois créances et mentionnait quatre projets, dont les deux évoqués ci-dessus. L'administrateur a formé opposition en juin 2016.  
 
B.  
 
B.a. L'architecte a déposé une requête de conciliation le 5 septembre 2017, puis une demande en paiement le 23 décembre 2017, par-devant le Tribunal civil de première instance du canton de Genève. Il réclamait en tout 175'628 fr. 39 à la société immobilière, ainsi que la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer cité plus haut.  
 
Dans des conclusions reconventionnelles du 15 mai 2018, la société immobilière a elle-même prétendu au paiement de 189'884 fr. 65 au total. 
 
Au terme de l'échange d'écritures, la société immobilière a renoncé à l'expertise qu'elle avait réclamée dans un premier temps. 
Par jugement du 20 décembre 2021, le Tribunal de première instance a condamné la société immobilière à payer en tout 134'096 fr. 30 plus intérêts à l'architecte et a ordonné, dans cette mesure, la mainlevée définitive de l'opposition à la poursuite concernée. 
 
B.b. Sur appel de la société immobilière, la Cour de justice du canton de Genève a « réformé » cette décision, en ce sens qu'elle a procédé à l'addition de montants différents pour parvenir au même total, à savoir 134'096 fr. 30. La société immobilière a plaidé que l'architecte avait réalisé gratuitement le projet d'..., respectivement qu'il répondait pour l'absence de vue à... dans les chambres à l'étage de la villa n° 1.  
La Cour ne l'a suivi sur aucun de ces deux points. Elle a considéré que l'architecte avait déployé une activité onéreuse sur le projet d'... malgré l'absence de contrat, et a retenu de ce chef une créance d'honoraires de 32'400 fr. 
Elle a par ailleurs écarté toute prétention en dommages-intérêts en lien avec le projet de... L'intimé n'avait pas caché à la recourante l'absence de vue horizontale dans les deux chambres, puisque ceci figurait sur les plans signés par la recourante, laquelle était au demeurant professionnelle de l'immobilier. Le montant du dommage n'avait pas non plus été démontré et, pour finir, le défaut prétendu n'avait pas été annoncé en temps utile, même s'il était fait application de la norme SIA 102. 
 
C.  
La société immobilière a interjeté un recours en matière civile par lequel elle prie le Tribunal fédéral de condamner l'architecte à lui payer 130'000 fr. avec intérêts, sous déduction de 4'050 fr., 73'958 fr. 85 et 10'218 fr. 62. Parallèlement, elle a sollicité l'effet suspensif. 
L'architecte intimé a été invité à répondre sur effet suspensif, ce qu'il a fait. La recourante a répliqué spontanément sur ce même objet. L'autorité précédente s'en est remise à justice sur cette question limitée. 
Par ordonnance présidentielle du 16 mai 2023, la requête d'effet suspensif a été rejetée, au motif notamment que la recourante n'invoquait que des difficultés de trésorerie. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont satisfaites sur le principe, en ce qui concerne notamment le respect du délai de recours (art. 100 al. 1 LTF) et celui de la valeur litigieuse, atteignant au moins 30'000 fr. dans ce conflit « ordinaire » (art. 74 al. 1 let. b LTF). 
Demeure réservée, à ce stade, la recevabilité des griefs en particulier. 
 
2.  
La recourante soulève des griefs de fait et de droit. 
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Le Tribunal fédéral ne peut rectifier des constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes (c'est-à-dire arbitraires au sens de l'art. 9 Cst., ATF 140 III 115 consid. 2), et le justiciable doit brandir des faits pertinents, c'est-à-dire propres à influencer le sort de la cause, en montrant qu'il les a régulièrement introduits selon les règles procédurales applicables, respectivement prouvés.  
Dans la mesure où la recourante fait sa propre description des faits (sous rubrique « bref résumé des faits »notamment) sans satisfaire aux consignes qui viennent d'être brièvement rappelées, l'autorité de céans n'en tiendra pas compte, d'autant moins que les critiques ne portent pas sur des faits pertinents. 
 
2.2. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office ( jura novit curia), sous réserve de la violation des droits fondamentaux (art. 106 al. 1 et 2 LTF). Comme l'autorité de céans doit veiller à l'application uniforme du droit, il est logique que le législateur lui permette d'exercer un tel contrôle (cf. GRÉGORY BOVEY, in Commentaire de la LTF, 3 e éd. 2022, n° 7 ad art. 106 LTF). Cela n'implique pas que le Tribunal fédéral doive chercher lui-même des arguments pour le recourant: au contraire, s'il s'abstient de motiver suffisamment son recours, l'intéressé encourt l'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF; cf. par ex. FLORENCE AUBRY GIRARDIN, in op. cit., no 31 s. ad art. 42 LTF).  
 
2.3. L'obligation de motiver ( Begründungspflicht) de l'art. 42 al. 2 LTF implique d'expliquer notamment en quoi le droit fédéral a été transgressé.  
Un devoir accru vaut pour le grief de violation des droits fondamentaux, soit des droits constitutionnels tels que la prohibition de l'arbitraire (art. 9 Cst.; principe d'allégation, Rügeprinzip, art. 106 al. 2 LTF) : le recourant doit invoquer et clairement motiver le moyen (BOVEY, in op cit., n° 37 ad art. 106 LTF).  
 
3.  
La recourante se plaint notamment sous l'angle de l'arbitraire dans la constatation des faits: le problème d'habitabilité n'aurait été discernable qu'en novembre 2014. Elle persiste à soutenir que le projet d'... aurait été réalisé à titre gratuit. 
Aucun grief de violation du droit fédéral autre que l'art. 9 Cst n'est discernable dans son mémoire. Le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral en droit n'est pourtant pas limité à l'arbitraire. 
Quoi qu'il en soit, le grief d'arbitraire est irrecevable. La recourante n'indique même pas à quel endroit de ses écritures elle aurait régulièrement allégué en procédure avoir identifié le problème tenant à la vue horizontale des fenêtres des chambres uniquement à la faveur du permis d'habiter délivré en novembre 2014. Fût-il recevable que ce grief devrait de toute manière être rejeté: rien de ce que la recourante avance dans son recours ne démontre l'inanité du fait retenu par les juges cantonaux, selon lequel les plans que la recourante a signés le 28 août 2012 ne mentionnaient pas de vue horizontale depuis les deux chambres en cause, le bas de la fenêtre se trouvant à 190 cm du sol, ce qu'elle a parfaitement vu et compris. Poursuivant dans sa lancée, la recourante fait encore valoir qu'elle n'avait pas à procéder à un avis des défauts, mais sa démonstration - à supposer recevable - est bâtie toute entière sur la prémisse suivante: elle aurait aveuglément fait confiance à son architecte, ce qui la dispenserait de cette incombance. L'argument, que rien dans l'arrêt cantonal ne vient étayer, n'est guère de nature à ébranler celui-ci. 
Quant à la démonstration de l'arbitraire s'agissant de l'accord des parties sur le principe d'une rémunération relative au projet..., elle est tout simplement inexistante: la recourante se borne à affirmer qu'il aurait été «convenu, en confiance, que ce travail serait exécuté à titre prospectif, sans facturation (...) », accord qui serait intervenu oralement. Ceci ne satisfait pas aux réquisits en la matière, de sorte que le grief s'avère irrecevable. 
 
4.  
En définitive, le recours se révèle irrecevable. 
La recourante supportera les frais de justice y afférents, et versera des dépens réduits (3'000 fr.) à son adversaire, lequel s'est déterminé comme requis sur l'effet suspensif uniquement. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, par 6'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera à l'intimé des dépens réduits de 3'000 fr. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 12 février 2024 
 
Au nom de la I re Cour de droit civil  
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
La Greffière : Monti