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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1P.245/2006 
1P.395/2006 /viz 
 
Arrêt du 12 juillet 2006 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Féraud, Président, 
Nay et Fonjallaz. 
Greffière: Mme Angéloz. 
 
Parties 
A.________, 
recourant, représenté par Me Jean-Luc Maradan, avocat, 
 
contre 
 
B.________, Juge d'instruction du canton de Fribourg, 
intimée, 
Ministère public du canton de Fribourg, 
rue de Zaehringen 1, 1700 Fribourg, 
Vice-Président et Président de l'Office des juges d'instruction du canton de Fribourg, 
place Notre-Dame 4, case postale 156, 1702 Fribourg. 
 
Objet 
récusation, 
 
recours de droit public contre la décision du 
Vice-Président de l'Office des juges d'instruction du 
27 mars 2006 et contre la décision du Président de l'Office des juges d'instruction du 29 mai 2006. 
 
Faits: 
A. 
Ensuite d'une plainte et dénonciation déposée le 7 septembre 2005 par C.________, la Juge d'instruction B.________ a dirigé une enquête contre A.________, pour appropriation illégitime, contrainte, traite des êtres humains et éventuellement encouragement à la prostitution. 
B. 
Le 1er février 2006, A.________ a demandé la récusation de la magistrate précitée, à laquelle il reprochait en substance un manque d'impartialité. Par courrier du 13 mars 2006, le Président de l'Office des juges d'instruction (ci-après: l'Office) l'a informé que la magistrate visée se déterminerait prochainement sur la demande, qui serait ensuite traitée par le Vice-président. Par décision du 27 mars 2006, ce dernier a écarté la demande de récusation, l'estimant tardive et, pour le surplus, infondée. 
 
Contre cette décision, A.________ a formé un recours de droit public au Tribunal fédéral. Invoquant les art. 9 et 29 al. 1 et 2 Cst., il concluait à l'annulation de la décision attaquée. Le recours a été enregistré sous la référence 1P.245/2006. L'intimée a proposé le rejet du recours autant qu'il est recevable. Le Vice-président de l'Office a renoncé à déposer des observations. Le Ministère public a conclu au rejet du recours. Ces prises de position ont été communiquées au recourant. 
C. 
Le 2 mai 2006, A.________ a demandé derechef la récusation de la juge d'instruction B.________. Alléguant qu'il avait depuis lors eu partiellement accès au dossier et était donc mieux à même de les étayer, il reprenait une partie de ses griefs à l'encontre de la magistrate précitée. Cette demande a été écartée par décision du 29 mai 2006 du Président de l'Office. 
 
A.________ forme un recours de droit public contre cette décision, dont il demande l'annulation, pour violation de son droit à une procédure équitable à raison d'une partialité de la magistrate visée, déni de justice et violation de son droit d'être entendu. Le recours a été enregistré sous la référence 1P.395/2006. Des observations n'ont pas été demandées. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Les deux recours émanent de la même personne; ils sont dirigés contre des décisions portant sur le même objet et présentant un lien de connexité suffisant entre elles pour prononcer la jonction des causes, comme le demande le recourant, et pour statuer sur ceux-ci dans un seul et même arrêt (art. 24 PCF et 40 OJ). 
2. 
Dans son recours dirigé contre la décision cantonale du 27 mars 2006, le recourant invoque notamment une violation de son droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., au motif que la décision attaquée a été rendue sans qu'il ait pu se déterminer sur la prise de position de la magistrate visée par sa demande de récusation. 
2.1 Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. est de nature formelle, de sorte que sa violation entraîne l'annulation de la décision attaquée indépendamment de l'incidence de cette violation sur le fond (ATF 126 V 130 consid. 2b p. 132). Il comporte le droit pour les parties de participer à la procédure et d'influer sur le processus conduisant à la prise de décision. Il a pour corollaire que l'autorité, avant de rendre une décision touchant la situation juridique d'une partie, doit en informer cette dernière et lui donner l'occasion de s'exprimer préalablement à ce sujet (ATF 126 V 130 consid. 2 p. 131/132). Il s'agit d'une concrétisation du droit à une procédure équitable, consacré par l'art. 29 al. 1 Cst., qui correspond à la garantie similaire que l'art. 6 ch. 1 CEDH confère à l'égard des autorités judiciaires proprement dites. 
 
Selon la jurisprudence européenne relative à l'art. 6 ch. 1 CEDH, il revient au premier chef aux parties de décider si une prise de position contient des arguments nouveaux, nécessitant une détermination. La partie concernée doit pouvoir s'exprimer à ce sujet dans la procédure, ce qui implique que la possibilité lui soit offerte de se déterminer sur les arguments contenus dans la prise de position. Ces exigences ne sont notamment pas respectées, lorsque l'autorité communique certes la prise de position, mais refuse une demande de réplique par décision incidente, lorsque, dans sa décision finale, elle écarte du dossier une détermination déposée spontanément ou lorsqu'elle signifie au recourant, en lui communiquant la prise de position, que l'échange d'écritures est terminé (ATF 132 I 42 consid. 3.3.2 et la jurisprudence européenne citée). Dans les cas où le droit interne ne prévoit pas de communication de la prise de position, l'autorité doit informer la partie du dépôt de celle-ci et de la possibilité pour elle de se déterminer par écrit si elle le souhaite. Lorsque la partie a été informée du dépôt de la prise de position, elle ne peut être privée totalement de la possibilité de se déterminer sur celle-ci. Si le droit de procédure applicable ne prévoit en principe qu'un seul échange d'écritures, l'autorité peut se limiter dans un premier temps à communiquer la prise de position à titre d'information, sans avis formel de la possibilité de répliquer; la partie est ainsi mise en situation de faire ou non usage de cette possibilité; si elle s'en abstient, elle est sensée y avoir renoncé (ATF 132 I 42 consid. 3.3.3 p. 46/47 et la jurisprudence européenne citée). 
 
En application de cette jurisprudence, le Tribunal fédéral, a précisé que, si la partie à laquelle la prise de position a été communiquée pour information juge nécessaire de répliquer, elle doit demander à le faire, respectivement le faire, sans délai. Au demeurant, celle-ci ne peut se borner à invoquer d'entrée de cause son droit à la réplique; elle doit réagir au moment de la communication de la prise de position, car une détermination par voie de réplique n'est admissible que dans la mesure où le contenu de la prise de position la rend nécessaire. Il est exclu de faire valoir dans la réplique des arguments ou griefs qui pouvaient déjà être soulevés dans le recours (ATF 132 I 42 consid. 3.3.4 p. 47 et les arrêts cités). 
 
S'agissant plus concrètement d'une demande de récusation, le Tribunal fédéral, dans un arrêt non publié cité par le recourant, a jugé que l'auteur d'une telle demande a le droit de prendre connaissance des observations du magistrat visé par celle-ci et, le cas échéant, du Ministère public, ainsi que de se déterminer à leur sujet avant que l'autorité compétente ne statue. Dans le cas particulier, la pratique cantonale, en l'occurrence genevoise, qui consistait à ne transmettre ces documents à l'auteur que s'il manifestait sa volonté de recourir contre la décision sur la récusation, était contraire à la garantie d'un procès équitable consacrée aux art. 29 al. 1 Cst. et 6 ch. 1 CEDH (arrêt 1P.730/2001, consid. 2). 
2.2 En l'espèce, l'autorité cantonale, par lettre du 13 mars 2006, a informé le recourant du fait que la magistrate visée devait encore prendre position sur la demande de récusation, après quoi cette dernière serait traitée. Elle a ensuite rendu sa décision le 27 mars 2006. 
Cette manière de procéder n'est pas conforme aux exigences du droit constitutionnel et conventionnel découlant de la jurisprudence précitée. Elle a pour effet de priver le recourant de la possibilité de prendre connaissance de la prise de position de la magistrate visée, de décider si cette prise de position contient des arguments nouveaux nécessitant une détermination et, en définitive, de se déterminer le cas échéant sur celle-ci. 
 
Certes, il n'est pas établi ni même allégué que le droit cantonal de procédure prévoirait une communication au requérant de la prise de position du magistrat visé par une demande de récusation et que l'autorité cantonale l'aurait en l'occurrence méconnu en violation arbitraire de ce droit. Même si une telle communication n'est pas prévue par le droit de procédure applicable, le requérant dispose toutefois d'un droit, découlant directement de la Constitution, à ce que l'autorité l'informe du dépôt de la prise de position qu'elle a sollicitée et de la possibilité pour lui de se déterminer sur celle-ci s'il le souhaite. L'autorité ne peut donc se borner à faire savoir au requérant qu'elle est dans l'attente de la prise de position et qu'une fois celle-ci déposée, elle statuera sur la demande de récusation. 
 
Sans doute aussi, pourrait-il ici être objecté que, bien qu'assisté d'un avocat, le recourant n'a pas réagi à la lettre de l'autorité cantonale du 13 mars 2006, en demandant que la prise de position de l'intimée lui soit communiquée et que la possibilité lui soit donnée d'y répliquer, ce que le défaut d'accès au dossier, le cas échéant, ne l'empêchait pas de faire; du moins, le contraire n'est-il pas établi ni même allégué. Au vu du contenu de la lettre en question, qui lui signifiait clairement que sa demande de récusation serait traitée sans autre dès le dépôt de la prise de position de l'intimée, le recourant était toutefois fondé à penser qu'une telle démarche serait vaine, d'autant plus qu'il n'est pas exclu que la manière de procéder de l'autorité cantonale corresponde à une pratique habituelle de celle-ci. 
 
Dans ces conditions, le grief de violation du droit d'être entendu invoqué dans le recours de droit public dirigé contre la décision cantonale du 27 mars 2006 est fondé. Vu la nature formelle de ce grief, le recours en question, référencé 1P.245/2006, doit dès lors être admis et la décision attaquée annulée, sans examen des autres griefs soulevés dans ce recours. Subséquemment, la cause sera renvoyée à l'autorité cantonale pour qu'elle statue à nouveau, après avoir donné la possibilité au recourant de se déterminer sur la prise de position du 14 mars 2006 de la magistrate visée. 
3. 
Au vu de ce qui précède, il se justifie par ailleurs, pour des motifs d'économie de la procédure, d'annuler également la décision cantonale du 29 mai 2006, faisant l'objet du recours de droit public référencé 1P.395/2006, dans laquelle l'autorité cantonale, s'agissant des griefs derechef soulevés devant elle, a, en bref, maintenu sa position. 
4. 
Vu l'issue des recours, il sera statué sans frais (art. 156 al. 1 OJ) et une indemnité de dépens globale, pour les deux procédures devant le Tribunal fédéral, sera versée au recourant, à la charge de l'Etat de Fribourg (art. 159 al. 1 et 2 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Les causes 1P.245/2006 et 1P.395/2006 sont jointes. 
2. 
Les recours sont admis et les décisions attaquées sont annulées. 
3. 
Il n'est pas perçu de frais. 
4. 
Une indemnité globale de dépens de 2'000 francs est allouée au recourant, à la charge de l'Etat de Fribourg. 
5. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties ainsi qu'au Ministère public et au Vice-Président et au Président de l'Office des juges d'instruction du canton de Fribourg. 
Lausanne, le 12 juillet 2006 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: La greffière: