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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
6B_434/2018  
 
 
Arrêt du 12 septembre 2018  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
M. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Président, 
Jacquemoud-Rossari et Jametti. 
Greffier : M. Graa. 
 
Participants à la procédure 
X.________, 
représenté par Me Jérôme Picot, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
1. Ministère public central du canton de Vaud, 
2. A.A.________, 
3. B.A.________, 
tous les deux représentés par 
Me Jana Burysek, avocate, 
intimés. 
 
Objet 
Action civile; conclusions civiles; réduction de l'indemnité, 
 
recours contre le jugement de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 15 janvier 2018 (no 7 PE15.002272-LAE/MPB). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 18 août 2017, le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a libéré X.________ du chef de prévention de gestion déloyale et l'a condamné, pour abus de confiance, à une peine privative de liberté de six mois, avec sursis pendant trois ans. Il a en outre dit que le prénommé est le débiteur de A.A.________ et de B.A.________ d'une somme de 91'934 fr. 05 en réparation du dommage causé. 
 
B.  
Par jugement du 15 janvier 2018, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté l'appel formé par X.________ contre ce jugement et a intégralement confirmé celui-ci. 
La cour cantonale a retenu les faits suivants. 
 
B.a. X.________ est né en 1963 à C.________. Après l'école obligatoire, il a obtenu un CFC de technicien en bâtiment, construction métallique et charpente métallique. Il a ensuite oeuvré pour le compte d'entreprises de placement temporaire.  
Son extrait de casier judiciaire est vierge. 
 
B.b. A.A.________ et B.A.________, propriétaires d'un terrain à bâtir à D.________, ont voulu y faire construire une maison. Ils se sont adressés à E.________, architecte. Ce dernier leur a conseillé F.________ Sàrl - société de X.________, avec lequel il partageait ses bureaux - comme entreprise générale. Un contrat d'entreprise générale portant sur un budget total de 518'000 fr. a été conclu entre F.________ Sàrl et les époux A.________, en février 2014. Afin de pouvoir régler ce montant, ceux-ci ont obtenu un crédit hypothécaire auprès de la Banque G.________ (ci-après : G.________).  
Au début de l'année 2014, X.________ a reçu, sur le compte bancaire de F.________ Sàrl, trois acomptes, de 51'800 fr., 181'300 fr., respectivement 103'600 fr., provenant du prêt hypothécaire obtenu par les époux A.________ et destinés à couvrir les différents frais du chantier ainsi qu'à payer les sous-traitants. Entre le mois de mars et le début du mois de juillet 2014, X.________ a reversé 209'743 fr. 60, sur la somme totale de 336'700 fr. reçue à titre d'acomptes, à des sous-traitants ou en paiement de diverses factures en lien avec le chantier. Il a utilisé le solde, soit 126'956 fr. 40, à des fins personnelles, soit pour régler des factures ouvertes sur d'autres chantiers ou pour ses besoins privés. Il s'est conséquemment trouvé dans l'incapacité de payer les sous-traitants du chantier des époux A.________, lesquels ont cessé le travail. Face à cette situation, X.________ a finalement remboursé à la G.________ la somme de 40'000 fr., le 5 août 2014, pour le compte des époux A.________. Malgré un accord trouvé le 20 août 2014, portant sur le versement par l'intéressé de 46'000 fr. supplémentaires pour solde de tout compte, X.________ n'a payé que 5'000 francs. La faillite de F.________ Sàrl a été prononcée en mai 2015. 
 
C.  
X.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement du 15 janvier 2018, en concluant, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce sens que A.A.________ et B.A.________ sont renvoyés à agir par la voie civile et, subsidiairement, à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision. Il sollicite par ailleurs l'octroi de l'effet suspensif. 
 
D.  
Par ordonnance du 21 août 2018, le Président de la Cour de droit pénal du Tribunal fédéral a rejeté la demande d'effet suspensif. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recourant fait grief à la cour cantonale d'avoir violé l'art. 126 al. 3 CPP en ne renvoyant pas les intimés à agir par la voie civile. 
 
1.1. En qualité de partie plaignante, le lésé peut faire valoir des conclusions civiles déduites de l'infraction par adhésion à la procédure pénale (art. 122 al. 1 CPP). A teneur de l'art. 126 al. 1 CPP, le tribunal statue également sur les conclusions civiles présentées, lorsqu'il rend un verdict de culpabilité à l'encontre du prévenu (let. a) ou lorsqu'il acquitte le prévenu et que l'état de fait est suffisamment établi (let. b). Lorsque les preuves recueillies jusque-là, dans le cadre de la procédure, sont suffisantes pour permettre de statuer sur les conclusions civiles, le juge pénal est tenu de se prononcer sur le sort de celles-ci (arrêts 6B_443/2017 du 5 avril 2018 consid. 3.1; 6B_267/2016 du 15 février 2017 consid. 6.1). Selon l'art. 126 al. 3 CPP, dans le cas où le jugement complet des conclusions civiles exigerait un travail disproportionné, le tribunal peut traiter celles-ci seulement dans leur principe et, pour le surplus, renvoyer la partie plaignante à agir par la voie civile. Les prétentions de faible valeur sont, dans la mesure du possible, jugées par le tribunal lui-même.  
L'art. 126 al. 3 CPP a été repris de l'art. 9 al. 3 de l'ancienne loi fédérale du 4 octobre 1991 sur l'aide aux victimes d'infractions (RO 1992 2465). Le travail disproportionné, motif justifiant que les conclusions civiles ne soient traitées que dans leur principe, doit être occasionné par l'administration des preuves et non par la qualification juridique. Un tel cas de figure se produit, par exemple, lorsque de longues expertises sont nécessaires pour chiffrer le montant du dommage en cas de lésions corporelles ou que le processus de guérison n'est pas achevé, ou encore lorsqu'il se pourrait que le dommage corporel subi laisse des séquelles (Message du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, FF 2006 1154; cf. ATF 122 IV 37 consid. 2c p. 41 s.). 
 
1.2. La cour cantonale a exposé que le dommage des intimés résultait de la disparition des fonds détournés par le recourant, soit 126'956 fr. 40, auxquels il convenait de déduire ce qui avait déjà été remboursé, soit 45'000 francs. A ce montant s'ajoutait l'indemnisation des trajets effectués durant 13 semaines par les intimés, lesquels avaient dû habiter chez des amis en attendant de pouvoir emménager dans leur maison, pour conduire leurs enfants à l'école, soit un total de 2'145 fr. 75. Il fallait encore tenir compte des intérêts, calculés sur une période de cinq ans à un taux de 2,85%, portant sur le crédit supplémentaire de 36'640 fr. obtenu de la G.________, soit un total de 7'831 fr. 90. Le dommage se chiffrait ainsi au total à 91'934 fr. 05 (126'956 fr. 40 - 45'000 fr. + 2'145 fr. 75 + 7'831 fr. 90).  
 
1.3. En l'espèce, le recourant soutient que l'autorité précédente aurait dû renvoyer les intimés à agir par la voie civile en raison des "questions juridiques et factuelles très complexes" qui se seraient posées en la matière. Celui-ci fait cependant porter son argumentation sur des questions juridiques, ayant trait essentiellement à la réduction de l'indemnité (art. 44 CO). Il ne prétend pas que le jugement des prétentions civiles aurait nécessité une importante administration de preuves, travail qui aurait éventuellement pu justifier un renvoi des intimés devant le juge civil. Il s'agissait en l'occurrence uniquement de déterminer le dommage causé par l'abus de confiance commis par le recourant. On ne voit pas, partant, en quoi la cour cantonale aurait pu violer le droit fédéral en choisissant de statuer sur les conclusions civiles des intimés.  
 
2.  
Le recourant soutient que l'indemnité allouée aux intimés aurait dû être réduite, sur la base de l'art. 44 CO, en raison d'une faute concomitante de ces derniers. 
 
2.1. D'après l'art. 44 al. 1 CO, le juge peut réduire les dommages-intérêts, ou même n'en point allouer, lorsque les faits dont la partie lésée est responsable ont contribué à créer le dommage, à l'augmenter ou qu'ils ont aggravé la situation du débiteur.  
Il y a faute concomitante lorsque le lésé omet de prendre des mesures que l'on pouvait attendre de lui et qui étaient propres à éviter la survenance ou l'aggravation du dommage; autrement dit, si le lésé n'a pas pris les mesures qu'une personne raisonnable, placée dans les mêmes circonstances, aurait pu et dû prendre dans son propre intérêt (cf. ATF 107 Ib 155 consid. 2b p. 158; plus récemment arrêt 6B_987/2017 du 12 février 2018 consid. 6.1). La faute concomitante suppose que l'on puisse reprocher au lésé un comportement blâmable, en particulier un manque d'attention ou une attitude dangereuse, alors qu'il n'a pas déployé les efforts d'intelligence ou de volonté que l'on pouvait attendre de lui pour se conformer aux règles de la prudence (arrêts 6B_987/2017 précité consid. 6.1; 6B_267/2016 du 15 février 2017 consid. 8.2). La réduction de l'indemnité - dont la quotité relève de l'appréciation du juge (cf. ATF 141 V 51 consid. 9.2 p. 70 et les références citées; cf. également ATF 138 III 252 consid. 2.1 p. 254) - suppose que le comportement reproché au lésé soit en rapport de causalité naturelle et adéquate avec la survenance du préjudice (ATF 126 III 192 consid. 2d p. 197 et les références citées). 
 
2.2. S'agissant d'une éventuelle faute des intimés, la cour cantonale a indiqué que l'architecte E.________ avait remis un budget détaillé de l'ensemble du chantier à la G.________ et qu'il avait vérifié les demandes d'acomptes présentées par le recourant au nom de F.________ Sàrl à mesure de l'avancement du chantier. Le prénommé avait validé les demandes d'acomptes par sa signature et par la signature des intimés, puis avait transmis les bons de paiement à la banque pour la libération des montants. L'argent avait été transféré par la banque sur le compte de F.________ Sàrl, auquel seul le recourant avait accès. Il appartenait ensuite à celui-ci de payer les entreprises et les fournisseurs au moyen des fonds libérés. Une vérification des factures des entreprises et des fournisseurs était encore effectuée par l'architecte, qui donnait son accord au recourant pour payer celles-ci.  
 
2.3. L'argumentation du recourant repose essentiellement sur des éléments qui ne ressortent pas de l'état de fait de la cour cantonale, par lequel le Tribunal fédéral est lié (cf. art. 105 al. 1 LTF) et dont celui-ci ne prétend ni ne démontre qu'il aurait été établi de manière arbitraire (cf. art. 97 al. 1 LTF). Cette argumentation est, dans cette mesure, irrecevable. Il en va ainsi lorsque le recourant affirme que les intimés auraient constaté des irrégularités dans les factures concernant le chantier mais n'auraient pas réagi.  
Pour le reste, le recourant indique avoir créé F.________ Sàrl en 2013, cette société ayant fait faillite en 2015. Il soutient que les intimés "pouvaient facilement prendre connaissance de ces informations sur internet et constater que [le recourant] ne présentait pas les garanties d'une situation financière irréprochable", et que ceux-ci auraient ainsi dû exiger la mise en place d'un "compte miroir". Outre qu'on ignore quelles "informations" auraient dû être trouvées sur Internet par les intimés, on ne perçoit pas en quoi ces derniers auraient pu agir fautivement en concluant avec F.________ Sàrl, en février 2014, un contrat d'entreprise générale, cette société leur ayant été recommandée par leur architecte. Le dommage des intimés n'a d'ailleurs nullement été causé par la faillite de F.________ Sàrl, mais par le détournement, par le recourant, de montants qui auraient dû être affectés au chantier. 
Le recourant développe encore une argumentation purement appellatoire et, partant, irrecevable, par laquelle il prétend démontrer l'existence d'une faute concomitante de l'architecte E.________, en sa qualité d'auxiliaire des intimés (cf. art. 101 CO). Il ressort du jugement attaqué que le prénommé contrôlait les demandes d'acomptes présentées par le recourant ainsi que les factures qui devaient être payées, ce dernier ayant pour sa part dilapidé une partie des fonds jusqu'à ce que les sous-traitants - à défaut d'être payés - cessassent le travail. Il n'apparaît en revanche pas, comme le prétend le recourant, que l'architecte aurait omis de réagir après avoir constaté que le recourant employait à son profit les montants versés par la banque, ni qu'il aurait d'une autre manière provoqué une augmentation du dommage des intimés. A cet égard également, il convient de relever que le préjudice de ces derniers n'a pas résulté de la "mauvaise santé financière" de F.________ Sàrl, mais des détournements opérés par le recourant. 
Compte tenu de ce qui précède, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en ne réduisant pas l'indemnité allouée aux intimés en raison d'une faute concomitante de ceux-ci, respectivement de E.________. Le grief doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
3.  
Le recourant prétend que la G.________ serait responsable du dommage subi par les intimés, dès lors qu'elle aurait omis de procéder à toute "vérification" le concernant ou regardant F.________ Sàrl. 
Son argumentation, purement appellatoire et, partant, irrecevable, repose derechef sur la prémisse selon laquelle le préjudice subi par les intimés aurait résulté de sa propre insolvabilité ou de la fragilité de F.________ Sàrl, alors que celui-ci a été causé par l'emploi illégitime des fonds confiés à cette société. A supposer que la G.________ soit, à un titre ou un autre, coresponsable (art. 50 ou 51 CO), cette argumentation serait de toute manière inopérante à l'encontre des intimés, lesquels ont fait valoir leurs prétentions contre l'auteur du dommage - soit le recourant -, les rapports internes entre des coresponsables ne les concernant pas. Quoi qu'il en soit, on ne voit pas dans quelle mesure la G.________, qui a prêté des fonds aux intimés pour la construction de leur maison, aurait pu leur causer un dommage et donc assumer une responsabilité au regard des art. 50 ou 51 CO
Par ailleurs, aucun grief n'a, sur ce point, été traité par la cour cantonale, sans que le recourant ne se plaigne d'un déni de justice à cet égard. Le grief est ainsi également irrecevable à défaut d'épuisement des instances cantonales (cf. art. 80 al. 1 LTF). 
 
4.  
Dans un dernier grief, le recourant conteste l'existence même d'un dommage pour les intimés. Il prétend qu'il avait l'obligation, en sa qualité d'entrepreneur général, de livrer à ceux-ci un ouvrage conforme à ce qui avait été convenu. Selon lui, un préjudice n'aurait pu résulter, pour les intimés, que de la différence entre le montant effectivement payé pour leur ouvrage et celui qui aurait dû être payé sans l'abus de confiance commis. 
Il convient tout d'abord de relever que l'argumentation du recourant ne répond pas aux exigences de motivation de l'art. 42 al. 2 LTF, puisque celui-ci ne s'attache pas à démontrer une éventuelle violation du droit fédéral par l'autorité précédente, mais reproduit mot à mot le grief présenté en instance cantonale (cf. pièce 43/1 du dossier cantonal, p. 4). Cette manière de procéder est irrecevable (cf. ATF 134 II 244 consid. 2.1 p. 245 s.). Il apparaît ensuite que le recourant confond la responsabilité contractuelle, qu'aurait pu encourir F.________ Sàrlen tant qu'entrepreneur général en cas d'inexécution ou de mauvaise exécution de l'ouvrage, avec celle qu'il doit assumer en raison de l'acte illicite commis au préjudice des intimés. A cet égard, il ressort du jugement attaqué - que le recourant ne critique pas sur ce point -, que 126'956 fr. 40, prêtés par la G.________ aux intimés, ont été détournés par l'intéressé. Dès lors que celui-ci a, par la suite, remboursé un montant de 45'000 fr., une somme de 81'956 fr. 40, due à la banque par les intimés, a été perdue pour ces derniers. Il s'agit donc d'un dommage causé par l'abus de confiance du recourant. Ce dernier ne développe par ailleurs aucune argumentation relative aux sommes de 2'145 fr. 75 et de 7'831 fr. 90 retenues par la cour cantonale pour les autres postes du dommage. 
Au vu de ce qui précède, il n'apparaît pas que l'autorité précédente aurait violé le droit fédéral en accordant aux intimés les conclusions civiles litigieuses, ni qu'elle aurait dû faire application de l'art. 126 al. 2 let. b CPP en considérant que ceux-ci n'auraient pas suffisamment chiffré ou motivé leurs conclusions. Le grief doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
5.  
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Les intimés, qui n'ont pas été invités à se déterminer, ne sauraient prétendre à des dépens. 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 12 septembre 2018 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Denys 
 
Le Greffier : Graa