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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_93/2024  
 
 
Arrêt du 12 septembre 2024  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mme et MM. les Juges fédéraux Moser-Szeless, Juge présidant, Stadelmann et Beusch. 
Greffier : M. Feller. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Efstratios Sideris, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Administration cantonale des impôts du canton de Vaud, 
route de Berne 46, 1014 Lausanne, 
intimée. 
 
Objet 
Impôts cantonaux et communaux du canton de Vaud et impôt fédéral direct, périodes fiscales 2007 à 2021, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 27 décembre 2023 (FI.2023.0111). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le 14 septembre 2021, l'Administration cantonale des impôts du canton de Vaud (ci-après: l'ACI) a adressé deux demandes de sûretés à A.________ (ci-après: le contribuable) concernant les périodes fiscales 2007 à 2021, l'une portant sur un montant de 670'000 fr. en garantie notamment des compléments d'impôts, intérêts moratoires compris et amendes envisagés au titre de l'impôt cantonal et communal (ICC), l'autre portant sur un montant de 255'000 fr. en garantie notamment des compléments d'impôts et amendes envisagés au titre de l'impôt fédéral direct (IFD). Les demandes de sûretés étaient motivées par le risque que le contribuable quitte la Suisse pour l'Espagne sans s'être acquitté de ses obligations fiscales. Le même jour, l'ACI a rendu des ordonnances de séquestre correspondantes; le séquestre a été exécuté le lendemain. 
Par arrêt du 19 janvier 2023, le Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public (ci-après: le Tribunal cantonal), a rejeté les recours du contribuable et a confirmé les décisions du 14 septembre 2021. 
 
A.a. Le 27 avril 2023, A.________ a déposé une "demande de réexamen des demandes de sûretés (ICC et IFD) du 14 décembre 2021" auprès de l'ACI, qui a rejeté cette demande le 25 juillet 2023, au motif qu'elle ne remplissait pas les conditions applicables en matière de révision.  
 
B.  
Par arrêt du 27 décembre 2023, le Tribunal cantonal a déclaré irrecevable le recours du contribuable en tant qu'il portait sur l'IFD, alors qu'il a rejeté le recours en tant qu'il portait sur l'ICC; il a par ailleurs confirmé la décision de l'ACI du 25 juillet 2023. En bref, il a considéré que les conditions d'une révision n'étaient pas remplies s'agissant de l'ICC. 
 
C.  
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, dont il demande l'annulation en requérant qu'il soit reconnu que les conditions d'une demande de révision étaient remplies. Il demande également la levée sans délai du séquestre en tant qu'il concerne l'ICC et l'IFD et, subsidiairement, le renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour qu'elle statue à nouveau dans le sens des considérants. 
L'ACI et l'Administration fédérale des contributions ont conclu au rejet du recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
La présente procédure concerne des mesures de sûretés visant à garantir à titre provisoire le paiement d'impôts. Cette procédure est indépendante du fond, de sorte que, conformément à la jurisprudence, la décision y relative de la juridiction cantonale de dernière instance constitue une décision finale au sens de l'art. 90 LTF (cf. ATF 134 II 349 consid. 1.4; arrêt 9C_598/2023 du 22 novembre 2023 consid. 1.1). Cette décision, rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) qui ne tombe pas sous le coup de l'une des exceptions de l'art. 83 LTF, peut être attaquée par la voie du recours en matière de droit public (cf. art. 146 LIFD [RS 642.11] et 73 al. 1 LHID [RS 642.14]). 
Le recours a par ailleurs été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes prévues par la loi (art. 42 LTF) par le recourant qui a qualité pour recourir (cf. art. 89 al. 1 LTF). Il convient dès lors d'entrer en matière sur le recours. 
 
2.  
 
2.1. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF toutefois, il ne connaît de la violation des droits fondamentaux, ainsi que de celle de dispositions de droit cantonal et intercantonal, que si ce grief a été invoqué et motivé, c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de façon claire et détaillée (ATF 146 IV 114 consid. 2.1; 143 IV 500 consid. 1.1; 142 III 364 consid. 2.4).  
 
2.2. Qu'elles aient été prononcées en application du droit fédéral ou du droit cantonal, les mesures de sûretés fiscales constituent des mesures provisionnelles de droit public au sens de l'art. 98 LTF (arrêt 9C_598/2023 du 22 novembre 2023 consid. 2.1.2 et les références).  
En cas de recours contre des décisions portant sur des mesures provisionnelles, seule peut être invoquée, selon l'art. 98 LTF, la violation des droits constitutionnels. Le Tribunal fédéral n'examine de tels griefs que s'ils ont été invoqués et motivés par le recourant conformément à l'art. 106 al. 2 LTF (supra consid. 2.1). Le recourant qui se plaint de la violation d'un droit fondamental ne peut donc se borner à critiquer la décision attaquée comme il le ferait en instance d'appel, où l'autorité de recours jouit d'un libre pouvoir d'examen; il ne peut, en particulier, se contenter d'opposer sa thèse à celle de l'autorité cantonale, mais doit démontrer ses allégations par une argumentation précise (ATF 134 II 349 consid. 3; arrêt 9C_598/2023 du 22 novembre 2023 consid. 2.1.2). 
 
2.3. Lorsqu'il doit statuer sur un recours portant sur une demande de sûretés, le Tribunal fédéral limite son examen à un contrôle prima facie de la situation (arrêts 9C_583/2023 du 22 novembre 2023 consid. 2.1.3; 2C_85/2020 du 6 octobre 2020 consid. 5.2; 2C_273/2019 du 16 septembre 2019 consid. 2.2.2).  
 
3.  
Dans un grief qu'il y a lieu d'examiner en premier, le recourant se plaint d'une "composition arbitraire" du Tribunal cantonal, en lui reprochant d'avoir examiné sa cause dans la même composition que celle qui avait traité de son recours contre les "décisions initiales de demandes de sûretés". 
Ce motif est mal fondé. Il suffit de rappeler que d'après la jurisprudence, la garantie du juge impartial (cf. art. 30 al. 1 Cst.) ne commande pas la récusation d'un juge au simple motif qu'il a participé à une procédure antérieure à celle qui est en cours, même s'il s'est prononcé en défaveur de l'intéressé (cf. ATF 143 IV 69 consid. 3.1; arrêt 7B_34/2024 du 3 avril 2024 consid. 2.4 et les références). 
 
4.  
 
4.1. En matière d'IFD, le recourant reproche à la juridiction cantonale d'avoir déclaré son recours formé le 14 septembre 2023 irrecevable pour cause de tardiveté, le délai - non suspendu - étant arrivé à échéance le 25 août 2023. Il lui reproche une "application arbitraire des normes fédérales concernées", en soutenant avant tout que l'art. 149 al. 4 LIFD, qui renverrait aux dispositions de procédure cantonale - dont selon lui, celles sur la suspension des délais -, serait applicable.  
 
4.2. En ce qui concerne la procédure en matière de sûretés, le droit fédéral prévoit, à l'art. 169 al. 3 LIFD, que le contribuable peut s'opposer à la demande de sûretés en formant un recours devant la commission cantonale de recours dans un délai de 30 jours à compter de la notification. De manière générale, la procédure de recours concernant l'IFD devant l' (unique) autorité judiciaire cantonale est régie par les art. 140 à 144 LIFD. En ce qui concerne le délai de recours, l'art. 140 al. 4 LIFD renvoie pour le surplus à l'art. 133 LIFD qui régit de manière exhaustive le cours du délai. Selon l'art. 133 al. 3 LIFD, passé le délai prévu de 30 jours, le recours n'est recevable que si le contribuable établit une des causes d'empêchement énumérées par la loi. L'art. 133 LIFD ne prévoit pas de suspension de délais durant les féries judiciaires et les dispositions cantonales en matière de suspension de délais ne s'appliquent pas en matière d'IFD devant les instances cantonales (cf. arrêts 9C_236/2023 du 31 mai 2023 consid. 4; 2C_89/2015 du 23 octobre 2015 consid. 6.1; 2C_416/2013 du 5 novembre 2013 consid. 2.2, non publié in ATF 140 I 68, mais in RDAF 2014 II 40 et Pra 2014 p. 317).  
 
4.3. Le recourant ne peut pas être suivi lorsqu'il soutient que l'application de la jurisprudence relative à l'art. 133 LIFD serait arbitraire et que cette disposition s'appliquerait exclusivement à la procédure de réclamation. En effet, il perd de vue que l'art. 133 LIFD s'applique par analogie à la procédure de recours devant la juridiction cantonale. Faute d'exception prévue par le droit fédéral, il en va ainsi aussi dans le cadre d'une procédure concernant les mesures de sûretés (cf. art. 140 al. 4 en lien avec l'art. 169 al. 3 LIFD). En conséquence, dans la mesure où la LIFD ne prévoit pas de féries judiciaires et que celles du droit cantonal ne sont pas applicables en matière d'IFD, le délai de recours de 30 jours n'était pas suspendu et est dès lors bien arrivé à échéance le 25 août 2023. Déposé le 14 septembre 2023, le recours était donc tardif, comme l'a retenu à juste titre la juridiction cantonale. La référence que fait le recourant à l'art. 149 al. 4 LIFD n'y change rien, puisqu'il en fait une interprétation erronée: le renvoi "aux dispositions relatives à la procédure suivie lors de la décision ou du prononcé antérieur", prévu par cette disposition, porte sur la procédure applicable en matière d'IFD, dont les art. 140 à 144 LIFD (et non pas sur les règles de procédure cantonale sur les suspensions de délai). Le grief est mal fondé, de sorte que le recours doit être rejeté en ce qui concerne l'IFD.  
 
5.  
Sous l'angle de l'ICC, la juridiction cantonale a examiné le recours du contribuable exclusivement sous l'angle des règles sur les moyens de droit permettant de revenir sur des décisions et jugements entrés en force, à savoir les règles sur la révision fiscale au sens de l'art. 203 de la loi vaudoise du 4 juillet 2000 sur les impôts directs cantonaux (LI; RS/VD 642.11), en relation avec les art. 147 ss LIFD et 51 ss LHID. Le recourant y voit une application arbitraire du droit cantonal, dès lors que sa cause n'a pas été examinée selon "la situation actualisée". Cette question détermine dès lors l'objet du litige en instance fédérale, de sorte que les conclusions du recourant qui sortent de ce cadre, comme celle tendant à la levée des séquestres, sont irrecevables. 
 
5.1. Se prononçant sur la portée de l'art. 169 LIFD en matière de sûretés, le Tribunal fédéral a considéré qu'en tant que mesures provisionnelles, les sûretés peuvent être modifiées ou révoquées à tout moment selon l'évolution des circonstances (arrêts 2C_85/2020 du 6 octobre 2020 consid. 5.1; 2C_543/2018 du 30 octobre 2018 consid. 2.2). L'examen de l'évolution des circonstances suppose de prendre en considération la situation telle qu'elle se présente au moment où la personne concernée demande la reconsidération d'une mesure de sûreté en raison de l'évolution des circonstances (cf. HANS FREY, in Kommentar zum Schweizerischen Steuerrecht, DBG, 4e éd. 2022, n° 143a ad art. 169 LIFD), ce qui exclut les conditions de la révision fiscale.  
 
5.2. Bien que la LHID ne prévoie pas de règle d'harmonisation contraignante pour les cantons en matière de sûretés (cf. art. 78 LHID) et que le canton de Vaud dispose donc d'une liberté étendue de réglementation à ce sujet, on constate que l'art. 233 al. 1 LI reprend les termes de l'art. 169 al. 1 LIFD. Par conséquent, les principes exposés en matière d'IFD s'appliquent à l'ICC (arrêts 9C_598/2023 du 22 novembre 2023 consid. 8 et la référence; 2C_543/2018 du 30 octobre 2018 consid. 5).  
Il en résulte que la juridiction cantonale a appliqué arbitrairement le droit cantonal en appréciant le bien-fondé de la décision administrative attaquée devant elle "exclusivement (...) sous l'angle des dispositions spéciales sur la révision fiscale", comme elle l'a indiqué (arrêt attaqué consid. 2 p. 9 in fine) et non pas sous l'angle de celles applicables dans une procédure de mesures provisionnelles, posées en matière d'IFD mais également valables dans le domaine de l'ICC. Dans la mesure où les sûretés prononcées constituent des mesures provisionnelles, elles peuvent être modifiées ou révoquées à tout moment selon l'évolution des circonstances (cf. consid. 5.1 supra), de sorte qu'il appartenait aux juges précédents de réexaminer le bien-fondé des mesures de sûretés au moment du dépôt de la demande, soit de déterminer si les circonstances justifiant de telles mesures avaient évoluées, notamment au regard du risque d'une fuite en Espagne, dont le recourant fait valoir l'absence. À défaut, l'arrêt attaqué est contraire au droit et doit être annulé; la cause doit être renvoyée à la juridiction cantonale pour qu'elle l'examine sous l'angle de la reconsidération demandée par le recourant le 27 avril 2023. 
 
6.  
Compte de l'issue du recours, les frais judiciaires sont répartis entre le recourant et le canton de Vaud (art. 66 al. 1 et 4 LTF). Des dépens réduits seront alloués au contribuable (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté en tant qu'il concerne les mesures de sûretés relatives à l'impôt fédéral direct pour les périodes fiscales 2007 à 2021. 
 
2.  
Dans la mesure où il est recevable, le recours est partiellement admis en tant qu'il concerne les mesures de sûretés relative à l'impôt cantonal et communal pour les périodes fiscales 2007 à 2021. L'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, du 27 décembre 2023 est annulé en tant qu'il concerne ces mesures et la cause est renvoyée à l'instance précédente pour qu'elle statue à nouveau au sens des considérants. Le recours est rejeté pour le surplus. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 6'000 fr., sont mis à la charge du recourant à raison de 4'000 fr. et à la charge du canton de Vaud à raison de 2'000 fr. 
 
4.  
Le recourant a droit à une indemnité de dépens réduite, fixée à 2'800 fr., à la charge du canton de Vaud. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, et à l'Administration fédérale des contributions. 
 
 
Lucerne, le 12 septembre 2024 
 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Juge présidant : Moser-Szeless 
 
Le Greffier : Feller