Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
6P.109/2005
6S.344/2005 /gnd
Arrêt du 12 novembre 2005
Cour de cassation pénale
Composition
MM. les Juges Schneider, Président,
Kolly et Karlen.
Greffière: Mme Bendani.
Parties
X.________,
recourante, représentée par Me Mauro Poggia, avocat,
contre
Ministère public du canton de Vaud, case postale, 1014 Lausanne,
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud, route du Signal 8, 1014 Lausanne.
Objet
6P.109/2005
Art. 9 Cst. (procédure pénale); arbitraire;
6S.344/2005
Ordonnance de non-lieu (homicide par négligence),
recours de droit public (6P.109/2005) et pourvoi en nullité (6S.344/2005) contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 8 avril 2005.
Faits:
A.
A.a Entre le 6 mai et le 23 juin 2002, A.________ s'est rendu à plusieurs reprises chez le Dr B.________, médecin généraliste, ainsi que chez le Dr E.________, médecin interniste. Ces derniers ont rapporté que leur patient disait être victime de possession satanique. Le Dr B.________ a diagnostiqué un épisode psychotique aigu, lui a prescrit des neuroleptiques et un anxiolytique et lui a recommandé d'arrêter immédiatement la consommation de drogues hallucinogènes. Le Dr E.________ a diagnostiqué une schizophrénie paranoïde avec un thème délirant très structuré, fait un essai de prescription de neuroleptiques et pris contact avec le Dr B.________ et un confrère, qui lui ont confirmé la gravité de la situation.
A.b Le 25 juin 2002, A.________ a été soigné pour une veinosection au niveau du poignet gauche, puis admis à l'hôpital psychiatrique de Z.________ à la suite d'une décision d'hospitalisation d'office dans un établissement psychiatrique. Lors de cette admission, il a eu un entretien d'environ quarante-cinq minutes avec le Dr F.________, qui a diagnostiqué un trouble psychotique aigu d'allure schizophrénique, prescrit une médication neuroleptique, constaté qu'il avait affaire à un patient calme et collaborant, indiqué au dossier médical des risques de raptus, de tentamen et de fuite, laissé A.________ libre en cadre d'étage et dit à l'infirmière C.________ qu'elle pouvait l'appeler en cas d'inquiétude.
A.c Le 26 juin 2002 au matin, A.________ a pris son petit déjeuner et s'est entretenu quelques minutes par téléphone avec sa mère. Il a ensuite quitté l'établissement à l'insu du personnel et s'est immolé, vers 10 h. 30, s'aspergeant de benzine contenue dans un estagnon pris au fond du garage laissé ouvert du chalet de D.________, infirmier-chef adjoint et gestionnaire de la pharmacie de l'hôpital de Z.________. Souffrant de brûlures très étendues, A.________ a reçu les premiers soins par le personnel des Ambulances Services, puis a été transporté par la REGA au CHUV, où il est décédé le jour même à 20 h. 45.
B.
Par ordonnance du 18 février 2005, le Juge d'instruction de l'arrondissement de La Côte a prononcé un non-lieu dans le cadre de cette enquête instruite contre inconnu pour homicide par négligence. En bref, il a estimé que les Drs F.________ et G.________, le personnel infirmier et, par extension, l'hôpital de Z.________, avaient déployé les efforts que l'on pouvait attendre d'eux et n'avaient ni excédé les limites du risque admissible, ni omis de prendre les précautions nécessaires, de sorte qu'ils ne s'étaient pas rendus coupables d'homicide par négligence.
C.
Par arrêt du 15 août 2005, le Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours de X.________, mère du défunt, et confirmé l'ordonnance attaquée. Il a jugé en substance que la prise en charge du patient à l'hôpital psychiatrique avait été correcte et adaptée et que l'on ne pouvait reprocher aucune faute ni aucun manquement aux différents intervenants, infirmiers ou médecins, dans l'hospitalisation de A.________.
D.
X.________ dépose un recours de droit public pour arbitraire (art. 9 Cst) et violation du droit à être traitée équitablement (art. 29 al. 1 Cst) ainsi qu'un pourvoi en nullité pour violation de l'art. 117 CP. Elle conclut à l'annulation de l'arrêt cantonal. Elle requiert également l'assistance judiciaire.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
I. Recours de droit public
1.
1.1 Aux termes de l'art. 88 OJ, la qualité pour former un recours de droit public est reconnue aux particuliers ou aux collectivités lésés par les arrêtés ou décisions qui les concernent personnellement ou qui sont de portée générale. De jurisprudence constante, la personne lésée par une infraction ne peut pas se fonder sur cette disposition pour contester une décision de non-lieu, de classement ou d'acquittement, car le droit de punir appartient à l'Etat et qu'elle n'est dès lors pas atteinte dans un droit qui lui est propre. Elle ne peut invoquer que la violation de règles de procédure destinées à sa protection. Par exemple, elle peut faire valoir que son recours a été déclaré à tort irrecevable, qu'elle n'a pas été entendue, qu'on ne lui a pas donné l'occasion de présenter ses moyens de preuve ou qu'elle n'a pas pu prendre connaissance du dossier. Mais elle ne saurait se plaindre ni de l'appréciation des preuves, ni du rejet de ses propositions si l'autorité retient que les preuves offertes sont impropres à ébranler sa conviction, car ces griefs sont indissociablement liés à l'examen du fond (ATF 121 IV 317 consid. 3b p. 324).
1.1.1 La recourante estime que l'autorité cantonale serait tombée dans l'arbitraire en retenant que la prise en charge de son fils dans l'établissement hospitalier de Z.________ avait été correcte et adaptée. Ce faisant, elle ne se plaint pas d'une violation de ses droits procéduraux, mais critique l'appréciation des preuves et l'établissement des faits, ce qu'elle est irrecevable à faire en vertu de l'art. 88 OJ.
1.1.2 La recourante considère ne pas avoir bénéficié d'un procès équitable. Elle reproche au Juge d'instruction de ne pas avoir requis l'expertise psychiatrique de son fils, de ne pas avoir auditionné le Dr H.________, ni le Directeur de l'hôpital psychiatrique de Z.________. Statuant sur ce grief, le Tribunal d'accusation a jugé que les moyens requis n'étaient pas de nature à modifier ses conclusions, l'enquête ayant au demeurant été menée de manière complète et approfondie par le magistrat instructeur. Le grief soulevé revient ainsi à critiquer l'appréciation des preuves et est par conséquent irrecevable en vertu de l'art. 88 OJ.
1.2 Les victimes au sens de l'art. 2 LAVI ont en principe le droit d'intervenir comme parties dans la procédure pénale (art. 8 al. 1 LAVI), notamment en formant contre le jugement les mêmes recours que le prévenu. Encore faut-il qu'elles aient déjà été parties à la procédure auparavant et que la sentence touche leurs prétentions civiles ou puisse avoir des effets sur le jugement de ces dernières. A défaut de prétentions civiles contre l'auteur, elles ne peuvent en effet se constituer partie civile dans la procédure pénale, de sorte qu'elles ne sauraient se voir reconnaître la qualité pour recourir (art. 8 al. 1 let. c LAVI; cf. ATF 128 IV 188 consid. 2.2 p. 191; 127 IV 189 2b p. 191 s.).
1.2.1 En droit vaudois, la responsabilité du personnel des établissements sanitaires cantonaux - dont fait partie l'hôpital psychiatrique de Z.________ (cf. art. 2 al. 2 ch. 3 du règlement sur les hospices cantonaux, RSV 810.11.1) - est régie par la loi du 16 mai 1961 sur la responsabilité de l'Etat, des communes et de leurs agents (cf. art. 2 et 40 al. 1 de la loi sur le personnel de l'Etat de Vaud, RSV 172.31; pour les médecins hospitaliers vaudois, cf. arrêt non publié du Tribunal fédéral du 24 août 2004, 6P.92/2004, consid. 1.3). Selon l'art. 4 de cette loi, l'Etat répond du dommage que ses agents causent à des tiers d'une manière illicite. D'après l'art. 5 LREC, l'agent n'est pas personnellement tenu envers le lésé de réparer le dommage. A certaines conditions, l'Etat a un droit de recours contre l'agent fautif (art. 10 LREC). Il ressort donc de ces dispositions que le personnel hospitalier vaudois n'est pas tenu personnellement envers le lésé de réparer le dommage, le droit cantonal instituant une responsabilité primaire et exclusive de la collectivité.
1.2.2 La recourante critique la prise en charge et la surveillance de son fils par le personnel de l'hôpital psychiatrique de Z.________. Elle s'en prend ainsi au comportement des médecins et infirmiers ayant agi dans l'exercice de leurs fonctions au sein d'un établissement public cantonal. Ses prétentions en réparation du dommage causé sont dès lors régies par la loi précitée. Ainsi, faute de pouvoir obtenir un quelconque dédommagement dans le cadre du procès pénal, la recourante ne bénéficie pas du droit au recours institué par l'art. 8 al. 1 let. c LAVI. Le recours est par conséquent irrecevable.
II. Pourvoi en nullité
2.
Conformément à l'art. 270 let. e ch. 1 PPF, la victime d'une infraction peut se pourvoir en nullité au Tribunal fédéral si elle était déjà partie à la procédure et dans la mesure où la sentence touche ses prétentions civiles ou peut avoir des incidences sur le jugement de celles-ci. Cette faculté est réservée à la victime telle qu'elle est définie par l'art. 2 al. 1 LAVI, savoir la personne qui a subi, du fait d'une infraction, une atteinte directe à son intégrité corporelle, sexuelle ou psychique (ATF 127 IV 236 consid. 2b/bb) ou encore, en application de l'art. 2 al. 2 let. b LAVI, aux proches d'une telle personne.
La recourante n'a pas qualité pour agir au sens de l'art. 270 let. e ch. 1 PPF, puisqu'elle ne dispose que d'une créance de droit public contre l'Etat de Vaud, à l'exclusion du personnel soignant de l'hôpital psychiatrique de Z.________ (cf. supra consid. 1.2.1). Son pourvoi est donc irrecevable.
III. Frais et dépens.
3.
Comme le recours de droit public et le pourvoi en nullité étaient d'emblée dénués de chances de succès, l'assistance judiciaire sollicitée pour les deux recours doit être refusée (art. 152 al. 1 OJ) et la recourante, qui succombe, supportera les frais (art. 156 al. 1 OJ et 278 al. 1 PPF), dont le montant sera arrêté en tenant compte de sa situation financière.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours de droit public est irrecevable.
2.
Le pourvoi en nullité est irrecevable.
3.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.
4.
Un émolument judiciaire de 1'600 francs est mis à la charge de la recourante.
5.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, au Ministère public du canton de Vaud et au Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 12 novembre 2005
Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse
Le président: La greffière: