Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_68/2024
Arrêt du 12 novembre 2024
I
Composition
Mmes les Juges fédérales
Jametti, Présidente, Kiss et May Canellas.
Greffière : Mme Fournier.
Participants à la procédure
1. A.________,
2. B.________,
3. C.________ SA,
tous les trois représentés par Me Pascal Pétroz, avocat,
recourants,
contre
1. D.________,
2. E.________,
tous les deux représentés par Me Romolo Molo, avocat,
3. Ville de Genève,
Service juridique,
rue de l'Hôtel-de-Ville 4, 1211 Genève 3,
intimés.
Objet
défauts de la chose louée (chantier); réduction de loyer; loyer échelonné,
recours contre l'arrêt rendu le 18 décembre 2023 par la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève (C/27423/2019, ACJC/1665/2023).
Faits :
A.
A.a. Le 17 janvier 2013, E.________ et D.________ (ci-après: les locataires) d'une part et A.________ et B.________ (ci-après: les bailleurs) d'autre part ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de sept pièces situé au 7ème étage de l'immeuble sis (...).
Le contrat a été conclu pour une durée initiale de cinq ans, du 1er février 2013 au 31 janvier 2018, renouvelable tacitement d'année en année, sauf résiliation respectant un préavis de trois mois pour la fin d'un mois.
Le loyer annuel, charges non comprises, a été échelonné et fixé à 43'200 fr. du 1er février 2013 au 31 janvier 2016, 54'000 fr. du 1er février 2016 au 31 janvier 2017 et 57'000 fr. dès le 1er février 2017.
Selon l'article 1 des clauses particulières du bail, cet échelonnement a été prévu pour prendre en compte les nuisances engendrées par le chantier du CEVA. Les locataires ne pouvaient prétendre à aucune réduction de loyer ou indemnité supplémentaire.
Cette clause n'a pas fait l'objet de discussions entre les parties.
L'avis de fixation du loyer initial précise que le loyer se situe dans les limites usuelles dans la localité ou dans le quartier et que l'ancien loyer s'élevait à 48'000 fr. depuis le 1er juillet 2007.
À l'époque de la conclusion du bail, les travaux de percement du tunnel ferroviaire et de construction de la gare réalisés par les CFF étaient en cours, avant que l'aménagement du plateau de Champel par la Ville de Genève ne soit réalisé.
A.b. Un avenant au bail a été conclu le 26 octobre 2015, repoussant le premier échelon d'une année et l'échéance du bail au 31 janvier 2019.
Un second avenant a été conclu le 21 octobre 2016, repoussant le premier échelon d'une année supplémentaire, de sorte qu'il devait prendre effet le 1er février 2018 et le suivant le 1er février 2019.
Un dernier avenant a été conclu le 7 décembre 2017, supprimant l'ultime échelon, le loyer annuel restant ainsi fixé à 54'000 fr.
A.c. En septembre 2018, la Ville de Genève a avisé les riverains qu'elle allait réaménager les espaces publics autour de la gare du futur Léman Express sur le plateau de Champel, conformément à l'autorisation de construire obtenue le 23 novembre 2017.
Ces travaux devaient se faire en parallèle du chantier du CEVA qui se poursuivait en sous-sol.
Le chantier débuterait le 17 septembre 2018 et durerait jusqu'au printemps 2020. Cependant, la plus grande partie des aménagements devait être terminée pour la mise en service du Léman Express en décembre 2019.
Les travaux auraient lieu en plusieurs étapes. Les premières semaines, ils se dérouleraient dans le périmètre du chantier alors en cours, ainsi que sur la parcelle située de l'autre côté de l'avenue de Champel (devant les numéros (...) à (...)). Puis des interventions auraient lieu sur les avenues Alfred-Bertrand et de Champel et feraient l'objet d'autres feuilles d'information.
Ils consisteraient en des travaux de terrassement et de remblayage, en la réalisation de canalisations pour la récolte des eaux de pluie, de différents réseaux d'arrosage pour les futurs arbres, de réseaux pour l'éclairage public, d'îlots végétalisés et en la mise en place d'enrobés bitumeux.
A.d. Ces travaux ont débuté le 17 septembre 2018. Les travaux sur le grand plateau se sont terminés le 12 décembre 2019, lors de l'inauguration du CEVA et les travaux sur le petit plateau, situé en face, se sont achevés en avril 2020. Les containers de chantier ont été évacués entre le 13 et le 18 juin 2020.
A.e. Les 10 octobre 2018, 7 novembre 2018 et 13 décembre 2018, les locataires se sont plaints auprès de la régie des nuisances occasionnées par ces travaux, à savoir de la poussière sur les meubles du balcon, du bruit, des tremblements, des difficultés à accéder à l'immeuble à cause des barrières de chantier, ce qui justifiait à leurs yeux une (nouvelle) réduction de loyer. Ils ont essuyé un refus.
B.
B.a. Par requêtes déposées le 3 décembre 2019 devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, déclarées non conciliées, puis portées devant le Tribunal des baux et loyers de Genève le 3 février 2020, les locataires ont conclu à une réduction de loyer de 30 % dès le 17 septembre 2018 jusqu'à la fin des travaux, au remboursement du trop-perçu de loyer et à une baisse de loyer de 8,1 % en raison de la baisse du taux hypothécaire dès le 1er février 2020.
Les bailleurs ont dénoncé l'instance à la Ville de Genève, laquelle a déclaré qu'elle interviendrait en faveur de ceux-ci sans autre condition.
Par mémoire de réponse du 13 mai 2020, les bailleurs ont conclu, préalablement, à ce qu'il leur soit donné acte de ce qu'ils avaient dénoncé l'instance à la Ville de Genève, principalement au déboutement des locataires et subsidiairement à ce qu'il leur soit donné acte de ce que le loyer était réduit de 15 % dès le 17 septembre 2018 jusqu'à la fin des travaux.
La Ville de Genève a conclu au déboutement des locataires de leurs conclusions.
Par jugement du 26 septembre 2022, le Tribunal des baux et loyers de Genève a donné acte à la Ville de Genève de ce qu'elle avait accepté la dénonciation d'instance, dit que le jugement était opposable à celle-ci, réduit le loyer de l'appartement de 15 % du 17 septembre 2018 au 12 décembre 2019 et de 5 % du 13 décembre 2019 au 30 avril 2020, condamné les défendeurs à verser aux demandeurs le trop-perçu qui en résultait, à savoir 11'064 fr. 10 avec intérêts à 5 % dès le 15 février 2021, réduit le loyer de l'appartement de 8,1 % dès le 1er février 2020 et condamné les défendeurs à verser aux demandeurs le trop-perçu consécutif.
B.b. Par arrêt du 18 décembre 2023, la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève a rejeté l'appel des défendeurs. Ses motifs seront évoqués dans les considérants en droit du présent arrêt, dans la mesure utile à l'examen des griefs dont il est la cible.
C.
Les défendeurs ainsi que la société C.________ SA forment un recours en matière civile en concluant principalement à l'annulation de l'arrêt cantonal "en ce qu'il confirme les chiffres 1, 4 à 8" du premier jugement; au surplus, à la confirmation de cet arrêt; subsidiairement à son annulation et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Les demandeurs intimés concluent au rejet de ce recours. La Ville de Genève déclare adhérer à l'argumentation et aux conclusions des recourants et se réfère, pour le surplus, à ses écritures devant les deux instances inférieures.
La cour cantonale se réfère pour sa part à son arrêt.
Considérant en droit :
1.
1.1. Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont réalisées sur le principe, notamment celles afférentes à la valeur litigieuse minimale de 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF) et au délai de recours (art. 100 al. 1 et 46 al. 1 let. c LTF).
1.2. Le recours a été formé par trois personnes, à savoir A.________ et B.________, contre lesquels la demande est dirigée, ainsi que C.________ SA, société dont les prénommés sont administrateurs avec signature collective à deux et qui est désormais propriétaire de l'immeuble où est situé l'objet loué, comme l'extrait du registre foncier qu'ils ont produit le confirme (sur la recevabilité de ce novum et de la pièce corrélative, cf. arrêt 4F_6/2019 du 18 mars 2020 consid. 2.1). Cela étant, cette société n'était pas partie à la procédure cantonale, ce qui pose la question de sa qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF).
Aux termes de l'art. 17 al. 1 PCF, applicable par renvoi de l'art. 71 LTF, une personne ne peut se substituer à l'une des parties qu'avec le consentement de l'autre (cf. arrêts 4A_504/2015 du 28 janvier 2016 consid. 1.1.2; 1C_32/2007 du 18 octobre 2007 consid. 1.1). L'art. 17 al. 3 PCF dispose toutefois que le changement des personnes n'entraîne pas substitution de parties lorsqu'il s'opère par succession universelle ou en vertu de dispositions légales spéciales. Dans un arrêt qui remonte au 28 novembre 2006, le Tribunal fédéral a évoqué que l'art. 261 al. 1 CO - selon lequel le bail passe à l'acquéreur avec la propriété de la chose si, après la conclusion du contrat, le bailleur aliène la chose louée - compte parmi les dispositions légales spéciales auxquelles l'art. 17 al. 3 PCF fait référence (cf. arrêt 4C.291/2006 du 28 novembre 2006 consid. 1.3), ce qui fait que l'acquéreur se substitue de plein droit au précédent bailleur dans les procès en cours pour les droits et obligations résultant du contrat après le moment du transfert (cf. ég. ATF 127 III 273 consid. 4c/aa; arrêts 4A_275/2022 du 22 août 2022 consid. 5.1.2; 4A_251/2012 du 28 août 2012 consid. 2; cf. ég. David Lachat/François Bohnet, in Commentaire romand, 3e éd. 2021, n° 3 ad art. 261 CO; Peter HIGI/CHRISTOPH WILDISEN, in Zürcher Kommentar, 5e éd. 2019, n° 23 ad art. 261 CO; SYLVAIN MARCHAND in Droit du bail à loyer et à ferme, Commentaire pratique, 2e éd. 2017, n° 23 ad art. 261 CO).
En l'espèce, la réduction de loyer liée à la baisse du taux hypothécaire de référence perdure au-delà de la date du transfert de propriété de l'immeuble. C.________ SA a donc qualité pour recourir s'agissant de la fixation du loyer se rapportant à la période postérieure à ce transfert, aux côtés de A.________ et B.________ qui conservent cette qualité pour ce qui a trait à la période antérieure.
1.3. Les recourants formulent des conclusions en annulation, alors que le Tribunal fédéral dispose d'un pouvoir de réforme, ce qui pose la question de leur recevabilité. Cela étant, l'on cerne suffisamment à la lecture du mémoire de recours que les recourants s'opposent à quelque réduction de loyer que ce soit. Il est dès lors possible d'entrer en matière.
1.4. L'on soulignera au passage que le procédé consistant, pour la Ville de Genève, à se référer aux écritures produites devant la cour cantonale n'a aucune valeur.
2.
2.1. Le recours peut être formé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Eu égard, toutefois, à l'exigence de motivation qu'impose l'art. 42 al. 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), il n'examine que les griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes (ATF 140 III 115 consid. 2). Le recourant doit discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi il estime que l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 140 III 86 consid. 2).
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). "Manifestement inexactes" signifie ici "arbitraires" (ATF 140 III 115 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références).
3.
Il est constant que les défendeurs ont été liés aux demandeurs par un contrat de bail de durée indéterminée, avant que ce bail ne passe à C.________ SA avec la propriété de l'immeuble (art. 261 al. 1 CO). Qu'il s'agisse d'un bail à loyers échelonnés (art. 269c CO) et que l'échelonnement soit licite (sur cette question, cf. not. arrêt 4A_689/2014 du 7 mai 2015 consid. 1.2) n'est pas non plus remis en cause. Le litige porte sur la réduction de loyer demandée par les locataires à laquelle la cour cantonale a partiellement fait droit pour deux motifs: l'un tient aux travaux d'aménagement extérieur réalisés par la Ville de Genève sur le plateau du Champel entre le 17 septembre 2018 et le 30 avril 2020; l'autre à la baisse du taux hypothécaire de référence.
3.1. Au chapitre des travaux de la Ville de Genève, la cour cantonale a considéré que les locataires avaient droit à une réduction de loyer de 15 % entre le 17 septembre 2018 et le 12 décembre 2019, et de 5 % du 13 décembre 2019 au 30 avril 2020.
L'arrêt cantonal explique que les nuisances générées par ce chantier excédaient ce qui devait usuellement être toléré en milieu urbain pour des locataires de locaux destinés à l'habitation. Dès le 17 septembre 2018, les travaux de la Ville de Genève avaient généré beaucoup de bruit tout au long de la journée. Ils avaient également produit de la poussière, forçant les habitants de l'immeuble à fermer les fenêtres en permanence. De fortes vibrations et tremblements avaient été ressentis. Plusieurs coupures d'eau s'étaient produites. S'y ajoutait une impression d'enfermement créée par les machines, barrières de chantier et mouvements de camions. L'accès à l'immeuble avait été fortement perturbé. Ces travaux avaient duré jusqu'en décembre 2019. Après l'inauguration du CEVA le 12 décembre 2019, les travaux - consistant en des plantations d'arbres - avaient été moins importants, tout en continuant à générer des nuisances.
Les bailleurs ne pouvaient être suivis lorsqu'ils affirmaient avoir déjà octroyé une réduction de loyer en raison des travaux en question. La réduction de loyer concédée dans le contrat de bail l'avait été pour compenser les nuisances résultant des travaux CEVA, non ceux réalisés par la Ville de Genève. C'est à raison des travaux du CEVA seuls que les locataires avaient renonçé, dans ce même contrat, à demander une réduction de loyer plus importante. S'agissant enfin de l'article 1 des clauses particulières du bail, les bailleurs ne pouvaient pas en déduire que les locataires avaient accepté un usage des locaux inférieur à la norme.
S'agissant de la quotité de la réduction de loyer, la cour cantonale a entériné le pourcentage de 15 % par lequel les premiers juges avaient appréhendé les nuisances subies du 17 septembre 2018 au 12 décembre 2019. Les juges cantonaux ont également confirmé la réduction de 5 % relative à la période subséquente, du 13 décembre 2019 au 30 avril 2020, sachant que la plantation d'arbres intervenue durant ce laps de temps avait généré des nuisances moins importantes.
3.2. Sur le second point, à savoir la baisse du taux hypothécaire de référence, les juges cantonaux ont relevé que la date de référence pour le calcul du nouveau loyer était celle de la conclusion de la clause d'échelonnement, à savoir le 1er février 2013, puisque le but de l'échelonnement n'était pas l'anticipation des coûts, mais la compensation des nuisances liées aux travaux du CEVA; le fait que les bases de calcul du loyer échelonné n'étaient pas mentionnées dans la convention d'échelonnement n'était pas crucial.
Comme le taux hypothécaire correspondait à 2,25 % le 1er février 2013 et qu'il avait été ramené à 1,5 % le 1er février 2020, les locataires avaient droit à une baisse de loyer de 8,26 %. Ils avaient toutefois conclu à l'octroi d'une baisse de loyer de 8,1 % à compter de cette date-là, de sorte que le tribunal admettrait cette conclusion-là et non davantage.
3.3. Les recourants soutiennent que ce raisonnement serait entaché d'arbitraire dans l'appréciation des preuves et qu'il enfreindrait à d'autres titres également l'application bien conçue du droit fédéral.
4.
Au chapitre de la réduction de loyer liée au chantier de la Ville de Genève, leurs griefs sont de cinq ordres.
4.1. Les recourants se plaignent de ce qu'un jugement du Tribunal des baux dans une cause opposant d'autres parties, qu'ils avaient produit comme pièce nouvelle à l'appui de leur appel, a été déclaré irrecevable. La Cour de céans n'a nulle raison de redresser une hypothétique violation des art. 150, 151 ou 179 CPC , comme les recourants le dénoncent, la pièce en question - qui a opposé d'autres parties devant un tribunal de première instance - n'étant pas déterminante pour le sort du présent litige.
4.2. Les recourants se plaignent d'une violation des art. 229 et 247 CPC : en cause, le fait que la cour cantonale ait confirmé l'appréciation des premiers juges, selon lesquels les locataires étaient admis à déposer des déclarations d'autres locataires et de témoins dans des procédures connexes.
La cour cantonale a estimé, à l'instar du tribunal de première instance, que ces déclarations avaient été déposées avant les plaidoiries finales orales et qu'elles étaient utiles pour trancher la cause, puisqu'elles apportaient des précisions sur l'étendue des nuisances subies par les autres habitants de l'immeuble. Le juge établissant les faits d'office, c'était donc à bon droit que le tribunal de première instance avait admis que les moyens de preuve avaient été produits en temps utile (art. 229 al. 3 CPC).
Les recourants n'expliquent pas en quoi ce raisonnement serait erroné. Ils soutiennent tout au plus que les moyens de preuve considérés ne seraient pas probants, puisque les autres locataires de l'immeuble auraient pour "but commun d'obtenir une baisse de loyer". En réalité, c'est donc l'appréciation des preuves qu'ils critiquent; en vain, aucun arbitraire n'étant décelable. Ils affirment encore que ces déclarations auraient pu être produites des mois plus tôt, mais ceci n'est guère évident sur la foi de cette simple assertion.
S'ensuit le rejet de ce deuxième grief.
4.3. Les recourants soutiennent que l'un des faits retenu par les juges cantonaux serait erroné. En cause, le passage où ceux-ci indiquent: "les bailleurs n'ont pas allégué avoir fourni de renseignements relatifs au chantier du CEVA aux locataires". Cela étant, la Cour de céans ne voit guère en quoi le fait contraire serait décisif, puisque ce n'est pas le chantier du CEVA qui est en cause, mais celui de la Ville de Genève.
4.4. Selon les recourants, il serait choquant de procéder à une dichotomie entre les travaux du CEVA et ceux réalisés par la Ville de Genève. À leurs yeux, "les travaux de la Ville de Genève étaient consécutifs, ce de manière prévisible, aux travaux du CEVA"; "à terme, l'ensemble de ces travaux devaient constituer un tout cohérent" de sorte qu'ils seraient liés. Cette démonstration ne convainc pas. Sur la base des faits établis de manière souveraine par la cour cantonale, la Cour de céans ne voit guère d'autre dénominateur commun que la période à laquelle les travaux de la Ville de Genève ont été entrepris, qui se recoupe partiellement avec celle des travaux du CEVA.
Ce grief n'est dès lors guère plus fondé que les précédents.
4.5. Les recourants se plaignent finalement d'arbitraire dans l'appréciation des preuves. Selon eux, le dernier échelon de loyer (cf.
supra let. Ab) aurait été supprimé en raison des travaux de la Ville de Genève. Ils affirment qu'" en septembre 2018, la ville de Genève a avisé les riverains qu'elle allait réaménager les espaces publics autour de la gare du futur Léman Express sur le plateau de Champel, conformément à l'autorisation de construire obtenue le 23 novembre 2017"; selon eux, il appartenait ainsi aux locataires de se renseigner sur l'évolution du chantier " à plus forte raison qu'ils entendaient signer un avenant au contrat "; et d'en conclure qu'il serait " inadmissible que l'instance précédente puisse soutenir qu'il n'existait aucun accord entre les parties concernant une éventuelle réduction de loyer relative aux travaux de la ville de Genève ".
La cour cantonale n'a pas établi le motif à la base de la suppression du dernier échelon de loyer. Elle a indiqué dans son arrêt que, selon les locataires, la suppression de cet échelon n'était pas motivée par les nuisances du chantier, mais par le fait que le loyer de leur appartement se situait déjà dans les loyers usuels du quartier; alors que selon la régie, l'échelon avait été supprimé en raison des nuisances du chantier (cf. arrêt attaqué, p. 4). Les recourants notent ça-et-là dans leur mémoire que le chantier en cause serait celui du CEVA, ce qui est quelque peu confondant, mais cohérent avec leur optique selon laquelle la distinction avec le chantier de la Ville de Genève serait artificielle. Quoi qu'il en soit, la Cour de céans ne décèle aucune violation du droit fédéral, encore moins un quelconque arbitraire, dans le fait que les juges cantonaux ne se soient pas déclarés convaincus par la thèse des recourants.
Ces griefs tombent donc à faux et le premier pan de l'arrêt cantonal en ressort intact.
5.
S'agissant de la réduction de loyer liée à la baisse du taux hypothécaire de référence, les recourants soulèvent deux griefs.
5.1. Contrairement à ce qu'ils affirment, le fait que la cour cantonale ait exclu que l'échelonnement soit lié aux travaux exécutés par la Ville de Genève ne grève pas son raisonnement d'une quelconque contradiction.
5.2. Les recourants estiment également que les bases de calcul (taux hypothécaire) n'ont pas été précisées lors de la conclusion du bail, ce qui ferait obstacle à une diminution du loyer consécutive à la baisse du taux en question. La comparaison devrait être opérée entre le taux hypothécaire de référence de décembre 2018 et celui de février 2020, de sorte qu'il n'y aurait pas matière à une réduction quelconque.
5.2.1. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le bail à loyers échelonnés comporte un élément aléatoire, dans la mesure où il anticipe la variation des facteurs de hausse et de baisse jusqu'à l'expiration du bail. Cependant, les parties en sont conscientes et elles acceptent que le loyer, tel qu'il a été fixé à la signature du contrat, fasse règle pour elles jusqu'à l'échéance du bail, quand bien même leurs pronostics concernant l'évolution de ces facteurs ne se vérifieraient pas, parce que chacune d'elles pense trouver son intérêt dans la conclusion d'un bail de cette nature. Il est donc normal que l'on se reporte à la date d'expiration du bail à loyers échelonnés pour vérifier, dans le cadre de la méthode relative, si l'évolution des facteurs de hausse invoqués par le bailleur justifie ou non la majoration de loyer notifiée subséquemment au locataire (ATF 121 III 397 consid. 2b/bb).
Sans doute, comme le soulignent Lachat et Stastny (David Lachat/Pierre Stastny, in Le bail à loyer, 2019, p. 660, n° 3.1.3), les parties qui conviennent d'un échelonnement n'anticipent-elles pas nécessairement l'évolution des facteurs de fixation du loyer, d'autres hypothèses étant possibles ("cadeau" du bailleur; rattrapage progressif du loyer, couvrant les coûts, compromis, etc.). Dans certaines de ces hypothèses, notamment lorsqu'il ne s'agit que d'étaler sur plusieurs années une augmentation de loyer d'ores et déjà admissible, il convient de prendre comme premier point de référence, pour l'application de la méthode relative, la date de la fixation du loyer échelonné (signature du bail à loyers échelonnés, notification d'une hausse de loyer comportant un échelonnement, conclusion de la transaction prévoyant des loyers échelonnés). Encore faut-il, pour ce faire, que les parties aient manifesté clairement et d'une manière concordante, en fixant le loyer échelonné, qu'elles n'entendaient pas anticiper la variation des facteurs de hausse et de baisse; cela supposerait qu'elles aient mentionné expressément, dans l'acte considéré (contrat de bail, avis de majoration non contesté, procès-verbal de transaction), les bases de calcul dudit loyer (niveau des coûts, en particulier du taux hypothécaire, et de l'indice suisse des prix à la consommation) et que l'on puisse en déduire leur volonté de se baser sur ces paramètres pour la fixation du loyer, postérieurement à l'expiration de la convention d'échelonnement (pour un exemple de ce type de clause, cf. Beat Rohrer, SVIT-Kommentar, 4e éd. 2018, n° 22 ad art. 269c CO). À ce défaut, on présumera que les parties ont entendu régler la question du loyer jusqu'à la date d'expiration du bail et c'est en fonction du niveau des coûts et des prix arrêté à cette date que sera examinée la validité matérielle d'une hausse de loyer subséquente (cf. arrêt 4C.390/1998 du 3 mai 1999 consid. 3b/cc). Il s'agit là d'une présomption de fait qu'il est possible de renverser par une contre-preuve (sur les notions de présomption de fait et de contre-preuve, cf. ATF 120 II 393 consid. 4; 115 II 305; arrêt 4A_554/2021 du 2 mai 2022 consid. 3.2).
5.2.2. En l'espèce, la cour cantonale a acquis la conviction, sur la base des éléments au dossier, que les parties étaient convenues d'un échelonnement du loyer exclusivement pour des motifs tenant au chantier du CEVA, et non pour anticiper les variations du taux hypothécaire de référence. Elle ne s'en est donc pas remise à la présomption de fait résultant de l'absence de mention des bases de calcul du loyer dans le contrat de bail. Ce faisant, elle a fait une application correcte des principes ancrés en jurisprudence. Quant à l'appréciation des preuves, elle est exempte de tout reproche d'arbitraire.
La cour cantonale n'a, dès lors, pas violé le droit fédéral en prenant la date de conclusion de la convention d'échelonnement comme premier point de comparaison pour juger de la réduction de loyer litigieuse à l'aide de la méthode relative.
Finalement, les recourants ne s'en prennent pas au calcul-même de la réduction susdite de sorte que le Tribunal fédéral n'a pas de motif de le revoir.
6.
Partant, le recours doit être rejeté. Les recourants, débiteurs solidaires, assumeront les frais judiciaires ( art. 66 al. 1 et 5 LTF ) et ils verseront aux intimés 1 et 2, créanciers solidaires, une indemnité à titre de dépens ( art. 68 al. 1, 2 et 4 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux.
3.
Les recourants, débiteurs solidaires, verseront aux intimés 1 et 2, créanciers solidaires, une indemnité de 6'000 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre des baux et loyers.
Lausanne, le 12 novembre 2024
Au nom de la I re Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Jametti
La Greffière : Fournier