Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4D_85/2024
Arrêt du 12 novembre 2024
I
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux
Jametti, Présidente, Hohl et Rüedi.
Greffière : Mme Raetz.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Erdem Keskes, avocat,
recourant,
contre
B.________,
représentée par Me Ibrahim Dabboubi, avocat,
intimée.
Objet
mainlevée définitive de l'opposition; preuve libératoire (art. 81 al. 1 LP),
recours constitutionnel subsidiaire contre l'arrêt rendu le 29 avril 2024 par la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel (ARMC.2023.105).
Faits :
A.
A.a. Le 25 novembre 2021, les époux B.________ et A.________ ont conclu une convention de séparation, laquelle a été ratifiée le 10 février 2022 par le Tribunal civil du Littoral et du Val-de-Travers pour valoir ordonnance de mesures protectrices de l'union conjugale.
Cette convention prévoyait, en particulier, le versement par A.________ d'une contribution d'entretien mensuelle de 2'004 fr. en faveur de son épouse.
L'art. 11 de la convention stipulait ce qui suit: " le 15 de chaque mois, Madame alimentera par $ 427.- le compte bancaire américain au nom de A.________ ".
A.b. Le 7 novembre 2022, B.________ a fait notifier un commandement de payer à A.________, portant sur six mensualités de 2'004 fr. avec intérêts, en indiquant qu'il s'agissait de contributions d'entretien pour les mois de février à juillet 2022, fondées sur la convention précitée. Le poursuivi a fait opposition totale.
B.
B.a. La poursuivante a requis du Tribunal civil du Littoral et du Val-de-Travers le prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition susmentionnée.
Le poursuivi s'est déterminé le 6 novembre 2023. En particulier, il a fait valoir que selon la convention, son épouse avait l'obligation de lui verser 427 USD par mois; elle n'avait jamais rien payé et lui devait un arriéré de 10'675 USD ou de 9'600 fr. au cours du jour. Par ailleurs, il avait pris en charge les primes d'assurance-maladie de son épouse, alors que cela n'était pas prévu par la convention, de sorte qu'elle lui devait aussi un montant de 11'662 fr. Il pouvait donc invoquer l'extinction de la dette réclamée en poursuite jusqu'à concurrence de 21'626 fr. (recte: 21'262 fr.), après compensation.
Par décision du 12 décembre 2023, le Tribunal civil a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition au commandement de payer précité. Il a rejeté l'objection de compensation, en retenant que les créances compensantes n'étaient pas prouvées. Elles n'étaient pas non plus admises sans réserve par la poursuivante.
B.b. Par arrêt du 29 avril 2024, la Cour civile du Tribunal cantonal neuchâtelois a rejeté le recours exercé par le poursuivi à l'encontre de cette décision et l'a confirmée.
C.
Le poursuivi (ci-après: le recourant) a formé un recours constitutionnel subsidiaire auprès du Tribunal fédéral contre cet arrêt. Il a conclu à sa réforme en ce sens que la requête de mainlevée définitive soit rejetée. Subsidiairement, il a conclu à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision.
La poursuivante (ci-après: l'intimée) a conclu au rejet du recours.
La cour cantonale s'est référée à son arrêt.
La demande d'effet suspensif présentée par le recourant a été rejetée par ordonnance présidentielle du 3 juillet 2024.
Considérant en droit :
1.
Dans la mesure où la valeur litigieuse minimale applicable de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF) n'est pas atteinte et où le recourant ne prétend ni ne démontre que l'affaire présenterait une question juridique de principe (art. 74 al. 2 let. a LTF), les conditions de recevabilité du recours en matière civile ne sont pas remplies et la voie du recours constitutionnel subsidiaire au sens des art. 113 ss LTF est en principe ouverte. Les autres conditions de recevabilité du recours constitutionnel subsidiaire sont réalisées, notamment celle relative au délai de recours ( art. 100 al. 1 et 117 LTF ).
2.
2.1. Comme son intitulé l'indique, le recours constitutionnel subsidiaire peut être formé pour violation des droits constitutionnels (art. 116 LTF). Le Tribunal fédéral n'examine que les griefs expressément soulevés et motivés conformément au principe de l'allégation (art. 106 al. 2 et art. 117 LTF ). Le recourant doit indiquer quel droit ou principe constitutionnel a été violé par l'autorité précédente et dans quelle mesure, en présentant une argumentation claire et circonstanciée; des critiques simplement appellatoires ne sont pas admissibles (ATF 143 II 283 consid. 1.2.2; 139 I 229 consid. 2.2; 134 II 244 consid. 2.2).
Lorsqu'elle soulève le grief d'arbitraire (art. 9 Cst.) dans l'application du droit, la partie recourante ne peut se contenter de plaider que la décision attaquée serait arbitraire. Elle doit expliquer, sur la base de la subsomption opérée dans le cas concret, en quoi la décision attaquée méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou encore heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. L'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution serait concevable, voire préférable. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si la décision entreprise apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain. Il ne suffit pas que les motifs de la décision soient insoutenables; encore faut-il que celle-ci soit arbitraire dans son résultat (ATF 144 III 145 consid. 2; 141 III 564 consid. 4.1 et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral n'a pas à examiner quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement dire si l'interprétation qui a été faite est défendable (ATF 144 III 145 consid. 2; 132 I 13 consid. 5.1).
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 118 al. 1 LTF). Il peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente si les faits ont été établis en violation du droit au sens de l'art. 116 LTF (art. 118 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'ils sont arbitraires au sens de l'art. 9 Cst. La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les arrêts cités).
3.
À ce stade, le recourant ne critique pas les considérations de l'arrêt cantonal en lien avec la problématique des primes d'assurance-maladie. Demeure seul litigieux le point de savoir si le recourant a prouvé par titre que la dette était éteinte en soulevant l'objection de compensation fondée sur l'art. 11 de la convention, lequel prévoyait le versement par l'intimée de la somme de 427 USD par mois sur son compte bancaire américain.
4.
Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir nié la " validité " de cette créance compensante. Il se plaint d'arbitraire (art. 9 Cst.) dans l'application de l'art. 81 al. 1 LP en lien avec les art. 17 et 120 CO . Il soutient que l'arrêt attaqué est également arbitraire dans son résultat.
4.1. En vertu de l'art. 81 al. 1 LP, lorsque la poursuite est fondée sur un jugement exécutoire, le juge ordonne la mainlevée définitive de l'opposition, à moins que, notamment, l'opposant ne prouve par titre que la dette a été éteinte postérieurement au jugement.
Par extinction de la dette, la loi ne vise pas seulement le paiement, mais aussi toute autre cause de droit civil, en particulier la compensation; un tel moyen ne peut toutefois être retenu que si la créance compensante résulte elle-même d'un titre exécutoire ou qu'elle est admise sans réserve par le poursuivant (ATF 136 III 624 consid. 4.2.1; arrêt 5A_756/2022 du 20 février 2023 consid. 5.3). Par titre exécutoire prouvant l'extinction par compensation, on entend celui qui justifierait lui-même la mainlevée définitive ou à tout le moins la mainlevée provisoire (ATF 115 III 97 consid. 4; arrêt précité 5A_756/2022 consid. 5.3). À cet égard, on peut préciser que pour constituer un titre de mainlevée définitive, le jugement ou titre assimilé (p. ex. la transaction judiciaire; ATF 143 III 564 consid. 4.4.4) doit clairement obliger définitivement le débiteur au paiement d'une somme d'argent déterminée, c'est-à-dire chiffrée. Le juge de la mainlevée doit uniquement décider si une telle obligation de payer ressort clairement du jugement exécutoire produit. Il ne lui appartient pas de se prononcer sur l'existence matérielle de la prétention ou sur le bien-fondé du jugement, ni de trancher des questions délicates de droit matériel ou pour la solution desquelles le pouvoir d'appréciation joue un rôle important (ATF 149 III 258 consid. 6.1.1).
Il incombe au poursuivi d'établir par titre, non seulement la cause de l'extinction, mais encore le montant exact à concurrence duquel la dette en poursuite est éteinte (ATF 149 III 258 consid. 6.1.2; 136 III 624 consid. 4.2.3). Contrairement à ce qui vaut pour la mainlevée provisoire (art. 82 al. 2 LP), le poursuivi ne peut se contenter de rendre vraisemblable sa libération (totale ou partielle), mais doit en apporter la preuve stricte (ATF 149 III 258 consid. 6.1.2; 136 III 624 consid. 4.2.1).
4.2. Les juges cantonaux ont retenu, en substance, que la convention ratifiée valait titre de mainlevée définitive pour les six mois de contributions d'entretien à 2'004 fr. réclamés par l'intimée. Puis, s'agissant de la clause comportant l'obligation pour l'épouse de verser le montant de 427 USD par mois sur le compte bancaire américain de son époux (art. 11 de la convention ratifiée), les juges cantonaux ont considéré qu'elle n'indiquait ni la durée de l'obligation, ni le montant du capital à amortir, ni la somme due, ni la cause de la créance, de sorte qu'elle était gravement lacunaire et qu'elle n'aurait pas dû être ratifiée sous cette forme par le juge civil. Ainsi, selon les magistrats cantonaux, la convention n'était pas un titre exécutoire établissant l'existence d'une créance compensante (427 USD x 25 mois, soit 10'675 USD convertis en 9'600 fr.). Ils ont rejeté l'objection de compensation.
4.3. Le recourant fait valoir que la créance déduite en poursuite et la créance compensante qu'il invoque résultent du même titre, soit une transaction judiciaire, qui constitue un titre justifiant une mainlevée définitive. Les sommes mensuelles dues de part et d'autre sont clairement et définitivement exprimées, tout comme leur exigibilité. Le titre de mainlevée définitive n'a pas à contenir la cause de l'obligation pour être valable. La cour cantonale n'avait pas non plus à retenir qu'une prétention périodique sans durée déterminée ne pouvait valoir créance compensante. Par ailleurs, l'intimée n'a jamais remis en question son engagement à lui verser la somme de 427 USD par mois.
Selon le recourant, l'arrêt attaqué est également arbitraire dans son résultat, puisqu'il traite différemment deux créances résultant du même titre exécutoire et a pour effet de créer un grave déséquilibre dans les droits des parties ayant signé cette convention, qui plus est ratifiée par un tribunal. En outre, l'arrêt cantonal le prive d'une contribution due en vertu d'une transaction judiciaire exécutoire; le recourant ajoute que si l'arrêt cantonal devait être confirmé, il ne pourrait pas faire exécuter un titre exécutoire dont il est le bénéficiaire, et se réfère à cet égard à l'ATF 124 III 501 consid. 3d.
Enfin, le recourant allègue que depuis la signature de la convention, le 15 (recte: 25) novembre 2021, l'intimée lui devait 32 mensualités de 427 USD, soit un total de 13'664 USD, représentant au cours du jour une somme de 12'207 fr., supérieure à celle réclamée en poursuite. La requête de mainlevée de l'opposition devait donc être rejetée.
4.4. En retenant que la clause litigieuse n'indiquait pas la durée de l'obligation, ni (partant) le montant de la créance compensante, et que la convention, même ratifiée - qui n'aurait pas dû l'être sur ce point - n'était pas un titre exécutoire établissant l'existence de cette créance compensante, l'arrêt cantonal n'est en tout cas pas arbitraire dans son résultat. En particulier, lorsque le recourant allègue que les deux créances résultant du même titre sont traitées différemment ou qu'il serait privé d'une contribution due en vertu d'une transaction judiciaire exécutoire, il ne démontre aucun arbitraire, vu que la cour cantonale a précisément considéré, sans que cela soit insoutenable, que la clause litigieuse de la convention n'aurait pas dû être ratifiée et qu'il n'y avait pas de titre exécutoire établissant l'existence de la créance invoquée en compensation.
Il n'y a ainsi même pas lieu d'entrer en matière sur le montant opposé en compensation (10'675 USD converti en 9'600 fr. puis, devant le Tribunal fédéral, 13'664 USD converti en 12'207 fr.).
5.
En définitive, le recours doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable.
Les frais judiciaires et les dépens seront mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 66 al. 1 et art. 68 al. 1 et 2 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le recourant versera à l'intimée une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.
Lausanne, le 12 novembre 2024
Au nom de la I re Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Jametti
La Greffière : Raetz