Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
Zurück zur Einstiegsseite Drucken
Grössere Schrift
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
1B_358/2014  
 
1B_360/2014  
   
   
 
 
 
Arrêt du 12 décembre 2014  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président, 
Eusebio et Chaix. 
Greffière : Mme Kropf. 
 
Participants à la procédure 
1B_358/2014 
A.________, 
recourant, 
 
et 
 
1B_360/2014 
B.________, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Neuchâtel, Parquet régional de La Chaux-de-Fonds, passage de la Bonne-Fontaine 36, 2304 La Chaux-de-Fonds.  
 
Objet 
Procédure pénale; double représentation par un avocat, 
 
recours contre l'arrêt de l'Autorité de recours en matière pénale du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel du 26 septembre 2014. 
 
 
Faits :  
 
A.   
Depuis le 22 avril 2014, le Parquet régional de La Chaux-de-Fonds instruit une enquête contre B.________, son épouse - C.________ - et D.________ pour abus de confiance (art. 138 ch. 1 CP), subsidiairement pour diminutions effectives de l'actif au préjudice des créanciers (art. 164 ch. 1 CP) et pour avantages accordés à certains créanciers (art. 167 CP), pour banqueroute frauduleuse (art. 163 CP), pour gestions déloyales et fautives (art. 128 et 165 ch. 1 CP), ainsi que pour violations de l'obligation de tenir une comptabilité (art. 166 CP). Il leur est en substance reproché, en tant qu'administrateurs de fait pour les deux premiers et en qualité de directeur pour le troisième, d'avoir agi au préjudice de E.________ SA, société déclarée en faillite le 10 décembre 2013. 
Au début de l'instruction, l'avocat A.________ a représenté tantôt le couple B.________ et C.________, tantôt B.________ seul. Ce dernier a ensuite été assisté par Me F.________; celle-ci a toutefois informé le Procureur en date du 12 juin 2014 que B.________ serait à l'avenir représenté par un autre mandataire. A la suite du courrier du 27 juin 2014 de A.________ s'agissant d'une possible double représentation de sa part des conjoints B.________ et C.________, le Ministère public s'y est opposé le 1 er juillet 2014 et, le 14 août suivant, il a fixé un délai à B.________ pour qu'il désigne un autre avocat. Ce même jour, A.________ a soutenu qu'il n'existait pas de conflit d'intérêts à ce qu'il assiste tant B.________ que l'épouse de celui-ci, priant en conséquence le Procureur de revoir sa position.  
Par décision du 15 août 2014, le Ministère public a formellement interdit à B.________ de se faire représenter dans la procédure xxx par l'avocat A.________ et l'a invité à indiquer dans les cinq jours le nom d'un nouveau défenseur. Selon le Procureur, les propos contradictoires tenus par le couple - en lien avec les services d'une femme de ménage, les conditions de constitution de leurs autres sociétés et la provenance des fonds d'une société sise au Panama -, ainsi que leurs rôles respectifs endossés dans E.________ SA et dans les autres sociétés pouvaient s'avérer une source de réel conflit d'intérêts; cela ne permettrait pas à un mandataire unique de respecter pleinement son obligation de fidélité et son devoir de diligence envers chacun de ses clients. 
 
B.   
Le 26 septembre 2014, l'Autorité de recours en matière pénale du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel a rejeté les recours intentés par A.________ et B.________ contre la décision du Ministère public. 
 
C.   
Par actes du 28 (cause 1B_358/2014) et du 29 octobre 2014 (cause 1B_360/2014), A.________, respectivement B.________ forment un recours en matière pénale contre ce jugement, concluant à son annulation et à la constatation que le premier puisse valablement représenter le second dans la procédure pénale ouverte à l'encontre de ce dernier. 
Invités à se déterminer dans les deux causes, le Ministère public et la juridiction précédente n'ont pas formulé d'observations complémentaires; la seconde a produit ses dossiers, comprenant notamment les copies des pièces n° 1 à 43 et 653 à 746 de la procédure xxx. B.________ et A.________ ont appuyé leur recours respectif. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Deux mémoires de recours ont été déposés contre le jugement du 26 septembre 2014 et, en conséquence, deux dossiers ont été ouverts. Cependant, leur contenu - certes sous l'angle, d'une part, de l'avocat et, d'autre part, du client - sont identiques. Il se justifie donc de joindre les deux causes et il sera statué dans un seul arrêt. 
 
2.   
Les recours - déposés en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) - sont dirigés contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) dans le cadre du refus du Ministère public d'autoriser A.________, avocat de l'épouse de B.________, à représenter également ce dernier. Ils sont donc en principe recevables comme recours en matière pénale au sens de l'art. 78 ss LTF (arrêt 1B_420/2011 du 21 novembre 2011 consid. 1.1). 
La décision relative à l'interdiction de procéder constitue une décision incidente (arrêts 4A_140/2013 du 4 juillet 2013 consid. 1.1; 1B_420/2011 du 21 novembre 2011 consid. 1.2). Il appartient donc aux recourants d'alléguer les faits permettant de démontrer l'existence d'un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF lorsque celui-ci n'est pas d'emblée évident (cf. art. 42 al. 2 LTF; ATF 138 III 46 consid. 1.2 p. 47 et les arrêts cités); l'hypothèse prévue à l'art. 93 al. 1 let. b LTF n'est manifestement pas réalisée en l'occurrence. Les mémoires de recours ne contiennent aucune information à ce sujet. Cependant, l'existence d'un préjudice irréparable doit être admise pour les deux recourants qui se voient privés définitivement, pour l'avocat recourant, de défendre son client dans la procédure pénale ouverte à l'encontre de ce dernier et, pour le mandant recourant, de choisir le premier en tant qu'avocat. 
Destinataires de la décision attaquée, les deux recourants disposent également de la qualité pour recourir (art. 81 al. 1 let. a et b LTF), puisqu'ils se prévalent en substance du droit de l'avocat de défendre plusieurs prévenus dans une même procédure pénale en l'absence - alléguée - de tout conflit d'intérêts (cf. art. 127 al. 3 CPP et 12 let. c de la loi fédérale du 23 juin 2000 sur la libre circulation des avocats [LLCA; RS 935.61]). 
Partant, il y a lieu d'entrer en matière. 
 
3.   
Les recourants reprochent à la cour cantonale d'avoir considéré qu'il existerait un risque concret de conflit d'intérêts entre les époux B.________ et C.________ et que dès lors, le couple ne pourrait pas être représenté par le même avocat. 
 
3.1. A teneur de l'art. 127 al. 3 CPP, un conseil juridique peut défendre dans la même procédure les intérêts de plusieurs participants à la procédure dans les limites de la loi et des règles de sa profession. La défense des prévenus étant réservée aux avocats (art. 127 al. 5 CPP), les règles à respecter en l'espèce sont celles qui ressortent de la LLCA. Il s'agit en particulier de la règle énoncée à l'art. 12 let. c LLCA, qui commande à l'avocat d'éviter tout conflit entre les intérêts de son client et ceux des personnes avec lesquelles il est en relation sur le plan professionnel ou privé. Cette règle est en lien avec la clause générale de l'art. 12 let. a LLCA, selon laquelle l'avocat exerce sa profession avec soin et diligence, de même qu'avec l'obligation d'indépendance rappelée à l'art. 12 let. b LLCA (ATF 134 II 108 consid. 3 p. 109 s.). Le Tribunal fédéral a souvent rappelé que l'avocat a notamment le devoir d'éviter la double représentation, c'est-à-dire le cas où il serait amené à défendre les intérêts opposés de deux parties à la fois, car il n'est alors plus en mesure de respecter pleinement son obligation de fidélité et son devoir de diligence envers chacun de ses clients (ATF 135 II 145 consid. 9.1 p. 154 s.; arrêts 1B_376/2013 du 18 novembre 2013 consid. 3; 1B_420/2011 du 21 novembre 2011 consid. 1.2.2; 2C_688/2009 du 25 mars 2010 consid. 3.1 in SJ 2010 I p. 433).  
Les règles susmentionnées visent avant tout à protéger les intérêts des clients de l'avocat, en leur garantissant une défense exempte de conflit d'intérêts (arrêt 1B_420/2011 du 21 novembre 2011 consid. 1.2.2 ). Elles tendent également à garantir la bonne marche du procès, notamment en s'assurant qu'aucun avocat ne soit restreint dans sa capacité de défendre l'un de ses clients - notamment en cas de défense multiple -, respectivement en évitant qu'un mandataire puisse utiliser les connaissances d'une partie adverse acquises lors d'un mandat antérieur au détriment de celle-ci (arrêt 1B_376/2013 du 18 novembre 2013 consid. 3). 
 
3.2. Se référant à la position occupée par les époux B.________ et C.________ dans l'entreprise mise en faillite (possibles organes de fait), ainsi qu'à l'éventuel niveau d'implication et de responsabilité de l'épouse dans les infractions qui leur sont reprochées, la cour cantonale a estimé que la ligne de défense de l'un des conjoints influençait sur celle suivie par l'autre. Elle a donc retenu l'existence d'un risque concret de conflit d'intérêts entre B.________ et sa femme; le mandataire de l'un des époux n'était par conséquent pas à même d'assurer une défense entièrement libre de l'autre.  
Ce raisonnement ne prête pas le flanc à la critique. Il vaut d'autant plus que les recourants ont parfaitement identifié le possible conflit d'intérêts qui pourrait découler en l'espèce de la double représentation, soit que les époux se rejettent à un moment donné la faute l'un sur l'autre (cf. ad 3/c des mémoires). L'avocat recourant en avait d'ailleurs conscience dès le début de la procédure puisqu'il avait requis l'avis du Ministère public à ce propos (cf. son interpellation du 27 juin 2014). Dès lors qu'un risque concret de conflit d'intérêts existe, il ne se justifie pas d'attendre que la situation conflictuelle se réalise effectivement - ainsi que semblent le prétendre les recourants (cf. ad 3/c des mémoires) - pour mettre un terme au mandat de défense assuré par A.________ en faveur de B.________. 
Une telle conclusion découle également des déclarations de l'épouse du recourant telles que rapportées dans les mémoires de recours (cf. ad 2/b desdits actes). Ainsi, C.________ aurait déclaré ne pas être "très au courant de la gestion" d'une des sociétés dont les fonds avaient été séquestrés; ce faisant, elle tente - dans l'hypothèse où ses actes seraient constitutifs d'une infraction - de diminuer, voire d'exclure sa propre responsabilité. Cette manière de procéder - qui n'est pas en soi illégitime - implique cependant, certes implicitement, qu'un tiers aurait commis les actes éventuellement délictueux qui lui sont reprochés; or, son mari est l'un des co-prévenus dans cette procédure. L'avocat de l'époux doit pouvoir réagir sur ces questions - aggravation de l'éventuelle responsabilité de son mandant - sans être influencé par le possible impact de la ligne de défense choisie pour le premier mandant sur celle envisagée pour le second client. Dès lors que les recourants savent déjà quel mandat sera poursuivi et lequel sera résilié - soit celui relatif à B.________ (cf. ad 3/c des mémoires de recours) -, la garantie d'indépendance nécessaire à la bonne exécution du mandat de défense du susmentionné n'est pas assurée. 
Par conséquent, l'Autorité de recours en matière pénale n'a pas violé le droit fédéral en confirmant la décision du Ministère public interdisant à B.________ de se faire représenter par le même avocat que son épouse. 
 
4.   
Il s'ensuit que les recours sont rejetés. 
Les recourants, qui succombent, supportent solidairement les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Les causes 1B_358/2014 et 1B_360/2014 sont jointes. 
 
2.   
Les recours sont rejetés. 
 
3.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr. pour les deux causes, sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux. 
 
4.   
Il n'est pas alloué de dépens. 
 
5.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Parquet régional de La Chaux-de-Fonds du Ministère public de la République et canton de Neuchâtel et à l'Autorité de recours en matière pénale du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel. 
 
 
Lausanne, le 12 décembre 2014 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Fonjallaz 
 
La Greffière : Kropf