Eidgenössisches Versicherungsgericht
Tribunale federale delle assicurazioni
Tribunal federal d'assicuranzas
Cour des assurances sociales
du Tribunal fédéral
Cause
{T 7}
I 134/05
Arrêt du 13 mars 2006
IIIe Chambre
Composition
MM. les Juges Ferrari, Président, Meyer et Seiler. Greffier : M. Métral
Parties
F.________, recourante, représentée par Me Gisèle de Benoit, avocate, rue du Lion-d'Or 2, 1003 Lausanne,
contre
Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé
Instance précédente
Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne
(Jugement du 8 octobre 2004)
Faits:
A.
F.________, née en 1955, originaire du Pérou, a exercé la profession d'infirmière dans ce pays jusqu'en 1977. Arrivée en Suisse en 1993, elle a obtenu un diplôme d'infirmière en soins généraux, délivré par la Croix-rouge suisse en 1996. Elle a par la suite exercé son métier pour le compte de plusieurs employeurs successifs, dont l'Hôpital X.________. Elle a cessé de travailler le 27 juin 2001 à la demande de son employeur, qui lui a par la suite notifié son licenciement pour le 31 janvier 2002. Le docteur S.________, spécialiste en oto-rhino-laryngologie et allergologie, a attesté une incapacité de travail totale du 25 juillet au 14 octobre 2001, en raison d'un état anxio-dépressif sévère; il a également fait état de plusieurs autres pathologies, notamment d'anémie, de dysfonction cervicale, de syndrome lombo-vertébral et d'allergie respiratoire, en niant toutefois une incapacité de travail en raison de ces atteintes à la santé (rapports des 18 et 20 septembre 2002). Le docteur E.________, médecin traitant de F.________, atteste pour sa part une incapacité de travail totale depuis le mois d'octobre 2001 en raison d'un trouble de la personnalité non spécifié et d'un épisode dépressif d'intensité moyenne avec syndrome somatique (rapport du 13 janvier 2003). Il se réfère, pour ces diagnostics, à un rapport du 20 mars 2002 des docteurs C.________ et B.________, médecins au Département universitaire de psychiatrie adulte des hospices cantonaux vaudois.
F.________ a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité, le 6 août 2002. Elle a également demandé le versement d'indemnités journalières en cas de maladie par «La Suisse» Compagnie anonyme d'assurances générales (ci-après : «La Suisse»), avec laquelle l'Hôpital X.________ avait conclu un contrat d'assurance collectif. «La Suisse» a confié au docteur P.________, psychiatre, le soin de réaliser une expertise en vue de déterminer la capacité résiduelle de travail de l'assurée. Celui-ci a établi son rapport le 13 décembre 2002 et a notamment posé le diagnostic de trouble de l'adaptation avec réaction anxio-dépressive (F 43.22, selon la Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes établie par l'Organisation mondiale de la santé, 10ème révision [CIM-10]) avec somatisations (nucalgies, vertiges occasionnels en tant qu'équivalents de l'angoisse, gastrites). Il a également fait état de traits de personnalité anancastique avec des traits de névrose de caractère (F 60.5; F 60.9). Selon le docteur P.________, ces atteintes à la santé n'entraînaient pas d'incapacité de travail. A réception de cette expertise, «La Suisse» a refusé d'allouer ses prestations au-delà du 31 décembre 2002.
Pour sa part, l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après : office AI) a rejeté la demande, par décision du 18 mars 2003. L'assurée s'y est opposée, en produisant un rapport établi le 23 juin 2003 par la doctoresse V.________, spécialiste en médecine interne et rhumatologie, et faisant état d'une polyarthralgie dans le contexte d'une fibromyalgie. Selon le docteur E.________, ce diagnostic nouveau justifiait un réexamen du droit aux prestations (lettre du 26 août 2003). Par décision sur opposition du 15 décembre 2003, l'office AI a maintenu le rejet de la demande de prestations.
B.
F.________ a déféré la cause au Tribunal des assurances du canton de Vaud, en concluant l'octroi d'une rente d'invalidité avec effet dès le 1er juillet 2001. Par jugement du 8 octobre 2004, la juridiction cantonale a rejeté le recours.
C.
L'assurée interjette un recours de droit administratif contre ce jugement, dont elle demande l'annulation. Elle conclut, principalement, à l'octroi d'une rente entière d'invalidité, et subsidiairement, au renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour instruction complémentaire et nouveau jugement, le tout sous suite de frais et dépens. A titre préalable, la recourante demande la mise en oeuvre d'une expertise médicale par le Tribunal fédéral des assurances et l'audition des docteurs E.________, V.________ et M.________ (psychiatre), auprès desquels elle est en traitement.
L'intimé conclut au rejet du recours, alors que l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer.
Considérant en droit:
1.
Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente de l'assurance-invalidité. Le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral des assurances n'est donc pas limité à la violation du droit fédéral - y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation - mais s'étend également à l'opportunité de la décision attaquée. Le tribunal n'est pas lié par l'état de fait constaté par la juridiction inférieure et peut s'écarter des conclusions des parties à l'avantage ou au détriment de celles-ci (art. 132 OJ).
2.
2.1 La législation applicable en cas de changement de règles de droit reste celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 130 V 446 sv. consid. 1.2.1, 127 V 467 consid. 1, 126 V 166 consid. 4b), Par ailleurs, les faits sur lesquels le Tribunal fédéral des assurances peut être amené à se prononcer dans le cadre d'une procédure de recours de droit administratif sont ceux qui se sont produits jusqu'au moment de la décision administrative litigieuse (ATF 121 V 366 consid. 1b).
2.2 La loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA) et la novelle du 21 mars 2003 modifiant la LAI (4ème révision) sont entrées en vigueur les 1er janvier 2003 et 1er janvier 2004, entraînant de nombreuses modifications légales dans le domaine de l'assurance-invalidité. Compte tenu de la date de la décision administrative litigieuse (15 décembre 2003), la juridiction cantonale devait examiner les prétentions du recourant à l'aune des dispositions de la LAI en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, pour la période courant jusqu'à cette date, puis en tenant compte des modifications législatives entrées en vigueur le 1er janvier 2003, pour la période courant depuis cette date. En revanche, les modifications introduites par la 4ème révision de l'AI depuis le 1er janvier 2004 ne sont pas applicables en l'espèce.
Cela étant, la LPGA n'a pas modifié la notion d'invalidité ni les principes relatifs l'échelonnement des rentes selon le taux d'invalidité ainsi qu'à la manière d'évaluer ce taux. Le jugement entrepris les expose correctement, de sorte qu'il convient d'y renvoyer, quand bien même les normes citées le sont exclusivement dans leur teneur postérieure à l'entrée en vigueur de la LPGA, mais antérieure à la 4ème révision de l'AI.
3.
3.1 Les premiers juges ont considéré que l'assurée ne souffrait d'aucune atteinte à la santé physique ou psychique entraînant une diminution durable de sa capacité de travail et de gain. En ce qui concerne les atteintes à la santé physique, ils pouvaient fonder cette constatation, notamment, sur les rapports établis par le docteur E.________ jusqu'en janvier 2003. Selon ce médecin, les atteintes à la santé de l'assurée ayant des effets sur sa capacité de travail étaient d'ordre psychique (trouble de la personnalité non spécifié et épisode dépressif avec syndrome somatique); les autres atteintes diagnostiquées étaient sans répercussion sur la capacité de travail (rapport du 18 janvier 2003). Le docteur S.________ a lui aussi précisé que les atteintes à la santé physique qu'il avait diagnostiquées n'entraînaient pas d'incapacité de travail (rapports des 18 et 20 septembre 2002). Quant aux atteintes à la santé psychique de l'assurée, le docteur P.________ a exclu qu'elles aient pour effet une incapacité de travail. Les autres psychiatres consultés par la recourante ne se sont pas prononcés sur ce point.
La recourante s'appuie, pour sa part, sur le rapport du 23 juin 2003 établi par la doctoresse V.________, qui pose le diagnostic de fibromyalgie, ainsi que sur le rapport du 26 août 2003 du docteur E.________, d'après lequel ce nouveau diagnostic justifie un réexamen du cas par l'assurance-invalidité. La recourante est d'avis que la fibromyalgie et ses effets sur sa capacité de travail n'ont pas fait l'objet de mesures d'instruction suffisantes par l'office AI et la juridiction cantonale; elle exige la mise en oeuvre d'une expertise pluridisciplinaire, ainsi que l'audition, par le Tribunal fédéral des assurances, des docteurs E.________, V.________ et M.________ (psychiatre), auprès desquels elle est en traitement.
3.2 Dans un arrêt S. du 8 février 2006 (I 336/04), destiné à la publication, le Tribunal fédéral des assurances a précisé comme suit sa jurisprudence relative à la fibromyalgie :
3.2.1
3.2.1.1 La fibromyalgie est une affection rhumatismale reconnue par l'Organisation mondiale de la santé (OMS; CIM-10 : M 79.0), caractérisée par une douleur généralisée et chronique du système ostéo-articulaire et s'accompagnant généralement d'une constellation de perturbations essentiellement subjectives (tels que fatigue, troubles du sommeil, sentiment de détresse, céphalées, manifestations digestives et urinaires d'allure fonctionnelle). Les critères diagnostiques, établis pour la première fois par l'American Rheumatism Association, sont la combinaison d'une douleur généralisée intéressant l'axe du corps, les hémicorps droit et gauche, à la fois au-dessus et en dessous de la taille, durant au moins trois mois, ainsi que des douleurs à la palpation d'au moins 11 points douloureux («tender points») sur 18 (Pierre-Alain Buchard, Peut-on encore poser le diagnostic de fibromyalgie ?, in : Revue médicale de la Suisse romande, 2001, p. 444). Il existe deux formes de fibromyalgies (voir Pschyrembel, Klinisches Wörterbuch, éd. Walter de Gruyter, 2004; voir aussi Springer Lexikon Medizin, éd. 2004). Si les symptômes fibromyalgiques se manifestent de la même manière sous les deux formes, celle secondaire - qui est trois fois plus répandue dans la population - se distingue de celle primaire par le fait qu'elle se trouve associée à d'autres maladies (par exemple des maladies dégénératives rhumatismales). Aucune étiologie n'a pu être clairement établie pour la forme primaire de la fibromyalgie, dont le diagnostic est posé par exclusion («tender points» douloureux en l'absence de toute autre maladie, en particulier inflammatoire).
3.2.1.2 Depuis plusieurs années, le diagnostic de fibromyalgie fait l'objet d'une controverse dans la communauté médicale. Parce qu'un tel diagnostic ne fait que définir un état douloureux et qu'à ce jour, les recherches entreprises n'ont révélé aucune explication pathogénique satisfaisante à cette situation clinique (absence d'anomalies tissulaires ou biochimiques évidentes), certains médecins en contestent l'existence même. Selon eux, la fibromyalgie n'est pas une maladie, mais une étiquette pour décrire des maux inexplicables qui relèveraient davantage d'une problématique bio-psycho-sociale que d'une véritable pathologie médicale. D'autres, en revanche, y attachent une valeur de maladie. Il est à noter que la fibromyalgie est très souvent mise en relation avec d'autres phénomènes douloureux, dont le trouble somatoforme douloureux et le syndrome de fatigue chronique, en raison notamment d'une importante similitude dans leur symptomatologie respective. Comme la fibromyalgie ne peut guère, étant donnée son étiologie incertaine, être rangée dans la catégorie des atteintes à la santé psychiques ou psychosomatiques, ou encore dans celle des atteintes à la santé organiques, il se dégage une tendance générale parmi les auteurs d'admettre une combinaison de ces deux éléments, avec cependant une prépondérance des facteurs psychosomatiques (sur cette controverse médicale, voir par exemple Pierre-Alain Buchard, op. cit., p. 443 ss; Jacques-Antoine Pfister, Fibromyalgie, trouble somatoforme douloureux, syndrome de fatigue chronique - quels repères médicaux, humains et assécurologiques ?, in : Revue médicale de la suisse romande, 2003 p. 650 ss; Wolfgang Haushotter, Begutachtung somatoformer und funktionneller Störungen, 2ème éd. Urban et Fischer, Munich 2004, p. 105 ss; Herbert Csef, Was sind CFS, MCS und FM ? Stellenwert und Gemeinsamkeiten dreier «Modekrankheiten» in : Grenzwertige psychische Störungen, Diagnostik und Therapie in Schwellenbereichen, éd. Thieme 2004, p. 63 ss, plus spécialement p. 73; N.M. Hadler, Die Semiotik der Fibromyalgie und verwandter somatoformer Störungen, in : Praxis 94/2005, éd. Hans Huber, Berne, p. 1999 ss; Karl C. Mayer, Fibromyalgie - Stichworte zu einer Kontroverse, sous http://www.neuro24.de/fibromyalgie.htm).
3.2.1.3 Il n'est pas nécessaire de prendre position sur cette controverse médicale. D'une part, il n'appartient pas à l'administration ou au juge de remettre en cause le diagnostic posé par un médecin, quel que soit le courant médical dont il se réclame; est seul décisif que le diagnostic s'appuie lege artis sur les critères d'un système de classification reconnu. D'autre part, ce qui importe pour juger du droit aux prestations d'un assuré, c'est la répercussion de l'atteinte à la santé diagnostiquée sur la capacité de travail (art. 4 al. 1 LAI, art. 16 LPGA). Seule la réponse à cette question intéresse finalement le juriste dans une procédure portant sur l'incapacité de travail ou l'invalidité; le débat médical relatif à la dénomination diagnostique la mieux appropriée pour décrire l'état de souffrance du patient se révèle dans ce contexte plutôt secondaire (Meyer-Blaser, Der Rechtsbegriff der Arbeitsunfähigkeit und seine Bedeutung in der Sozialversicherung, in : Schmerz und Arbeitsunfähigkeit, St. Gall 2003, p. 64, note 93). On rappellera qu'un diagnostic est une condition juridique nécessaire, mais non suffisante pour conclure à une atteinte à la santé invalidante (cf. ATF 131 V 50 consid. 1.2, 130 V 353 consid. 2.2.3).
3.2.1.4 En ce qui concerne la question de l'appréciation de la capacité de travail d'une personne atteinte de fibromyalgie, il faut admettre que l'on se trouve dans une situation comparable à celle de l'assuré souffrant d'un trouble somatoforme douloureux. Ces deux atteintes à la santé présentent en effet des points communs. Tout d'abord, on peut constater que leurs manifestations cliniques sont pour l'essentiel similaires (plaintes douloureuses diffuses; pour la définition du trouble somatoforme douloureux, voir CIM-10 : F 45.4). C'est d'ailleurs la raison pour laquelle il n'est pas rare de voir certains médecins poser indistinctement l'un ou l'autre diagnostic ou assimiler la fibromyalgie au trouble somatoforme douloureux. Ensuite, dans l'un comme dans l'autre cas, il n'existe pas d'étiologie claire et fiable pouvant expliquer l'origine des douleurs exprimées. Cela rend la limitation de la capacité de travail difficilement mesurable, car l'on ne peut pas déduire l'existence d'une incapacité de travail du simple diagnostic posé. En particulier, un diagnostic de fibromyalgie ou de trouble somatoforme douloureux ne renseigne pas encore sur l'intensité des douleurs ressenties par la personne concernée, ni sur leur évolution ou sur le pronostic qu'on peut poser dans un cas concret. Certains auteurs déclarent du reste que la plupart des patients atteints de fibromyalgie ne se trouvent pas notablement limités dans leurs activités (voir Haushotter, op. cit., p. 119; Karl C. Mayer, loc. cit.). Eu égard à ces caractéristiques communes et en l'état actuel des connaissances, il se justifie donc, sous l'angle juridique, d'appliquer par analogie les principes développés par la jurisprudence en matière de troubles somatoformes douloureux lorsqu'il s'agit d'apprécier le caractère invalidant d'une fibromyalgie.
3.2.2
3.2.2.1 Selon la jurisprudence, les troubles somatoformes douloureux n'entraînent pas, en règle générale, une limitation de longue durée de la capacité de travail pouvant conduire à une invalidité (ATF 130 V 354 consid. 2.2.3). Il existe une présomption que les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets peuvent être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 131 V 50). Pour les raisons qui viennent d'être exposées, il y a lieu de poser la même présomption en ce qui concerne la fibromyalgie.
3.2.2.2 Le Tribunal fédéral des assurances a toutefois reconnu qu'il existe des facteurs déterminés qui, par leur intensité et leur constance, rendent la personne incapable de fournir cet effort de volonté, et établi des critères permettant d'apprécier le caractère invalidant de troubles somatoformes douloureux (cf. ATF 130 V 354 et 131 V 50). Il est légitime d'admettre que ces circonstances sont également de nature à fonder, exceptionnellement, un pronostic défavorable dans les cas de fibromyalgie. A cet égard, on retiendra, au premier plan, la présence d'une comorbidité psychiatrique importante par sa gravité, son acuité et sa durée. Peut constituer une telle comorbidité un état dépressif majeur (en matière de troubles somatoformes douloureux, voir ATF 130 V 358 consid. 3.3.1 et la référence). Parmi les autres critères déterminants, doivent être considérés comme pertinents et transposables au contexte de la fibromyalgie, un processus maladif s'étendant sur plusieurs années sans rémission durable (symptomatologie inchangée ou progressive), des affections corporelles chroniques, une perte d'intégration sociale dans toutes les manifestations de la vie et l'échec de traitements ambulatoires ou stationnaires conformes aux règles de l'art (même avec différents types de traitement), cela en dépit de l'attitude coopérative de la personne assurée. En présence d'une comorbidité psychiatrique, il sera également tenu compte de l'existence d'un état psychique cristallisé résultant d'un processus défectueux de résolution du conflit, mais apportant un soulagement du point de vue psychique (profit primaire tiré de la maladie, fuite dans la maladie). Enfin, comme dans les cas de troubles somatoformes douloureux, on conclura à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable (par exemple une discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact).
3.2.2.3 Une expertise psychiatrique est, en principe, nécessaire quand il s'agit de se prononcer sur l'incapacité de travail que les troubles somatoformes douloureux sont susceptibles d'entraîner (ATF 130 V 353 consid. 2.2.2 et 399 consid. 5.3.2). Quand bien même le diagnostic de fibromyalgie est d'abord le fait d'un médecin rhumatologue, il convient ici aussi d'exiger le concours d'un médecin spécialiste en psychiatrie, d'autant plus que, comme on l'a dit, les facteurs psychosomatiques ont, selon l'opinion dominante, une influence décisive sur le développement de cette atteinte à la santé. Une expertise interdisciplinaire tenant à la fois compte des aspects rhumatologiques et psychiques apparaît donc la mesure d'instruction adéquate pour établir de manière objective si l'assuré présente un état douloureux d'une gravité telle - eu égard également aux critères déterminants précités (consid. 3.2.2.2 supra) - que la mise en valeur de sa capacité de travail sur le marché du travail ne peut plus du tout ou seulement partiellement être exigible de sa part (voir aussi P. Henningsen, Zur Begutachtung somatoformer Störungen, in : Praxis 94/0025, p. 2007 ss). On peut réserver les cas où le médecin rhumatologue est d'emblée en mesure de constater, par des observations médicales concluantes, que les critères déterminants ne sont pas remplis, ou du moins pas d'une manière suffisamment intense, pour conclure à une incapacité de travail.
3.3 En l'occurrence, tous les médecins consultés jusqu'en juin 2003 ont considéré que les douleurs de l'assurée étaient essentiellement dues à des facteurs d'orde psychique. Pour la première fois le 23 juin 2003, la doctoresse V.________ a posé le diagnostic de fibromyalgie, sans prendre position sur la capacité de travail résiduelle de l'assurée. Contrairement à ce que soutiennent le docteur E.________ et la recourante, ce diagnostic ne justifie pas la mise en oeuvre d'une nouvelle expertise. Comme on l'a vu, les facteurs psychiques ont une influence décisive sur la manière d'apprécier l'incapacité de travail d'une personne atteinte de fibromyalgie. Or, le docteur P.________, au terme d'un rapport psychiatrique probant, a considéré qu'une reprise du travail à 100 % pouvait être exigée de l'assurée, malgré l'existence d'atteintes à la santé psychique (troubles de l'adaptation avec réaction anxio-dépressive, traits de personnalité anancastiques et de névrose de caractère). Selon ce médecin, la recherche de prestations d'assurance (profit secondaire tiré de la maladie, avec une attitude revendicatrice massive) constitue en l'occurrence un facteur déterminant sur l'évolution des plaintes de F.________, dont les activités habituelles ne sont par ailleurs pas entravées («elle détermine autrement et sans autre pouvoir s'occuper du ménage, des achats, s'occuper des enfants. Elle peut regarder sans autre et sans difficultés de concentration la télévision, lit le journal sans difficultés particulières. Elle fait de longues promenades»). Le docteur P.________ a encore mis en évidence une nette discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé pendant l'entretien, avec une grande démonstrativité («[...] à peine assise et comme sur demande, elle pleure et se plaint immédiatement [...], ceci à plusieurs reprises tout en étant en même temps très confortablement et sans une quelconque crispation visible assise dans la chaise»; «lors de l'examen, elle ne montre pas de troubles affectifs particuliers, ne présente pas de trouble de l'éprouvé vital, ni une tristesse particulière, pleurant d'une façon inadéquate, surtout visiblement volontaire par rapport à l'obtention des prestations assécurologiques.»). Finalement, et toujours selon
le docteur P.________, l'assurée est consciente que son état de santé lui permet de travailler et une reprise du travail est clairement exigible.
Ces conclusions sont suffisamment précises, et sont émises au terme d'un rapport suffisamment probant pour nier l'existence d'une incapacité de travail en raison de troubles psychiques. Elle permettent également de retenir qu'eu égard à son état de santé psychique, la recourante est en mesure de surmonter sans incapacité de travail durable les conséquences d'une éventuelle fibromyalgie, diagnostiquée par la doctoresse V.________, sans que la mise en oeuvre des nouveaux moyens de preuve proposés en instance fédérale soit nécessaire. En particulier, une expertise pluridisciplinaire n'apparaît pas nécessaire, compte tenu des rapports établis par les différents médecins consultés jusqu'en juin 2003 et du caractère manifestement prédominant, en l'occurrence, des aspects psychiques de l'affection dont souffre la recourante.
4.
Vu ce qui précède, le recours est mal fondé. La recourante ne peut donc pas prétendre de dépens (art. 159 al. 1 OJ). Par ailleurs, la procédure porte sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances, de sorte qu'elle est gratuite (art. 134 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.
3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 13 mars 2006
Au nom du Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre: Le Greffier: