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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_768/2022  
 
 
Arrêt du 13 avril 2023  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux 
Denys, Juge présidant, Muschietti et Hurni. 
Greffière: Mme Kistler Vianin. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Katia Berset, avocate, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de l'État de Fribourg, 
case postale 1638, 1701 Fribourg, 
intimé. 
 
Objet 
Exploitabilité des preuves (vidéosurveillance, 
dommages à la propriété), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal 
de l'État de Fribourg, Cour d'appel pénal, 
du 27 avril 2022 (501 2021 81). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 18 mai 2021, le Juge de police de l'arrondissement de la Sarine a acquitté A.________ du chef de prévention de dommages à la propriété et a renvoyé les différents plaignants à agir par la voie civile pour faire valoir leurs conclusions civiles. 
En substance, il a retenu que l'enregistrement du 6 février 2020 à 00h42 de la caméra de vidéosurveillance du magasin sis à la rue V.________ xx à U.________ était illicite au sens de la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (LPD; RSV 235.1) et donc inexploitable; partant, sans cet enregistrement, rien au dossier ne permettait de retenir que A.________ avait participé, entre les 5 et 6 février 2020, à la commission de 26 cas de dommages à la propriété consistant à placarder, avec de la colle à poisson, des affiches signées "Extinction Rebellion" et appelant à participer à une perturbation d'entreprises privées le 17 mars 2020. 
 
B.  
Par arrêt du 27 avril 2022, la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal fribourgeois a partiellement admis l'appel formé par le Ministère public fribourgeois. Elle a réformé le jugement attaqué en ce sens qu'elle a acquitté A.________ du chef de prévention de dommages à la propriété pour 16 des 26 cas de dommages à la propriété, l'a reconnu coupable pour les 9 cas restants et l'a condamné à une peine pécuniaire de dix jours-amende, à 30 fr. le jour, avec sursis pendant deux ans, peine complémentaire à celle prononcée le 5 janvier 2022, ainsi qu'à une amende de 100 francs. Sur le plan civil, elle a renvoyé les différents plaignants à agir par la voie civile pour faire valoir leurs prétentions civiles en application de l'art. 126 al. 2 let. a, d ou b CPP. 
 
C.  
Contre cet arrêt cantonal, A.________ dépose un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Il conclut, principalement, à la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens que l'appel du Ministère public fribourgeois est rejeté, que le jugement de première instance est confirmé et qu'une indemnité lui est accordée au sens de l'art. 429 al. 1 let. a CPP. A titre subsidiaire, il requiert l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouveau jugement. En outre, il sollicite l'effet suspensif et l'assistance judiciaire. 
Invités à se déterminer sur le recours, la cour cantonale y a renoncé, alors que le Ministère public fribourgeois a déposé des observations qui ont été communiquées au recourant. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recourant conteste que l'enregistrement du 6 février 2020 de la caméra de vidéosurveillance du magasin sis à la rue V.________ xx, à U.________, soit conforme à la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (LPD; RS 235.1) et qu'il soit en conséquence exploitable. 
 
1.1. L'art. 141 CPP règle la question de l'exploitation des moyens de preuve obtenus illégalement. Selon l'art. 141 al. 2 CPP, les preuves qui ont été administrées d'une manière illicite ou en violation de règles de validité par les autorités pénales ne sont pas exploitables, à moins que leur exploitation soit indispensable pour élucider des infractions graves.  
Le Code de procédure pénale ne réglemente pas explicitement l'hypothèse des preuves illicites recueillies par des particuliers. De jurisprudence constante, de telles preuves ne sont exploitables que si elles pouvaient être recueillies licitement par des autorités de poursuite pénale et, en outre, qu'une pesée des intérêts plaide en faveur de leur utilisation dans la procédure (ATF 147 IV 16 consid. 1.1 p. 18; 146 IV 226 consid. 2.1 p. 228; arrêts 6B_862/2021 du 21 juin 2021 consid. 2.1; 6B_53/2020 du 14 juillet 2020 consid. 1.1; 6B_902/2019 du 8 janvier 2020 consid. 1.2). 
 
1.2. L'utilisation, par des particuliers, de caméras vidéo à des fins de protection des personnes ou de prévention d'actes de vandalisme tombe sous la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (LPD; RS 235.1) lorsque les images tournées montrent des personnes qui peuvent être identifiées. Selon l'art. 4 al. 2 LPD, le traitement de données doit être effectué conformément aux principes de la bonne foi et de la proportionnalité. La collecte de données personnelles et en particulier les finalités du traitement doivent être reconnaissables pour la personne concernée (art. 4 al. 4 LPD). La violation de ces principes constitue une atteinte à la personnalité (art. 12 al. 2 let. a LPD). L'art. 13 al. 1 LPD prévoit qu'une atteinte à la personnalité au sens de l'art. 12 LPD est illicite s'il n'existe pas de motif justificatif, à savoir le consentement de la victime ou un intérêt prépondérant privé ou public. Ces motifs justificatifs, dans le cadre pénal, doivent toutefois être retenus avec une grande prudence, notamment lorsque les atteintes à la personnalité concernent un grand nombre de personnes ou un nombre indéterminé de personnes (ATF 147 IV 16 consid. 2.3; 138 II 346 consid. 7.2 p. 358).  
 
1.3. En principe, les particuliers ne peuvent installer des systèmes de vidéosurveillance que pour surveiller les biens-fonds dont ils sont propriétaires (Fiche informative du préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT) "Vidéosurveillance effectuée par des particuliers"; internet: https://www.edoeb.admin.ch/edoeb/fr/home/protection-des-donnees/technologien/videoueberwachung/videosurveillance-effectuee-par-des-particuliers.html).  
Un système de vidéosurveillance privé qui filme l'espace public sera généralement jugé disproportionné et, donc, illicite. En effet, les particuliers ne pourront pas invoquer leurs intérêts en matière de sécurité pour surveiller l'espace public, dès lors que la tâche d'assurer la sécurité et l'ordre publics relève de la compétence des autorités (ATF 147 IV 16 consid. 3.1 au sujet de la sécurité du trafic). Pour des raisons de praticabilité, le préposé fédéral à la protection des données considère toutefois que les particuliers peuvent étendre leur surveillance sur une portion du domaine public lorsque celle-ci est petite et que la surveillance du terrain privé ne peut pas se faire par d'autres moyens (Fiche informative du PFPDT "Vidéosurveillance de l'espace public effectuée par des particuliers" internet: https://www.edoeb.admin.ch/edoeb/fr/home/protection-des-donnees/technologien/videoueberwachung/videosurveillance-de-lespace-public-effectuee-par-des-particulie.html; cf. aussi Boillat/Werly, La surveillance télévisuelle d'un bien immobilier, p. 70, in: La sphère privée du propriétaire, édité par Michel Hottelier et Bénédict Foëx, 2019). 
 
1.4. Dans le canton de Fribourg, la loi cantonale du 7 décembre 2010 sur la vidéosurveillance (LVid; RS 17.3) règlemente la vidéosurveillance du domaine public par des particuliers. Elle s'applique aux installations portant en tout ou en partie sur des lieux publics (art. 2 al. 1 LVid). Dans son message accompagnant le projet de la loi sur la vidéosurveillance, le Conseil d'État fribourgeois a précisé que "le projet régit également les installations mises en place par des particuliers lorsque la portée de celles-ci ne s'arrête pas aux limites des propriétés privées, mais "déborde sur le domaine public" (cf. Boillat/Werly, op. cit., p. 70). Les art. 4 à 7 LVid prévoient une autorisation du Préfet à la suite d'un préavis de l'Autorité cantonale de la transparence et de la protection des données si la vidéosurveillance intervient avec enregistrement.  
 
1.5. La cour cantonale a retenu que l'enregistrement litigieux était conforme à la LPD et, donc, licite. Elle explique que les enregistrements avaient été effectués de manière transparente, puisque la présence de la caméra était clairement indiquée sur la vitrine et que cette indication était visible depuis l'extérieur. Ensuite, selon la cour cantonale, les enregistrements se justifiaient par un intérêt de protection de la boutique et étaient proportionnés au but visé. En effet, l'intérêt à la sauvegarde de la sécurité de la boutique primait l'intérêt des personnes privées à ne pas être filmées, alors qu'elles empruntaient un passage sis sur une parcelle privée. La cour cantonale ajoute que, si le recourant s'était contenté de cheminer sur le domaine public, il se serait trouvé dans le champ de celle-ci fugacement et de manière non reconnaissable, ce qui ne saurait porter atteinte à ses droits de la personnalité (arrêt attaqué consid.2.3 p. 5).  
 
1.6.  
 
1.6.1. Le recourant fait valoir qu'il est impossible d'affirmer que la caméra qui se trouve à l'intérieur du magasin est visible par les piétons depuis l'extérieur. Selon lui, l'angle de vue de la caméra est si vaste, qu'il faudrait, pour que son installation soit jugée licite, que toutes les personnes potentiellement filmées puissent savoir qu'elles le sont. Les autocollants ne seraient pas non plus identifiables au vu de la distance comprise dans le champ de la caméra.  
La vidéo surveillance doit être transparente, c'est-à-dire clairement reconnaissable (art. 4 al. 4 LPD). Les personnes doivent être informées qu'elles sont filmées avant qu'elles ne pénètrent dans le champ de la caméra. A titre d'exemple, on relèvera que l'art. 8 de l'ordonnance fribourgeoise du 23 août 2011 sur la vidéosurveillance exige que le système de vidéosurveillance soit signalé par l'apposition d'un panneau informant sans équivoque les personnes se trouvant dans la zone surveillée de l'existence de l'installation, par exemple sous la forme d'un pictogramme, et mentionnant le responsable du système (OVid; RS 17.31). Le Tribunal cantonal fribourgeois a jugé dans un arrêt du 9 juin 2021 que la simple présence d'une étiquette signalant la caméra n'était pas suffisante pour conclure à un consentement libre et éclairé des personnes filmées au sens de l'art. 4 al. 5 LPD (TC/FR 502 2021 32/36). 
Le tribunal de première instance avait constaté que la caméra qui se trouvait à l'intérieur du magasin n'était pas visible depuis la rue et qu'elle permettait de filmer les personnes passant devant la vitrine du magasin et de l'autre côté de la rue, sans que ces dernières ne le sachent. S'écartant des constatations du juge de première instance, la cour cantonale a exposé, sans autre motivation, que "la présence de la caméra était clairement indiquée sur la vitrine et que cette indication était visible depuis l'extérieur. Le prévenu pouvait donc non seulement percevoir les autocollants indiquant l'existence de l'installation, mais devait également s'attendre à se trouver en présence d'un tel dispositif à proximité d'un magasin" (arrêt attaqué consid. 2.3, p. 5). Elle en a conclu que les enregistrements effectués l'avaient été de façon transparente. 
En l'absence de tout élément relatif à la grandeur des autocollants et au champ de la caméra, la cour de céans ne peut toutefois pas déterminer si les personnes pouvaient voir la caméra de surveillance avant qu'elles n'entrent dans le champ de la caméra et donc si, conformément à l'art. 4 al. 4 LPD, la collecte de données était reconnaissable. Les faits nécessaires à l'application de la LPD n'étant pas constatés, l'arrêt attaqué est contraire au droit fédéral (cf. art. 112 al. 1 let. b LTF; ATF 133 IV 293 consid. 3.4 p. 294 ss). Le recours doit donc être admis sur ce point et la cause renvoyée à la cour cantonale pour qu'elle complète l'état de fait, de manière que l'on puisse déterminer si la signalisation était bien visible, non seulement "depuis l'extérieur", mais pour toute personne qui pénétrait dans le champ de la caméra. 
 
1.6.2. Le recourant conteste également que les enregistrements de la caméra soient proportionnés.  
La vidéosurveillance doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 4 al. 2 LPD). Ce principe exige tout d'abord que la mesure envisagée soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude). Il faut aussi que le but visé ne puisse pas être atteint par une mesure moins incisive (règle de la nécessité). Enfin, le principe de la proportionnalité interdit toute limitation allant au-delà du but visé et postule un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (proportionnalité au sens étroit) (arrêt 5A_881/2022 du 2 février 2023 consid. 5.2 destiné à publication; ATF 147 IV 145 consid. 2.4.1; 146 I 70 consid. 6.4). Ainsi, la vidéosurveillance doit être pratiquée que si d'autres mesures moins attentatoires à la vie privée, comme un verrouillage supplémentaire, le renforcement des portes d'entrées ou un système d'alarme, s'avèrent insuffisantes ou impraticables (cf. Fiche informative du PFPDT "Vidéosurveillance effectuée par des particuliers" précitée). 
La cour cantonale affirme que les enregistrements effectués se justifiaient par un intérêt de la protection de la boutique et qu'ils étaient proportionnés au but visé, ajoutant que l'intérêt à la sauvegarde de la sécurité du magasin primait l'intérêt des personnes privées à ne pas être filmées dès lors qu'elles empruntaient un passage privé (arrêt attaqué consid. 2.3, p. 5). 
L'arrêt attaqué ne donne aucune information sur le commerçant du magasin dans lequel se trouvait la caméra ni sur la valeur des marchandises vendues. En l'absence d'informations sur ces points, il n'est pas possible de fonder une pesée des intérêts en présence. En outre, s'agissant du champ de la caméra, la cour cantonale s'écarte sans aucune motivation du jugement de première instance, affirmant que le recourant empruntait un passage sis sur une parcelle privée lorsqu'il a été filmé et que les personnes cheminant sur le domaine public n'étaient pas reconnaissables. On relèvera à cet égard qu'il ressort de l'extrait du Grand livre du registre foncier qu'il existe un passage public à pied grevant l'immeuble sis à la rue V.________ xx et que, partant, le passage sous l'arcade semble accessible à tout à chacun librement. Enfin, la cour cantonale n'analyse pas si d'autres mesures de protection moins incisives, telles qu'un système d'alarme ou une porte renforcée, auraient été éventuellement envisageables. 
En définitive, l'arrêt attaqué est insuffisant (cf. art. 112 al. 1 let. b et al. 3 LTF). Au vu de l'état de fait lacunaire et de l'absence de motivation, la cour de céans ne peut pas déterminer si la vidéosurveillance se trouvant dans le magasin sis à la rue V.________ xx était apte et nécessaire à la protection de la boutique et, partant, si le principe de la proportionnalité était respecté. Le recours doit donc également être admis pour ce motif et la cause renvoyée à la cour cantonale pour qu'elle complète l'état de fait et motive sa décision. 
 
2.  
Le recours doit être admis, le jugement attaqué doit être annulé et la cause doit être renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle instruction et nouveau jugement. 
 
Le recourant, qui obtient gain de cause, ne supporte pas de frais (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF). Il peut prétendre à de pleins dépens (art. 68 al. 1 LTF). La requête d'assistance judiciaire est ainsi sans objet (art. 64 al. 2 LTF). 
La cause étant jugée, la demande d'effet suspensif devient sans objet. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle instruction et nouveau jugement. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Le canton de Fribourg versera en mains de l'avocat du recourant une indemnité de 3'000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal de l'État de Fribourg, Cour d'appel pénal. 
 
 
Lausanne, le 13 avril 2023 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Denys 
 
La Greffière : Kistler Vianin