Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
7B_849/2023
Arrêt du 13 juin 2024
IIe Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Abrecht, Président,
Koch, Hurni, Kölz et Hofmann.
Greffière : Mme Kropf.
Participants à la procédure
A.________, représenté par Me Romanos Skandamis, avocat,
recourant,
contre
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy.
Objet
Investigation secrète et mesures techniques de surveillance,
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 28 septembre 2023 (ACPR/754/2023 - P/7884/2023).
Faits :
A.
A.a. Par plusieurs ordonnances rendues les 7 octobre, 4 novembre 2021 et 26 août 2022, le Ministère public de la République et canton de Genève (ci-après : le Ministère public) a ordonné une investigation secrète et des mesures techniques de surveillance, lesquelles visaient un bar à U.________. Il ressort de ces ordonnances que la police judiciaire menait une enquête concernant un important réseau de trafic de stupéfiants portant sur de grandes quantités de cocaïne et de haschich, substances qui étaient écoulées depuis un bar; les moyens traditionnels d'enquête n'ayant pas permis de comprendre le fonctionnement du réseau (méthodes d'approvisionnement, écoulement de la marchandise, identification des commanditaires), seul l'engagement d'un agent infiltré, respectivement l'installation de mesures techniques de surveillance, pouvait permettre de faire progresser l'enquête.
Dans des ordonnances rendues le 8 octobre 2021, le 5 novembre 2021 et le 29 août 2022 (OTMC_1), le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : le TMC) a autorisé l'investigation secrète et les mesures de surveillance secrète précitées. Il les a ensuite régulièrement prolongées, notamment par ordonnances des 31 janvier 2022, 4 mai 2022, 3 juin 2022 (OTMC_2), 25 novembre 2022 (OTMC_3), 2 décembre 2022 (OTMC_4) et 6 mars 2023 (OTMC_5).
A.b. Dans son ordonnance du 30 janvier 2023, le Ministère public a relevé que la mesure de surveillance secrète du bar avait permis d'établir l'implication de A.________ dans le trafic de stupéfiants s'y déroulant et qu'il se justifiait donc de placer un système de surveillance par vidéo sur la porte palière de son appartement. Ce même jour, il a également ordonné la pose d'un système de géolocalisation sur le véhicule automobile du précité.
Par ordonnances du 30 janvier 2023 (OTMC_6 et OTMC_7), le TMC a autorisé ces deux mesures de surveillance secrète.
A.c. Le 14 avril 2023, le Ministère public a autorisé l'exploitation des mesures de surveillance ordonnées notamment contre A.________. Selon cette ordonnance d'extension, la surveillance avait en effet révélé que le précité jouait un rôle de fournisseur; il était précisé que ce dernier était visé dès l'origine de la surveillance en tant que personne - certes alors inconnue - suspectée.
Par ordonnance du 19 avril 2023 (OTMC_8), le TMC a en particulier autorisé l'exploitation des données recueillies contre A.________ par le biais de l'investigation secrète et des mesures techniques de surveillance ordonnées précédemment.
A.d. A.________ a été arrêté le 30 mai 2023.
Le lendemain, il a été mis en prévention pour infraction grave au sens de l'art. 19 al. 1 et 2 de la loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants et les substances psychotropes (LStup; RS 812.121) en raison de soupçons de participation à un important trafic de stupéfiants. A l'issue de son audition par le Ministère public, il a été remis en liberté.
A.e. Lors de l'audition du 5 juin 2023 devant le Ministère public, les prévenus - dont A.________ - ont été informés des mesures de surveillance secrète mises en oeuvre en ce qui les concerne, des ordonnances y relatives rendues par le TMC et de leur droit de faire recours contre celles-ci.
A.f. Le 6 juin 2023, le Ministère public a mis un terme à l'investigation secrète.
B.
Par arrêt du 28 septembre 2023, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après : la Chambre pénale de recours) a rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, le recours formé par A.________ contre les ordonnances du TMC qui autorisaient la mise en oeuvre d'un agent infiltré du 8 octobre 2021, l'utilisation de dispositifs techniques du 5 novembre 2021, du 29 août 2022 (OTMC_1) ainsi que des 30 janvier 2023 (OTMC_6 et OTMC_7), qui étendaient la mesure de surveillance technique en cas de découvertes fortuites du 19 avril 2023 (OTMC_8) et qui prolongeaient les mesures précitées du 31 janvier 2022, du 4 mai 2022, du 3 juin 2022 (OTMC_2), du 25 novembre 2022 (OTMC_3), du 2 décembre 2022 (OTMC_4) ainsi que du 6 mars 2023 (OTMC_5).
C.
Par acte du 30 octobre 2023, A.________ interjette un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre cet arrêt, en concluant à sa réforme en ce sens que les ordonnances OTMC_2 du 3 juin 2022 (avec effet dès le 26 octobre 2022; ch. 3.1 des conclusions), OTMC_4 du 2 décembre 2022 (ch. 3.2 des conclusions), OTMC_1 du 29 août 2022 (avec effet dès le 26 octobre 2022; ch. 3.3 des conclusions), OTMC_3 du 25 novembre 2022 (ch. 3.4 des conclusions), OTMC_5 du 6 mars 2023 (ch. 3.5 des conclusions), OTMC_6 du 30 janvier 2023 (ch. 3.6 des conclusions), OTMC_7 du 30 janvier 2023 (ch. 3.7 des conclusions) et OTMC_8 du 19 avril 2023 (ch. 3.8 des conclusions) soient annulées et que la destruction immédiate de toutes les preuves recueillies sur leur base - soit en particulier de toutes les pièces dans la procédure depuis le 26 octobre 2022 - soit ordonnée. À titre subsidiaire, le recourant demande l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision. Il sollicite également l'octroi de l'assistance judiciaire, requête qu'il a étayée par la production de différentes pièces le 22 novembre 2023.
Invitée à se déterminer, l'autorité précédente a renoncé à déposer des observations. Quant au Ministère public, il s'en est remis à justice s'agissant de la recevabilité du recours et, sur le fond, a conclu à son rejet. À la suite de la communication de ces écritures, le recourant n'a pas déposé d'autres observations.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 149 IV 9 consid. 2).
1.1. Dans le cadre d'un recours en matière pénale, le Tribunal fédéral contrôle uniquement l'application correcte par l'autorité cantonale du droit fédéral en vigueur au moment où celle-ci a statué (ATF 145 IV 137 consid. 2.6 ss; 129 IV 49 consid. 5.3), respectivement à la date de la décision de première instance (cf. art. 453 al. 1 CPP; ATF 137 IV 145 consid. 1.1; 137 IV 219 consid. 1.1). Les ordonnances du TMC à l'origine du présent litige et l'arrêt cantonal attaqué ont été rendus antérieurement au 1er janvier 2024. Il n'y a donc pas lieu de tenir compte des modifications du Code de procédure pénale entrées en vigueur à cette date (RO 2023 468; arrêt 7B_6/2024 du 6 mai 2024 consid. 1.1 et les arrêts cités).
1.2.
1.2.1. L'objet de la contestation porté devant le Tribunal fédéral est déterminé par l'arrêt attaqué. L'objet du litige, délimité par les conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF), ne saurait s'étendre au-delà de l'objet de la contestation (ATF 144 II 359 consid. 4.3; 142 I 155 consid. 4.4.2; arrêt 7B_275/2024 du 8 avril 2024 consid. 4).
Le mémoire de recours doit contenir les conclusions et les motifs à l'appui de celles-ci (art. 42 al. 1 LTF). Les motifs doivent exposer succinctement en quoi l'acte attaqué viole le droit (art. 42 al. 2 LTF). Pour satisfaire à cette obligation de motiver, le recourant doit discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi il estime que l'autorité précédente a méconnu le droit. Il faut qu'à la lecture de son exposé, on comprenne clairement quelles règles de droit auraient été, selon lui, transgressées par l'autorité cantonale (ATF 148 IV 205 consid. 2.6; 142 I 99 consid. 1.7.1).
1.2.2. Dans les conclusions prises devant le Tribunal fédéral, le recourant ne remet plus en cause les ordonnances du TMC des 8 octobre 2021 (mise en oeuvre d'un agent infiltré), du 31 janvier 2022 (prolongation de cette mesure), du 5 novembre 2021 (utilisation de dispositifs techniques de surveillance), ainsi que du 31 janvier et du 4 mai 2022 (prolongation de ces mesures de surveillance).
1.2.3. A suivre l'argumentation développée sur le fond par le recourant, l'investigation secrète serait devenue illicite au vu des comportements adoptés par l'agent infiltré dès le 26 octobre 2022 (cf. notamment p. 15, 16 et 18 du recours).
Dans la mesure toutefois où les décisions du TMC en matière de surveillance secrète sont fondées sur les circonstances prévalant au moment où il statue (cf. ATF 141 IV 459 consid. 4.3 p. 465; 140 IV 40 consid. 4.2; arrêts 1B_273/2019 du 3 décembre 2019 consid. 2.2.3; 1B_450/2017 du 29 mars 2018 consid. 3.1), des actes ultérieurs ne permettent en principe pas de remettre en cause ses prononcés antérieurs. Il appartenait en conséquence au recourant de développer une argumentation spécifique visant à démontrer qu'au 3 juin 2022 (OTMC_2; ch. 3.1 des conclusions) ou au 29 août 2022 (OTMC_1; ch. 3.3 des conclusions), les conditions permettant la prolongation de l'investigation secrète ou la mise en place de dispositifs techniques n'étaient pas, respectivement plus, réalisées, ce qu'il ne fait pas. Faute de motivation, il n'y a par conséquent pas lieu d'entrer en matière sur les conclusions précitées.
1.2.4. L'autorité précédente a retenu que le recourant ne remettait en cause, matériellement, que les ordonnances relatives à l'investigation secrète, et non celles autorisant puis prolongeant les mesures techniques de surveillance instaurées en parallèle (cf. consid. 5.2 p. 7 de l'arrêt attaqué).
Dans son recours au Tribunal fédéral, le recourant ne développe aucune argumentation visant à soutenir le contraire, notamment en se référant à la motivation soulevée dans son recours cantonal. Il ne prétend en particulier pas que les mesures techniques seraient en l'espèce indissociables de l'investigation secrète et que le caractère illicite de celle-ci induirait
de facto l'illicéité de celles-là. Faute encore une fois de motivation, il n'y a pas non plus lieu d'entrer en matière sur les conclusions qui visent les ordonnances du TMC relatives à ce type de mesures (cf. OTMC_6 [caméra], OTMC_7 [balise GPS] du 30 janvier 2023; ch. 3.6 et 3.7 des conclusions), respectivement les considérants des ordonnances qui prolongeaient ces mesures (cf. OTMC_3 du 25 novembre 2022 et OTMC_5 du 6 mars 2023; ch. 3.4 et 3.5).
1.2.5. Sur le vu de ce qui précède, seules les conclusions relatives aux ordonnances du TMC prolongeant l'investigation secrète depuis le 2 décembre 2022 et autorisant l'exploitation des données récoltées dans ce cadre sont donc recevables (cf. OTMC_4, OTMC_3, OTMC_5 et OTMC_8; ch. 3.2, 3.4, 3.5 et 3.8 des conclusions).
1.3. Le recourant, prévenu mis en cause par l'investigation secrète, entend en substance faire constater l'illicéité de cette mesure, puis obtenir la destruction des éléments récoltés dans ce cadre. Il dispose par conséquent d'un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de l'arrêt attaqué et la qualité pour recourir doit lui être reconnue (cf. art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF; arrêt 1B_107/2022 du 3 janvier 2023 consid. 1 et l'arrêt cité).
1.4. Selon la jurisprudence, le recourant est par ailleurs susceptible de subir un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, dès lors qu'il peut en principe prétendre à la destruction immédiate des moyens de preuve résultant de l'investigation secrète en application de l'art. 289 al. 6 CPP (ATF 144 IV 90 consid. 1.1.3; 144 IV 127 consid. 1.3.1; arrêts 7B_6/2024 du 6 mai 2024 consid. 1.4.2 non destiné à la publication; 1B_107/2022 du 3 janvier 2023 consid. 1).
La recevabilité du recours est en outre donnée s'agissant de la contestation relative au refus d'entrer en matière de la part de l'autorité précédente sur l'une des conclusions prises par le recourant dans son recours cantonal (ATF 143 I 344 consid. 1.2; arrêt 7B_51/2024 du 25 avril 2024 consid. 1.1.2 et les arrêts cités).
1.5. Pour le surplus, les autres conditions de recevabilité étant réunies, il y a lieu d'entrer en matière.
2.
2.1. Se plaignant d'un déni de justice et de violations de son droit d'être entendu, ainsi que notamment des art. 289 al. 6 et 293 CPP , le recourant soutient en substance que la prolongation de l'investigation secrète après le 26 octobre 2022 serait illicite. Cela découlerait du comportement adopté dès cette date par l'agent infiltré, lequel l'aurait en particulier instigué à commettre des infractions. À l'appui de ses griefs, le recourant reproche notamment à l'autorité précédente d'avoir arbitrairement omis d'établir les actes de l'agent infiltré et d'avoir sur cette base déclaré à tort irrecevable sa conclusion tendant à la destruction des moyens de preuve résultant de l'investigation secrète.
2.2. A teneur de l'art. 285a CPP, il y a "investigation secrète" lorsque des membres d'un corps de police ou des personnes engagées à titre provisoire pour accomplir des tâches de police nouent de manière trompeuse, sous le couvert d'une fausse identité attestée par un titre (identité d'emprunt), des contacts avec des individus dans l'intention d'instaurer avec eux une relation de confiance et d'infiltrer un milieu criminel afin d'élucider des infractions particulièrement graves.
2.2.1. La mise en oeuvre de cette mesure secrète présuppose que des soupçons laissent présumer que l'une des infractions visées à l'art. 286 al. 2 CPP a été commise, que cette mesure se justifie au regard de la gravité de l'infraction et que les autres actes d'instruction accomplis jusqu'alors n'ont pas abouti ou que les recherches, à défaut de l'investigation secrète, n'auraient aucune chance d'aboutir ou seraient excessivement difficiles (cf. art. 286 al. 1 let. a à c CPP).
Dans le catalogue de l'art. 286 al. 2 CPP figurent notamment les infractions visées par les art. 19 al. 2 et 20 al. 2 LStup (cf. l'ancienne et l'actuelle let. f de cette disposition [RO 2011 4487; 2023 468]).
2.2.2. Lors d'une investigation secrète, la mission d'un agent infiltré est également soumise à l'autorisation du tribunal des mesures de contrainte (art. 289 al. 1 à 5 CPP, alinéas relatifs à la procédure et aux conditions d'autorisation). Selon l'art. 289 al. 6 CPP, le ministère public met fin sans délai à la mission si l'autorisation n'est pas accordée ou si aucune autorisation n'a été demandée; tous les documents et enregistrements établis pendant l'investigation doivent être immédiatement détruits; les informations recueillies dans le cadre de l'investigation secrète ne peuvent pas être exploitées.
En vertu de l'art. 296 CPP (constatations fortuites), lorsque, dans le cadre d'une investigation secrète, l'agent infiltré apprend l'existence d'infractions ne figurant pas dans la décision d'ordonner cette investigation, ces informations peuvent être utilisées dans la mesure où une investigation secrète aurait pu être ordonnée pour établir ces nouveaux faits (al. 1); le ministère public rend sans délai une décision ordonnant l'investigation secrète et engage la procédure d'autorisation (al. 2).
Si la mise en oeuvre de l'investigation secrète n'a pas été sollicitée ou autorisée - respectivement prolongée - par le tribunal des mesures de contrainte, il s'agit, en vertu de l'art. 289 al. 6 CPP, d'un cas d'inexploitabilité absolue (cf. art. 141 al. 1 2e phrase CPP; JOSITSCH/SCHMID, Praxiskommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 4e éd. 2023, n° 17 ad art. 289 CPP; TANJA KNODEL, in Basler Kommentar, Strafprozessordnung/Jugendstrafprozessordnung, 3e éd. 2023, no 26 ad art. 289 CPP et no 14 ad art. 293 CPP; SABINE GLESS, in Basler Kommentar, Strafprozessordnung/Jugendstrafprozessordnung, 3e éd. 2023, nos 48 et 52f ad art. 141 CPP; JEANNERET/GAUTIER/RYSER, in Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2e éd. 2019, n° 23 ad art. 289 CPP; MOREILLON/MAZOU, in Commentaire romand, Code de procédure pénale, 2e éd. 2019, n° 19 ad art. 293 CPP; JEANNERET/KUHN, Précis de procédure pénale, 2e éd. 2018, n° 14'137 p. 436 s.).
2.2.3. S'agissant de l'étendue de l'intervention de l'agent infiltré, le ministère public donne les instructions nécessaires à la personne de contact et à l'agent infiltré avant le début de la mission (art. 290 CPP). Ce dernier accomplit sa mission en se conformant aux instructions et rend compte de manière complète et régulière à la personne de contact ( art. 292 al. 1 et 2 CPP ).
Selon l'art. 293 al. 1 CPP, il est interdit à un agent infiltré d'encourager un tiers à commettre des infractions de manière générale ou de l'inciter à commettre des infractions plus graves et son intervention doit se limiter à la concrétisation d'une décision existante de passer à l'acte. L'activité d'un agent infiltré ne doit avoir qu'une incidence mineure sur la décision d'un tiers de commettre une infraction concrète (art. 293 al. 2 CPP). Si cela est nécessaire pour préparer le marché principal, l'agent infiltré est habilité à effectuer des achats probatoires et à démontrer sa capacité économique (art. 293 al. 3 CPP). Si l'agent infiltré a dépassé les limites de la mission autorisée, le juge en tient compte de manière appropriée lors de la fixation de la peine; il peut également libérer de toute peine la personne ainsi influencée (art. 293 al. 4 CPP).
La tromperie étant inhérente à la nature de l'investigation secrète, la seule violation de l'interdiction y relative prévue à l'art. 140 al. 1 CPP ne suffit en principe pas pour considérer que l'intervention de l'agent infiltré aurait dépassé le cadre de sa mission; la question d'une éventuelle inexploitabilité des moyens de preuve ne se pose donc généralement pas pour ce seul motif (ATF 148 IV 205 consid. 2.8.3 et 2.8.8). Les conséquences d'éventuels actes qui excèdent le cadre de la mission autorisée - définis notamment en lien avec l'art. 293 al. 1 à 3 CPP - sont prévues à l'art. 293 al. 4 CPP (ATF 148 IV 205 consid. 2.8.2, 2.8.4 et 2.8.8; KNODEL, op. cit., nos 11 s. ad art. 293 CPP). Cette disposition peut ainsi s'appliquer lorsque l'agent est infiltré dans un milieu criminel - actif notamment dans un trafic de stupéfiants - et que, dans ce cadre de sa mission, il influence la décision de la personne visée par la mesure de passer à l'acte afin de découvrir des infractions pas encore réalisées (ATF 148 IV 205 consid. 2.8.2 et 2.8.8). Vu la mention à l'art. 293 al. 4 CPP de la fixation de la peine, les contestations relatives aux éventuels dépassements des limites de la mission autorisée relèvent par conséquent en principe de la compétence du juge du fond (ATF 143 I 304 consid. 2.4; arrêt 7B_6/2024 du 6 mai 2024 consid. 2.8.1
in fine destiné à la publication; MOREILLON/MAZOU, op. cit., n° 24 ad art. 293 CPP).
La tromperie autorisée en cas d'investigation secrète ne signifie en revanche pas que les autres garanties prévues à l'art. 140 al. 1 CPP (soit l'interdiction des moyens de contrainte, de l'usage de la force, des menaces et des moyens susceptibles d'altérer les facultés intellectuelles ou le libre arbitre) perdraient leur validité et que de telles violations ne pourraient pas conduire à l'inexploitabilité des moyens de preuve récoltés en application des dispositions générales (cf. art. 140 al. 1 et 141 al. 1 CPP; ATF 148 IV 205 consid. 2.8.8 et 2.9; arrêt 7B_6/2024 du 6 mai 2024 consid. 2.3.3 destiné à la publication; KNODEL, op. cit., no 13 ad art. 293 CPP; JOSITSCH/SCHMID, op. cit., n° 8 ad art. 293 CPP).
2.2.4. Selon l'art. 297 al. 1 CPP, le ministère public met immédiatement fin à l'investigation secrète lorsque les conditions ne sont plus remplies (let. a), lorsque l'autorité compétente a refusé l'octroi ou la prolongation de l'autorisation (let. b) ou lorsque l'agent infiltré ou la personne de contact ne suit pas les instructions ou d'une quelconque manière ne respecte pas ses obligations, notamment en induisant sciemment en erreur le ministère public (let. c). Dans les cas visés à l'art. 297 al. 1 let. a et c CPP, le ministère public communique la fin de la mission au tribunal des mesures de contrainte (art. 297 al. 2 CPP). Lors de la clôture de la mission, il y a lieu de veiller à ce que ni l'agent infiltré ni d'autres personnes impliquées dans l'investigation ne soient exposés inutilement à des dangers (art. 297 al. 3 CPP).
2.3.
2.3.1. En l'espèce, le recourant ne conteste pas avoir saisi la cour cantonale d'un recours contre les ordonnances du TMC qui prolongeaient l'investigation secrète en application de l'art. 298 al. 3 CPP. Ce recours tend à examiner la légalité de la mesure et non sa valeur probante, cette dernière question relevant en effet du juge du fond (arrêt 1B_40/2016 du 12 avril 2016 consid. 1.2.2 et les références citées; KNODEL, op. cit., n° 14 ad art. 298 CPP; JOSITSCH/SCHMID, op. cit., n° 9 ad art. 298 CPP).
2.3.2. Dans le cadre du recours fondé sur l'art. 298 al. 3 CPP, le recourant peut demander la destruction des pièces récoltées au cours d'une mesure secrète non autorisée en application de l'art. 289 al. 6 CPP (cf. consid. 2.2.2 s
upra). Or, s'agissant de la réalisation des conditions posées à l'art. 286 al. 1 CPP (cf. consid. 2.2.1 s
upra), la cour cantonale a constaté que le recourant n'avait développé aucun grief visant à les remettre en cause, ce que ce dernier ne conteste pas; il ne le fait d'ailleurs toujours pas dans son recours au Tribunal fédéral. Faute de toute motivation sur ces questions, il ne saurait donc être reproché à l'autorité précédente d'avoir retenu l'existence de soupçons suffisants de la commission d'une infraction figurant dans la liste de l'art. 286 al. 2 CPP, la gravité de celle-ci, ainsi que la proportionnalité de la mesure mise en oeuvre, et d'avoir en conséquence confirmé les ordonnances du TMC prolongeant l'investigation secrète (cf. consid. 5.2 p. 7 de l'arrêt attaqué).
Il en découle que l'investigation secrète a été valablement prolongée, ce qui exclut d'ailleurs l'application par le Ministère public de l'art. 297 al. 1 let. b CPP pour mettre un terme à la mesure. Partant, les moyens de preuve récoltés au cours de l'investigation secrète ne sauraient être détruits en application de l'art. 289 al. 6 CPP.
2.3.3. Le recourant ne prétend ensuite pas obtenir la destruction de ces moyens de preuve en raison d'une violation de son droit de ne pas s'auto-incriminer (cf. l'hypothèse évoquée par l'autorité précédente au consid. 4.2 p. 6 de son arrêt; voir également ATF 148 IV 205 consid. 2.8.8). Il ne soutient pas non plus que ces éléments auraient été obtenus par le biais d'une méthode d'administration des preuves prohibée par l'art. 140 CPP (cf. consid. 2.2.3
in fine supra). En effet, pour obtenir la destruction des pièces, le recourant se prévaut uniquement d'un éventuel dépassement par l'agent infiltré du cadre de sa mission, problématique qui relève cependant du juge du fond (cf. art. 293 al. 4 CPP; cf. consid. 2.2.3
supra); il paraît au demeurant être à même de développer devant cette autorité ses critiques en lien avec l'éventuelle insuffisance de la compensation prévue par le droit suisse dans une telle configuration eu égard à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (cf. p. 17 du recours; sur ces questions, voir MYRIAM LUSTENBERGER, Die Strafzumessungslösung bei der verdeckten Ermittlung, in Jusletter du 16 janvier 2023).
En l'absence de toute argumentation, il n'est ainsi pas démontré à ce stade que les moyens de preuve résultant de l'investigation secrète auraient été récoltés en violation d'une disposition qui imposerait immédiatement leur retrait du dossier ou leur destruction (cf., par exemple, les art. 140 et 141 CPP ). Saisie d'un recours fondé sur l'art. 298 al. 3 CPP, la cour cantonale pouvait donc sans violer le droit fédéral se limiter en l'espèce à examiner si l'investigation secrète avait été prolongée de manière régulière et ne pas examiner en l'état les questions liées à l'exploitabilité des moyens de preuve en découlant (cf. consid. 4.2 p. 6 de l'arrêt attaqué). Cette issue suffit d'ailleurs également pour écarter toute omission arbitraire de sa part lors de l'établissement des faits.
3.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.
Le recourant a demandé l'octroi de l'assistance judiciaire (cf. art. 64 al. 1 LTF). Les conditions y relatives étant réunies, il y a lieu d'admettre cette requête et de désigner Me Romanos Skandamis en tant qu'avocat d'office pour la procédure fédérale et de lui allouer une indemnité à titre d'honoraires, qui sera supportée par la caisse du Tribunal fédéral (art. 64 al. 2 LTF). Le recourant est toutefois rendu attentif à son obligation de rembourser la caisse du Tribunal fédéral s'il retrouve ultérieurement une situation financière lui permettant de le faire (cf. art. 64 al. 4 LTF). Il ne sera pas perçu de frais judiciaires (art. 64 al. 1 LTF) ou alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
La requête d'assistance judiciaire est admise.
2.1. Me Romanos Skandamis est désigné comme avocat d'office du recourant et une indemnité de 1'500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral.
2.2. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public de la République et canton de Genève et à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève.
Lausanne, le 13 juin 2024
Au nom de la IIe Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Abrecht
La Greffière : Kropf