Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
1B_42/2012
Arrêt du 14 février 2012
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Fonjallaz, Président, Raselli et Eusebio.
Greffière: Mme Mabillard.
Participants à la procédure
A.________, représenté par Me Maria Josefa Areán Ulloa et Me Julien Perrin, avocats,
recourant,
contre
Ministère public de la Confédération, case postale 334, 1000 Lausanne 22.
Objet
Prolongation de la détention provisoire,
recours contre la décision du Tribunal pénal fédéral,
Ire Cour des plaintes, du 19 décembre 2011.
Faits:
A.
Le Ministère public de la Confédération (ci-après: le MPC) mène depuis le 1er février 2008 une instruction pénale dirigée contre plusieurs individus, dont A.________, pour blanchiment d'argent qualifié (art. 305bis ch. 2 CP), trafic aggravé de stupéfiants (art. 19 ch. 2 LStup) et appartenance à une organisation criminelle (art. 260ter CP). Le MPC soupçonne les prévenus d'être impliqués dans une organisation criminelle dirigée par le ressortissant bulgare B.________ et active, au niveau international et à grande échelle, dans le trafic de plusieurs tonnes de cocaïne entre l'Amérique du Sud et l'Europe et le blanchiment d'argent des fonds provenant de cette activité illicite, notamment en réinvestissant ceux-ci dans des biens immobiliers en Bulgarie à travers une multitude de comptes ouverts notamment en Suisse. A.________ est suspecté d'être le bras droit de B.________, principalement en charge de la mise en place et de la gestion de la structure économico-financière servant de véhicule pour les activités de blanchiment d'argent, en Suisse entre autres.
A la suite du mandat d'arrêt international émis par le MPC le 31 décembre 2010, A.________ a été arrêté en Slovénie le 30 juin 2011. Il ne s'est pas opposé à son extradition vers la Suisse où il est arrivé le 9 août 2011.
Par arrêt du 6 septembre 2011, le Tribunal pénal fédéral a rejeté le recours formé par A.________ contre l'ordonnance rendue le 11 août 2011 par le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après: le TMC) et qui prévoyait sa détention provisoire pour une durée maximale de trois mois.
B.
Acquiesçant à la demande du MPC, le TMC a ordonné, le 14 novembre 2011, la prolongation de la détention provisoire de l'intéressé jusqu'au 11 février 2012. Il a retenu l'existence de soupçons suffisants, un risque de collusion et un risque de fuite, ce dernier ne pouvant être pallié par la caution de Fr. 25'000 fr. proposée par le prévenu.
A.________ a porté sa cause devant le Tribunal pénal fédéral qui a rejeté son recours par arrêt du 19 décembre 2011.
C.
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler la décision du Tribunal pénal fédéral du 19 décembre 2011 et de lever immédiatement et sans condition la mesure de détention provisoire prononcée à son encontre. Subsidiairement, il conclut à sa mise en liberté dès que des sûretés à hauteur de 25'000 fr. seront constituées.
Le Tribunal pénal fédéral se réfère intégralement à sa décision. Le MPC conclut au rejet du recours. Le recourant a répliqué le 7 février 2012; il renvoie aux faits, moyens et conclusions de son recours.
Considérant en droit:
1.
Selon l'art. 79 LTF, le recours en matière pénale est recevable contre les décisions du Tribunal pénal fédéral portant sur des mesures de contraintes, notamment les décisions relatives à la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté au sens des art. 212 ss CPP. Le recourant a qualité pour agir au sens de l'art. 81 al. 1 let. a et let. b ch. 1 LTF. Les autres conditions de recevabilité du recours sont au surplus réunies.
2.
Une mesure de détention provisoire n'est compatible avec la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH) que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 221 CPP. Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité ( art. 36 al. 2 et 3 Cst. ; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par les besoins de l'instruction, un risque de fuite ou un danger de collusion ou de réitération (cf. art. 221 al. 1 let. a, b et c CPP). Préalablement à ces conditions, il doit exister à l'égard de l'intéressé des charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité (art. 221 al. 1 CPP; art. 5 par. 1 let. c CEDH; arrêt 1B_63/2007 du 11 mai 2007 consid. 3 non publié in ATF 133 I 168). Le Tribunal fédéral examine librement ces questions, sous réserve toutefois de l'appréciation des faits, revue sous l'angle restreint des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF (ATF 135 I 71 consid. 2.5 p. 73 s. et les références).
3.
Le recourant nie l'existence de charges suffisantes à son encontre. Il fait en outre valoir que le Tribunal pénal fédéral s'est appuyé sur des preuves illégales, récoltées en violation des droits de la défense.
3.1 Pour qu'une personne soit placée en détention préventive, il doit exister à son égard des charges suffisantes ou des indices sérieux de culpabilité, c'est-à-dire des raisons plausibles de la soupçonner d'avoir commis une infraction. L'intensité des charges propres à motiver un maintien en détention préventive n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons, même encore peu précis, peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit apparaître vraisemblable après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables (ATF 116 Ia 143 consid. 3c p. 146; GÉRARD PIQUEREZ, Traité de procédure pénale suisse, 2e éd., 2006, p. 540 et les références). Appelé à se prononcer sur la constitutionnalité d'une décision de maintien en détention préventive, le Tribunal fédéral n'a pas à procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge, ni à apprécier la crédibilité des éléments de preuve mettant en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure (ATF 116 Ia 143 consid. 3c p. 146).
3.2 En l'espèce, le recourant est suspecté d'avoir participé à une organisation criminelle soupçonnée de se livrer au trafic de drogue et de blanchir les fonds générés par ce trafic en réinvestissant l'argent dans des biens immobiliers en Bulgarie, mais également en Espagne et en Suisse. B.________ serait le chef de cette organisation. Le recourant a eu de très nombreux contacts avec ce dernier et aurait avoué à un co-prévenu qu'il était en charge de toute la gestion de la structure économico-financière de la famille B.________; ce co-prévenu a d'ailleurs constaté que B.________ était clairement le chef du recourant. Il ressort d'ailleurs du dossier que A.________ était muni de procurations pour agir en Suisse sur les comptes des gens qu'il représentait et qu'il s'est effectivement chargé de gérer les sociétés de B.________ dans notre pays. Il figure également comme ayant droit économique d'un des comptes ouverts par ce dernier et son ex-épouse en Suisse auprès de la banque X.________. En 2005, le recourant aurait par ailleurs tenté de venir déposer en compagnie d'un co-prévenu un montant d'environ un million d'euros en petites coupures au guichet de la banque X.________, ce que les employés de cette dernière ont refusé. Il semble aussi que le disque dur qui appartenait au recourant et qui a été séquestré chez un co-prévenu contenait des données permettant d'établir que de faux justificatifs antidatés ont été produits auprès du Crédit Suisse pour justifier l'origine de fonds qui y étaient déposés en espèce.
Le recourant conteste l'appréciation des faits par le Tribunal pénal fédéral. Il soutient que la culpabilité de B.________ n'est pas établie, puisque l'instruction ouverte en 2007 en Bulgarie n'a toujours pas conduit à un procès et que l'intéressé ne fait pas l'objet de mesures de contrainte. Par ailleurs, le recourant connaissait l'origine des fonds dont il s'est occupé pour B.________, à savoir le marché immobilier, dès lors qu'il est lui-même actif sur ce marché et qu'il connaît les activités de l'intéressé dans ce cadre. L'existence de liens entre le recourant et B.________ ne permet dès lors pas de retenir une infraction. Ces considérations ne permettent toutefois pas de tenir pour arbitraire l'établissement et l'appréciation des faits effectués par le Tribunal pénal fédéral. L'ensemble des éléments retenus dans la décision attaquée constitue en effet un faisceau d'indices suffisants de la culpabilité du recourant en relation avec sa participation à une organisation criminelle, malgré ses dénégations, étant rappelé qu'il appartiendra au juge du fond d'apprécier la valeur probante des différentes déclarations et de procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge. A cet égard, le grief relatif aux preuves illicites doit également être écarté; la question de savoir si les conditions de recevabilité des preuves invoquées par l'accusation sont effectivement remplies relève en effet de l'autorité de jugement, fonction que ne revêt pas en l'occurrence la Ire Cour des plaintes Tribunal pénal fédéral, juge de la détention.
4.
Le recourant conteste ensuite les risques de collusion et de fuite.
4.1 Le Tribunal pénal fédéral relève le caractère pour le moins vague du risque de collusion retenu par le TMC, tout en notant que le dossier recèle néanmoins suffisamment d'éléments pour fonder, à ce stade encore, un risque concret de collusion. Dans ses observations du 30 janvier 2012, le MPC mentionne que le recourant a encore été entendu à cinq reprises par la police judiciaire fédérale depuis le 30 novembre 2011. Ses co-prévenus ont aussi été interrogés entre-temps et une audition en contradictoire de l'intéressé a été agendée au 7 février 2012. Il estime dès lors, de prime abord, que le risque de collusion aura sensiblement diminué à partir de cette dernière date, de sorte que la relaxation du recourant pourrait être envisagée contre paiement d'une caution.
Quoi qu'il en soit, la question du risque de collusion peut rester indécise en l'espèce, puisque la prolongation de la détention provisoire du recourant est justifiée par un danger de fuite.
4.2 Le recourant, de nationalité bulgare, affirme lui-même "qu'il est bien établi en Bulgarie, avec femme, enfant et travail". Il n'a aucune attache avec la Suisse et ne dispose d'aucun titre de séjour valable dans notre pays. En raison de la gravité des faits qui lui sont reprochés - l'infraction de participation à une organisation criminelle est à elle seule passible d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus (art. 260ter CP) -, il est sérieusement à craindre qu'il ne soit tenté de prendre la fuite pour échapper aux poursuites pénales dont il fait l'objet. Le risque de fuite est dès lors réalisé.
C'est par ailleurs à juste titre que le Tribunal pénal fédéral a considéré que des mesures de substitution prévues aux art. 237 ss CPP ne pouvaient entrer en ligne de compte. Le recourant propose le versement d'une caution de 25'000 fr. pour garantir sa présence lors des phases ultérieures de la procédure. Ce montant proviendrait de la vente, par son épouse, d'un bien immobilier dont elle serait propriétaire avec sa mère. Or, le recourant n'a pas fourni de renseignements plus détaillés sur sa situation patrimoniale ainsi que sur celle de son épouse, qui pourrait lui servir de caution. En toute hypothèse, le montant proposé apparaît plus que modeste au regard des faits qui lui sont reprochés, s'agissant en particulier de blanchiment d'argent qualifié et de trafic aggravé de stupéfiants. A ce stade de l'enquête en tout cas, le versement de 25'000 fr. n'offre manifestement pas une garantie suffisante pour pallier le risque de fuite.
5.
Le recourant se plaint enfin d'une violation du principe de la proportionnalité. Il reproche pour l'essentiel au Tribunal pénal fédéral de s'être montré extrêmement exigeant pour juger des éléments établissant les souffrances causées par l'incarcération et d'avoir rejeté par principe tout argument lié à la fécondation in vitro. Il avait en effet allégué que la détention l'exposait à ne pas avoir de second enfant puisqu'il devait quitter le programme de fécondation in vitro qu'il avait pu difficilement intégrer dans son pays.
Dans son arrêt, le Tribunal pénal fédéral a considéré que l'argument de la fécondation in vitro, fût-il recevable - question souffrant de demeurer indécise malgré les sérieux doutes existant à cet égard -, n'en serait pas moins rejeté au vu de l'impossibilité d'établir un quelconque lien entre les documents produits et le recourant. Devant le Tribunal fédéral, l'intéressé soutient, sans que l'on ne puisse toutefois le suivre, que le simple fait qu'il ait pu produire un document relatif à ce programme de fécondation in vitro prouve qu'il lui était destiné. Il n'y a dès lors pas lieu de remettre en cause l'appréciation du Tribunal pénal fédéral à ce sujet.
Au surplus, comme il a été retenu dans l'arrêt attaqué, le principe de la proportionnalité est également respecté sous l'angle de la durée de la détention. En effet, au vu des éléments retenus à charge du recourant à ce stade, et en particulier son rôle de bras droit présumé du chef de l'organisation sous enquête, la détention provisoire subie à ce jour n'apparaît nullement disproportionnée au regard de la peine encourue.
6.
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté. Il n'y a pas lieu d'accorder l'assistance judiciaire, dès lors que le prévenu n'a pas allégué qu'il ne disposait pas de ressources suffisantes et encore moins apporté la preuve de son indigence (cf. art. 64 al. 1 LTF). Le recourant, qui succombe, doit par conséquent supporter les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, fixés à 1'500 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires du recourant, au Ministère public de la Confédération et au Tribunal pénal fédéral, Ire Cour des plaintes.
Lausanne, le 14 février 2012
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Fonjallaz
La Greffière: Mabillard