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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_26/2023  
 
 
Arrêt du 14 février 2023  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Jametti, Présidente, Rüedi et May Canellas, 
greffière Monti. 
 
Participants à la procédure 
1. B1.________, 
2. B2.________, 
3. B3.________ SA, 
tous trois représentés par 
Me Jean-Emmanuel Rossel, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
L.________, 
représenté par Me César Montalto, avocat, 
intimé, 
 
Y.________, 
concerné. 
 
Objet 
bail à loyer; nullité de la résiliation, 
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 25 novembre 2022 par la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud (n° 583, XC21.028802-220583). 
 
 
Faits :  
 
A.  
X.________ et Y.________ étaient copropriétaires à parts égales d'un appartement de 4,5 pièces au deuxième étage d'un immeuble sis [...] dans la commune de [...] (VD). 
Par contrats de bail du 26 juin 1987, ils ont loué leur bien à L.________ (le locataire) pour un loyer mensuel net de 1'600 fr. et lui ont simultanément cédé l'usage d'un garage à la même adresse moyennant 120 fr. par mois. 
Le premier terme de congé était fixé au 1 er juillet 1988. Les contrats étaient ensuite reconductibles d'année en année, sauf résiliation signifiée quatre mois avant la prochaine échéance.  
Le locataire a obtenu une baisse du loyer du garage à 115 fr. par mois dès le 1 er juillet 2006.  
En revanche, le loyer mensuel de son appartement a été augmenté à 1'628 fr. dès le 1er juillet 2008. 
X.________ est décédé. B1.________ et B2.________ (les propriétaires 1 et 2) lui ont succédé le 20 janvier 2010. 
Quant à Y.________, il a cédé sa part en vertu d'un acte notarié du 15 février 2021 à B3.________ SA (la propriétaire 3), société dont les propriétaires 1 et 2 étaient les seuls administrateurs. Il a conservé le droit d'habiter l'appartement qu'il occupait dans l'immeuble. 
Le [...] février 2021, la mutation a été annoncée au conservateur du registre foncier, qui a rejeté cette première réquisition d'inscription. Suite au dépôt d'une nouvelle requête le [...] mai 2021, B3.________ SA a été inscrite comme nouvelle copropriétaire à cette date-ci. 
Par formules officielles du 26 mars 2021, les "bailleur[s]" B1.________ et B2.________, "représenté[s]" par la gérance G.________, ont résilié les baux pour le 30 juin 2022. 
Le locataire a sollicité une baisse des loyers qui lui a été refusée au motif que les baux arrivaient à terme. 
 
B.  
 
B.a. Le 23 juillet 2021, le locataire a attrait les propriétaires 1, 2 et 3 ainsi que Y.________ devant l'autorité de conciliation en matière de baux à loyer. Le 1 er juillet suivant, il a déposé une demande devant le Tribunal des baux du canton de Vaud concluant à la nullité des résiliations, subsidiairement à leur annulation, plus subsidiairement à une prolongation des baux pour quatre ans, soit jusqu'au 30 juin 2026. Etait en outre requise une baisse du loyer de l'appartement à 1'270 fr. 50, respectivement du garage à 96 fr. par mois.  
Dans une correspondance du 9 novembre 2021 destinée au tribunal, Y.________ a mentionné qu'il n'avait pas pris part à la décision de résilier le bail, comme il n'était plus copropriétaire de l'immeuble depuis le 15 février 2021. Il a confirmé cette position le 2 décembre 2021. 
Par jugement du 27 janvier 2022, le tribunal spécialisé a constaté la nullité des congés notifiés au locataire: les formules officielles ne mentionnaient que deux des trois bailleurs, lesquels ne détenaient les biens loués qu'à raison d'une demie. Il a en outre fixé le loyer mensuel net de l'appartement à 1'283 fr. dès le 1er juillet 2022, sur la base d'un taux d'intérêt hypothécaire de 1,25 % et d'un indice suisse des prix à la consommation (IPC) de 159 points (mars 2021; base 1982). Le loyer du garage a été arrêté à 96 fr. 40 d'après le même taux d'intérêt et un IPC de 102,8 points (mars 2021; base 1982 [recte: 2005]). 
 
B.b. Le 25 novembre 2022, le Tribunal cantonal vaudois a rejeté l'appel formé par les propriétaires 1, 2 et 3.  
 
C.  
Ceux-ci ont interjeté un recours en matière civile à l'issue duquel ils requièrent l'irrecevabilité de la demande, subsidiairement son rejet. 
En réponse à leur demande d'effet suspensif, une ordonnance du 18 janvier 2023 leur a signifié que le recours, en tant qu'il visait la baisse de loyer accordée par l'autorité précédente, avait effet suspensif de plein droit dès lors qu'il était dirigé contre un jugement constitutif (art. 103 al. 2 let. a LTF). 
La cour de céans a renoncé à ordonner un échange d'écritures. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
La voie du recours en matière civile est ouverte. En particulier, les conditions afférentes à la valeur litigieuse minimale de 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF) et au délai de recours (art. 100 al. 1 LTF en lien avec les art. 45 al. 1 et 46 al. 1 let. c LTF) sont réalisées. Rien ne s'oppose dès lors à l'entrée en matière. 
 
2.  
Les recourants agissent sur deux fronts: la nullité de la résiliation des baux d'une part, et les baisses de loyer consenties d'autre part. 
 
2.1.  
 
2.1.1. L'autorité précédente a constaté que les congés étaient viciés:  
 
- La résiliation d'un bail devait être exercée conjointement par tous les cobailleurs. A défaut de notification commune, le congé était nul, sauf abus de droit. 
- En l'espèce, les congés avaient été donnés le 26 mars 2021. A ce moment-là, avaient qualité de bailleur les propriétaires 1 et 2 ainsi que Y.________. Ce dernier figurait encore au registre foncier comme copropriétaire des objets loués à raison d'une demie. L'inscription de B3.________ SA n'était intervenue que le [...] mai 2021. 
Y.________ aurait donc dû consentir à la décision de résilier les baux et être mentionné dans les formules officielles, ce qui n'avait pas été le cas. Partant, les résiliations étaient nulles (art. 266o CO cum art. 266l al. 2 CO).  
- Le procès-verbal d'audience du 27 janvier 2022 n'évoquait aucune déclaration de B1.________ censée confirmer les résiliations au nom de B3.________ SA. Aussi était-il superflu de traiter l'argument fondé sur cette prémisse. 
 
2.1.2. Les recourants ne contestent pas le premier pan, théorique, de cette argumentation. A raison. Le contrat de bail commun ( i.e. conclu par une pluralité de bailleurs et/ou une pluralité de locataires) est un rapport juridique unique, qui lie uniformément tous ceux qui en font partie. Le droit formateur de résilier le bail est indivisible. Il doit donc être exercé par tous les cobailleurs (ou tous les colocataires), faute de quoi la résiliation est nulle (ATF 140 III 491 consid. 4.2.1; 140 III 598 consid. 3.2 p. 600; arrêts 4C.17/2004 du 2 juin 2004 consid. 5.3.1 et 4C.331/1993 du 20 juin 1994 consid. 2b; PETER HIGI, Zürcher Kommentar, 5 e éd. 2020, n° 84 des remarques précédant les art. 266-266o CO; DAVID LACHAT, Le bail à loyer, 2019, p. 92). Partant, la formule officielle prescrite par l'art. 266l al. 2 CO doit être signée par tous les cobailleurs, ou par leur représentant commun agissant pour le compte de tous (LACHAT, op. cit., p. 838; cf. aussi arrêt 4A_193/2018 du 27 juillet 2018 consid. 4.1.1).  
 
2.1.3. La cour cantonale a constaté que le 26 mars 2021, les objets loués appartenaient aux propriétaires 1 et 2 ainsi qu'à Y.________, qui étaient donc les bailleurs titulaires.  
Les recourants persistent à soutenir que le prénommé aurait transféré sa part le [...] février 2021, soit avant les résiliations, plutôt que le [...] mai 2021. 
L'autorité précédente leur a pourtant dûment expliqué que la première réquisition d'inscription déposée en février 2021 avait été rejetée et que la nouvelle copropriétaire avait finalement été inscrite au registre foncier le [...] mai 2021, date de dépôt de la seconde réquisition. 
Les recourants ne plaident pas que cette présentation des faits serait entachée d'arbitraire. En droit, la Cour d'appel s'est fondée à raison sur la date d'inscription de la mutation au registre foncier ( i.e. la date de la réquisition ayant conduit à l'inscription) - plutôt que sur celle de l'acte de cession notarié, comme le suggèrent les recourants (art. 972 CC en lien avec art. 656 al. 1 CC; art. 81 et 89 al. 3 ORF [RS 211.432.1]; ATF 138 III 512 consid. 3.1 et 3.2; 118 II 119 spéc. consid. 3a).  
En d'autres termes, il était exact d'affirmer que B3.________ SA, inscrite au registre le [...] mai 2021, n'était pas encore copropriétaire ni cobailleresse lors de la résiliation des baux effectuée en mars 2021. Ce constat prive d'objet l'argument des recourants selon lequel les formules de résiliation incluraient de facto cette société au motif que son capital-actions était prétendument détenu par les propriétaires 1 et 2. Il se fonde en effet sur une prémisse erronée, à savoir que cette entité revêtait la qualité de cobailleresse au moment des faits décisifs.  
La gérance/représentante a rempli et signé les formules aux seuls noms des propriétaires 1 et 2. Est ainsi évacuée la question - controversée (arrêt précité 4A_193/2018 consid. 4.1.1; BOHNET/DIETSCHY MARTENET, in Droit du bail à loyer et à ferme, Commentaire pratique, 2 e éd. 2017, n° 15 ad art. 253 CO) - d'une ratification postérieure par Y.________.  
Dans ce contexte, la cour de céans ne peut que constater, elle aussi, la nullité des résiliations du 26 mars 2021. 
 
2.1.4. Les recourants objectent que toutes les parties au contrat ont participé à l'audience de jugement du 27 janvier 2022, où B3.________ SA était représentée par B1.________ en sa qualité d'administrateur. A cette occasion, les résiliations auraient été valablement confirmées pour le 30 juin 2022, ce qui aurait permis de remédier au vice de forme. Les recourants plaident également l'abus de droit.  
La jurisprudence autorise le bailleur à renouveler en cours de procès une résiliation lorsque la précédente était affectée d'un vice de forme, nonobstant l'art. 271a al. 1 let. d CO (ATF 141 III 101 consid. 2.8). L'argument se heurte déjà à un premier écueil: il eût fallu agir au moyen de la formule officielle (art. 266l al. 2 CO), et non par une hypothétique déclaration orale à l'audience, dont le procès-verbal ne contient d'ailleurs aucune trace. 
Enfin, l'état de fait ne contient pas de signes dénotant un procédé abusif du locataire, ce qui n'est reconnu que dans des cas exceptionnels (arrêt 4C.441/2006 du 23 mars 2007 consid. 5 rés. in DB 2008 N 24; pour un ex. d'abus, cf. arrêt 4A_189/2009 du 13 juillet 2009 consid. 3 et la note critique de PATRICIA DIETSCHY, in DB 2009 N 18 p. 35). La doctrine cite l'exemple du locataire qui, bien que se sachant lié à plusieurs bailleurs, continue d'agir comme s'il n'avait qu'un seul partenaire contractuel, dans le dessein d'en tirer profit ultérieurement (BOHNET/DIETSCHY MARTENET, op. cit., n° 13 ad art. 253 CO). 
En bref, le Tribunal fédéral ne discerne aucune violation du droit fédéral en lien avec la nullité des résiliations. 
 
2.2.  
 
2.2.1. Au second chapitre du litige, la cour cantonale s'est refusée à entrer en matière sur les baisses de loyer:  
 
- Les appelants (i.e. les recourants) se fondaient sur deux pièces nouvelles qui s'avéraient irrecevables. 
- Plus généralement, ils n'avaient allégué en première instance aucun élément sur lequel fonder leur argumentation. Ils invoquaient des faits ne figurant pas dans l'arrêt attaqué sans démontrer l'existence de lacunes. Ils ne prétendaient pas non plus qu'il s'agirait de faits nouveaux au sens de l'art. 317 CPC
 
2.2.2. La réponse déposée en première instance est effectivement réduite à la portion congrue. Les recourants s'étaient contentés d'alléguer que Y.________ n'était plus propriétaire de l'objet du bail et que la résiliation répondait à un besoin propre.  
Devant l'autorité de céans, les recourants jouent la carte des faits notoires: le rendement des loyers serait notoirement justifié; les loyers litigieux se situeraient notoirement dans les limites des loyers usuels du quartier. Le Tribunal fédéral ne peut guère suivre cette thèse, qui entremêle le fait et le droit et adopte des prémisses factuelles qui sont tout sauf notoires. Les recourants ne sauraient se dispenser d'alléguer et de prouver les faits propres à contrer la réduction de loyer demandée, soit à établir que les loyers litigieux ne procurent pas un rendement excessif, respectivement se situent dans la norme de la localité ou du quartier (ATF 121 III 163 consid. 2d/aa p. 165 et ATF 122 III 257 consid. 4b, pourtant cités par les recourants). 
Les recourants voudraient retourner contre le locataire un argument qu'il avait brandi à titre subsidiaire: il les soupçonnait de vouloir relouer les locaux pour plus de 2'000 fr. par mois (soit d'avoir exercé un congé économique abusif) et avait apparemment produit une offre de logement similaire pour 2'200 fr. 
Le caractère abusif du loyer ne peut être exclu par le simple fait qu'une telle offre est émise sur le marché pour un bien supposé comparable. On ne saurait interpréter l'argument du locataire comme un aveu du caractère non abusif du loyer, tant s'en faut, puisqu'il réclame précisément une baisse. 
En bref, les recourants se heurtent encore et toujours aux lacunes de leur écriture de première instance, et ils ont beau jeu de prétendre avoir été victimes d'un raisonnement "farfelu", "ahurissant" ou "renversant" de la part du Tribunal des baux. Ils sont bien en peine d'établir le début d'une violation du droit fédéral. L'art. 317 CPC n'a pas vocation à remédier aux excès de confiance d'un justiciable qui, après s'être cru sûr de son bon droit, voudrait utiliser l'appel pour remédier à une erreur de pronostic. 
Les recourants objectent encore que la pièce 104 contient des offres postérieures au jugement de première instance, si bien qu'elle serait nouvelle au sens de l'art. 317 al. 1 CPC
Le moyen de preuve en question rassemble une série d'offres d'appartements à louer, dans un cercle géographique s'étendant notamment d'Echallens à Froideville en passant par Epalinges. Sans examiner si elles entrent dans les notions de "localité" et de "quartier", ce qui semble sérieusement discutable (cf. art. 269a let. a CO; ATF 136 III 74 consid. 2.2.1; 123 III 317 consid. 4b/ee), l'on constatera que la recherche d'offres a été faite le 11 mai 2022, soit après le jugement de première instance; toutefois, cela ne préjuge pas de la date d'émission desdites offres. De toute façon, le coeur du problème réside dans le fait que les recourants n'ont pas soulevé le moyen de défense de l'art. 269a let. a CO dans leur réponse à la demande et qu'ils n'ont pas introduit en temps utile les allégations et moyens de preuve pertinents. 
Les griefs concernant la seconde branche du litige doivent ainsi être rejetés dans la (faible) mesure de leur recevabilité. 
 
3.  
En définitive, le recours dans son entier doit connaître le sort précité. Les recourants supporteront solidairement et à parts égales les frais de procédure (art. 66 al. 1 et 5 LTF). Ils seront en revanche dispensés de verser des dépens à l'intimé ou à Y.________ puisque ces personnes n'ont pas été invitées à se déterminer. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais de procédure, fixés à 4'500 fr., sont mis à la charge des recourants, débiteurs solidaires. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à Y.________ et à la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal vaudois. 
 
 
Lausanne, le 14 février 2023 
 
Au nom de la I re Cour de droit civil  
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
La Greffière : Monti