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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_385/2022  
 
 
Arrêt du 14 février 2023  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Jametti, Présidente, Hohl et Rüedi. 
Greffier : M. Botteron. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Yves Jeanrenaud et Me Mélisande Nussbaum, Avocats, 
recourante, 
 
contre  
 
1. B.________ SA, 
2. C.________, 
3. D.________, 
tous les trois représentés par 
Me François Roullet, avocat, 
intimés. 
 
Objet 
expulsion de locataires pour cause de non-paiement du loyer (art. 257d CO) selon la procédure de protection dans les cas clairs (art. 257 CPC); 
 
recours contre l'arrêt rendu le 8 août 2022 par la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève (C/23553/2021, ACJC/1034/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Par contrat de bail du 27 septembre 2019, la société A.________ SA a remis à bail à D.________ et C.________, dont les droits et obligations ont été repris par B.________ SA selon un avenant n° 1, une arcade commerciale d'environ 280 m2, avec local de 314 m2 et une dépendance pour une durée déterminée de 10 ans, soit du 11 octobre 2019 au 10 octobre 2029. Un loyer échelonné a été convenu. Les locaux étaient destinés à l'exploitation d'une brasserie-restaurant-bar. Une période de gratuité de loyer de six mois et demi a été accordée par la bailleresse en raison des travaux d'aménagement qui devaient être entrepris dans les locaux par les locataires, à leurs frais. L'acompte de charges forfaitaire était fixé à 1'638 fr. 75 par mois et était dû dès l'entrée en vigueur du bail. Par avenant n° 2, la période de gratuité a été étendue pour une nouvelle durée de huit mois, soit jusqu'au 31 décembre 2020. Selon cet avenant, le loyer était désormais fixé à 240'000 fr. par an (20'000 fr. par mois), charges non comprises, et serait dû dès le 1er janvier même si les travaux n'étaient pas achevés.  
 
A.b. A la suite d'une première mise en demeure de payer les loyers et les acomptes provisionnels des mois de janvier à avril 2021, les locataires n'ont effectué qu'un seul paiement de 20'000 fr. le 7 juin 2021. Les parties ont également accepté que la garantie de loyer par 108'000 fr. soit libérée en faveur de la bailleresse. Cet avis n'a pas été suivi d'une résiliation.  
 
A.c. Par avis comminatoire du 10 septembre 2021, la bailleresse a adressé aux locataires une deuxième mise en demeure de payer les loyers et acomptes provisionnels pour les mois de juin à septembre 2021, soit le montant total de 81'744 fr. 35 (loyer de juin en partie par 10'064 fr. 65, loyers de juillet à septembre par 64'620 fr. et acomptes provisionnels pour juin à septembre par 7'059 fr. 70, TVA comprise), à payer dans les 30 jours, à défaut de quoi elle résilierait le bail conformément à l'art. 257d CO.  
Par courriel du 7 octobre 2021, les locataires se sont engagés à payer le solde de juillet par 12'000 fr. et les loyers d'août à octobre 2021 (3 x 20'000 fr.) d'ici au 15 octobre 2021, soit un total de 72'000 fr., précisant toutefois que le loyer convenu n'était pas assujetti à la TVA. Ils ne se sont toutefois pas acquittés de ce montant. 
La bailleresse a, par avis sur formule officielle du 20 octobre 2021, résilié le bail pour le 30 novembre 2021. 
Par requête de conciliation du 18 novembre 2021 adressée à la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, les locataires ont contesté cette résiliation de bail. Ils ont exposé que les premiers travaux entrepris avaient été stoppés par le confinement, qu'il était devenu difficile d'obtenir un financement à cause de la crise sanitaire, qui rendait hasardeuse et risquée l'ouverture d'un établissement, qu'ils n'ont pas été en mesure d'exploiter le restaurant entre le 1er janvier 2021 et le 31 mai 2021, du fait de l'Ordonnance 2 COVID-19 et des différents arrêtés du Conseil d'État. Ils ont invoqué que ce défaut devait emporter réduction, voire suppression du loyer, que l'application de la clausula rebus sic stantibus devrait conduire à une réadaptation du contrat dans le sens d'une prolongation de la gratuité du loyer. Ils ont invoqué que le congé était abusif, la bailleresse faisant totalement fi de la crise sanitaire et des efforts consentis par les locataires.  
 
B.  
Le 2 décembre 2021, par requête de protection dans les cas clairs au sens de l'art. 257 CPC, la bailleresse a ouvert action en expulsion des locataires devant le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève et sollicité des mesures d'exécution, sous menace de l'art. 292 CP
Lors de l'audience, les locataires ont conclu à l'irrecevabilité de la requête, faisant valoir deux motifs: premièrement que le montant des loyers réclamés manquait de clarté, en ce qui concerne la TVA, et deuxièmement, que le cas n'était pas clair au regard de la jurisprudence de la Cour de justice. 
La bailleresse a persisté dans ses conclusions, précisant notamment que, depuis le mois de juin 2021, plus aucun montant n'avait été payé par les locataires et que l'établissement n'avait jamais ouvert. 
Par jugement du 27 janvier 2022, le Tribunal des baux et loyers a condamné les locataires à évacuer immédiatement les locaux. Il a autorisé la bailleresse à requérir l'évacuation des locataires par la force publique dès l'entrée en force de son jugement. 
Statuant sur l'appel des locataires le 8 août 2022, la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève a annulé le jugement attaqué et déclaré irrecevable la requête en protection du cas clair. 
Concentrant son examen sur les motifs que les locataires pourraient faire valoir à la suite de la fermeture des établissements publics ordonnée en raison de l'épidémie de Covid-19, en particulier sur la clausula rebus sic stantibus, la cour cantonale a considéré en bref que la situation juridique n'était pas claire: l'impact de la crise sanitaire sur les possibilités d'obtenir un financement et les répercussions dans le domaine de la construction pourraient conduire le juge à faire application de la clausula rebus sic stantibus et, partant, à reconsidérer les obligations des parties en lien avec le contrat de bail, et c'est le juge saisi de l'action en contestation du congé qui devrait se prononcer sur ces questions.  
Par surabondance, la cour cantonale a jugé qu'elle ignorait quels loyers avaient été éteints par le versement de 20'000 fr. des locataires et la libération de la garantie bancaire de 108'000 fr. de sorte que la situation n'était pas claire. 
 
C.  
Contre cet arrêt qui lui a été notifié le 10 août 2022, la bailleresse a interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral le 14 septembre 2022. Elle conclut principalement à sa réforme en ce sens que sa requête d'expulsion, assortie de mesures d'exécution, soit admise et, subsidiairement à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Elle soutient que la clausula rebus sic stantibus n'est pas applicable en l'espèce, que les locataires n'ont pas prouvé quel impact concret et individuel la crise sanitaire a eu pour eux, invoquant également l'arbitraire, et enfin que l'avis comminatoire précisait à quels mois il se rapportait et quels étaient les montants en souffrance.  
Dans leur réponse, les locataires soutiennent que de nombreuses questions subsistent sur l'application de la clausula rebus sic stantibus, le montant du loyer, l'arriéré et l'assujettissement à la TVA.  
Les parties ont encore déposé chacune de brèves observations. 
La cour cantonale s'est référée aux considérants de son arrêt. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) par la bailleresse, qui a succombé dans ses conclusions en expulsion des locataires (art. 76 al. 1 LTF) et dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue sur appel par le Tribunal supérieur du canton de Genève (art. 75 LTF) dans une affaire de droit du bail (art. 72 al. 1 LTF), dont la valeur litigieuse dépasse 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF; cf. ATF 144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3), le recours en matière civile est en principe recevable. 
 
2.  
Saisi d'un recours en matière civile contre une décision rendue en procédure de protection dans les cas clairs, le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il revoit ainsi librement l'application de l'art. 257 CPC (art. 95 let. a LTF; ATF 138 III 728 consid. 3.2, 620 consid. 5), pour autant que le recours soit motivé conformément aux exigences de l'art. 42 al. 2 LTF (ATF 140 III 115 consid. 2). Toutefois, le Tribunal fédéral n'est lié ni par les motifs invoqués par les parties, ni par l'argumentation juridique retenue par l'autorité cantonale; il peut donc admettre le recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en opérant une substitution de motifs (ATF 135 III 397 consid. 1.4; 134 III 102 consid. 1.1; 133 III 545 consid. 2.2). 
 
3.  
Lorsque le bailleur introduit une requête d'expulsion du locataire dont il a résilié le bail pour cause de retard dans le paiement du loyer ou de frais accessoires échus au sens de l'art. 257d CO, selon la procédure de protection dans les cas clairs de l'art. 257 CPC, la cause est soumise tant aux conditions de droit matériel de l'art. 257d CO qu'aux règles de procédure de l'art. 257 CPC
 
3.1. La réglementation de droit matériel mise en place par le législateur à l'art. 257d CO signifie que le locataire mis en demeure doit évacuer l'objet loué dans les plus brefs délais s'il ne paie pas le loyer en retard. Une prolongation du bail est exclue de par la loi (art. 272a al. 1 let. a CO). Selon la jurisprudence, la contre-créance invoquée en compensation par le locataire doit donc pouvoir être prouvée sans délai, sous peine de contrecarrer la volonté du législateur de permettre au bailleur de mettre fin au bail et d'obtenir l'évacuation du locataire dans les plus brefs délais (arrêt 4A_140/2014 du 6 août 2014 consid. 5.2). Cette exigence se justifie d'autant plus que le locataire qui prétend avoir une créance en réduction de loyer ou en dommages-intérêts pour cause de défauts de l'objet loué n'a ni le droit de retenir tout ou partie du loyer échu, ni la possibilité de consigner le loyer (arrêt précité, loc. cit.). Cette jurisprudence s'applique également dans le cadre de la procédure de protection dans les cas clairs de l'art. 257 CPC (cf. arrêts 4A_452/2021 du 4 janvier 2021 consid. 2.2 et 3.4; 4A_422/2020 du 2 novembre 2020 consid. 4).  
 
3.2. La procédure de protection dans les cas clairs de l'art. 257 CPC permet d'obtenir rapidement une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire lorsque la situation de fait et de droit n'est pas équivoque (ATF 138 III 620 consid. 5.1.1, avec référence au Message du 28 juin 2006 relatif au CPC, FF 2006 6959 ad art. 253; arrêt 4A_282/2015 du 27 juillet 2015 consid. 2.1).  
 
3.2.1. Aux termes de l'art. 257 al. 1 CPC, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire de protection dans les cas clairs lorsque les conditions suivantes sont remplies: (a) l'état de fait n'est pas litigieux ou est susceptible d'être immédiatement prouvé et (b) la situation juridique est claire. En revanche, si ces conditions ne sont pas remplies, le tribunal n'entre pas en matière sur la requête (art. 257 al. 3 CPC). Le juge ne peut que prononcer son irrecevabilité; il est en effet exclu que la procédure puisse aboutir au rejet de la prétention du demandeur avec autorité de la chose jugée (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 140 III 315 consid. 5).  
La procédure à suivre est la procédure sommaire des art. 248 ss CPC (art. 248 let. b CPC). Elle est régie par la maxime des débats (art. 55 al. 1 CPC), sauf dans les deux cas particuliers prévus par l'art. 255 CPC (lequel est réservé par l'art. 55 al. 2 CPC). Toutefois, dans l'application de cette maxime, il y a lieu de tenir compte des spécificités de la procédure de protection dans les cas clairs (ATF 144 III 462 consid. 3.2; arrêt 4A_218/2017 du 14 juillet 2017 consid. 3.1). 
 
3.2.2. La recevabilité de la procédure de protection dans les cas clairs est donc soumise à deux conditions cumulatives.  
 
3.2.2.1. Premièrement, l'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur; il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En règle générale, la preuve est rapportée par la production de titres, conformément à l'art. 254 al. 1 CPC. La preuve n'est pas facilitée: le demandeur doit ainsi apporter la preuve certaine ( voller Beweis) des faits justifiant sa prétention; la simple vraisemblance ( Glaubhaftmachen) ne suffit pas. Si le défendeur fait valoir des objections et exceptions motivées et concluantes ( substanziiert und schlüssig), qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la procédure du cas clair est irrecevable (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 620 consid. 5.1.1 et les arrêts cités).  
 
3.2.2.2. Secondement, la situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 138 III 123 consid. 2.1.2, 620 consid. 5.1.1, 728 consid. 3.3). En règle générale (cf. toutefois l'arrêt 4A_185/2017 du 15 juin 2017 consid. 5.4 et les références citées), la situation juridique n'est pas claire si l'application d'une norme nécessite l'exercice d'un certain pouvoir d'appréciation de la part du juge ou que celui-ci doit rendre une décision en équité, en tenant compte des circonstances concrètes de l'espèce (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 123 consid. 2.1.2; arrêt 4A_273/2012 du 30 octobre 2012 consid. 5.1.2, non publié in ATF 138 III 620).  
 
3.3. Il appartient au bailleur d'alléguer et de prouver les conditions de l'art. 257d CO (faits générateurs de droit; r echtserhebende Tatsachen), conformément aux exigences de l'art. 257 CPC. En effet, si le locataire conteste la résiliation du bail (art. 150 al. 1 in fine et 55 al. 1 CPC), le tribunal devra examiner la question de la validité de celle-ci à titre préjudiciel, autrement dit vérifier si les conditions matérielles de l'art. 257d al. 1 et 2 CO sont remplies. Les conditions de l'art. 257 CPC s'appliquent également à cette question préjudicielle (ATF 144 III 462 consid. 3.3.1; 142 III 515 consid. 2.2.4 in fine; 141 III 262 consid. 3.2 in fine; sur la notification de l'avis comminatoire et de la résiliation, cf. arrêt 4A_234/2022 du 21 novembre 2022 consid. 4.1).  
 
3.4. De son côté, le locataire qui oppose la compensation doit prouver celle-ci sans délai (faits destructeurs; rechtsvernichtende Tatsachen).  
Le locataire doit alléguer et prouver que, sommé de payer son loyer sous menace de résiliation, il a fait la déclaration de compensation avant l'échéance du délai de grâce de l'art. 257d al. 1 CO (ATF 119 II 241 consid. 6b/bb et cc; arrêts 4A_157/2021 du 15 juin 2021 consid. 7.2; 4A_422/2020 précité consid. 4.2 et les arrêts cités). Il doit également alléguer sa contre-créance et être en mesure de la prouver sans délai. Pour que soit respectée la volonté du législateur lors de l'adoption de l'art. 257d CO, le juge doit en effet pouvoir se prononcer sur l'existence et le montant de la contre-créance rapidement (arrêt 4A_140/2014 précité consid. 5.2). Il doit en aller de même lorsque le locataire prétend seulement à une réduction de son loyer. 
 
4.  
 
4.1. En l'espèce, il n'est pas contesté que l'avis comminatoire et la résiliation du bail respectent les conditions de délai prévues par l'art. 257d CO. Seul demeure litigieux le point de savoir si les locataires étaient en demeure de payer certains loyers et acomptes de charges.  
Dans son avis comminatoire, la bailleresse a mis les locataires en demeure de payer trois postes: une partie du loyer du mois de juin 2021 TTC (10'064 fr. 65 TTC), l'acompte provisionnel des mois de juin à septembre 2021 TTC (7'059 fr. 70 TTC) et les loyers des mois de juillet à septembre 2021 TTC (64'620 fr. TTC). Dans leur courriel responsif du 7 octobre 2021, les locataires ont rétorqué qu'ils avaient déjà réglé 6,4 mois de loyers et donc qu'ils devaient encore 12'000 fr. pour le mois de juillet (0,6 mois) et qu'ils s'engageaient à payer également d'ici au 15 octobre 2021 les loyers d'août à octobre (60'000 fr.), soit au total 72'000 fr. Ils ont précisé que le loyer convenu n'était pas assujetti à la TVA. C'est d'ailleurs ce seul dernier point qu'ils ont remis en cause dans leur requête en contestation du congé. 
Les locataires ont ainsi reconnu être en demeure pour 60 % du loyer de juillet (12'000 fr.) et l'entier des loyers d'août et septembre (40'000 fr.), soit au total 52'000 fr.; y ajoutant le loyer d'octobre, ils se sont engagés à payer le montant de 72'000 fr. d'ici au 15 octobre 2021. Cette reconnaissance et cet engagement leur sont opposables. Ils ne se sont pourtant pas acquittés de leur dette reconnue. En conséquence, ils ne sauraient se plaindre d'un manque de clarté de l'avis comminatoire parce que la bailleresse a inclus la TVA dans l'indication chiffrée des montants de ces mois de loyers en souffrance, et en tirer prétexte pour ne pas payer ces loyers et invoquer l'invalidité de la résiliation. La question de savoir si les acomptes provisionnels des mois de juin à septembre étaient dus et si la TVA devait être ajoutée ou non à tous ces postes peut rester indécise. 
 
4.2. En ce qui concerne la contre-créance en compensation ou en réduction du loyer prétendue par les locataires défendeurs, il ne ressort pas des faits constatés que ceux-ci l'auraient invoquée déjà dans le délai comminatoire de l'art. 257d al. 1 CO. En effet, en réponse à l'avis comminatoire, les locataires se sont engagés à payer le montant de 72'000 fr. d'ici au 15 octobre 2021, ce qu'ils n'ont en définitive pas fait. Ce n'est que dans leur requête en contestation du congé qu'ils ont, pour la première fois, prétendu à l'existence d'un défaut de la chose louée leur donnant droit à une réduction, voire une suppression de leur loyer, en lien avec l'Ordonnance 2 COVID-19, et invoqué à titre subsidiaire la théorie de l'imprévision. Faute d'invocation en temps utile, leur exception de compensation/réduction ne peut donc être prise en considération.  
Au demeurant, au vu des constatations de fait, il est évident que les locataires ne sont pas en mesure de prouver immédiatement leur contre-créance. 
 
Il s'ensuit que leur exception de compensation aurait dû être écartée dans le cadre de la présente procédure en protection du cas clair, sans préjudice du sort de leur prétendue créance dans un procès en paiement. 
 
5.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis, l'arrêt attaqué annulé et réformé en ce sens que la requête de la bailleresse en expulsion des locataires doit être admise, que les défendeurs doivent être condamnés à évacuer immédiatement les locaux et que la bailleresse doit être autorisée à requérir leur évacuation par la force publique, dans le sens du dispositif du jugement du Tribunal des baux du 27 janvier 2022, le présent arrêt étant en force dès son prononcé. Il n'y a pas lieu de renvoyer la cause à la cour cantonale pour nouvelle fixation des frais et dépens des instances cantonales, le droit genevois dispensant les parties de l'obligation de payer des frais judiciaires et de verser des dépens dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (art. 22 al. 1 LaCC/GE; ATF 139 III 182 consid. 2.6; arrêt 4A_219/2020 du 12 mars 2021 consid. 7). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et réformé comme suit: 
 
1.1. B.________ SA, C.________ et D.________ sont condamnés à évacuer immédiatement de leur personne, de leurs biens ainsi que de toute personne dont ils sont responsables, l'arcade commerciale d'environ 280 m 2 au rez-de-chaussée, le local de 314 m 2 au 1 er sous-sol et la dépendance au 2 ème sous-sol de l'immeuble sis à....  
 
1.2. Autorise A.________ SA à requérir l'évacuation par la force publique de B.________ SA, C.________ et D.________ dès ouverture du présent arrêt.  
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 9'000 fr., sont mis à la charge des intimés. 
 
3.  
Les intimés verseront solidairement à la recourante une indemnité de 10'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 14 février 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
Le Greffier : Botteron