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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
2C_490/2015  
 
{T 0/2}  
   
   
 
 
 
Arrêt du 14 mars 2016  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Zünd, Président, 
Seiler, Aubry Girardin, Donzallaz et Haag. 
Greffière : Mme Vuadens. 
 
Participants à la procédure 
Administration fédérale des contributions, Service d'échange d'informations en matière fiscale SEI, 
recourante, 
 
contre  
 
X.________, 
représenté par Me François Bellanger, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
Entraide administrative (CDI CH-FR), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour I, du 19 mai 2015. 
 
 
Faits :  
 
A.   
Le 11 avril 2012, la France a déposé auprès des autorités suisses une demande d'assistance administrative en matière fiscale au sujet de X.________, qui concernait l'impôt sur le revenu 2010 et l'impôt sur la fortune 2010 et 2011. Il ressortait du contrôle fiscal dont l'intéressé faisait l'objet qu'il n'aurait pas déclaré un compte ouvert en Suisse auprès de la Banque Y.________ (ci-après: la Banque), sur lequel il aurait perçu directement des honoraires destinés à une société française dont il était associé-gérant. Les autorités françaises ont demandé que leur soient transmis, outre les relevés de fortune et d'intérêt, les relevés de ce compte pour l'année 2010 et ceux de tous les autres comptes que X.________ détiendrait auprès de la Banque Y.________. 
L'Administration fédérale des contributions (ci-après: l'Administration fédérale) est entrée en matière et a obtenu de la Banque, le 3 mai 2012, les informations requises, qui concernaient deux comptes bancaires détenus par X.________. 
 
B.   
Par décision finale du 9 septembre 2014, l'Administration fédérale a accordé l'assistance administrative à la France. 
 
X.________ a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif fédéral. Par arrêt du 19 mai 2015, celui-ci a partiellement admis le recours (chiffre 1 du dispositif), réformé la décision du 9 septembre 2014 en ce sens que les relevés des comptes du recourant auprès de la Banque ne devaient pas être transmis aux autorités françaises, seul le montant total des versements effectués sur chacun des comptes de X.________ pouvant l'être (chiffre 2), mettant des frais réduits à la charge de X.________ (chiffre 3) et lui allouant une indemnité partielle à titre de dépens (chiffre 4). 
 
C.   
Contre l'arrêt du 19 mai 2015, l'Administration fédérale forme un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Avec suite de frais, elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il admet partiellement le recours de X.________ (chiffres 1 et 2 du dispositif) et demande qu'en conséquence, l'entier des frais relatifs à la procédure devant l'instance précédente soient mis à la charge de ce dernier et qu'aucun dépens ne lui soit alloué (cf. chiffres 3 et 4 du dispositif). 
Le Tribunal administratif fédéral a renoncé à prendre position. X.________ a présenté des déterminations en concluant au rejet du recours et à la confirmation de l'arrêt attaqué, sous suite de dépens. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. L'arrêt attaqué est une décision finale (art. 90 LTF), rendue dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) émanant du Tribunal administratif fédéral (art. 86 al. 1 let. a LTF). Seul un recours en matière de droit public est donc envisageable (cf. art. 113 LTF a contrario).  
 
1.2. Selon l'art. 83 let. h LTF, un tel recours est irrecevable contre les décisions en matière d'entraide administrative internationale, à l'exception de l'assistance administrative en matière fiscale. Il découle de l'art. 84a LTF que, dans ce dernier domaine, le recours n'est recevable que lorsqu'une question juridique de principe se pose ou lorsqu'il s'agit pour d'autres motifs d'un cas particulièrement important au sens de l'art. 84 al. 2 LTF. Il appartient au recourant de démontrer de manière suffisante en quoi ces conditions sont réunies (art. 42 al. 2 LTF; ATF 139 II 404 consid. 1.3 p. 410; 340 consid. 4 p. 342), à moins que tel soit manifestement le cas (arrêts 2C_963/2014 du 24 septembre 2015 consid. 1.3 destiné à publication; 2C_638/2015 du 3 août 2015 consid. 1.2; 2C_252/2015 du 4 avril 2015 consid. 3; 2C_511/2013 du 27 août 2013 consid. 1.3 non publié in ATF 139 II 451 mais in Pra 2014/12, p. 83).  
 
1.3. L'Administration fédérale recourante expose que l'arrêt attaqué soulève une question juridique de principe, qui porte sur le point de savoir dans quelle mesure le droit interne (en l'occurrence l'art. 127 de la loi sur l'impôt fédéral direct [LIFD; RS RS 642.11]) peut permettre de limiter les renseignements bancaires à transmettre à l'Etat requérant en application du droit international. Il s'agit là d'une question de principe, qui a toutefois déjà été tranchée par la Cour de céans dans l'arrêt 2C_1174/2014 du 24 septembre 2015 destiné à publication. Dans la mesure où cette question était encore ouverte au moment du dépôt du présent recours, il se justifie d'entrer en matière en l'espèce (arrêt 2C_216/2015 du 18 novembre 2015 consid. 1.3.2).  
 
1.4. Le recours a été interjeté par l'Administration fédérale des contributions, qui remplit, s'agissant des questions visées à l'art. 84a LTF, les conditions de l'art. 89 al. 2 let. a LTF (cf. ATF 140 II 539 consid. 4.2; arrêt 2C_1174/2014 précité consid. 1.3), de sorte que la qualité pour recourir doit lui être reconnue. Il a au surplus été déposé en temps utile (art. 100 al. 2 let. b LTF) et en la forme prévue (art. 42 LTF), de sorte qu'il est recevable.  
 
2.  
 
2.1. Le litige porte sur une demande d'assistance administrative déposée le 11 avril 2012 par les autorités fiscales françaises et qui concerne les années 2010 et 2011. Il est donc régi par la Convention du 9 septembre 1966 entre la Suisse et la France en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscale en vigueur depuis le 26 juillet 1967 (RS 0.672.934.91; ci-après: CDI CH-FR), complétée par son Protocole additionnel, dans leur version modifiée par l'Avenant conclu le 27 août 2009 et entré en vigueur le 4 novembre 2010 (cf. art. 11 par. 3 de l'Avenant; RO 2010 5683 ss).  
 
2.2. Sur le plan procédural, la demande, déposée le 11 avril 2012, n'est pas régie par la LAAF, mais, en vertu de l'art. 24 de cette loi, par l'arrêté fédéral du 22 juin 1951 concernant l'exécution des conventions internationales conclues par la Confédération en vue d'éviter les doubles impositions (RO 1951 891), transformé depuis le 1 er février 2013 en loi fédérale; FF 2011 5806 s.; RS 672.2). Cet arrêté conférait au Conseil fédéral la compétence de régler la procédure à suivre pour les échanges de renseignements stipulés dans une convention (cf. art. 2 al. 1 let. d de l'arrêté, abrogé le 1 er février 2013, par la LAAF; FF 2011, 5800). Sur la base de cette compétence, le Conseil fédéral avait adopté l'ordonnance du 1 er septembre 2010 relative à l'assistance administrative d'après les conventions contre les doubles impositions (RO 2010 4017; ci-après: OACDI), qui régit la présente procédure.  
 
2.3. Seule l'Administration fédérale a recouru contre l'arrêt du 19 mai 2015. Partant, l'objet du litige se limite aux points sur lesquels le Tribunal administratif fédéral a donné tort à l'Administration fédérale, l'admission de la demande d'assistance administrative dans son principe n'étant pas remise en cause.  
 
3.   
L'échange de renseignements entre la Suisse et la France est réglé à l'art. 28 CDI CH-FR en ces termes: 
 
"1. Les autorités compétentes des Etats contractants échangent les renseignements vraisemblablement pertinents pour appliquer les dispositions de la présente Convention ou pour l'administration ou l'application de la législation interne relative aux impôts de toute nature ou dénomination perçus pour le compte des Etats contractants, de leurs subdivisions politiques ou de leurs collectivités locales dans la mesure où l'imposition qu'elle prévoit n'est pas contraire à la Convention. (...) 
 
(...) 
 
3. Les dispositions des par. 1 et 2 ne peuvent en aucun cas être interprétées comme imposant à un Etat contractant l'obligation: a) de prendre des mesures administratives dérogeant à sa législation et à sa pratique administrative ou à celles de l'autre Etat contractant; b) de fournir des renseignements qui ne pourraient être obtenus sur la base de sa législation ou dans le cadre de sa pratique administrative normale ou de celles de l'autre Etat contractant; (...) 
 
(...) 
 
5. En aucun cas les dispositions du par. 3 ne peuvent être interprétées comme permettant à un Etat contractant de refuser de communiquer des renseignements uniquement parce que ceux-ci sont détenus par une banque, un autre établissement financier, un mandataire ou une personne agissant en tant qu'agent ou fiduciaire ou parce que ces renseignements se rattachent aux droits de propriété d'une personne. Aux fins de l'obtention des renseignements mentionnés dans le présent paragraphe, nonobstant le par. 3 ou toute disposition contraire du droit interne, les autorités fiscales de l'Etat contractant requis disposent ainsi des pouvoirs de procédure qui leur permettent d'obtenir les renseignements visés par le présent paragraphe. 
 
 
3.1. La condition de la pertinence vraisemblable prévue à l'art. 28 par. 1 CDI CH-FR a été examinée dans l'arrêt 2C_1174/2014 précité. Il en ressort qu'elle a pour but d'assurer un échange de renseignements le plus large possible, mais qu'elle ne permet pas aux Etats d'aller à la pêche aux renseignements ou de demander des renseignements dont il est peu probable qu'ils soient pertinents pour élucider les affaires d'un contribuable déterminé. La condition de la pertinence vraisemblable est réputée réalisée si, au moment où la demande est formulée, il existe une possibilité raisonnable que les renseignements demandés se révéleront pertinents. En revanche, peu importe qu'une fois fournis, il s'avère que l'information demandée soit finalement non pertinente. Il n'incombe pas à l'Etat requis de refuser une demande ou de transmettre les informations parce que cet Etat serait d'avis qu'elles manqueraient de pertinence pour l'enquête ou le contrôle sous-jacents. En outre, l'appréciation de la pertinence vraisemblable des informations demandées est en premier lieu du ressort de l'Etat requérant; le rôle de l'Etat requis se limite à examiner si les documents demandés ont un rapport avec l'état de fait présenté dans la demande et s'ils sont potentiellement propres à être utilisés dans la procédure étrangère. L'autorité requise n'a ainsi pas à déterminer si l'état de fait décrit dans la requête correspond absolument à la réalité, mais doit examiner si les documents demandés se rapportent bien aux faits qui figurent dans la requête et ne peut refuser de transmettre que les documents dont il apparaît avec certitude qu'ils ne sont pas déterminants (arrêt 2C_1174/2014 précité consid. 2.1, 2.1.1 et 2.1.2 destinés à la publication).  
En l'espèce, il découle des informations fournies par l'Etat requérant que la demande a pour but de compléter l'assiette de l'impôt sur le revenu de l'intimé pour 2010 et celle de l'impôt sur la fortune pour 2010 et 2011 par l'obtention d'informations sur les comptes bancaires dont il est titulaire auprès de la Banque, les autorités fiscales françaises soupçonnant que ces comptes lui ont servi à encaisser directement des honoraires qui échoyaient à une société française dont il était l'associé-gérant. Dans un tel contexte, il est à tout le moins vraisemblable que les relevés de compte, qui permettent de qualifier la nature et la provenance des entrées d'argent, soient pertinents pour procéder à l'imposition des personnes concernées en France (cf. arrêt 2C_1174/2014 précité consid. 4.6.2). Les juges précédents ne le contestent au demeurant pas (cf. consid. 8 à 12 de l'arrêt attaqué), ni du reste l'intimé. Au surplus, aucun élément ne laisse penser que l'imposition qui en découlerait en France serait contraire à la Convention (cf. art. 28 par. 1 in fine CDI CH-FR). 
 
3.2. Est en revanche litigieux le point de savoir si le droit interne suisse s'oppose à la transmission de ces documents.  
Les juges précédents considèrent que tel est le cas et que seul peut être communiqué aux autorités françaises le montant total des versements effectués sur chacun des comptes de X.________, l'Administration fédérale devant caviarder les écritures de débit et de crédit figurant dans les relevés de comptes ou établir, voire faire établir par la Banque, des attestations conformes à ces exigences. Ils fondent leur raisonnement sur l'art. 127 LIFD, applicable par renvoi de l'art. 28 par. 3 CDI CH-FR, au motif qu'il n'est pas compatible avec l'art. 127 LIFD, ni avec le principe de proportionnalité, de transmettre l'intégralité des écritures relatives à un compte en l'absence de soupçons quant à l'existence d'une infraction pénale au sens de droit fiscal suisse. En revanche, sur la base de l'art. 127 al. 1 let. e LIFD, les indications quant au montant total des versements effectués sur un compte peu-vent être demandées et transmises, ce qui permet de respecter les droits de la personne concernée et des tiers, sans menacer le recouvrement complet de l'impôt dans l'Etat requérant. Cette limitation s'imposerait d'autant plus dans le cas d'espèce que la France n'a pas particulièrement expliqué pourquoi elle avait besoin de telle ou telle information spécifique. 
L'administration recourante conteste l'applicabilité de l'art. 127 LIFD en l'espèce. Elle considère que la base légale pour obtenir des renseignements bancaires figure à l'art. 28 par. 5 CDI CH-FR, en lien avec l'art. 6 al. 2 OACDI. Refuser la transmission de l'intégralité des relevés de comptes bancaires en application de l'art. 127 LIFD et du principe de la proportionnalité reviendrait en outre à ne pas respecter le critère conventionnel de la pertinence vraisemblable des renseignements requis. 
 
3.2.1. La question de l'applicabilité du droit interne suisse en lien avec la transmission de documents bancaires a été tranchée dans l'arrêt 2C_1174/2014 précité.  
La Cour de céans y a jugé que le libellé de l'art. 28 par. 5 2e phrase CDI CH-FR, qui exclut, par une double formulation ("nonobstant le par. 3 ou toute disposition contraire du droit interne"), que le droit interne puisse s'opposer à la transmission d'informations visées à ce paragraphe, était suffisamment clair pour être directement applicable, que le caractère self executing de cette norme impliquait non seulement que le secret bancaire protégé aux art. 127 al. 2 LIFD et 47 de la loi fédérale du 8 novembre 1934 sur les banques (LB; RS 952.0) ne pouvait pas être opposé par une banque suisse pour refuser la transmission de documents bancaires, mais également que l'Administration fédérale disposait par là des pouvoirs de procédure nécessaires pour obtenir les renseignements bancaires vraisemblablement pertinents, nonobstant toute disposition de droit interne. La transmission de documents bancaires, dès lors qu'ils remplissaient la condition de la pertinence vraisemblable (cf. art. 28 par. 1 CDI CH-FR), ne pouvait être restreinte par une disposition de droit interne telle que l'art. 127 al. 1 LIFD
 
3.3. Il en découle que, contrairement à ce qu'ont retenu les juges précédents, la transmission des relevés de comptes litigieux, qui respecte l'exigence de la pertinence vraisemblable et, par là même, le principe de la proportionnalité, ne peut être refusée en application de l'art. 127 LIFD.  
 
4.   
Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis et l'arrêt attaqué annulé en tant qu'il admet partiellement le recours de X.________. En conséquence, la décision de l'Administration fédérale du 9 septembre 2014 doit être confirmée dans son intégralité. Compte tenu de l'issue du litige, les frais seront mis à la charge de l'intimé, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Il ne sera pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
En ce qui concerne les frais de la procédure antérieure, le Tribunal fédéral fera en l'espèce usage de la faculté offerte par l'art. 67 LTF dès lors que le montant des frais a été chiffré dans l'arrêt attaqué (cf. arrêt 4G_2/2013 du 3 février 2014 consid. 2). Les frais de procédure, fixés à 9'000 fr. (cf. chiffre 3 du dispositif) seront ainsi entièrement mis à la charge de l'intimé (art. 63 al. 1 PA), qui n'a par ailleurs droit à aucun dépens (art. 68 al. 5 LTF; art. 64 al.1 PA). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est admis. 
 
2.   
L'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 19 mai 2015 est partiellement annulé et la décision de l'Administration fédérale des contributions du 9 septembre 2014 confirmée. 
 
3.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de l'intimé. 
 
4.   
L'intimé supportera l'entier des frais découlant de la procédure antérieure, fixés à 9'000 fr. et n'aura droit à aucun dépens en lien avec cette procédure. 
 
5.   
Le présent arrêt est communiqué à la recourante, au mandataire de l'intimé et au Tribunal administratif fédéral, Cour I. 
 
 
Lausanne, le 14 mars 2016 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Zünd 
 
La Greffière: Vuadens